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Full text of "De la création actuelle de mots nouveaux dans la langue française et des lois qui la régissent"

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0^ 


53Ô 


DE  LA  CRÉATION  ACTUELLE 


DE 


MOTS    NOUVEAUX 

DANS  LA  LANGUE  FRANÇAISE 


DU  MEME   AUTEUR. 


Trnit<'  de  la  furmatioii  «les  mots  composas  dans  la  laiig^iie  fran- 
çaise, comparée  aux  autres  langues  romanes  et  au  latin;  1  fort  vol.  grand 
in-8".  Paris,  Vieweg,  1875. 

Deux  Élégies  du  Vatican,  textes  du  xiii"  siècle  publiés  pour  la  pre- 
mière fois  d'après  un  manuscrit  de  la  bibliothèque  du  Vatican,  et  accompa- 
gnés d'un  commentaire  philologique,  historique  et  littéraire;  in-S",  Nogent- 
le-Rotrou,  I81k. 

Phonétique  française  :  la  protonique  non  initiale^  non  en  position  j  in-8" 
Paris,  1876. 

Tableau  de  la  littérature  et  de  la  langue  française  au  xvi"  siècle, 

suivi  de  Morceaux  choisis  des  meilleurs  écrivains  en  prose  et  en  vers  de  cette 
époque  (en  collaboration  avec  M.  Hatzfeld)  ;  Paris,  Delagrave,  2  vol,  grand 
in-18,  1876-1877. 

Ile  Floovante,  vetustiorc  gallico  poemale,  et  de  Meruvingo  cyclo 

scripsit  et  adjecit  nunc  immum  cdita  Olavianarn  F  lovent  s  Sagœ  versionem  et 
excerpta  e  Parisiensi  codice  «  il  libro  de  Fioravante,  »  A.  Darmcsteter;  1  vol. 
in-8o.  Paris,  Vieweg,  1877. 


Typographie  Lahure,  rue  de  Flcurus,  9,  à  Paris. 


.  >>•  •» 


DE  LA  ORKATION  ACTUELLE 


DE 


MOTS    NOUVEAUX 

DANS  LA  LANGUE  FRANÇAISE 

ET  DES  LOIS  QUI  LA  RÉGISSENT 

PAK 

A    DAR3IESTETER 


PARIS 
F.    VIEWEG,    LIBKAIRE-ÉDITËUR 

67,    nUE    DE    RIC.IIKLIEU,   67 

,    1877 


PC 
2I7S- 


INTRODUCTION. 


I 

Du  jour  où  les  travaux  de  Raynouard  et  de  Diez  eurent  fondé 
la  philologie  romane,  de  tous  côtés,  en  France,  en  Italie,  en 
Allemagne,  dans  les  pays  Scandinaves,  toute  une  armée  d'ou- 
vriers se  mit  à  dcfriciier  le  terrain  nouveau  conquis  à  la 
science.  Notre  langue  en  particulier  fut  étudiée  dans  toutes  les 
époques  de  sa  vie  passée  et  dans  tous  les  éléments  de  son  or- 
ganisme. On  détermina  les  lois  générales  qui  ont  présidé  et  à 
sa  formation  et  à  ses  transformations,  et  qui  du  latin  populaire 
transporté  en  Gaule  par  les  légions  de  César  ont  fait  sortir 
successivement  le  français  des  Serments,  celui  du  Roland,  celv^ 
de  Froissard,  celui  de  Montaigne,  celui  de  Bossuet. 

Ce  mouvement  scientifique  continue  avec  une  force  crois- 
sante. Après  les  solutions  d'ensemble  et  les  vues  générales 
données  par  une  première  étude,  chaque  point  est  repris,  étu- 
dié à  part  et  pour  lui-même  :  les  sons,  les  formes,  les  con- 
structions, tous  les  éléments  de  la  langue  considérés  à  toutes 
les  époques  et  dans  tous  les  dialectes,  passent  et  repassent  à 
l'examen  d'une  critique  sévère,  qui  a  un  objet  défini,  une  mé- 
thode arrêtée,  un  critérium  exact,  bref  tous  les  caractères 
d'une  science  constituée. 

Mais,  dans  cette  vaste  enquête  dont  notre  langue  fait  l'objet, 
presque  tous  les  etîorts  de  la  science  n'ont  porté  jusqu'ici  que 
sur  les  questions  d'origine  et  sur  le  moyen  ù,^e.  C'est  le  latin 
populaire  qu'on  étudie,  c'est  la  langue  d'oil  et  la  langue  d'oc 
du  neuvième  au  quatorzième  siècle;  depuis  quelque  temps  on 
descend  jusqu'au  seizième:  si  les  écrivains  du  dix-septième 
n'ont  jamais  été  négligés,  ce  qu'on  étudie  en  eux,  c'est  avant 

1 


—  2  — 

tout  la  langue  des  classiques,  la  langue  du  grand  siècle,  c'est- 
à-dire  l'instrument  le  plus  parfait  que  notre  littérature  ait  ja- 
mais manié.  Les  recherches  dont  elle  fait  Tobjet  affectent  donc 
en  général  un  caractère  tout  littéraire  ;  sa  beauté  même  l'a 
soustraite  à  l'analyse  froide.  Enfin,  pour  une  cause  autre, 
mais  non  moins  puissante,  la  langue  moderne,  la  langue  con- 
temporaine semble  absolument  exclue  du  cercle  des  recher- 
ches linguistiques.  Gomme  nous  vivons,  comme  nous  pen- 
sons en  elle,  qu'elle  fait  partie  intégrante  de  nous-mêmes,  les 
changements  qui  se  font  en  elle  se  dérobent  à  la  conscience 
de  la  même  façon  et  pour  la  même  raison  que  ceux  qui  se  font 
en  nous.  Son  mouvement  nous  échappe,  nous  ne  la  sentons 
pas  qui  change  sur  nos  lèvres  ;  nous  oublions,  nous  ne  son- 
geons pas  que  jamais  langue  vivante  n'est  fixée,  que  la  langue 
contemporaine,  dernier  terme  des  évolutions  que  notre  idiome 
a  subies  dans  les  époques  antérieures,  n'est  que  le  point  de 
départ  de  celles  qu'il  doit  subir  dans  l'avenir  ;  qu'elle  aussi, 
comme  la  langue  ancienne,  a  ses  transformations,  son  mou- 
vement, son  devenir,  et  que,  régie  comme  elle  par  des  lois, 
elle  tombe  au  même  titre  sous  la  prise  de  la  science. 

Aussi  la  langue  contemporaine  ofîre-t-elle  au  philologue  un 
aussi  riche  sujet  d'étude  que  celle  des  périodes  passées;  et  ce 
serait  rendre  un  signalé  service  à  la  science  que  d'en  embras- 
ser l'ensemble.  Esquissons  rapidement  le  cadre  de  ces  re- 
cherches. 

On  peut  étudier  dans  une  langue  soit  les  sons,  soit  les  for- 
mes grammaticales,  soit  les  constructions,  soit  les  mots.  Les 
mots  eux-mêmes  s'étudient  soit  dans  leur  variation  de  sens, 
soit  dans  leurs  procédés  de  formation. 

a.  Si  nous  considérons  l'étude  des  sons,  la  phonétique,  quel 
est  l'état  de  la  prononciation  moderne?  Qu'est  devenu  l'ac- 
cent d'intensité  qui  a  exercé  une  action  si  puissante  dans  la 
formation  de  notre  langue,  qui  a  créé  le  français?  Quel  est  son 
rôle  présent,  son  degré  de  force?  Quelle  est  la  place  qu'il  oc- 
cupe? Existe-t-il  encore  des  diphthongues,  et  Vi  de  bien,  Vu 
de  puits  sont-ils  encore  des  voyelles?  Toi  renferme-t-il  une 
consonne  et  une  diphthongue  (f,  oi),  ou  deux  consonnes  arti- 
culées et  une  voyelle,  [t,  w,  a)?  Pourquoi  17  mouillée  dispa- 
raît-elle? Quelles  sont  les  consonnes  qui  s'éteignent,  et  dans 
quels  cas?  Quelle  est  l'influence  de  l'orthographe  sur  la  pro- 
nonciation?  Si  l'on  commence  à  prononcer  prom-pt  itude^ 


—  3  — 

do)n-pl-cr  au  lieu  de  prontitude,  douter,  pourquoi  l'ancienne 
prononciation  le  ne  ai  mars,  le  cinq  mai,  etc.,  commence-t  elle 
à  faire  place  au  neu  mars,  au  cin  mai?  Quelle  modification  a 
subie  la  liaison  entre  les  mots?  Telles  sont,  entre  beaucoup 
d'autres,  quelques-unes  des  questions  que  soulève  la  phoné- 
tique actuelle*. 

6.  Passant  aux  formes  grammaticales,  il  serait  intéressant 
d'établir  que  la  langue  vivante  ne  forme  plus  de  pluriel  par 
l'addition  d'une  s,  puisque  la  prononciation  ne  distingue  plus 
le  singulier  du  pluriel  (père  =  ^)èr',  pères=-pèr'),  et  qu'à  l'ar- 
ticle d'ordinaire  est  dévolue  la  charge  dp  faire  cette  distinction 
[le  père,  les  pères  =  le  pèr'  lépèr');  que  le  passé  défini  et  l'im- 
parfait du  subjonctif  ont  disparu  de  la  langue  populaire  ;  que, 
par  suite  d'altérations  phonétiques,  la  prononciation  tend  à 
ramener  les  formes  verbales  à  des  thèmes  ;  que  dans  la  plu- 
part des  temps,  quatre  formes  sur  six  :  [je]  chante, [tu]  chantes, 
[il]  chante,  [ils)  chantent-,  se  ramènent  à  une  forme  unique 
chant',  et  que  seules  la  première  et  la  seconde  personne  du 
pluriel  [nous)  chantons,  [vous)  chantez  conservent  une  ombre 
de  flexion  [chant-on,  chant-é);  que  quatre  fois  sur  six,  dans  la 
plupart  des  temps,  les  pronoms  seuls  servent  à  déterminer 
les  personnes  ;  bref,  que  le  français  descend  ici  à  l'étage  an- 
glais. 

Considérons  encore  la  conjugaison  populaire  du  verbe  ai- 
mer et  du  verbe  être. 

VERBE  aim,er. 

j'aime,  prononcé  j'èm\ 
t'aimes,  t'èm', 

il  aime,  il  èm', 

nous  aimons,  nouz  énion, 

vous  aim,ez,  vouz  émé, 

ils  aiment,  iz  èm'. 

1.  Le  consciencieux  ouvrage  de  Malvin  Cazal  sur  la  prononciation  française  au 
dix-neuvième  siècle  est  rempli  d'observations  minutieuses  et  sagaccs.  II  manque 
toutefois  à  cet  ouvrage  une  connaissance  plus  approfondie  de  la  physiologie  des 
sons,  et  de  l'histoire  antérieure  de  la  prononciation.  Le  livre  est  une  statistique 
sèche  que  n'anime  pas  la  vue  historique. 

2.  Et  de  même  à  l'imparfait  :  je  chantais,  lu  clutntais,  il  chantait,  ils  chan- 
taient ;  au  conditionnel  :  je  chanterais,  tu  chanterais,  il  chanterait,  ils  chan- 
teraient; au  présent  du  subjonctif:  (que)  je  chante,  tu  chantes,  il  chante,  ils 
chantent.  Au  passé  délitii  ot  à  l'imparfait  du  subjonctif,  une  forme  sert  on  géné- 
ral à  trois  personnes. 


VERBE  èlre. 

f  suis,  prononcé  cli  nul, 
Ces,  Ce, 

il  est,  il  è, 

nous  sommes,  non  sàm\ 

vous  êtes,  '  vouz  et', 

ils  sont,  i  son. 

Ne  semble-t-il  pas  que  dans  fèm\  Cèm";  ch'  sui,  Ce,  etc.,  il 
y  ait  un  commencement  de  fusion  du  pronom  avec  le  verbe? 
que  le  pronom  devienne  comme  une  flexion  verbale,  analogue, 
sinon  par  l'origine  et  par  la  place  qu'elle  occupe,  du  moins  par 
la  l'onction  {{u'elle  remplit,  à  celle  que  présentent  les  fmales-o, 
-s,  -t  dans  le  latin  vicle-o,  vides,  vide-t?  en  un  mot  que,  dans 
(juatre  formes  sur  six,  le  français,  surtout  dans  les  verbes 
commençant  par  une  voyelle,  passe  à  l'étage  sémitique? 

Arrivons  à  la  conjugaison  interrogative  ou  exclamative.  En 
voici  le  paradigme  dans  la  langue  populaire. 

VERBE  être. 

suis-je-ti?  prononcé  sui-f-ti? 

es-tu  ou  es-tu-ti?  è-tu  ou  è-tu-li? 

est-il?  est-elle  ou  elle  est-ti?  è-ti?  è-t-èV  ou  èC  è-ti? 

aomtnes-nous  ou  sommes-nous-  sôm'-nou  ou  sùnC-nou-liY 

ti? 

ètes-vous  ou  ètes-vous-ti?  èC-vou  ou  èC-vou-ti? 

sont-ils?  sont-elles  on  elles  sont'  son-ti?  son-lèC  ou  èC  son-li? 

ti? 

VERBE  aimer. 

faime-ti!  prononcé  fèrrC-ti! 

aimes-tu  ou  aimes-tu-ti!  ènC-tu  ou  èm'-tu-li! 

aime-t-il!   aime-t-elle   ou    elle  èm'-ti!  èm'-t-èC  ou  cC  èm'-ti! 

aime-ti  ! 

aimons-nous  on aimons-nous-ti!  émon-nou  ou  émon-nou-ti! 

aimez-vous  ou  aimez-vous-ti!  émé-vou  ou  émé-vou-ti! 

aiment-ils!  aiment-cUen  ou  elles  èm'-ti!  èm'-t-èC  ou  èlz  èm'-ti*! 

aiment-ti! 

1.  «  Ti  ou  ty  est  une  enclilique  qui  s'ajoute  à  la  seconde  personne  sing.  ou  plur. 
(le  n'iinpoitc  quel  temps,  lorsqu'il  y  a  interrogation  :  Vcux-tu  ti?  voulez-vous  hj'.' 


D'où  viennent  ces  formes  monstrueuses  :  mi-f-ti?  fèm'-li? 
(H'  èm'-ti?  D'une  action  de  l'analogie.  Est-il  se  prononce  èti, 
et  comme  la  forme  directe  est  a  le  son  è,  le  peuple  analyse 
tHi,  non  en  èt-{-i,  mais  en  6'  +  ^*;  ^i  devient  donc  le  signe  de 
l'interrogation  et  se  transporte  d'abord  aux  formes  comme 
suis-je,  où  l'efîacement  du  pronom  enclitique  je  rend  l'inter- 
rogation à  peine  sensible,  puis  aux  autres  formes.  De  même, 
dans  aime-t-il  =  aime-ti,  ti  se  détache  de  aime  et  se  reporte  à 
faime^.  «  La  fille  à  Jérôme,  ah!  je  Vaime-ti!  »  dit  la  chanson 
populaire. 

Cette  conjugaison,  si  monstrueuse  qu'elle  soit,  ne  paraît 
pas  plus  illégitime,  à  qui  considère  l'action  invincible  de  l'a- 
nalogie et  les  triomphes  innombrables  qu'elle  a  remportés 
dans  notre  langue,  que  celle  qui  a  tiré  les  formes,  jadis  bar- 
bares, devenues  classiques,  faide,  tu  aides,  il  aide,  nous  ai- 
dons, vous  aidez,  ils  aident,  des  formes  du  moyen  âge  :  j'aiu, 
tu  aiues,  il  aiuet,  nous  aidons,  vous  aidiez,  ils  aiuent;  toutes 
formes  qui  sont  les  représentants  si  fidèles  et  si  corrects  des 
formes  latines  étymologiques  :  aiûto,  aiûtas,  aiûtat,  aiutdmus, 
aiutâtis,  aiûtant.  Cette  conjugaison  barbare  de  la  langue  po- 
pulaire est  aussi  naturelle  que  celle  de  l'italien  classique  qui 
modèle  la  déclinaison  de  son  pronom  sur  la  conjugaison  de 
son  verbe  [egli  egli-no,  il  eux;  d'après  cânla  cdnta-no);  que 
celle  du  portugais  qui  transporte  à  l'infinitif  les  flexions  de  la 
conjugaison  [cantar-mos,  cantar-des,  cantar-em,  d'après  l'ar- 
chaïque cante-mos,  cante-des,  cant-em^);  que  celle  du  dialecte 
messin,  qui  conjugue  son  infinitif  négatif  sur  le  modèle  de 
son  impératif  [ne  minjer  me,  ne  m,injanr  me,  ne  m,injeur  me, 
d'après  minj,  minjan,  minjeu^);  que  celle  de  l'anglais  popu- 

as  lu  li?  avcz-vous  ii?  irons-nous  <j/ ?  viendras-tu  /i?otc.  Les  exemples  en  sonl 
très-communs  dans  tous  les  écrits  en  langage  populaire,  depuis  la  Fronde  jusqu'à 
présent.  >•  (Charles  Msard,  Étude  sur  le  latigarje  populaire  ou  palois  de  Paria 
et  de  sa  banlieue,  Paris,  1872,  in-S",  p.  283).  L'auteur  a  tort  de  restreindre  celte 
conjugaison  à  la  seconde  personne.  Il  donne  lui-même  comme  exemple  irons- 
nous  Itj. 

1.  Aime-t-il,  on  le  sait,  est  l'archaïque  aimet-tl,  c'est  à-dire  amat  ille.  ].e  Iran- 
çais  populaire  snîs-je-ti,  faime-ti  est  donc  étymologiquement  le  latin  sum-er/o- 
{es)t-iUe;  ajo  anio-(a)t-ille! 

2.  Formes  du  subjonctif. 

3.  Le  patois  messin  a  un  impératif  négatif  forme,  comme  l'italien,  de  l'infinitif, 
iicconipagné  de  la  négalion  :  ne  minjer  me  «ne  manger  mie,  ne  manger  pas», 
c'est-à-dire  ne  mange  pas.  Cet  '\i\i\mli{  minjer  se  conjugue  sur  le  modèle  de  minj 
«  mange»,  minjan.  «mangeons»,  minjeu.  «mangez  »,  et  donne  «f  minjanr  me 
(ne  pas  manger  nous),  «ne  mangeons  pas»  ;  ne  minjeur  me  (ne  pas  manger  vous) 
«  ne  mangez  pas  ».  —  Voir  E.  Holland,  dans  la  Romania,  V,  p.  22.'). 


laire  qui  de  ain'l  «  Je  ne  suis  pas  »,  transformation  phoné- 
tique de  I  ani  not,  tire  par  analogie  you  ain'l,  «  vous  n'êtes 
pas  »,  littéralement  you  I  mn  not,  <■<■  vous  je  ne  suis  pas  «  ; 
'tain't,  «  ce  n'est  pas  »,  littéralement  ce  ne  suis  pasK 

La  théorie  des  pronoms,  des  démonstratifs,  des  mots  inva- 
riables, la  classification  des  conjugaisons,  donneraient  lieu  à 
constater  bien  des  phénomènes  de  même  ordre. 

c.  L'étude  de  la  syntaxe  moderne  reste  à  faire,  et  chaque 
point  soulève  des  questions  qui  toutes  ne  se  laissent  pas  en- 
core résoudre.  Suivant  les  règles  de  la  grammaire,  le  participe 
passé  construit  avec  l'auxiliaire  avoir  s'accorde,  comme  un 
attribut,  avec  son  régime  direct  quand  il  en  est  précédé  ;  sui- 
vant les  lois  de  la  langue,  il  doit  être  aujourd'hui  invariable, 
parce  que  la  langue  n'y  reconnaît  plus  un  attribut,  un  adjec- 
tif, mais  un  verbe.  L'ordre  des  mots  de  la  proposition  n'a  pas 
encore  été  expliqué.  Pourquoi,  tandis  que  le  dix-septième  siè- 
cle disait  :  il  se  va  promener,  je  te  dois  écrire  une  lettre,  le  dix- 
neuvième  dit-il  :  il  va  se  promener,  je  dois  l'écrire  mie  lettre? 
Pourquoi:  il  nous  le  dit,  en  plaçant  le  après  le  régime  indirect, 
et  il  le  lui  dit,  en  le  plaçant  devant? 

En  regard  des  innovations  de  la  syntaxe  contemporaine,  il 
serait  intéressant  de  retrouver  les  débris  de  constructions  an- 
térieures disparues.  Dans  les  formations  du  langage,  les  cou- 
ches successives  se  superposent  comme  les  strates  dans  le 
terrain  neptunien,  et  de  même  qu'en  géologie  il  arrive  qu'un 
terrain  primaire,  perçant  les  couches  supérieures,  vienne 
affleurer  à  la  surface  du  sol,  ainsi,  en  linguistique,  des  restes 
de  constructions  primitives  percent  à  travers  les  dépôts  des 
formations  nouvelles  jusqu'aux  temps  les  plus  récents.  Qui  se 
douterait  que  cette  expression  se  nourrir  depain  et  d'eau  nous 
offre  un  fossile,  mais  wn  fossile  vivant,  qui  remonte  aux  pre- 
miers temps  de  la  langue?  A  l'origine,  l'article  partitif  n'exis- 
tant pas  encore,  on  disait  :  manyer  pain,  boire  eau;  se  nourrir 
avec  pain  et  eau;  vivre  de  pain  et  d'eau;  puis  l'article  par- 
titif a  pénétré  dans  toutes  ces  expressions  :  manger  au  pain, 
boire  de  Veau,  se  nourrir  avec  du  pain  et  de  Veau;  mais  l'in- 
stinct de  l'euphonie  se  refusait  à  admettre  vivre  de  du  pain  et  de 
de  l'eau,  et  sauva  dans  ce  seul  cas  la  construction  archaïque  de 


1.  L'anglais  aay  I,  «  dis-je  ».  sous  l'influence  de  says  hc,  «  <lil-il  ».  est  devenu 
(l.ins  la  Innpiin  populaire  says  I,  propremont  •■  dii-je  ». 


la  Iransformation  qui  atteignait  les  constructions  analogues. 
Pourquoi  disons-nous  :  toulE  honteuse  et  tout  interdite?  Pour- 
quoi la  vieille  construction  de  Corneille  et  de  Malherbe  :  pour 
grands  (pie  soient  les  rois,  disparaît-elle,  en  ne  se  conservant 
que  dans  la  locution  pour  peu  que?  Pourquoi  le  pronom  qui,  au 
sens  du  neutre  absolu  quod  «ce  qui»*,  ne  se  maintient-il  que 
dans  les  expressions  :  qui  plus  est,  qui  mieux  est,  qui  pis  est? 

d.  Si  l'on  passe  maintenant  au  matériel  même  de  la  langue, 
au  lexique,  quels  sont  les  changements  survenus  dans  le  sens 
des  mots  et  dans  les  procédés  de  formation?  La  première  de 
ces  études  ne  se  fera  pas  de  longtemps  ;  car  la  science  de  la 
Iransformation  des  sens,  cette  science  qui,  le  jour  où  elle  sera 
fondée,  fournira  à  la  psychologie  historique  un  instrument 
d'une  incomparable  puissance,  cette  science  n'est  pas  encore 
constituée  :  elle  n'existe  pas.  On  ne  s'est  pas  encore  avisé 
d'étudier  systématiquement  le  vocabulaire  d'une  langue  de 
manière  à  suivre  dans  les  changements  de  l'expression  le 
mouvement  de  la  pensée.  La  langue  contemporaine  fournira 
sans  doute  des  faits  nombreux  à  une  étude  de  ce  genre  ;  mais 
tant  que  les  principes  de  la  science  ne  sont  pas  posés,  elle  ne 
peut  guère  qu'apporter  des  matériaux  à  une  enquête  plus 
vaste,  sans  faire  l'objet  d'une  recherche  se  suffisant  à  elle- 
ihême. 

e.  Enfin  il  reste  à  parler  des  procédés  au  moyen  desquels 
la  langue  crée  des  mots  nouveaux.  La  langue  moderne  renou- 
velle-t-elle  son  vocabulaire,  et  par  quels  procédés?  Quelle 
puissance  possède-t-elle  pour  exprimer  les  idées  nouvelles, 
les  faits  nouveaux?  La  force  créatrice  qui  a  produit  le  voca- 
bulaire de  la  vieille  langue  et  de  la  langue  modernf  e^t-elle 
toujours  active,  et  dans  quelle  mesure? 

C'est  la  question  que  nous  nous  proposons  de  résoudre 
dans  le  travail  qui  suit. 


II 

Tant  qu'une  langue  est  parlée  par  un  peuple,  c'est  un  orga- 
nisme qui  vit  dans  sa  pensée  et  sur  ses  lèvres.  Comme  tout  ce 

1 .  «  J'espère  que  nous  en  irons  toutes  ensemble,  quy  me  fera  fort  grant  plaisir.  » 
(Marguerite  d'Angoulème,  Lettres,  97;  édit.  Gcnin,  p.  278). 


qui  vit,  elle  se  développe,  elle  change,  et  non-seulement  sa 
prononciation,  ses  formes  grammaticales,  sa  syntaxe,  mais  son 
lexique  doivent  subir  d'incessantes  transformations.  Le  fran- 
çais, langue  parlée  par  trente-six  millions  d'hommes,  langue 
vivante,  doit  donc  poursuivre  la  série  de  ses  évolutions  natu- 
relles, et  ainsi  avoir  en  lui-môme  les  forces  nécessaires  pour 
Jes  accomplir. 

Aussi  notre  langue  n'a  jamais  été  fixée,  pas  plus  par  les 
chefs-d'œuvre  de  nos  écrivains  classiques  au  dix-septième 
siècle  que  par  ceux  de  nos  trouvères  au  douzième  siècle 
et  au  treizième.  «  Les  langues  vulgaires  se  changent  de  siècle 
en  siècle*  »,  disait  Estienne  Pasquier  vers  1590;  «  il  escoule 
tous  les  jours  de  nos  mains  *»  disait  Montaigne,  en  parlant  du 
français;  et  cette  mobilité  de  notre  idiome  dont  se  plaignaient 
également  Vauquelin  de  laFresnaye  au  seizième  siècle',  Pellis- 
son  *  et  Bossuet  "  au  dix-septième,  ne  s'est  pas  arrêtée.  La 
langue  de  Zaïre  n'est  plus  celle  du  Cid,  ni  la  langue  d'Her- 
nani  celle  de  Zalire.  Ces  modifications  successives  n'ont 
point  cessé  de  frapper  les  écrivains,  et,  depuis  l'époque  clas- 
sique, on  entend  des  critiques  et  des  grammairiens  se  plaindre 
du  néologisme  qui  vient  gâter  la  pureté  de  la  langue,  en  même 
temps  que  d'autres,  chose  curieuse,  déplorent  sa  pauvreté, 
son  impuissance  à  créer  des  mots  nouveaux,  et  accusent  la  dé- 
licatesse de  cette  «  gueuse  fière  ». 

Il  ne  sera  pas  inutile  de  jeter  un  coup  d'œil  sur  cette  histoire 
du  néologisme. 

1.  Lettres,  II,  12. 

■2.  «  Selon  la  variation  continuelle  qui  a  suivy  le  nostre  {nost7^e  langage)  jus- 
<iue8  a  cette  heure,  qui  peult  espérer  que  sa  forme  présente  soit  en  usage  d'icy 
à  cinquante  ans?  il  escoule  tous  les  jours  de  nos  mains;  et,  depuis  que  je  vis, 
s'est  altéré  de  moitié.  Nous  disons  qu'il  est  asture  parfaict;  autant  en  dict  du  sien 
chasque  siècle.  Je  n'ay  garde  de  l'en  tenir  là  tant  qu'il  fuyra  et  s'ira  difformnnt 
comme  il  faict.  C'est  aux  bons  et  utiles  escripts  de  le  clouer  à  eulx.  »  (Essais, 
III,  19). 

'i.  Car  depuis  quarante  ans  desjà  quatre  ou  cinq  fois 

I,a  façon  a  changé  de  parler  en  françois. 

[Satires,  t.  I,  p.  244;  éd.  Travers.) 

4.  <■  Nos  auteurs  les  plus  élégants  et  les  plus  polis  deviennent  barbares  en  peu 
d'années.»  (I/isloircde  V  Académie  française,  III,  Travaux  de  V  Académie;  t.  1, 
p.  114  de  l'édit.  l.ivel). 
~  ô.  <•  Comment  peut-on  lonlier  des  actions  immortelles  à  des  langues  toujours 
incertaines  et  toujours  changeantes  ;  et  la  notre  en  particulier  pouvoit-elle  pro- 
mellre  l'immortalité,  elle  dont  nous  voyons  tous  les  jours  passer  les  beautés,  ot 
qui  devenoit  barbare  à  la  France  même  dans  le  cours  de  peu  d'années?  »  [Dis- 
cours de  réception  à  V Académie  française,  1671.) 


—  9  — 

Quand,  en  1549,  l'école  de  Ronsard  s'éleva  sur  les  ruines  de 
l'école  de  Marot,elle  se  proposa,  entre  autres  nouveautés,  d'en- 
richir, d'illustrer  la  lang-ue  française,  non  pas,  comme  on  le 
croit,  en  inondant  le  français  de  grec  et  de  latin;  tout  au  con- 
traire, Ronsard  réagit  contre  les  tendances  des  rliétoriqueurs  ci 
latineurs,  Molinet,  Crétin,  André  de  la  Vigne,  J.  Lemaire  de 
Belges  ^  D'accord  avec  Geoffroy  Tory  et  Rabelais  pour  livrer 
au  ridicule  les  écumeurs  de  latin  et  les  confrères  de  l'écolier  li- 
mousin, il  recommanda  à  ses  disciples  de  cultiver  la  langue 
françaisaet  de  mettre  en  œuvre  toutes  les  ressources  qu'elle  peut 
trouver  en  elle-même  *.  11  les  engagea  à  rejeter  les  mots  grecs, 
latins,  italiens,  à  n'admettre  que  des  termes  français  ou  de 
formation  française,  à  recourir  à  la  dérivation  et  à  la  composi- 
tion, à  restaurer  les  termes  vieillis  qui  menaçaient  de  disparaî- 
tre, à  donner  droit  de  cité  aux  mots  dialectaux,  aux  termes  de 
métier.  La  langue  que  Ronsard  rêvait  de  créer  pour  la  poésie 
française  était  une  langue  artificielle  dans  sa  formation,  mais 
toute  française  dans  ses  éléments.  C'est  par  ces  mêmes  procé- 
dés de  larges  emprunts  à  toutes  les  sources  nationales  queLu- 
ther  créait  l'allemand  littéraire,  que  Dante  avait  créé  le  vul- 
gaire illustre,  l'italien  classique. 

«  Je  suis  d'advis,  disait  un  des  plus  intelligents  disciples  de 
Ronsard,  le  président  Pasquier^  je  suis  d'advis  que  ceste  pureté 
{de  notre  langue)  n'est  restrainte  en  un  certain  lieu  ou  pais, 
ains  esparse  par  toute  la  France.  Non  que  je  vueille  dire 
qu'en  langage  picard,  normand,  gascon,  provençal,  poitevin, 
angevin,  ou  tels  autres,  séjourne  la  pureté  dont  nous  discou- 
rons. Mais  tout  ainsi  que  l'abeille  volette  sur  une  et  autres  fleurs 
dont  elle  forme  son  miel,  aussi  veux-je  que  ceux  qui  auront 
quelque  asseurance  de  leur  esprit,  se  donnent  loy  de  fureter  par 
toutes  les  autres  langues  de  nostre  France,  et  rapportent  à  nos- 
tre  vulgaire  tout  ce  qu'ils  trouverontdigne  d'y  estre  approprié.... 
Je  veux  que  celuy  qui  désire  reluire  par  dessus  les  autres  en 

1.  Voir  plus  bas,  cli.  xi,  p.  172. 

2.  Voir  VAi'l  poétique  de  Honsard,  la  préface  do  la  FrnHciade  ;la  préface  que 
d'Aubigné  a  mise  en  tôte  de  ses  Tragiques,  où  il  rappelle  les  recommandations 
de  Honsard  de  «défendre  bardimont  les  vieux  ternies  françois  contre  ces  manants 
qui  ne  tiennent  pas  élégant  ce  qui  nest  point  escorché  du  latin  et  de  l'italien. 
Tout  cela  est  pour  l'escolier  limousin.  »  Cf.  plus  bas,  ch.  xi.  et  le  Tableau  de 
la  liltéralure  et  de  la  lamjue  française  au  seizième  siècle  de  A.  Darmesteter 
et  A.  Ilatzfeld,  p.  118  et  p.  191. 

3.  Lettres,  H,  12.  OKuvres  complètes  de  Pasquier,  éd.  de  1723,  t.  II,  col.  4.')  et 
suiv. 


—  10  — 

sa  langue  ne  se  fie  tant  en  son  bel  esprit  qu'il  ne  recueille  et 
des  modernes  et  des  anciens,  soit  poëtes  ou  qui  ont  écrit  en 
prose,  toutes  les  belles  fleurs  qu'il  pensera  duire  à  l'illustra- 
tion de  sa  langue...  non  pas  pour  nous  rendre  antiquitaires, 
d'autant  que  je  suis  d'advis  qu'il  faut  fuir  cela  comme  un  banc 
ouescueil  en  pleinemer;ains  pour  le  s  transplanter  entre  nou^, 
ny  plus  ny  moins  q^ue  le  bon  jardinier,  sauvageon  ou  vieux 
arbre  ente  de  greffes  nouveaux  qui  rapportent  des  fruits 
soucfs.  Je  veux  encore  que  celuy  même  que  je  vous  figure  con- 
temne  nul  quel  qu'il  soit  en  sa  profession  ;  pour  parler  du 
faict  militaire,  qu'il  haleine  les  capitaines  et  guerriers  ;  pour 
la  chasse,  les  veneurs;  pour  les  finances,  les  thresoriers  ;  pour 
la  pratique,  les  gens  du  palais  ;  voire  jusques  aux  plus  petits 
artisans  en  leurs  arts  et  manufactures  :  car  comme  ainsi  soit 
que  chaque  profession  nourrisse  diversement  de  bons  esprits, 
aussi  trouvent-ils  en  leur  sujet  des  termes  hardis  dont  la 
plume  d'un  homme  bien  écrivant  sçaura  faire  son  profit  en 
temps  et  lieu,  et  peut  estre  mieux  à  propos  que  celuy  dont  il 
les  aura  appris....  Qui  suivra  ceste  voye,  il  attaindra,  à  mon 
jugement,  à  la  perfection  de  nostre  langue,  laquelle  bien 
mise  en  usage  est  pleine  de  mots  capables  de  tous  sujets.  « 

Si  Ronsard  et  son  école  échouèrent  dans  leur  entreprise,  le 
vaste  effort  qu'ils  avaient  tenté  ne  resta  point  stérile.  La  lan- 
gue de  la  seconde  moitié  du  seizième  siècle  y  gagna  un  carac- 
tère original.  Rude,  inculte,  sans  élégance,  sans  finesse,  elle 
eut  l'abondance,  la  richesse  des  métaphores,  l'énergie  pitto- 
resque et  expressive,  familière  et  noble,  brusque,  vive,  d'une 
variété  infinie,  œuvre  savante,  mais  faite  de  matériaux  popu- 
laires. 

Mais,  déjà  à  la  fin  du  seizième  siècle,  et  au  commencement 
du  dix-septième,  les  œuvres  de  Desportes,  Duperron,  Bertaut, 
Coeffetcau,  marquent  de  nouvelles  tendances  dans  la  langue  ; 
elle  vise  à  l'élégance,  au  raffinement;  il  se  forme  une  aristo- 
cratie dans  les  mots.  Avec  Malherbe  et  Balzac  triomphent  des 
principes  nouveaux.  On  soumet  la  langue  à  un  minutieux  tra- 
vail d'épuration  ;  l'hôtel  de  Rambouillet  s'ouvre,  l'Académie 
se  fonde,  le  règne  des  Précieuses  commence.  Sous  l'influence 
des  salons,  de  la  cour,  la  langue  s'épure;  on  fixe  la  pronon- 
ciation ;  on  décide  du  sort  des  particules;  on  proscrit  une  par- 
tie du  vocabulaire  au  nom  de  la  noblesse  et  de  l'élégance  ;  la 
langue  de  la   cour  fait  loi,  le  bel  usage  a  droit  de  vie  et  de 


—  11  — 

mort  sur  les  mots'.  Le  greffier  do  cot  usage  fut  Vaugclas  qui, 
quarante  ans  durant,  se  mit  en  devoir  (ïêcouter  et  de  juger  le 
langage  de  la  cour.  De  ces  observations  faites  avec  soin  et  pré^ 
cision  sortirent  les  Remarques  sur  la  lanyue  française  (1647), 
qui  furent  accueillies  par  les  applaudissements  à  peu  près 
unanimes  des  lettrés ^  Quelques  rares  partisans  de  la  vieille 
liberté  du  seizième  siècle,  Lamothe  Le  Vayer^,  Scipion  Du- 
pleix*,  protestèrent,  mais  en  vain;  la  cause  des  puristes  étail 
gagnée. 

Un  des  premiers  principes  de  la  nouvelle  école  est  de  pro- 
scrire la  création  des  mots  nouveaux.  Le  français  cesse  d'être 
une  langue  ouverte  :  le  lexique  se  ferme.  «  Puisque,  dit  Vau- 
gelas  dans  la  préface  de  ses  Remarques  (xi),  puisque  j'ai  ré- 
solu de  traiter  à  fond  toute  la  matière  de  l'usage,  il  faut  voir 
s'il  est  vrai,  comme  quelques-uns  le  croyent,  qu'il  y  ait  de 
certains  mots  qui  n'ont  jamais  été  dits,  et  qui  néanmoins  ont 
quelquefois  bonne  grâce  ;  mais  que  tout  consiste  à  les  bien 
placer.  En  voici  un  exemple  d'un  des  plus  beaux  et  des  plus 
ingénieux  esprits  de  notre  siècle,  à  qui  il  devroit  bien  être 
permis  d'inventer  au  moins  quelques  mots,  puisqu'il  est  si 
fertile  et  si  heureux  à  inventer  tant  de  belles  choses  en  toutes 
sortes  de  sujets,  entre  lesquels  il  y  en  a  un  d'une  invention 
admirable,  où  il  a  dit 

Dédale  n'avait  pas  de  ses  rames  plumeuses 
Encore  traversé  les  ondes  écumeuses. 

11  a  fait  ce  moi  plumeuses,  qui  n'a  jamais  été  dit  en  notre  lan- 

1.  «Il  y  eut  un  genlilhomme  qui  dit  liaulonicnt  qu'il  n'iroit  point  voir 
M.  de  Montauzier,  tandis  que  Mlle  de  Rambouillet  y  seroit,  et  qu'elle  s'esvanouis- 
soit  quand  elle  entcndoit  un  meschant  mot.  Un  autre,  en  parlant  à  elle,  hésita 
longtemps  sur  le  mot  d'avoine,  avoine,  aveine,  avenc.  <^  Avoine,  avoine,  dit-il, 
«  de  par  tous  les  diables  !  on  ne  sçait  conmient  parler  céans.  »  (Tall.  des  Réaux, 
HislorielteSj  cv-cvin,  M.  et  Mme  de  Montauzier  ;  t.  II,  p.  53,  de  l'édit.  de  Mon- 
mcrqué  et  P  Paris).  —  Voyez  la  Comédie  des  Académistes  de  Saint-Evremond,  le 
Unie  des  présentations  aux  grands  jours  de  Véloquence  française  attribué  à 
Sorel,  et  la  Reqw'te  des  Dictionnaires  de  Ménage.  Toutefois  il  faut  tenir  compte 
des  réponses  très-justes  que  Pellisson  fait  à  ces  pamphlets  dans  son  Histoire  de 
l'Académie  {\,  Etablissement  de  l'Académie). 

2.  Pellisson^  Hist.  de  VAcad.  franc,  (édit.  Livet),  t.  I,  113,  234;  Furetière, 
Nouv.  allégor.,  155  ;  Ch.  Sorel,  Bibl.  franc.,  Traité  de  la  pureté  de  la  L.  fr,,  19, 
20;  De  la  connaissance  des  bons  livres,  51  ;  cf.  Haillet,  Jngemejils  des  savants, 
II,  655  ;  Godeau,  Lettres,  p.  378-391  de  l'édit.  de  1713;  etc. 

3.  Lamothe  Le  Vayer,  Lettre  louchant  les  Remarques  de  la  langue  francoise, 
1647,  in-8. 

4.  Scipion  Dupleix,  La  liberté  de  la  langue  française  dans  sa  pureté,  on  Dis- 
cussion des  Remarques  de  Vaugelas,  in-4,  Paris,  1651. 


—  12  — 

gue  «  ;  il  est  vrai  que  ce  n'est  pas  un  mot  tout  entier,  mais 
seulement  allonge,  puisque  d'un  mot  reçu  plume,  il  a  fait 
plumeux,   suivant  le  conseil  du  poëte  dont  nous  avons  déjà 

parlé  : 

Licuit  semperque  licebit,  etc. 

Et  certainement  il  l'a  si  bien  placé  que,  s'il  en  faut  recevoir 
quelqu'un,  celui-ci  mérite  son  passe-port.  Mais  avec  tout  cela 
je  me  contente  de  ne  pointblâmer  ceux  qui  ontces  belles  har- 
diesses, sans  vouloir  les  imiter  ni  les  conseiller  aux  autres, 
notre  langue  les  souffrant  moins  que  langue  du  monde  et 
étant  certain  qu'on  ne  les  sçauroit  si  bien  mettre  en  œuvre  que 
la  pluspart  ne  les  condamnent.  Il  n'est  permis  à  qui  que  ce 
soit  de  faire  de  nouveaux  mots,  non  pas  même  au  Souverain  ; 
de  sorte  que  M.  Pomponius  Marcellus  eut  raison  de  reprendre 
Tibère  d'en  avoir  fait  un  et  de  dire  qu'il  pouvoit  bien  donner 
le  droit  de  bourgeoisie  romaine  aux  hommes,  mais  non  pas 
aux  mots,  son  autorité  ne  s'étendant  pas  jusques-là.  Ce  n'est 
pas  qu'il  ne  soit  vrai  que  si  quelqu'un  en  peut  faire  qui  ait 
cours,  il  faut  que  ce  soit  un  souverain,  ou  un  favori,  ou  un 
principal  ministre,  non  pas  que  de  soi  pas  un  des  trois  ait  ce 
pouvoir,  comme  nous  venons  de  dire  avec  ce  grammairien  ro- 
main; mais  cela  se  fait  par  accident,  à  cause  que  ces  sortes 
de  personnes  ayant  inventé  un  mot,  les  courtisans  le  recueil- 
lent aussitôt  et  le  disent  si  souvent  que  les  autres  le  disent  à 
leur  imitation  ;  tellement  qu'enfin  il  s'établit  dans  l'usage  et 
est  entendu  de  tout  le  monde;  car  puisqu'on  ne  parle  que  pour 
être  entendu  et  qu'un  mot  nouveau,  quoique  fait  par  un  sou- 
verain, n'en  est  pas  d'abord  mieux  entendu  pour  cela,  il  s'en- 
suit qu'il  est  aussi  peu  de  mise  et  de  service  en  son  commen- 
cement, que  si  le  dernier  homme  de  ses  États  l'avoit  fait. 
Enfin  j'ai  oui  dire  à  un  grand  homme  qu'il  est  justement  des 
mots  comme  des  modes.  Les  sages  ne  se  bazardent  jamais  à 
faire  ni  l'un  ni  l'autre;  mais  si  quelque  téméraire  ou  quel(|ue 
bizarre,  pour  ne  pas  lui  donner  un  autre  rtom,  en  veut  bien 
prendre  le   hazard,   et  qu'il  soit  si  heureux,  qu'un  mot  ou 

1,  Il  s'agit  de  Des  Marets  de  Saint-Sorlin.  Malheureusement  l'admiration  de 
Vaupelas  tombe  à  faux  :  «  Cette  observation  (de  Vaugelas)  n'est  pas  vcritaljle,  d'Au- 
bigné  s'en  estant  servi  (du  mot  plumeux)  longtemps  avant  .M.  Des  Marets  dans  son 
livre  intitulé  le  Baron  de  P'éneslc.  »  (Ménage,  Observations  sur  la  langue  fran- 
roise,  I.  Aiidilions  el  changemenls,  pour  la  page  ',ik\).  D'Aubigné  l'emploie  éga- 
lement dans  son  Histoire  universelle,  111,  r>4:j  (Un  vêtement  sale  et  tout  plu- 
meux). 


—  13  — 

qu'une  mode  qu'il  aura  inventée,  lui  réussisse,  alors  les  sages 
qui  sçavent  qu'il  faut  parler  et  s'habiller  comme  les  autres, 
suivent  non  pas,  à  le  bien  prendre,  ce  que  le  téméraire  a  in- 
venté, mais  ce  que  l'usage  a  reçu  ;  et  la  bizarrerie  est  égale  de 
vouloir  faire  des  mots  et  dès  modes,  ou  de  ne  les  vouloir  pas 
recevoir  après  l'approbation  publique.  Il  n'est  donc  pas  vrai 
qu'il  soit  permis  de  faire  des  mots,  si  ce  n'est  qu'on  veuille  dire 
que  ce  que  les  sages  ne  doivent  jamais  faire  soit  permis.  Gela 
s'entend  des  mots  entiers*  :  car  pour  les  mots  allongez  ou  dé- 
rivez, c'est  autre  chose; on  les  soulïre  quelquefois, comme  j'ai 
dit,  suivant  le  sens  d'Horace  et  le  bon  exemple  que  j'en  ai 
donné.  » 

Et  ailleurs,  à  la  remarque  DXLV  [Dio  barbarisme)  :  «  H  n'est 
jamais  permis  de  faire  de  nouveaux  mots,  nonobstant  cet  oracle 
latin  : 

Licuit  seiuperque  licebit, 
Signatum  prsesente  nota  producere  verbum. 

parce  que  cela  est  bon  en  la  langue  latine,  et  plus  encore  en 
la  grecque,  mais  non  pas  en  la  nôtre,  où  jamais  cette  har- 
diesse n'a  réussi  à  qui  que  ce  soit,  au  moins  en  écrivant;  car 
en  parlant  on  sait  bien  qu'il  y  a  de  certains  mots  que  l'on 
peut  former  sur  le  champ,  comme  brusgiieté,  inaction,  impo- 
litesse, et  d'ordinaire  les  verbaux  qui  se  terminent  en  ent, 
comme  criement,  pleurement,  ronflement,  et  encore  n'est-ce 
qu'en  raillerie.  Outre  'que  ce  passage  du  poëte  ne  permet  que 
d'étendre  des  mots  qui  sont  déjà  faits,  et  non  pas  d'en  faire 
de  tout  nouveaux,  qui  est  ce  qui  ne  nous  est  point  du  tout 
permis,  témoin  le  mauvais  succès  qu'ont  eu  tous  les  mots 
que  Ronsard,  M.  du  Vair  et  plusieurs  autres  grands  person- 
nages ont  inventez,  pensant  enrichir  notre  langue.  « 

Ces  principes  allaient  régir  le  dix-septième  siècle.  Yaugelas 
fit  écolo  :  à  sa  suite  toute  une  série  de  grammairiens,  le  P. 
Bouhours,  Ménage,  Andry  de  Boisregard,  Fr.  des  Gaillères, 
L.  Alcmand,  Delatouche,  Th.  Corneille,  l'abbé  Choisy,  l'abbé 
Tallemand^  etc.,  continuèrent  l'œuvre  d'épuration. 

1.  Yaugelas  ciilend  par  là  les  mots  ompruntés  directement  au  latin.  Il  distingue 
donc  les  dérivés  français  nouveaux  qu'il  est  plus  porté  à  tolérer,  des  mots  entiè- 
rement latins  dont  il  repousse  l'introduction  dans  notre  langue.  Mais  môme  celte 
tolérance  qu'il  att'ectc  ici  pour  les  mots  allonges,  la  citation  qui  suit  montre  bien 
qu'elle  est  illusoire,  et  que  Yaugelas  proscrit  dans  la  langue  écrite  tous  mots  nou- 
veaux, même  les  dérivés  de  radicaux  français. 

2.  Tli.  Corneille  a  réimprimé  les  Remarques  de  Yaugelas.  en  les  faisant  suivre 


—  14  — 

Et  cependant,  au  moment  même  où  Yaugelas  publiait  ses 
Remarques  et  les  imposait  à  la  ville  et  à  la  cour  qu'il  faisait 
«  la  main  haute  obéir  à  ses  lois,  «  déjà  perdaient  d'incon- 
scientes révoltes.  Je  ne  parle  point  de  Martine,  mais  de  ses 
maîtresses,  qui,  bien  que  fières  de  parler  Yaugelas,  n'en  sont 
pas  moins  des  rebelles.  Les  Précieuses,  non  pas  celles  de 
l'hôtel  de  Rambouillet,  mais  celles  de  la  seconde  génération, 
mettaient  en  circulation  des  mots  nouveaux  et  nombre  de 
métaphores  hardies,  raffinées,  étranges,  dont  quelques-unes 
firent  fortune*.  Ce  sont  les  Précieuses  dont  Somaize  donna 
le  dictionnaire,  et  que  Molière  livra  aux  risées  du  parterre. 
La  cour,  la  ville,  la  province,  applaudirent  à  l'exécution  ;  les 
Précieuses  eurent  beau  se  déguiser  en  Illustres;  avec  Gathos 
etMadelon,  elles  succombèrent  sous  le  ridicule. 

A  côté  des  Précieuses,  une  autre  école  défendait  la  même 
cause,  une  école  bien  différente  dans  ses  allures  et  son  carac- 
tère et  dont  le  nom  n'évoque  guère  le  souvenir  des  vicomtes 
de  Jodelet  et  des  marquis  de  Mascarille.  Je  veux  parler  des  so- 
Htaires  de  Port-Royal.  Par  leur  éducation  et  leurs  traditions, 
ils  étaient  portés  à  conserver  la  langue  archaïque  avec  ses 
libertés  et  ses  audaces,  et  le  traducteur  de  Vlmitation  de  Jé- 
sus-Christ^ s'était  permis  plus  d'un  néologisme  que  réprouvait 
le  goût  sévère  du  temps.  On  ne  distingue  pas  assez,  disait  Ni- 
cole, les  langues  vivantes  des  mortes  :  «  Dans  celles  ci  l'usage 
ne  change  plus;  aussi  le  mot  qui  n'est  pas  bon  selon  l'ancien 
usage  ne  le  peut  plus  devenir  ;  mais  dans  les  autres ,  quel- 
ques fixées  qu'elles  semblent  être,  il  est  impossible  qu'il  n'ar- 
rive toujours  quelque  changement  dans  l'usage.  Et  ainsi  ce 
qu'on  ne  trouve  pas  bon  aujourd'hui,  parce  qu'il  n'est  pas 


d'observations  personnelles  (1698).  L'abbé  Tallcmand  a  publié  des  Remarques  et 
décisions  de  l'Académie  Françoise  sur  la  langue  (1(598).  L'abbé  Cboisy  a  écrit  un 
Journal  de  l'Académie  Françoise  qu'a  recuilli  plus  tard  l'abbé  d'Olivet  dans  ses 
Remarques  sur  la  langue  françoise  (1791).  Delatoucbe  est  un  protestant  qui  se  ré- 
fugia en  Angleterre,  à  la  révocation  de  l'Kdit  de  Nantes,  et  qui  comj)osa  un  Art 
de  bien  parler  françois  en  deux  volumes  (Amsterdam,  1696)  :  le  premier  est  un 
recueil  d'observations  sur  la  grammaire;  le  second  sur  la  langue.  Cet  ouvrage  a 
eu  à  létrangcr  jusqu'à  buit  éditions.  —  Les  ouvrages  des  autres  auteurs  ici  nom- 
més seront  cités  plus  loin,  dans  le  cours  de  cette  étude. 

1.  Tenir  bureau  d\'sj}rit;  les  yeux,  miroirs  dcl'dme;  une  taille  éléganle;  la 
poésie,  (ille  des  dieux;  un  poëte,  nourrisson  des  Muscs;  une  vertu  sévère;  être 
sec  de  conversation  ;  ces  gens-là  ont  un  procédé  tout  à  fait  irrégulier,  etcj  — 
Quant  aux  mots  nouveaux,  ils  n'ont  pas  duré  :  délabyrinthcr  les  cheveux  (les 
démêler),  une  quillerie  (sé|)aralion),  un  alcôviste,  etc. 

2.  Lcmaistre  de  Sacy,  sous  le  pseudonyme  de  sieur  du  Beuil. 


—  15  — 

dans  l'usage  présent,  deviendra  bon  dans  quelque  temps, 
parce  (jne  l'usage  l'approuvera.  Et  ainsi  rien  n'est  plus  faux 
que  la  règle  que  M.  de  Yaugelas  semble  vouloir  établir  qu'on 
ne  peut  faire  de  nouveaux  mots,  puisqu'il  reconnaît  dans 
ses  Remarques  que  quantité  de  mots  qui  n'étaient  point  au- 
trefois en  usage  y  sont  devenus  depuis.  Il  est  donc  avanta- 
geux, pour  enrichir  les  langues  vivantes,  que  des  personnes 
judicieuses  soient  un  peu  plus  hardies  à  se  servir  de  nou- 
veaux mots  et  de  nouvelles  phrases.  Il  y  a  bonheur  et  mal- 
heur. Les  uns  passent  et  d'autres  ne  passent  pas.  Mais  les 
gens  d'esprit  doivent  être  plus  portés  à  leur  être  favorables 
que  contraires.  C'est  ce  qui  rend  les  langues  belles  et  abon- 
dantes, comme  il  est  arrivé  de  la  grecque*.  » 

Ces  théories  hardies  ne  pouvaient  passer  inaperçues,  sur- 
tout venant  des  jansénistes.  Il  y  avait  alors,  parmi  les  disciples 
de  Yaugelas,  un  écrivain  ingénieux,  raffiné,  élégant,  satta- 
chant  plus  à  la  politesse  de  l'expression  qu'à  la  solidité  du 
fond,  écrivain  de  salon,  bel  esprit  et  puriste.  C'est  le  P.  Bou- 
hours,  de  la  Compagnie  de  Jésus.  Après  sa  mort,  il  mérita 
d'entrer  dans  le  Temple  du  goût;  mais  c'était  pour  suivre 
attentivement,  le  crayon  à  la  main,  Pascal  et  Bourdaloue  s'en- 
tretenant  sur  le  grand  art  de  joindre  Téloqucnce  au  raisonne- 
ment, et  pour  marquer  sur  ses  tablettes  toutes  les  fautes  de 
langage  et  toutes  les  négligences  qui  leur  échappaient. 

—  Quittez,  lui  disait  l'auteur  de  l'Anti-Lucrèce, 

Quittez  d'un  censeur  pointilleux 
La  pédantesque  diligence. 
Aimons  jusqu'aux  défauts  heureux 
De  leur  mâle  et  libre  éloquence. 
J'aime  mieux  errer  avec  eux 
Que  d'aller,  censeur  scrupuleux. 
Peser  des  mots  dans  ma  balance*. 

Aux  audaces  des  jansénistes,  le  jésuite  puriste  prit  feu. 
M.  de  Sacy  a  osé  écrire  :  «  D'où  viennent  tous  vos  troubles, 
sinon  des  affections  immortifiées  de  votre  cœur?  »  Immortifié, 

1.  Essais  de  morale  ou  Lettres  écrites  par  Monsieur  Nicole,  t.  VIII  (édition 
de  1715),  p.  230,  231.  Lettre  xcx  adressée  à  M.  de  laChaize  (FiUeaudela  Chaise), 
.auteur  d'une  Vie  de  saint  Louis  (1688). 

2.  Voltaire  eut,  ce  semble,  un  scrupule,  et  dans  les  variantes  d'une  des  éditions 
de  son  Temple  du  yoût  mit  cette  réponse  dans  la  bouche  du  F.  Bouliours: 
<.  Permettez  que  je  continue  mes  petites  observations.  Ce  sont  les  grands  hommes 
qu'il  faut  critiquer,  de  peur  que  les  lautcs  (ju'ils  font  contre  les  règles  ne  ser- 
vent do  ro^'los  aux  petits  écrivains.  » 


—  16  — 

reprend  le  bon  Père,  c'est  un  mot  de  la  façon  de  ces  messieurs 
aussi  bien  qn'inexpé^HTnenté,  irréligieux,  inallié,  inalliable, 
incorromfu,  inconverlible,  intolérance,  clairvoyance,  inobser- 
vation ,  inattention ,  désoccup allons ,  désoccuper ,  désaveu- 
y  1er,  coronateur^  insidiateur.  «  A  quoi  l'on  peut  ajouter  eleve- 
ment,  abrègement,  brisement,  déchirement,  reserrement,  attie- 
dissement;  les  adverbes  declarement,  inexplicablement  et  incon- 
testablement. Car  ils  ne  font  point  difficulté  de  faire  des  mots 
nouveaux,  et  ils  prétendent  même  avoir  ce  droit  là  comme  si 
des  particuliers  et  des  solitaires  avaient  une  autorité  que  les 
rois  mêmes  n'ont  pas  ^  » 

Mais  le  P.  Bouhours  rencontra  parmi  les  jansénistes  un 
rude  adversaire,  l'académicien  Barbier  d'Aucourt.  Les  Senti- 
ments de  Cléanthe  sur  les  Entretiens  d'Ariste  sont  une  vigou- 
reuse réplique  où  l'ouvrage  du  père  jésuite  est  soumis  à  une 
critique  toujours  impitoyable,  rarement  injuste.  Il  défend  avec 
raison  ces  mots  de  reserrement,  déchirement,  brisement,  obscur- 
cissement, attiédissement,  enyvrement,  parce  qu'ils  expriment 
fortement  les  différents  états  du  cœur  humain,  ce  qui  est  le 
principal  objet  de  la  morale.  Si  quelques  autres  mots  ne  sont 
pas  reconnus  par  l'usage,  y  a-t-il  là  sujet  de  raillerie  et  d'ex- 
clamation ?  Des  personnes  habiles  trouvent  des  mots  nou- 
veaux fort  raisonnables,  pleins  de  sens  ;  ils  les  proposent,  les 
hasardent  pour  tâcher  d'enrichir  la  langue.  Y  a-t-il  là  de  quoi 
s'écrier  publiquement,  «  Bon  Dieu  !  quelle  façon  de  parler  ! 
quel  langage  !  cela  m'est  insupportable  !  ^  » 

l.  Entretiens  d'Ariste,  II.  Cf.  également  les  Doutes  et  les  Remarques  nouvelles 
sur  la  langue. 

'1.  Sentiments  de  Cléanthe,  p.  8.5.  —  L'abbé  Villars  répondit  aux  Senlimenls 
par  un  Traité  de  la  délicatesse  (1671)  qui  ne  mérite  guère  son  titre,  ni  par  le 
style,  ni  par  le  sentiment.  L'écrivain  janséniste  lui  répondit  dans  la  seconde  partie 
de  ses  Sentiments  (1672)  avec  une  véritable  éloquence  où  l'on  sent  vibrer  comme 
un  écho  de  la  langue  des  Provinciales.  Il  avait  convaincu  le  P.  Bouhours  de  pla- 
giat, et  montré  que  plusieurs  pages  de  ses  Entretiens  sur  la  langue  étaient  vo- 
lées à  Est.  Pasquier  (Recherches  de  la  France)  et  à  Lelabourcur  [Avantages  de 
la  lamjue  l'ranroise  sur  la  langue  latine).  Villars  essaya  vainement  de  justifier 
le  \\  bouhours  :  la  forme  du  dialogue  empêchait  l'auteur  des  Entretiens  de  citer 
le  nom  de  l'ascpiier:  quant  à  M.  Lelabourcur,  dit  modestement  l'abbé  Villars,  u  si 
j'estois  en  sa  place,  je  me  ferois  beaucoup  d'iionneur  dans  le  monde  qu'un  aussi 
bel  esprit  (lu'esl  le  1'.  U.  eût  trouvé  dans  quelqu'un  de  mes  ouvrages  quelque  en- 
droit assez  beau  pour  être  enchâssé  dans  nu  livre  aussi  universellement  estimé 
que  le  sont  ses  Entretiens.  »  [Vous  leur  fîtes,  seigneur,  En  les  croquant,  beau- 
coup d'honneur).  —  «Toutes  ces  remarques,  réplique  Liarbier,  n'empêchent  pas 
que  le  P.  ne  soit  convaincu  d'être  plagiaire,  et  d'autant  plus  qu'il  n'avait  que  trois 
ou  quatre  mots  à  diie  pour  ne  l'être  pas.  Mais  enlin  il  n'a  pu  réduire  son  orgueil 
à  nommer  trois  ou  quatre  auteurs,  de  sorte  que  si  l'on  m      cl   d  l,t 


—  17  — 

En  dehors  du  cercle  janséniste,  le  P.  Bouliours  eut  à  lutter 
contre  un  autre  adversaire,  Ménagea  La  lutte  fut  vive  et 
acharnée,  et  comme  il  arrive  parfois  des  querelles  entre 
grammairiens,  elle  servit  plus  souvent  au  divertissement  du 
public  qu'à  son,  instruction  :  «  Guerre  civile,  fort  peu  civile,  » 
disaient  les  rieurs  de  la  galerie*.  Ménage  a  beau  jeu  de  con- 
vaincre son  adversaire  d'ignorance,  de  prouver  que  la  plupart 
de  ses  remarques  sont  contraires  à  l'esprit  et  à  l'histoire  de  la 
langue.  Bouhours  riposte  en  se  moquant  des  grotesques  éty- 
mologies  de  Ménage.  Celui-ci  les  défend  avec  une  impertur- 
bable assurance,  et  portant  ensuite  la  question  sur  le  droit  de 
créer  des  mots  nouveaux,  proteste  contre  les  décrets  de  pro- 
scription lancés  par  Yaugelas  et  son  fidèle  disciple  :  Ménage 
avait  créé  le  moi  prosateur  eile  faisait  sonner  haut.  Mais  est-ce 
au  nom  de  la  liberté  de  la  langue  qu'il  fait  entendre  ses  pro- 
testations ?  Ménage  n'est  pas  homme  à  traiter  la  question  dans 
le  fond  :  il  trouve  plus  facile  et  sans  doute  plus  concluant  de 
s'en  référer  aux  autorités,  et  il  accable  son  adversaire  de  cita- 
tions de  grammairiens  latins,  de  Ronsard,  de  Du  Bellay,  et  de 
l'inévitable 

Licuit  semperque  liccbit*.... 

Toutes  ces  discussions  sont  théoriques.  L'ouvrage  de  Fran- 

qu'il  a  faites  contre  le  style,  le  bon  sens,  la  physique,  la  morale  et  la  religion,  on 
aura  droit  de  conclure  ([u'il  n  y  eut  jamai;?  dans  un  livre  tant  de  fierté  avec  tant 
de  faiblesse  ;  et  l'on  peut  lui  appli(iuer  justement  ce  mot  de  saint  Jérôme  :  Tolus 
tumel,  tolus  jacet.  » 

1.  Observalions  sur  la  lamjue  franroise,  1672;  deuxième  partie,  1673.  Entre 
les  deux  ouvrages  avaient  paru  les  Doutes  et  les  Nouvelles'  remarques  du 
1'.  liouhours  sur  la  langue  française. 

2.  «Monsieur  Ménage  la  pris  aveuglément  {le  parti  de  Messieurs  lie  Porl- 
Roijal).  Le  P.  Bouhours  et  lui  se  sont  dit  à  ce  sujet  toutes  les  raisons  et  toutes  les 
injures  «[ue  l'on  se  pouvoit,  raisonnablement  ou  non,  dire  de  part  et  d'autre,  et 
tout  cela,  ([ui  le  croiroit?  sur  de  pures  questions  de  langue;  en  sorte  que  si  la 
guerre  <jui  a  esté  entre  les  autres  auteurs  françois  a  esté  civile,  parce  ({u'elle 
esloit  entre  gens  de  mesme  nation^  on  peut  dire  que  la  guerre  qui  a  esté  entre  le 
1*.  Bouliours  et  M.  Ménage,  car  ils  sont  à  présent  bons  amis,  a  esté  fort  incivile  par 
les  manières  cliO(|uantes  avec  lesquelles  ils  ont  écrit  lun  contre  l'autre.»  (Nou- 
velles observations  ou  Guerres  civiles  des  Fra7irois  sur  la  lainjuc,  1688,  p.  20.) 
—  L'ouvrage  est  de  L.  Alemand,  avocat  au  parlement  de  Grenoble,  (jui  publia 
en  1690  un  recueil  de  NoureUes  remarques  (posthumes)  de  Vawjelas. 

3.  LeP.  Bouhours  eut  encore  à  combattre  Andru  de  lioisrcyard;  celui-ci  avait 
publié  en  1688  des  Ré/lexions  et  remarques  critiqiœs  sur  Vusaye  présent  de  la 
lanijuK  françoisc  (par  M.  A.  D.  B.).  Ces  Uéllcxions  soulevèrent  les  criti([ues  du 
P.  Bouhours  {Suite  des  Nouvelles  remarques,  1692),  d'Alemand,  et  d'autres.  An- 
dry  de  Boisregard  répliqua  par  sa  Suite  des  Réflexions  critiques  car  la  lanyue 
(169;i). 

2 


—  18  — 

çois  des  Gaillères,  Des  mots  à  la  mode^,  a  un  intérêt  plus  pra- 
tique. Il  y  raille  certaines  expressions  nouvelles  qui  avaient 
cours  parmi  les  gens  du  bel  air  :  «  Il  y  a  canal  ;  il  y  a  ca- 
veau ;  il  y  a  toilette;  il  y  a  barbe,  etc.;  »  c'est-à-dire  :  «  La 
cour  se  divertit  sur  le  canal  ;  on  joue  chez  Monseigneur 
dans  la  petite  chambre  (appelée  caveau)  ;  le  Roy  est  à  sa  toi- 
lette; on  fait  la  barbe  à  Monseigneur,  etc.  »;  «  Il  chante  à  la 
perfection  »,  au  lieu  de  :  «  en  perfection  ».  «  Quand  on  est 
d'une  certaine  qualité  »,  au  lieu  de  «  quand  on  est  de  qua- 
lité ».  «  Des  personnes  d'un  gros  relief  »,  c'est-à-dire  «  d'une 
grande  qualité  »;  un  «  gros  »  plaisir,  une  «  grosse  »  santé. 
Jamais  mot  ne  fut  plus  en  vogue  que  gros  à  la  fin  du  dix- 
septième  siècle. 

Le  succès  du  petit  livre  de  Fr.  des  Gaillères  fut  si  vif 
que  Boursault  porta  cette  satire  sur  la  scène;  il  en  ht  sa 
comédie  des  Mots  à  la  mode.  «  Un  petit  livre,  dit-il,  intitulé 
les  Mots  à  la  mode,  que  l'on  vend  chez  Barbin,  et  qui  a  eu 
toute  la  réputation  qu'il  mérite,  m'inspira  la  pensée  de  faire 
cette  comédie.  Quelque  débit  que  ce  livre  ait  eu,  je  crus  qu'il 
ne  feroit  pas  tout  l'effet  que  son  auteur  s'étoit  proposé,  si  l'on 
ne  pesoit  un  peu  plus  sur  ceux  qui  se  rendent  ridicules  par  des 
façon»  de  parler  aussi  extravagantes  que  les  personnes  qui 
ont  l'impertinence  de  les  inventer;  et  je  ne  doutai  point  que, 
le  théâtre  étant  un  miroir  plus  grand  que  la  boutique  d'un 
libraire,  ceux  qui  y  venoient  ne  s'aperçussent  mieux  de  leurs 
défauts  ^  » 

La  plupart  des  expressions  relevées  par  des  Gaillères  repa- 
raissent dans  la  comédie  de  BoursauU,  avec  quelques  néolo- 
gismes.  Ces  expressions,  nées  du  caprice  de  la  mode,  n'ont 
pas  eu  plus  de  durée  qu'elle;  à  peine  si  la  langue  en  a  gardé 
deux  ou  trois  mots  ou  emplois  nouveaux  :  impolitesse,  abdi- 
quer (au  figuré),  aloi  (au  figuré),  avoir  du  goût  à  quelque 
chose;  etc. 

A  moins  d'être  du  peuple,  on  ne  dit  point  :  ma  femme, 
C'est  une  impolitesse''  h  faire  rendre  l'âme; 

1.  Des  mots  à  la  mode  et  des  nouvelles  façons  de  parler,  Paris,  1692,  in-12. 
L'ouvrage  est  anonyme.  —  En  1694,  paraissait  un  autre  livre  de  Fr.  des  Gaillères, 
également  anonyme  :  Du  bon,  cl  du  mauvais  usage  dans  les  manières  de  s'ex^ 
•primer;  des  façons  de  parler  bourgeoises  :  iSuilte  des  niols  à  la  mode,  in-)2.  Cet 
ouvrage  eut  moins  de  succès  que  le  précédent. 

2.  Avis  au  lecteur. 

3.  «  11  y  a  des  façons  de  parler  élégantes  i|ui  servent  à  orner  notre  langue;... 
il  y  en  a  d'autres  qui  servent  à  l'enrichir,  comme  est  le  terme  impolitesse  qui 


—  19 

Gela  sent  son  bourgeois  du  plus  méchant  alot... 

Pour  peu  qu'on  ait  de  goût,  au  rang  où  je  me  vois, 

On  abdique  aisément  ce  qu'on  a  de  bourgeois.... 

Quoi  que  le  nom  de  père  ait  de  beau,  de  touchant, 

Depuis  un  an  ou  deux  cela  put  le  marchand.... 

Vous  nous  offrez  {pour  maris)  des  gens  d'une  agréable  allure. 

Il  nous  faut  des  partis  bien  d'une  autre  tournure. 

Puis-je  prendre  un  époux,  à  moins  que  de  son  chef 

Il  ne  soit  noble,  riche,  et  d'un  gros  relief?... 

J'en  sais  (des  prétendants)  qui  sous  nos  lois  sont  prêts  à  se  ranger, 

Faits  comme  une  peinture  et  jolis  à  manger; 

Au  lieu  que  les  amants  dont  vous  faites  l'ébauche 

Ont  un  esprit  si  louche!  un  entretien  si  gauche!...  etc.,  etc. 

A  l'époque  où  Boursault  protestait  contre  ces  emplois  et 
contre  ces  mots  nouveaux,  La  Bruyère,  dans  une  page  con- 
nue, regrette  la  perte  ou  la  proscription  de  certains  termes  har- 
monieux, expressifs  ou  utiles  :  ains,  maint,  moult,  cil,  heur, 
fîner,  fétoyer,  ouvrer,  souloir,  poindre,  ramentevoir,  mauvaistiéj 
huis,  ost,prée\  etc.,  «tous  mots  qui  pouvoient  durer  ensemble 
d'une  égale  beauté  et  rendre  une  langue  plus  abondante.  >^ 
Qu'est-ce  que  la  langue  gagne  à  ces  changements?  demande 
La  Bruyère.  «  Est-ce  donc  faire  pour  le  progrès  d'une  langue 
que  de  déférer  à  l'usage?  Seroit-il  mieux  de  secouer  le  joug  de 
son  empire  si  despotique?  Faudroit-il,  dans  une  langue  vi- 
vante, écouter  la  seule  raison  qui  prévient  les  équivoques, 
suit  la  racine  des  mots,  et  le  rapport  qu'ils  ont  avec  les  lan- 
gues originaires  dont  ils  sont  sortis,  si  la  raison  d'ailleurs 
veut  qu'on  suive  l'usage''?  » 

La  lutte  des  puristes  et  des  néologues  se  poursuit  au  dix- 
huitième  siècle. 

En  1714,  Fénelon  déplore  la  pauvreté  de  la  langue  française  : 
«  Notre  langue  manque  d'un  grand  nombre  de  mots  et  de 
phrases  :  il  me  semble  même  qu'on  l'a  gênée  et  appauvrie, 
depuis  environ  cent  ans,  en  voulant  la  purifier.  Il  est  vrai 
qu'elle  étoit  encore  un  peu  informe  et  trop  verbeuse.  Mais  le 
vieux  langage  se  fait  regretter,  quand  nous  le  retrouvons 
dans  Marot,  dans  Amyot,  dans  le  cardinal  d'Ossat,  dans  les 
ouvrages  les  plus  enjoués  et  dans  les  plus  sérieux;  il  avoitje 

commence  à  s'introduire  heureusement;  et  je  suis  fort  d'avis  qu'on  luy  aide  à 
faire  fortune;  car  c'est  un  mot  dont  on  a  souvent  besoin  pour  exprimer  ce  qui  se 
passe  parmi  plusieurs  de  nos  jeunes  courtisans.  »  (Fr.  des  Cailléres,  Des  mots  à 
la  mode,  T  édit.,  1692,  p.  43.) 

1.  Cf.  plus  bas,  p.  3o. 

2.  Caractères,  De  quelques  usages,  fin. 


—  20  — 

ne  sais  quoi  de  court,  de  naïf,  de  hardi,  de  vif  et  de  passionné. 
On  a  retranché,  si  je  ne  me  trompe,  plus  de  mots  qu'on  n'en 
a  introduit.  D'ailleurs,  je  voudrois  n'en  perdre  aucun  et  en 
acquérir  de  nouveaux.  Je  voudrois  autoriser  tout  terme  qui 
nous  manque  et  qui  a  un  son  doux,  sans  danger  d'équi- 
voque.... 

«  11  faudroit  que  des  personnes  d'un  goût  et  d'un  discerne- 
ment éprouvés  choisissent  les  termes  que  nous  devrions  auto- 
riser. Les  mots  latins  paroîtroient  les  plus  propres  à  être 
choisis;  les  sons  en  sont  doux;  ils  tiennent  à  d'autres  mots 
qui  ont  déjà  pris  racine  dans  notre  fonds  ;  l'oreille  y  est  déjà 
accoutumée.  Ils  n'ont  plus  qu'un  pas  à  faire  pour  entrer  chez 
nous*.  « 

Onze  ans  après  la  Lettre  à  l'Académie,  l'abbé  Desfontaines, 
mettant  à  exécution  une  idée  de  J.-B.  Rousseau ^  faisait  pa- 
raître son  Dictionnaire  néologique^,  ouvrage  satirique  où  sont 
ironiquement  proposés  à  l'admiration  publique  les  mots  nou- 
veaux, les  métaphores  nouvelles  créées  par  les  écrivains  du 
commencement  du  dix-huitième  siècle.  «  Nous  lisons  les  beaux 
livres,  mais  faisons-nous  attention  aux  choses  précieuses  qu'ils 
renferment?  Nous  ne  remarquons  point  les  découvertes  et  les 
cnrichissemens  de  la  langue,  les  expressions  saillantes  et  les 
constructions  heureusement  imaginées  dont  d'illustres  écri- 
vains ont  depuis  peu  décoré  leur  style.... 

«  La  création  des  pensées  est  devenue  désormais  impossible, 
et  notre  esprit  a  beau  penser,  il  ne  travaille  plus  qu'en  vieux. 
•Mais  ce  vieux  sera  neuf,  ou  du  moins  le  semblera,  si  nous 

1.  Lettre  sur  les  occupations  de  VAcadémie,  III,  Projet  d'enrichir  la  lan- 
ijue.  Fciiclon  a  mis  en  |)ratique  les  conseils  qu'il  donnait  :  «On  dit  que  vousper- 
ijiuifjuez  (pergriccaniini)  tous  ensemble  ;  les  mœurs  antiques  pour  les  cènes  ne 
m'édifient  pas.  »  [Lettre  à  Vahbé  de  Larujeron,  12  oct.  1701.)  —  «N'allez  ni  à 
Tulle  ni  à  Sarlat....  Vous  trouveriez  des  chemins  salébreux  et  ennemis  des  roues.» 
[Lettre  à  Vahbè  de  Beaumont ,  1"  juin  1714).  Il  faut  avouer  que  ces  néologismes 
ue  sont  pas  heureux. 

2.  «  Il  règne  aujourd'hui  dans  le  langage  une  affectation  si  puérile,  que  le  jar- 
gon des  Précieuses  de  Molière  n'en  a  jamais  approché.  Le  stile  frivole  et  recher- 
ihé  passe  des  caffés  jusqu'aux  tribunaux  les  plus  graves:  et  si  Dieu  n'y  met  la 
main,  la  Chaire  des  Prédicateurs  sera  bientôt  infectée  de  la  même  contagion.  Rien 
ne  pont  nncux  réussir  à  en  préserver  le  public,  que  quelque  ouvrage  qui  en  fasse 
sentir  le  ridicule;  et  pour  cela  il  n'y  a  autre  chose  à  faire  que  de  lui  présenter, 
d:ms  un  Extrait  (idéitî,  toutes  ces  phra.ses  vuides  et  alanibi(iuées,  dont  les  nou- 
veaux Scudéris  de  notre  temps  ont  farci  leurs  ouvrages,  même  les  sérieux.  »  (Let- 
tre de  Housseau  dans  VJJistuire  littéraire  de  l'Euro]>e,  La  Haye;  citée  en  tête 
du  Dictionnaire  néologique.) 

3.  Dictionnaire  néolofjique  à  l'usage  des  Beaux-Esprits  du  siècle,  avec  VéloyC 
historit/ue  de  Pantalon-Phébus,  par  un  avocat  de  province. 


—  21   — 

riuahillons  do  neuf,  si  nous  sravons  le  revôtir  d'expressions 
rares,  de  mots  heureusement  hazardés  et  de  tours  d'élocu- 
tion  affranchis  d'une  certaine  trivialité  insipide,  qui  confond 
l'esprit  sublime  avec  le  rampant  vulgaire. 

«  Mais,  dira-t-on,  il  est  interdit  aux  particuliers  de  s'ériger 
en  créateurs  de  termes,  et  d'introduire  dans  le  langage  des 
façons  déparier  insolites?  Sur  quoi  est  fondée  cette  maxime? 
Sur  un  préjugé  méprisable.  Notre  langue  est  fort  différente  de 
ce  qu'elle  étoit  il  y  a  cent  ans.  Elle  a  adopté  une  infinité  de 
termes  qui  auparavant  n'étoient  pas  connus.  On  a  donc  créé 
des  mots  dont  nous  nous  servons  aujourd'hui,  comme  s'ils 
étoient  anciens  ;  nous  ne  nous  informons  pas  même  de  leur 
âge  :  notre  langue  en  est  devenue  plus  riche  et  plus  com- 
mode. 

«  Direz-vous  que  la  langue  Françoise  est  parfaite  à  présent, 
qu'elle  renferme  tous  les  mots  nécessaires  ou  utiles,  et  qu'un 
enrichissement  ultérieur  ne  feroit  que  la  gâter?  Ce  diction- 
naire fera  voir  clairement  que  ses  besoins  ri'aguères  étoient 
extrêmes,  avant  que  les  illustres  auteurs  que  j'admire  l'eus- 
sent soulagée  par  leurs  brillantes  largesses.  J'ajoute  qu'elle 
est  encore  assez  pauvre  et  que  son  indigence  invite  toutes  les 
plumes  à  lui  faire  la  charité.  Car  à  qui  appartient-il  de  faire 
des  mots?  Est-ce  aux  sçavans?  Est-ce  aux  ignorans?  Il  me 
semble  que  c'est  aux  sçavans  *.  » 

Voici  quelques-uns  des  articles  de  ce  dictionnaire  : 

«  Estomaquer  »,  expression  qui  a  des  grâces,  surtout  en 
vers  [Fable  III,  livre  v  [de  La  Mothe],  où  il  s'agit  du  Renard 
Prédicateur)  : 

C'est  ainsi  que  s'estoma/jiioit 
Le  Pythagore  à  longue  queue. 
Ses  exclamations  s'entendoient  d'une  iieuë, 
Et  son  zèle  le  suffoquoit. 

«  Étrener,  au  neutre.  »  Ce  terme  a  toujours  passé  pour  bas, 
et  n'a  été  en  usage  que  parmi  les  petits  marchands  en  détail 
qui  disent  quelquefois  :  Je  n'ai  pas  étrené  de  la  semaine. 
Mais  un  fameux  poëte  ayant  fait  à  cette  expression  l'honneur 
de  l'adopter,  c'est  à  présent  un  mot  élégant.  Dans  la  fable  12 
du  IV*  livre,  il  dit  : 

Et  Minerve  rCétrena  pas. 

1.  Dictionn.  néolog.,  Préface. 


—  22  — 

i<Au  traversa  y>  :  Un  poëte  célèbre  dit  bien  ingénieusement 
{Iliade,  livre  III,  p.  56)  : 

Mais  quand,  à  la  splendeur,  la  fille  de  Léda 
Au  travers  de  la  vieille  eut  connu  la  déesse. 

Connoître  à  la  splendeur  une  déesse  au  travers  d'une  vieille, 
cela  est  bien  dit.  C'est  ainsi  qu'au  travers  d'un  homme  vanté, 
on  connoît  quelquefois,  à  la  splendeur  de  la  critique,  un  fort 
mauvais  écrivain.  « 

Tel  est  le  cadre  de  ce  livre  où  l'auteur  critique,  souvent  avec 
plus  d'esprit  que  de  jugement,  tantôt  la  langue  maniérée 
des  Fontenelle  et  des  La  Mothe,  leurs  tournures  raffinées, 
leurs  métaphores  forcées  et  désagréables,  tantôt  la  manie  du 
néologisme  qui  crée  Vérudit ,  le  sentimenté,  le  science,  etc. 
L'abbé  Desfontaines  mérita  en  cette  occasion  un  demi-éloge 
de  Voltaire  :  «  Il  parut ,  il  y  a  quelques  années,  un  Diction- 
naire néologique  dans  lequel  on  montrait  ces  fautes  dans  tout 
leur  ridicule.  Mais  malheureusement  cet  ouvrage,  plus  satiri- 
que que  judicieux,  était  fait  par  un  homme  un  peu  grossier, 
qui  n'avait  ni  assez  de  justesse  dans  l'esprit,  ni  assez  d'équité 
pour  ne  pas  mêler  indifféremment  les  bonnes  et  les  mauvaises 
critiques  *.  » 

D'autres  protestations  s'élevèrent  à  côté  de  celles  de  l'abbé 
Desfontaines  :  celles  de  Goujet,  de  Laharpe,  de  Gresset;  enfin, 
et  surtout,  celles  de  Voltaire  qui,  tout  en  se  plaignant  de  la 
délicatesse  de  la  «  gueuse  fière  »,  déplore  les  nouveautés  qui 
déforment  la  langue  :  «  Il  me  semble,  dit-il,  que  lorsqu'on  a 
eu  dans  un  siècle  une  quantité  suffisante  de  bons  écrivains 
devenus  classiques,  il  n'est  plus  guère  permis  d'employer 
d'autres  expressions  que  les  leurs,  et  qu'il  faut  leur  donner  le 
môme  sens,  ou  bien  dans  peu  de  temps  le  siècle  présent  n'en- 
tendrait plus  le  siècle  passé  *.  » 

«  Cette  envie  de  briller  et  de  dire  d'une  manière  nouvelle 
ce  que  les  autres  ont  dit  est  la  source  des  expressions  nou- 
velles comme  des  pensées  recherchées.  Qui  ne  peut  briller  par 
une  pensée  veut  se  faire  remarquer  par  un  mot.  Voilà  pour- 
quoi on  a  voulu,  en  dernier  lieu,  substituer  rtm«6^7^7és  au  mot 
d'agréments ,   négligemment   à   avec   négligence ,    badiner    les 

1.  Dictionnaire  philosophique:  article  {lanyue)  française;  tout  l'article  est  à 
lire. 

2.  I/»cl. 


—  23  — 

arnmirR  à  hfuJincr  avec  Icfi  amours.  On  a  cont  autres  afTecta- 
tions  (Je  cette  espèce.  Si  on  continuait  ainsi,  la  langue  des  Bos- 
suet,  des  Racine,  des  Pascal,  des  Corneille,  des  Boileau,  des 
Fénelon,  deviendrait  bientôt  surannée.  Pourquoi  éviter  une 
expression  qui  est  d'usage,  pour  en  introduire  une  qui  dit 
précisément  la  même  chose  ?  Un  mot  nouveau  n'est  pardonna- 
ble que  quand  il  est  absolument  nécessaire,  intelligible  et  so- 
nore. On  est  obligé  d'en  créer  en  physique;  une  nouvelle  dé- 
couverte, une  nouvelle  machine,  exigent  un  nouveau  mot  : 
mais  fait-on  de  nouvelles  découvertes  dans  le  cœur  humain  ? 
Y  a-t-il  une  autre  grandeur  que  celle  de  Corneille  et  de  Bos- 
suet?  Y  a-t-il  d'autres  passions  que  celles  qui  ont  été  maniées 
par  Racine,  effleurées  par  Quinault?  Y  a-t-il  une  autre  mo- 
rale évangélique  que  celle  du  P.  Bourdaloue? 

«  Ceux  qui  accusent  notre  langue  de  n'être  pas  assez  fé- 
conde doivent  en  effet  trouver  de  la  stérilité,  mais  c'est  dans 
eux-mêmes.  Res  verba  sequentur^.  » 

Ici,  comme  ailleurs,  Jean-Jacques  est  le  contre-pied  d'Arouet; 
il  prend  son  parti  du  barbarisme  avec  son  ton  ordinaire  de 
sauvage  dogmatique  :  «  Ma  première  règle,  à  moi,  qui  ne  me 
soucie  nullement  de  ce  qu'on  pensera  de  mon  style,  est  de  me 
faire  entendre.  Toutes  les  fois  qu'à  l'aide  de  dix  solécismes 
je  pourrai  m'expliquer  plus  fortement  ou  plus  clairement,  je 
ne  balancerai  jamais.  Pourvu  que  je  sois  bien  compris  des 
philosophes,  je  laisse  volontiers  les  puristes  courir  après  les 
mots^  » 

En  1770,  Pons-Auguste  Alletz  recommence,  après  quarante- 
quatre  ans,  l'œuvre  de  Desfontaines,  mais  sans  esprit  de  sa- 
tire ni  de  critique.  Son  Dictionnaire  des  richesses  de  la  langue  ' 
est  une  collection  faite  avec  soin  des  néologismes ,  et  surtout 
des  expressions  figurées ,  des  images  nouvelles  mises  à  la 


1.  Dictionnaire  philosophique,  au  mot.  Esprit.  Cf.  également  les  Lettres  à 
l'abbé  d'Olivet,  17  mars  et  20  août  1761. 

2.  Lettre  sur  une  nouvelle  réfutation,  t.  I,  p.  69  de  l'édition  Hachette,  13  vol. 
in-12,  1865.  —  Ce  que  Rousseau  dit  en  philosophe,  saint  Grégoire  le  disait  en  pré- 
Ire,  dix  siècles  plus  tôt.  «Non  metacismi  collisionem  fugio,  non  barbarismi  con- 
fusionem  devito,  situs  motusque  propositionum  casusque  servaro  contemno,  quia 
indignum  vohementor  existiino,  ut  verba  ciiilestis  oraculi  restringam  subregulis 
Donati.  »  (Prxf.  Job,  \,  6).  Au  fond,  c'est  l'avis  de  Martine  qui  le  dit  plus  simple- 
ment (jue  l'un  et  l'autre  : 

Quand  on  se  fait  entendre,  on  parle  toujours  bien. 

3.  Dictionnaire  des  richesses  de  la  langue  française  et  du  néologisme  qui 
s'y  est  introduit.  Paris,  1770,  in-12.  L'ouvrage  est  anonyme. 


—  24  — 

mode  par  les  écrivains  du  dix-huitième  siècle.  «  Depuis  un 
demi-siècle,  dit  l'auteur,  il  s'est  fait  un  changement  considéra- 
ble dans  la  langue;  quantité  d'expressions  qui  n'étoient point 
en  usage  dans  le  dernier  siècle  se  sont  introduites,  et  elles  ont 
si  bien  passé  que  ce  n'est  point  être  néologue  que  de  s'en  ser- 
vir. Une  infinité  de  métaphores  qui  auroient  paru  autrement 
trop  hardies  sont  aujourd'hui  en  usage.  » 

En  parcourant  les  cinq  cents  pages  de  ce  livre,  on  voit  com- 
bien on  est  loin  de  la  langue  classique  de  Racine  et  de  Bossuet, 
et  l'on  ne  peut  s'empêcher  de  penser  que  l'abbé  d'Olivet,  à  la 
même  époque,  s'abuse  singulièrement  quand,  réduisant  ce 
qui  a  vieilli  dans  la  langue  de  Racine  à  un  substantif  et  quel- 
ques particules,  il  conclut  :  «  Je  demande  s'il  y  a  là  de  quoi 
accuser  la  langue  françoise  d'aimer  le  changement.  Car  enfin, 
à  remonter  du  jour  où  j'écris  ceci  (1767)  jusqu'au  temps  oii 
parurent  les  premières  tragédies  de  Racine,  nous  avons  un 
siècle  révolu  *.  « 

Cette  prétendue  immobilité  de  la  langue  n'empêchera  pas  l'au  - 
teur  du  Méc/ian/ de  jeter,  dix  ans  après,  un  cri  d'alarme.  Gresset, 
dans  son  discours  de  réception  de  M.  Suard  à  l'Académie  fran- 
çaise (1777),  déplore,  en  un  style  qui  n'est  plus  celui  de  Vert- 
Vert,  que  «  l'abus  que  fait  du  langage  la  dépravation  qui  nous 
gagne  retranche  de  jour  en  jour  à  la  langue  française  beau- 
coup de  mots  et  de  façons  de  s'exprimer  dont  on  ne  peut 
plus  se  servir  impunément;  et  les  gens  sensés,  les  gens  ver- 
tueux seront  bientôt  réduits  à  ne  pouvoir  plus  employer  des 
termes  du  plus  grand  usage  sans  se  voir  arrêtés,  interrom- 
pus, tournés  en  dérision  par  l'abus  misérable  de  mots,  les  pi- 
toyables équivoques  si  bêtement  ingénieuses,  les  stupides  al- 
lusions de  ces  demi-plaisants,  de  ces  bouffons  épais  qui 
entendent  grossièrement  finesse  à  tout,  et  dont  les  plates  gen- 
tillesses et  la  triste  gaieté  s'épanouissent  dans  la  fange. 

«Il  s'en  faut  bien,  messieurs,  que  ces  pertes  réelles  de  la 
langue  soient  compensées  par  ses  modernes  acquisitions.  De 
quelles  tristes  richesses,  inconnues  il  y  a  peu  d'années,  et  de 
quelle  ridicule  bigarrure  de  noms  ne  se  trouve-t-elle  pas  sur- 
chargée! 

«  Quel  étrange  idiome  lui  est  associé  par  les  délires  du  luxe 
et  par  les  variations  des  fantaisies  dans  les  meubles,  les  ha- 

1.  Hemarques  sur  Racine,  dans  ses  Remarques  sur  la  langue  franmisc 
(1793),  p.  'Ikh. 


—  25  — 

bits,  les  coiffures,  les  ragoûts,  les  voitures!  Quelle  foule  de 
termes  nouveau-nés  depuis  Vottomane ']usqu' h  \a.  chiffonnière, 
depuis  le  frac  et  la  chenille  jusqu'au  caraco^  depuis  les  6m- 
gneuses  jusqu'aux  iphigémes,  depuis  le  cabriolet  et  la  déso- 
bligeante, jusqu'au  solo  et  la  dormeuse!...  >> 

Gresset  convient  que  le  mal  serait  fort  léger  si  les  acquisi- 
tions nouvelles  se  bornaient  à  ces  noms  :  «  Ils  iraient  se  ran- 
ger dans  la  classe  de  tous  les  mots  techniques  dont  le  dépôt 
littéraire  de  notre  langue  n'est  point  obligé  de  se  charger  (!)  »  ; 
mais  ce  qu'il  faut  regretter,  c'est  l'abus  d'expressions  qui, 
«  dénaturées  aujourd'hui  par  un  emploi  qui  leur  est  étranger, 
dégradent  la  langue  française  en  lui  ôtant  sa  justesse  et  sa 
précision....  A  chaque  instant,  pour  les  choses  les  plus  sim- 
ples, les  événements  les  plus  indifférents,  pour  des  misères, 
pour  des  riens,  on  se  dit  charmé,  pénétré,  comblé,  transporté, 
enchanté,  ou  désolé,  excédé,  confondu,  désespéré,  anéanti,  etc.  » 

Et  Gresset,  sur  ce  ton,  continue  ses  doléances  durant  six  ou 
huit  pages.  Qu'aviez-vous  fait  de  votre  plume,  ô  poëte  de  la 
Chartreuse  ? 

Nous  arrivons  à  la  Révolution.  Elle  va  mettre  en  circulation 
un  nombre  considérable  de  mots  nouveaux  appelés  par  la  si- 
tuation nouvelle,  matérielle  et  morale.  Il  se  publie  alors  di- 
vers Dictionnaires  néologiques'  qui  sont  avant  tout  des  œu- 
vres politiques,  des  écrits  de  combat.  Derrière  ces  mots 
nouveaux,  ennemis  et  amis  du  nouvel  ordre  de  choses  atta- 
quent ou  défendent  les  choses  nouvelles  qu'ils  expriment. 

En  1794,  paraît  un  livre  d'un  caractère  tout  différent  qui 
ouvre  la  voie  à  toute  une  série  de  travaux  du  même  genre. 
C'est  l'œuvre  d'un  philologue  qui  propose  aux  écrivains  un 
nombre  considérable  de  mots  nouveaux  ;  c'est  le  néologisme 
érigé  en  système.  Le  Vocabulaire  des  nouveaux  privatifs  fran- 
çais du  savant  Pougens'  est  une  œuvre  de  travail  et  de  science 


1.  Petit  dictionnaire  des  grands  hommes  et  des  grandes  choses  qui  ont  rapport 
à  la  Révolution,  par  une  société  d'aristocrates.  Paris,  imprimerie  de  l'administra- 
tion judiciaire,  179».  —  Dictionnaire  national  et  anecdotique  pour  servira  l'intel- 
ligence des  mots  dont  notre  langue  s'est  enrichie  depuis  la  Révolution,  etc.,  par 
M.  de  l'Kpithète,  élève  de  feu  M.  Reauzée,  à  Politicopolis,  chez  les  marchands  de 
nouveauté,  1790. —  Nouveau  dictionnaue  pour  servir  à  l'intelligence  des  termes 
mis  en  vogue  par  la  Révolution,  dédié  aux  amis  du  Roy,  de  la  religion  et  du  sens 
commun,  179'2.  —  Dictionnaire  laconique,  véridiciuo  et  impartial,  ou  Ktrennes  aux 
démagogues....  l'an  3"  de  la  prétendue  liberté.  —  Dictionnaire  néologique  des 
hommes  et  des  choses,  Paris,  an  viii,  tome  I  (A-BE). 

2.  (Ih.  Pougens,    Vocabulaire,  de  nouveaux  privatifs  français   imités  (les 


—  26  — 

où  Tau  leur  réunit  un  millier  de  mots  composés  avec  dé  [dés], 
dis,  in,  mé  [mes),  qu'il  forme  d'après  l'anafo^ie  des  mots  de 
même  famille  existant  déjà  en  français,  ou  des  mêmes  mots 
existant  en  latin,  en  italien,  en  espagnol  ou  même  en  allemand 
et  en  anglais.  Le  meilleur  éloge  qu'on  puisse  faire  de  ce  livre 
est  que  la  plupart  de  ces  composés  ont  été  consacrés  par 
l'usage. 

Ce  que  Pougens  faisait  pour  une  classe  de  mots.  Mercier, 
l'auteur  du  Tableau  de  Paris,  le  tentait  avec  une  singulière 
hardiesse,  sur  tout  le  domaine  de  la  langue.  Il  y  revendique  le 
droit  absolu  au  néologisme  ;  la  seule  règle  qu'il  s'impose  est 
que  les  mots  nouveaux  ne  violent  pas  les  lois  fondamentales 
de  la  langue,  qu'ils  soient  conformes  à  l'analogie,  qu'ils 
soient  clairs.  «  La  liberté  en  ce  genre,  quoique  poussée  un 
peu  loin,  est  cent  fois  moins  dangereuse  que  la  gêne  et  la  con- 
trainte. »  D'après  ces  principes,  l'auteur  propose  une  collec- 
tion de  mots  nouveaux,  les  uns  dus  à  des  contemporains  ; 
d'autres,  en  petit  nombre,  repris  aux  auteurs  du  seizième 
siècle  et  disparus  de  la  langue;  la  plupart  créés  par  lui  et  ac- 
compagnés d'exemples  de  son  invention,  destinés  à  en  mar- 
quer l'emploi.  Il  faut  reconnaître  que  cette  Néologie^,  à  côté 
d'expressions  téméraires  et  mal  venues,  en  contient  plus  d'une 
bien  frappée,  énergique,  nette,  et  qui  a  mérité  de  faire  fortune. 

Charles  Pougens,  en  1822,  continue  l'œuvre  de  Mercier  et  la 
sienne  propre  dans  son  Archéologie  française'^.  C'est  une  col- 
lection de  mots  tombés  en  désuétude  et  qui  méritent,  selon 
Pougens,  d'être  rendus  au  langage  moderne.  Le  choix  est 
fait  avec  science  et  goût. 

L'ouvrage  de  Mercier  a  un  caractère  littéraire  ;  ceux  de  Pou- 
gens un  caractère  scientifique.  On  n'en  peut  dire  autant  de 
ceux  qui  suivent. 

En  1842,  M.  J.  B.  Richard,  de  Radonvilliers,  publie  un  petit 
volume  in-8''  intitulé  :  «  Enrichissement  de  la  langue  fran- 
çaise, Dictionnaire  de  mots  nouveaux,  système  d'éducation, 
pensées  politiques,   philosophiques,   morales   et   sociales.  » 


langues  latine,  italienne,  espagnole,  portugaise,  allemande  et  anglaise.  Paris, 
1794,  in-8. 

1.  Mercier,  Néologie  ou  Vocabulaire  des  mots  nouveaux.  Paris,  1801,  2  vol. 
in-8. 

2.  Ch.  Pougens,  Archéologie  française,  ou  Vocabulaire  des  mots  anciens 
tombés  en  désuétude,  et  propres  à  être  restitués  au  langage  moderne,  tome  I, 
1821  \  tome  II,  182:);  in-8. 


—  27  — 

L'auteur  déclare  dans  l'avant-propos  présenter  au  public  un 
recueil  de  mots  «  pris  dans  les  écrivains  modernes,  dans  un 
grand  nombre  d'orateurs  distingués,  enfin,  dans  toutes  les 
notabilités  de  la  presse.  »  Peut-être  dans  la  liste  qu'il  publie 
quelques-uns  sont,  en  effet,  pris  à  des  auteurs  contemporains; 
mais  la  plupart  offrent  les  traces  évidentes  de  création  per- 
sonnelle. Après  les  articles  l'auteur  ajoute,  en  exemples,  des 
réflexions  d'un  style  qui  lui  appartient  en  propre ^ 

La  seconde  édition  a  paru  en  1845  sous  le  môme  titre  %  mais 
le  sous-titre  a  disparu  avec  les  exemples  qui  le  justifiaient. 
L'auteur  se  reconnaît  comme  l'inventeur  des  mots  proposés  : 
il  a  voulu  créer  des  mots  nouveaux  en  suivant  —  ce  dont  on 
ne  saurait  trop  le  louer —  les  lois  de  l'analogie  de  la  langue. 
Il  termine  son  avant-propos  par  cette  judicieuse  observa- 
tion : 

«  Dans  une  aussi  grande  quantité  de  mots  nouveaux  que 
celle  que  je  présente,  sans  doute  quelques-uns  paraîtront  d'a- 
bord durs,  d'une  prononciation  peut-être  difficile,  et  rinhal)i- 
tude  elle-même  ne  contril)uera  pas  peu  à  produire  cet  efl'et. 
Mais  si  on  répète  quelquefois  seulement  ces  mots  et  si  on 
considère  leurs  sens,  ce  qu'ils  expriment,  cet  inconvénient 
disparaîtra  vite,  parce  qu'ils  seront  dans  l'esprit,  et  on  se  fa- 
miliarisera avec  eux  aussitôt  qu'on  aura  fait  la  part  à  l'inha- 
bitude.  » 

Dans  les  vingt  mille  mots  que  M.  Richard,  de  Radonvilliers, 
présente  au  lecteur  et  avec  lesquels  il  l'engage  à  se  familia- 
riser, en  dépit  de  l' inhabitude,  près  de  deux  mille  cinq  cents 
sont  des  privatifs  nouveaux  composés  avec  dé;  l'auteur  a  pré- 
posé la  particule  négative  à  tous  les  mots  du  dictionnaire  ; 
avec  re  l'auteur  en  compose  environ  deux  mille.  La  méthode, 

1.  En  voici  un  échantillon  : 

«  Ahdération,  subst.  féin.;  action  d'abdérer,  de  tenir  caché,  enseveli,  de  ne  pas 
laisser  connaître.  «  [Abdérer,  d'où  l'auteur  tire  abdération,  abdéralif,  est  le  la- 
tin abdere.) 

«  Abdérntif,  ive,  adj.  ;  qui  est  de  Vàbdération,  qui  concerne  Vabdération,  qui 
marque  Vabdéralion.  » 

«  Pour  tout  ce  qui  actionne  par  Ymvrai,  Vabdêratif  est  un  indispensable  auxi- 
liaire; car  tons  les  faux  ne  conduiraient  <à  rien  s'ils  n'étaient  bien  cachés,  impé- 
nctrahiUsi's.  On  ne  trompe  jamais  par  la  vérité;  aussi  toujours  elle  s'inabdère  et 
s'évideyicie.  iMais  le  mensonfj^e  s'abdère,  parce  que  son  évidence,  sa  publicité,  lui 
amèneraient  tous  les  obstacles,  toutes  les  sévérités,  toutes  les  énergies,  et  toutes 
les  justices  de  la  vérité.  » 

2.  Avec  un  petit  changement  dans  le  nom  de  l'auteur:  en  1842,  J.  B.  Richard, 
de  Radonvilliers  ;  en  1845,  J.  B.  Richard  de  Radonvilliers  :  néologisme  par  simple 
suppression  de  virgule,  procédé  assez  commun  dans  l'onomastique  contemporain^. 


—  28  — 

comme  l'on  voit,  est  d'une  simplicité  parfaite,  coinmc  toutes 
les  méthodes  vraiment  fécondes.  Quelques-unes  de  ces  créa- 
tions sont  d'une  élégante  originaUté:  fl muser,  ce  qui  signifie: 
dévaster  comme  un  fléau;  exemple  :  «  la  guerre  fléause  les 
peuples»;  héréditariation ;  s'amouréiser,  amouréisation ;  'mau- 
vaisujettisme,  inauvaisujettiser ,  mauvaisujeltisalion,  maiivaisu- 
jettisable  ;  immalpropreté,  mot  indiquant  la  «  qualité'de  ce  qui 
n'est  pas  malpropre,  de  ce  qui  est  propre  »,  car  deux  néga- 
tions se  détruisent  et  valent  une  affirmation  ;  maingratisable, 
c'est-à-dire  «  qui  est  susceptible  de  prendre  le  penchant,  le 
caractère  de  l'abbé  Maingrat,  de  se  livrer,  comme  lui,  au  viol, 
à  l'assassinat  de  ses  pénitentes!  » 

Cette  tentative  passa  inaperçue.  De  nos  jours  un  publiciste 
plus  heureux  sur  d'autres  domaines,  a  de  nouveau  essayé 
d'enrichir  le  lexique  françaisde  plusieurs  milliers  de  mots*.  De 
son  travail  il  n'a  paru  que  quelques  livraisons,  l'auteur  s'é- 
tant  contenté  de  tracer  un  sillon  et  de  marquer  la  voie.  Espé- 
rons que  les  disciples  viendront  compléter  l'œuvre  du  maître 
et  que  la  lettre  A  ne  sera  pas  la  seule  à  s'enorgueillir  de  ses 
nouvelles  conquêtes  :  amérissement,  amérissabilité,  assaillatif, 
a f frayant,  affligible,  etc.^. 

Il  est  inutile  de  faire  observer  que  ces  théoriciens  du  néo- 
logisme, en  essayant  d'épuiser  systématiquement  toute  la 
série  des  barbarismes  possibles,  ne  tombent  que  rarement 
sur  des  formes  capables  de  naître.  Ce  n'est  point  dans  ces  col- 
lections que  l'écrivain,  à  court  d'expression,  ira  jamais  cher- 
cher le  barbarisme  nécessaire;  il  le  créera  de  lui-même,  sur 
le  besoin  de  l'instant  et  sous  l'action  inconsciente  de  l'analo- 
gie. Ce  n'est  point  dans  ces  œuvres  artificielles  et  par  suite 
monstrueuses  qu'il  faut  étudier  le  néologisme;  c'est  dans  les 
œuvres  réelles  et  vivantes,  dans  les  barbarismes  des  écrivains 
et  du  peuple. 

Les  polémiques  des  deux  siècles  derniers  se  sont  naturelle- 
ment poursuivies  dans  le  siècle  présent,  mais  moins  vives  et 
moins  continues.  Jamais,  cependant,  le  néologisme  n'a  été 
plus  envahissant,  et  n'aurait  dû,  semble-t-il,  provoquer  une 

1.  Cinq  mille  mots  logiquement  inhérents  à  la  langue  française,  omis  par  tous 
les  dictionnaires  et  restitués  par  Alexandre  Weil,  Paris,  1873.  —  Il  a  paru  quatre 
fascicules  de  cet  ouvrage. 

2.  Au  milieu  d'assertions  plus  qu'originales,  il  faut  noter  d'excellentes  observa- 
tions telles  que  la  suivante  :  «  Tout  mot  qui  n'est  pas  compris  par  les  enfants  et 
les  femmes  est  mauvais  et  anti-national  »  (p.  72). 


—  29  — 

réaction  plus  énergique.  Mais  c'est  que  les  conditions,  d'un 
siècle  à  l'autre,  ont  changé;  une  série  de  révolutions  dans 
l'ordre  politique,  industriel  et  social,  en  jetant  dans  la  circu- 
lation une  infinité  d'objets  nouveaux  et  d'idées  nouvelles, 
et  sans  cesse  renouvelées,  a  fait  éclater,  sans  résistance  pos- 
sible, les  barrières  anciennes  du  lexique. 

Ces  objets  nouveaux  et  ces  idées  nouvelles  doivent  néces- 
sairement se  faire  leurs  noms.  Nul  mot  existant  dans  la  lan- 
gue ancienne  ne  pouvait  exprimer  ce  qu'expriment  mitrailleuse, 
porte-monnaie;  vélocipède,  photographie,  télégraphe;  square, 
tunnel;  réactionnaire,  socialisme,  nihiliste;  budget. 

A  côté  de  ce  néologisme  ^de  choses,  néologisme  nécessaire 
parce  qu'il  correspond  à  un  objet  réel,  continue,  comme  dans 
les  siècles  précédents,  ce  qu'on  peut  appeler  le  néologisme 
d'expression,  qui  prétend  fonder  sa  légitimité  sur  une  analyse 
nouvelle  des  sentiments  et  des  sensations. 

Ce  néologisme, dans  son  principe, n'est  point  propre  à  notre 
siècle,  mais  appartient  à  toute  langue  et  à  toute  littérature 
savante.  C'est  lui  que  dénonce  Desfontaines  dans  son  Diction- 
naire, contre  lequel  s'élève  éloquemment  Voltaire,  quand  il 
demande  si  l'on  a  fait  de  nouvelles  découvertes  dans  le  cœur 
humain.  C'est  ce  néologisme  qui  domine  dans  le  style  de 
Fontenelle,  de  La  Motte,  et  que  Marivaux  pousse  à  l'abus. 
Il  a  pris  un  singulier  développement  de  nos  jours  où  les  vues 
vraies  ou  fausses,  saines  ou  maladives,  et  les  habitudes  d'es- 
prit plus  profondes  ou  plus  raffinées,  amenées  par  le  renou- 
vellement des  systèmes  philosophiques,  des  théories  scienti- 
fiques, de  l'analyse  psychologique,  ont  changé  non  le  fond, 
éternel  et  immuable,  des  sentiments  et  des  sensations  qui 
font  l'homme,  mais  leurs  apparences,  leurs  formes,  leurs 
jeux,  leurs  combinaisons-  C'est  ce  néologisme  qui  caractérise 
la  langue  des  écrivains  romantiques,  depuis  Chateaubriand*. 
Les  lignes  suivantes  de  Th.  Gautier  sur  le  poëte  des  Fleurs  du 
mal  nous  donnent  l'expression  de  cette  théorie  ^  : 

«  Il  aimait  ce  qu'on  appelle  improprement  le  style  de 
décadence,  et  qui  n'est  autre  chose  que  l'art  arrivé  à  ce 
point  de  maturité  extrême  que  déterminent  à  leurs  soleils 
obliques  les  civilisations   qui  vieillissent:    slyle  ingénieux, 


1.  Surtout  dans  ses  Mémoires  d^outre-tomhe. 

2.  En  môme  temps  qu'un  exemple  frappant  de  ce  stylo  malsain,  morbide,  qui 
est  devenu  l'idéal  de  la  plus  grande  partie  de  nos  poètes  (?)  contemporains. 


—  30  — 

compliqué,   savant,  plein  de  nuances  el  de  recherches,  re- 
culant  toujours    les   bornes   de   la   langue,    empruntant   à 
tous  les   vocabulaires   techniques,  prenant   des   couleurs  à 
toutes  les  palettes,  des  notes  à  tous  les  claviers,  s'efTorçant  à 
rendre  la  pensée  dans  ce  qu'elle  a  de  plus  ineffable,  et  la  forme 
en  ses  contours  les  plus    vagues  et  les  plus  fuyants,  écou- 
tant pour  les  traduire  les  confidences  subtiles  de  la  névrose, 
les  aveux  de  la  passion  vieillissante  qui  se  déprave,  et  les  hal- 
lucinations bizarres  de  l'idée  fixe  tournant  à  la  folie  ;  le  style 
de  décadence  est  le   dernier  mot  du  verbe   sommé   de  tout 
exprimer  et  poussé  à  l'extrême  outrance.  On  peut  rappeler,  à 
propos   de  lui,   la  langue  marbrée  déjà  des  verdeurs  de  la 
décomposition  et  comme  faisandée  du  bas-empire  romain  et 
les   raffinements  compliqués  de  l'école  byzantine,  dernière 
forme  de  l'art  grec  tombé  en  déliquescence  ;  mais  tel  est  bien 
l'idiome  nécessaire  et  fatal  des  peuples  et  des  civilisations  où 
la  vie  factice  a  remplacé  la  vie  naturelle  et  développé  chez 
l'homme  des  besoins  inconnus  Ce  n'est  pas  chose  aisée,  d'ail- 
leurs, que  ce  style  méprisé  des  pédants,  car  il   exprime  des 
idées  neuves  avec  des  formes  nouvelles  et  des  mots  qu'on  n'a 
pas  entendus  encore.  A  l'encontre  du  style  classique,  il  admet 
l'ombre, et  dans  cette  ombre  se  meuvent  confusément  les  larves 
des   superstitions,  les  fantômes   hagards   de  l'insomnie,   les 
terreurs  nocturnes,  les  remords  qui  tressaillent  et  se  retour- 
nent au  moindre  bruit,  les  rêves  monstrueux  qu'arrête  seule 
l'impuissance,  les  fantaisies  obscures  dont  le  jour  s'étonnerait, 
et  tout  ce  que  l'âme,  au  fond  de  sa  plus  profonde  et  dernière 
caverne,  recèle  de  ténébreux,  de  difforme  et  de  vaguement  hor- 
rible. On  pense  bien  que  les  quatorze  cents  mots  du  dialecte 
racinien  ne  suffisent  pas  à  l'auteur,  qui  s'est  donné  la  rude 
tâche  de  rendre  les  idées  et  les  choses  modernes  dans  leur 
infinie  complexité  et  leur  multiple  coloration  ^  » 

Les  mêmes  idées,  dans  ce  qu'elles  ont  de  légitime,  nous 
sont  données  par  un  autre  écrivain  bien  supérieur  en  bon 
sens  et  en  goût,  et  qui  certes  représente  l'esprit  français  mieux 
que  les  enfants  perdus  du  romantisme  :  «  J'ai  autrefois,  dit 
Brillât-Savarin,  entendu  à  l'Institut  un  discours  fort  gracieux 
sur  le  danger  du  néologisme  et  sur  la  nécessité  de  s'en  tenir  à 
notre  langue  telle  (ju'elle  a  été  fixée  par  les  auteurs  du  bon 
siècle. 

1.  Éliuie  sur  Charles  Baudelaire  en  lôlo  des  Œuvres  couipléles  de  Bau- 
delaire. 


—  31   — 

«Comme  chimiste,  je  passai  cette  œuvre  à  la  cornue;  il 
n'en  resta  que  ceci  :  Nous  avons  si  bien  fait  qu'il  n'y  a  pas 
moyen  de  mieux  faire,  ni  de  faire  aulremenl.  Or,  j'ai  vécu 
assez  pour  savoirque  chaque  génération  en  dit  autant  et  que 
la  génération  suivante  ne  manque  jamais  de  s'en  moquer. 

«  D'ailleurs,  comment  les  mots  ne  changeraient-ils  pas, 
quand  les  mœurs  et  les  idées  éprouvent  des  modifications 
continuelles?  Si  nous  faisons  les  mêmes  choses  que  les  anciens, 
nous  ne  les  faisons  pas  de  la  même  manière  ;  et  il  est  des  pages 
entières  dans  quelques  livres  français  qu'on  ne  pourrait  tra- 
duire ni  en  latin,  ni  en  grec.  *  » 

Les  protestations  contre  cette  invasion  du  néologisme  fu- 
rent rares.  La  grande  querelle  littéraire  du  siècle  porte  ail- 
leurs, sur  une  question  d'esthétique,  non  sur  la  langue.  Une 
voix  néanmoins  se  fit  entendre,  celle  de  M.  Viennet,  qui  le 
14  août  1855,  en  séance  solennelle  de  l'Institut,  dénonça  à 
Boileau,  avec  une  verve  mordante,  les  attentats  des  néo- 
logues  : 

Il  faut  des  noms  nouveaux  à  ces  nouveaux  artistes, 
Ils  se  nomment  entre  eux  bohèmes,  fantaisistes; 
Ils  ont,  pour  se  louer,  des  termes  inconnus 
Que  la  tour  de  Babel  n'a  pas  même  entendus.... 
Chacun  fait  son  argot,  sa  grammaire  nouvelle. 
Chacun  peut  à  son  gré,  sans  crainte  d'un  revers, 
Dégingander  sa  prose  et  déhancher  ses  vers, 
Barbariser  son  style,  empenner  son  génie 
Et,  comme  ses  lecteurs,  flouer  la  prosodie  : 
Des  critiques  charmés  viendront,  le  lendemain, 
Vanter  de  ses  écrits  le  lyrisme  et  V entrain.... 

Je  maudis  ces  auteurs  dont  le  vocabulaire 
Nous  encombre  de  mots  dont  nous  n'avons  que  l'aire  ; 
Qui  sur  de  vains  succès  basant  un  fol  orgueil, 
D'un  œil  ambitieux  fixent  notre  fauteuil  ; 
Qui  pour  utiliser  leur  frivole  existence 
Des  corrupteurs  du  goût  activent  la  licence, 
Formulent  leur  pensée  en  style  de  Purgon  ; 
Ou  qui,  gardant  au  cœur  la  foi  de  Saint-Simon, 
S'indignant  que  la  femme  k  l'homme  soit  soumise. 
Demandent  que  l'Ktat  la  désubalternise.... 

On  n'entend  que  des  mots  à  déchirer  le  fer  : 
Le  railway,  le  tunnel,  le  ballast,  le  tender, 
Express,  tr-ucks  et  wagons;  une  bouche  française 
Semble  broyer  du  verre  ou  mâcher  de  la  braise.... 

1.  l'Ivjisinlo'jic  du  (joût,  préface,  p.  27  de  l'édition  Charpentier,  1847,  in-12. 


—   32  — 

Faut-il  pour  cimenter  un  merveilleux  accord i 
Changer  l'arène  en  turf  et  le  plaisir  en  sport? 
Demander  à  des  clubs  l'aimable  causerie? 
Flétrir  du  nom  de  grooms  nos  valets  d'écurie, 
Traiter  nos  cavaliers  de  gentlemen-riders  ? 
Et  de  Racine  enfin  parodiant  les  vers, 
Montrer,  au  lieu  de  Phèdre,  une  lionne  anglaise 
Qui  dans  un  handicap  ou  dans  un  steepie-chasc 
Suit  de  l'œil  un  wagon  de  sportsmen  escorté 
Et  fuyant  sur  le  fur/"  par  un  truck  emporté? 

VÈpître  à  Boileau  eut  un  succès  retentissant;  on  s'égaya 
pendant  plusieurs  semaines  aux  dépens  du  néologisme  qui 
n'en  mourut  pas. 

Pourquoi  ? 

m 

Les  néologismes  peuvent  se  diviser  en  deux  classes 
p^uivant  qu'ils  désignent  des  faits  nouveaux,  objets  ou  idées, 
ou  qu'ils  désignent  autrement  des  faits  anciens. 

Les  faits  nouveaux  veulent  des  noms  nouveaux  :  le  néolo- 
gisme en  ce  cas  est, non-seulement  légitime, mais  nécessaire: 
tels  sowi  porte-monnaie^  photographie,  tramway,  socialisme. 

Ces  noms  sont  créés  par  des  Français  (ils  sont  alors  for- 
més d'éléments  français,  latins  ou  grecs),  ou  ils  sont  reçus  des 
étrangers.  Ils  sont  étrangers  quand  l'objet  l'est  lui-même; 
ils  viennent  et  s'acclimatent  avec  lui. 

M.  Viennet  déplore  l'invasion  anglaise;  le  français  ne  suf- 
lirait-il  pas  à  dénommer  les  objets  venus  d'outre-Manche  ? 
Notre  langue 

Sera-t-elle  plus  riche,  alors  que  nos  marins 
Auront  du  nom  de  docks  baptisé  leurs  bassins? 

Généralisons  l'objection  :  pourquoi  ne  pas  donner  un  nom 
français  à  l'objet  étranger?  Pourquoi  ne  pas  dire  carré,  au 
lieu  de  square  qui  signifie  proprement  carré?  voilure  au  lieu 
de  wagon  qui  a  absolument  le  môme  sens? 

Nous  touchons  ici  à  un  fait  de  psychologie  du  langage. 

Le  jardin  anglais,  importé  en  France,  est  un  objet  nouveau  ; 
on  l'importe  avec  son  nom  ;  et  ce  nom,  nouveau  comme  l'objet, 
frappe,  comme  lui,  par  sa  nouveauté.  Le  peuple  apprend  l'un 
en  môme  temps  que  l'autre  ;etle  signe  et  la  chose  signifiée  se 

1 .  Entre  la  France  et  l'AncIcIcrre. 


—  33  — 

gravent  sans  peine  dans  sa  mémoire.  A  square  essayez  de 
substituer  carré  ;  ce  mot,  compris  de  tous,  a  des  significations 
multiples  ;  pour  en  faire  le  nom  de  l'objet  nouveau,  le  peuple 
sera  obligé  de  faire  un  travail  intellectuel  qui,  par  une  ex- 
tension dans  la  signification,  approprie  le  mot  à  la  chose;  il 
faudra  qu'il  repasse  par  l'état  d'esprit  qui,  chez  nos  voisins 
anglais,  a  donné  à  square  sa  signification  spéciale.  Il  y  a  làun 
effort  intellectuel  inutile,  et  comme  l'esprit  d'instinct  va  droit 
au  plus  simple,  comme  la  nature  cherche  à  dépenser  un  mini- 
mum d'efi'ort,  le  peuple  trouve  plus  facile  d'apprendre  un  mot 
inconnu  avec  l'objet  nouveau  dont  il  est  le  nom  précis  ,  l'ex- 
pression adéquate,  que  d'ajouter  à  un  mot  connu  et  de  com- 
préhension déjà  large  une  signification  nouvelle. 

Passons  à  la  seconde  sorte  de  néologisme:  il  consiste  à  sub- 
stituer à  un  mot  ancien,  à  une  périphrase  ancienne,  un  mot 
nouveau.  Ce  néologisme  est  soit  littéraire,  soit  populaire, 
c'est-à-dire  soit  créé  par  les  écrivains ,  soit  créé  par  le 
peuple. 

Le  néologisme  de  l'écrivain  est  une  création  littéraire,  con- 
sciente, et  qui  tend  à  une  fin  esthétique  ;  il  relève  des  lois  de 
la  critique.  Celui  qui  l'essaye  doit  pouvoir  justifier  la  liberté 
qu'il  a  prise  avec  la  langue.  Autrement  dit,  il  faut  que  le  mot 
soit  nécessaire  dans  la  circonstance  donnée,  qu'il  soit  l'expres- 
sion la  plus  nette  ou  la  plus  forte  de  l'idée  à  représenter.  A 
cette  condition,  il  sera  pardonné;  bien  plus  il  méritera  de 
durer  et  durera  :  c'est  par  des  audaces  de  ce  genre  que  nos 
grands  écrivains  ont  enrichi  la  langue. 

Parfois  le  néologisme  littéraire  est  amené  par  l'ensemble  de 
la  phrase,  l'enchaînement  des  idées  et  s'impose  de  lui-même. 
M.  Villemain ,  dans  la  préface  du  Dictionnaire  de  l'Académie 
(édition  de  1835),  parlant  des  langues  qui  se  constituent,  se 
transforment  et  périssent  suivant  les  lois  qui  règlent  la  vie  des 
choses  humaijies,  écrit  la  phrase  suivante:  «  Dans  une  contrée 
de  l'immobile  Orient  où  nulle  invasion  n'a  pénétré,  où  nulle 
barbarie  n'a  prévalu,  une  langue  parvenue  à  sa  perfection,  s'est 
déconslruite  et  altérée  d'elle-même,  par  la  seule  loi  du  change- 
ment, naturelle  à  l'esprit  humain.  »  Déconstruire  manque  au 
Dictionnaire  de  l'Académie;  il  n'est  pas  admis  par  l'usage  qui 
n'en  sent  point  la  nécessité  permanente;  et  toutefois  ici  il  est 
si  bien  amené  par  l'ensemble  des  idées  qu'on  le  trouve  tout 
naturel  ;  c'est  le  seul  terme  propre  et  toute  périphrase  serait 
vicieuse.  C'est  un  de  ces  mots  éphémères  qui  naissent  avec  le 

3 


—  34  -^ 

besoin  instantané  et  meurent  dès  qu'il  cesse  ;  ce  ne  sont  pas 
des  mort-nés  ;  ils  ont  vécu  un  moment  et  peuvent  revivre  avec 
la  circonstance  qui  les  a  créés. 

Si  le  néologisme  littéraire  relève  de  la  critique  et  lui  doit 
compte  de  ses  créations,  le  néologisme  populaire  ne  relève  que 
de  lui-même,  et  c'est  à  la  science  à  en  rendre  compte. 

Les  anciens  l'avaient  déjà  reconnu  :  le  peuple  est  souverain 
en  matière  de  langage  :  Populus  in  sua  potestate,  singuli  in 
illitts^  disait  Varron,  et  avant  lui  Platon  :  Le  peuple  est  en  ma- 
tière de  langue  un  très-excellent  maître*.  Voltaire  le  constate 
en  le  regrettant:  «  Il  est  triste  qu'en  fait  de  langues,  comme 
en  d'autres  usages  plus  importants,  ce  soit  la  populace  qui 
dirige  les  premiers  d'une  nation'.  » 

Le  suffrage  universel  n'a  pas  toujours  existé  en  politique; 
il  a  existé  de  tout  temps  en  matière  de  langue  ;  là  le  peuple  est 
tout-puissant,  et  il  est  infaillible,  parce  que  ses  erreurs,  tôt  ou 
tard,  font  loi.  Le  langage  en  effet  est  une  création  naturelle  et 
non  une  construction  rationnelle  et  logique.  Les  hommes, 
pour  communiquer  entre  eux  leurs  idées,  recourent  d'instinct 
à  un  ensemble,  à  un  système  de  signes  naturels  qui  se  modi- 
fient sans  cesse,  dans  le  temps  et  dans  l'espace,  sous  l'action 
de  lois  physiologiques  et  de  lois  psychologiques;  mais  du  mo- 
ment que  la  plus  grande  partie  des  hommes  se  comprennent 
à  l'aide  de  ce  système ,  celui-ci  a  rendu  les  services  qu'on  est 
en  droit  de  lui  demander.  Voilà  pourquoi  même  les  erreurs  de 
logique,  les  anomalies,  du  moment  qu'elles  sont  acceptées 
de  tous,  cessent  d'être  anomalies,  et  deviennent  formes 
légitimes  de  la  pensée.  Tel  est  le  fondement  du  principe  qu'au 
pouvoir  de  l'usage  seul  est  la  règle  du  langage  : 

Quem  pênes  arbitrium  est  et  jus  et  norma  loquendi. 

Mais  cet  usage  varie  sans  cesse:  Consuetudo  loquendi  in 
motu  e8t\  Ainsi  notre  langue,  depuis  les  origines,  a  obéi  à 
certaines  tendances  qui  ont  transformé  sa  phonétique ,  ses 
formes  grammaticales,  sa  syntaxe,  son  lexique  :  sa  phonétique, 
sous  l'influence  permanente  qu'a  exercée  le  besoin  d'une  pro- 

1.  De  lingua  latina,  IX,  6.  Et  plus  loin  :  Ego  populi  consuetudinis  non  sUm  ut 
dominus;  at  ille  meœ  est. 

2.  Toutou  |jLèv  (=toû  iXXrjvîÇeiv)  ày^ôo''  SiSàffxaXot  ol  ttoXXoI,  xal  5ixa(o)ç  inoli» 
voîvt'  àv  aÙTMv  el;  ôiSaoxaXîav  {Alcibiades,  I). 

3   Tome  XVII,  p.  212  de  l'édition  Hachette,  1866  (40  vol;  in-li) 
4.  Varron,  L.  L.  IX,  17. 


—  35  — 

nonciation  plus  rapide;  ses  formes  grammaticales  et  sa  syn- 
taxe, sous  l'action  d'un  esprit  d'analyse  qui  lentement  a  dés- 
organisé sa  vieille  construction  à  demi  synthétique,  héritage 
du  latin,  pour  lui  substituer  une  construction  plus  logique  et 
toute  raisonnée  ;  son  lexique,  sous  l'action  de  cette  vie,  tou- 
jours mobile  et  changeante,  de  l'esprit  acquérant  sans  cesse 
des  idées  nouvelles,  apprenant  des  faits  nouveaux ,  voyant  et 
percevant  les  choses  sous  de  nouveaux  aspects. 

Les  transformations  de  ce  dernier  ordre,  celles  du  lexique , 
autrement  dit  les  néologismes,  ont  des  causes  aussi  multi- 
ples, aussi  infinies  que  les  faits  innombrables  qui  constituent 
la  vie  intellectuelle  d'un  peuple.  Pour  nous  en  tenir  aux  néolo- 
gismes qui  substituent  de  nouvelles  expressions  à  d'anciennes 
qui  tombent  en  désuétude,  pourguol,  par  exemple,  ains  a-t-il 
disparu  devant  mais^  moult  devant  beaucoup,  planté  devant 
abondance^  ^/loir  devant  tomber,'  heur  devant  événement,  huis 
devant  porte ,  c/îere'"9evanî~lnsâ^e ,  veer  devant  défendre,  ost 
devant  armée,  restor  devant  restauration,  navrer  devant  bles- 
ser, etc.?  Pourquoi  clore  djsparaît-ilj^résent  devant  fenner^ 
faillir  devant  manquer,  chaloir  devant  importer,  /bnder  oevant 
baser,  aviver  devant  activer,  etc.  *  ? 

Bien  que  chacun  de  ces  faits  ait  sa  cause  spéciale  et  déter- 
minante, toutefois,  si  l'on  embrasse  l'ensemble  de  ces  transfor- 
mations dans  leurs  successions  historiques,  on  voit  dominer 
une  ou  deux  causes  générales,  dont  les  applications  varient  à 
l'infini,  mais  dont  l'action  paraît  constante. 

Le  peuple  veut  une  langue  à  la  fois  expressive  et  claire. 

Tl  aime  il  s'exprimer  pàrTma^es;  les  mots  qu^il  emploie  doi- 

1.  Depuis  trente  années, 

On  a,  par  diverses  menées, 

Banni  des  romans,  des  poulets, 

Des  lettres  douces,  des  billets, 

Des  madrigaux,  des  élégies, 

Des  sonnets  et  des  comédies, 

Ces  nobles  mots  :  moult,  ains,  jaçoit. 

Ores,  adonc,  maint,  ainsi  soit, 

Ala7it,  si  que,  piteux,  icelle. 

Trop  plus,  trop  mieux,  je  quiers,  isnelle, 

Il  ne  m'en  chaut,  je  n'en  puis  «lais, 

A  grand  randon,  à  toujours  mais, 

Mauvaistié,  blandice,  empirance, 

Tollir,  cuider,  angoisse,  usance, 

Piéça,  servant,  illec,  ainçois, 

Comme  étant  de  mauvais  François. 

(Ménage,  Requête  des  Dictionnaires.) 
Cf.  plus  haut,  p.  19. 


—  36  — 

vent  parler  à  V imagination  et  représenter  les  objets  par  quelque 
caractère  sensible,  parce  que  c'est  par  quelque  caractère  sen- 
sible qu'il  les  perçoit.  Une  pièce  d'or  devient  chez  lui  un  jau- 
net,  une  pièce  d'argent  un  blanCj  une  grosse  montre  un  oi- 
gnon, le  balayeur  des  rues  est  un  peintre.  Mais  la  métaphore 
s'use  à  la  longue.  L'esprit  ne  voit  plus  dans  le  nom  de  la  chose 
l'image  où  elle  se  peignait,  mais  la  chose  elle-même;  la  tète 
n'est  plus  le  tesson  de  pot,  testa;  c'est  la  tête,  le  chef.  Le 
terme,  ayant  cessé  d'être  expressif,  ne  désignant  plus  une  qua- 
lité spéciale,  devient  général,  abstrait,  et  donne  la  représen- 
tation complète,  adéquate  de  l'objet.  Il  faut  donc  que  la  mé- 
taphore usée  se  renouvelle  ;  le  tesson  fait  place  à  la  boule,  à  la 
trogne. 

Dans  la  langue  commune,  même  besoin  de  l'image,  quoique 
plus  effacée  et  plus  discrète  ;  elle  aussi  aspire  à  la  couleur  et 
passe  sans  cesse  de  l'expression  où  elle  s'est  ternie,  à  celle  où 
elle  éclate  et  reluit;  et  cela  même  dans  l'expression  des  idées 
abstraites.  Autrefois  on  disait  exprimer  sa  pensée;  à  présent, 
on  commence  à  la.  formuler.  Pourquoi?  C'est  que  dans  expri- 
mer on  ne  sent  plus  la  force  première,  étymologique  du  mot. 
Exprimer  sa  pensée.,  n'est  plus  la  presser,  la  faire  sortir 
par  pression  et  la  condenser  dans  des  mots  ;  c'est  simplement 
la  faire  connaître  par  des  mots  :  le  terme  énonce  le  fait  sans 
image,  dans  une  nudité  abstraite.  Au  lieu  de  Vexprimer^  on  la 
formule,  c'est-à-dire  qu'on  la  jette  dans  le  moule  d'une  forme 
rigide,  mathématique.  La  phrase  où  la  pensée  se  formule,  se 
détache  devant  l'imagination  comme  une  ligne  d'équation  sur 
le  tableau  noir  de  l'algébriste.  Mais  il  est  évident  que  si  l'ex- 
pression est  admise,  elle  finira  peu  à  peu  par  s'user,  de- 
viendra le  synonyme  exact  d'exprimer  sa  pensée,  et  fera  place 
à  une  image  nouvelle,  sans  fin  et  sans  terme. 

D'un  autre  côté,  le  langage  doit  exprimer  les  choses  d'une 
façon  claire,  imposant  peu  de  travail  à  l'esprit.  11  arrive  sans 
cesse  que  des  mots,  parents  par  l'étymologie  et  par  le  sens,  et 
dont  la  parenté  est  visible  par  les  ressemblances  de  la  forme, 
se  trouvent  inégalement  et  diversement  usés  par  l'action  des 
lois  phonétiques,  de  sorte  que  le  lien  réel  qui  les  unit  ne  se 
marque  plus  dans  le  lien  apparent  de  la  forme.  Par  exemple, 
le  rapport  de  clore  à  clôture,  de  courbattrc  à  courbaturer,  de 
émouvoir  à  émotion,  ne  paraît  plus  dans  la  fornje  d'une 
façon  assez  immédiate;  le  peuple  abandonne  le  verbe  usé 
et  le  refait  sur  l'analogie  du  substantif  :  clore  est  remplacé 


—  37  — 

par  clôùwerj  courbattre  par  courbaturer,  émouvoir  par  émo- 
tionner,  etc. 

C'est  à  ces  causes  qu'il  faut,  croyons-nous,  rapporter  les  néo- 
logismes  populaires  :  ils  ont  donc  leur  raison  d'être,  puisqu'ils 
reposent  sur  des  besoins  naturels  de  l'esprit.  Mais,  comme  tout 
ce  qui  a  vie,  le  langage  est  soumis  à  deux  forces  contraires,  la 
force  qui  innove  et  celle  qui  conserve;  la  marche  du  langage 
consiste  à  céder  graduellement  à  la  première  en  se  laissant 
contenir  par  la  seconde;  autrement  les  transformations  seraient 
trop  promptes  et  les  langues  n'auraient  plus  d'unité. 

C'est  ce  qu'on  voit  dans  le  passage  du  latin  populaire  aux 
langues  romanes.  Lors  des  invasions  barbares,  toute  civili- 
sation, toute  tradition  disparaît,  les  forces  conservatrices  du 
langage  comme  le  reste;  et  l'idiome  populaire,  que  rien  ne  con- 
tient plus,  se  précipite,  si  bien  qu'en  l'espace  de  trois  ou  quatre 
siècles  il  aboutit  à  des  idiomes  absolument  nouveaux.  Or  cette 
transformation  rapide  est  l'anarchie;  puisqu'une  langue  ne 
peut  se  fixer,  il  faut  du  moins  qu'elle  change  aussi  lentement 
que  possible.  C'est  à  la  langue  littéraire  qu'est  réservé  le  rôle 
de  conservatrice.  Elle  doit  s'opposer  aux  néologismes  popu- 
laires et  ne  les  accepter  que  quand  ils  deviennent  un  fait  uni- 
versel. On  disait  autrefois  :  il  me  souvient,  le  peuple  a  dit  :  je 
me  souviens^  et  la  langue  littéraire  l'a  répété  après  lui;  aujour- 
d'hui la  langue  littéraire  se  rappelle  le  passé;  la  langue  po- 
pulaire se  rappelle  du  passé.  La  langue  littéraire  doit-elle 
l'imiter?  Non,  jusqu'au  jour  où  l'académicien  lui-même,  dans 
l'abandon  de  la  conversation  familière,  aura  dit  :  «  je  m'en 
rappelle.  » 

IV 

Le  néologisme  peut  s'étudier  de  deux  façons,  dans  ses  cau- 
ses et  dans  ses  procédés  de  formation.  La  première  étude  in- 
téresse l'historien  et  le  psychologue  :  le  psychologue,  qui  se 
demande  pourquoi  le  mot  ancien  a  cessé  de  marquer  exacte- 
ment l'idée  ancienne,  quel  mouvement  s'est  accompli  dans  la 
pensée  populaire;  l'historien,  qui  recherche  les  changements 
matériels  auxquels  correspondent  les  néologismes  de  faits; 
chacun  de  ces  mots  nouveaux  n'est  que  le  signe  et  le  produit 
d'un  fait  nouveau  ;  c'est  le  retentissement  de  l'histoire  dans 
la  langue.  Mais  on  conçoit  qu'une  pareille  étude  soit  à  la  fois 
infinie  et  sans  unité  propre,  au  moins  dans  l'état  actuel  de 
cette  partie  de  la  science. 


--  38  — 

Les  procédés  de  formation  donnent  lieu  au  contraire  à  une 
étude  une  et  simple.  Quels  sont  les  procédés  que  met  en  œuvre 
la  langue  moderne  pour  enrichir  ou  renouveler  son  matériel? 
Quelle  en  est  l'origine,  le  cercle  d'action,  la  force  relative? 
Quels  sont  les  changements  généraux  que  leur  action  a  pro- 
duits ou  est  en  voie  de  produire  dans  le  caractère  de  la  langue 
française?  Tel  est  l'objet  de  notre  étude. 

Elle  comprend  trois  parties  :  dans  la  première,  nous  parlons 
de  la  formation  française  ;  dans  la  seconde,  de  la  formation 
latine  et  grecque  ;  dans  la  troisième,  des  emprunts  faits  aux 
langues  étrangères  modernes. 

Ces  trois  parties  correspondent  à  trois  procédés  différents 
d'enrichissement  de  la  langue.  Il  est  inutile  de  nous  arrêter 
pour  le  moment  au  dernier;  les  deux  autres  demandent  quel- 
ques mots  d'explication. 

La  langue  française,  sortie  du  latin  populaire,  possède  en 
elle-même  un  certain  nombre  de  procédés  de  formation,  par 
dérivation  ou  par  composition,  qui  s'exercent  sur  des  radi- 
caux français.  C'est  ainsi  que  de  table  elle  tire  tableau,  de 
chaud,  êchauder  ;  de  naître,  naissance;  de  poison,  contre-poi- 
son, etc.  C'est  la  formation  française  proprement  dite. 

A  côté  de  cette  formation,  il  en  existe  une  autre  tout  artifi- 
cielle,  qui  consiste  à  emprunter  des  mots  au  latin  et  au  grec, 
ou  à  tirer  des  dérivés  et  des  composés  de  mots  latins  et  grecs  : 
tels  sont  administration,  légiste,  géographie,  etc.  Cette  formation 
a  été  appelée  savante  par  opposition  à  la  première,  qui  a  reçu 
le  nom  de  formation  populaire.  Le  terme  de  formation  savante 
peut  être  juste;  celui  de  formation  populaire  ne  l'est  pas,  parce 
qu'il  donne  à  entendre  que  cette  sorte  de  formation  appartient 
feulement  au  populaire,  à  la  plèbe;  en  fait,  elle  appartient  à 
toute  la  nation.  ^Un  lettré  seul  a  pu  créer  administration,  mais 
un  lettré,  comme  un  homme  du  peuple,  a  pu  former  le  verbe 
êchauder.  Nous  distinguerons  donc  les  deux  formations  sous 
les  noms  de  formation  française  et  formation  latine  et  grecque. 

Comme  il  faut  distinguer  deux  formations,  il  faut  aussi  dis- 
tinguer deux  langues,  la  langue  littéraire  ou  commune,  celle 
des  livres,  des  classes  élevées,  de  la  bourgeoisie,  et  la  langue 
populaire,  celle  de  l'ouvrier,  du  paysan.  La  première,  plus  qu 
moins  savante,  s'apprend  surtout  par  les  grammaires,  les 
livres;  l'autre  s'apprend  par  tradition  orale. 

La  première  a  subi  une  forte  action  de  la  formation  latine 
et  grecque,  qui  chez  elle  a  notablement  restreint  la  formation 


—  39  — 

française.  La  seconde,  restée  plus  complètement  à  l'abri  de 
cette  influence  étrangère,  a  maintenu  la  formation  française 
avec  plus  de  pureté  et  d'intégrité. 

Pour  étudier  la  formation  française,  nous  devrons  interro- 
ger la  langue  populaire  ;  nous  aurons  donc  à  citer  plus  d'un 
mot  qu'on  s'étonnera  peut-être  de  rencontrer  dans  une  étude 
grave  et  sévère  ;  mais  il  n'y  a  rien  de  vil  dans  la  cité  de  la 
science  ;  la  science  purifie  tout  ce  qu'elle  touche.  La  langue 
populaire,  même  dans  ses  créations  les  plus  audacieuses  et 
les  plus  grossières,  relève  de  la  philologie  au  même  titre, 
bien  mieux,  à  plus  juste  titre  que  la  langue  commune,  et  sur- 
tout que  la  langue  littéraire  ;  car  c'est  une  formation  plus 
naturelle  et  soumise  à  des  lois  plus  stables  et  plus  fixes, 
moins  troublées  par  les  hasards  de  la  volonté  et  du  parti  pris. 

Certains  de  nos  exemples  pourront  passer  pour  de  V argot.  11 
nous  arrivera  même  de  citer  parfois  le  livre  de  M.  Lorédan 
Larchey,  Dictionnaire  de  V argot  parisien  *  ;  mais  il  ne  faut  pas 
se  tromper  sur  la  signification  de  ce  mot,  qui,  dans  les  limites 
mal  déterminées  de  sa  définition,  renferme  des  ordres  de 
faits  absolument  difi"érents.  Il  importe  de  distinguer  la  langue 
populaire  de  l'argot. 

L'argot  est  à  proprement  parler  une  langue  de  convention, 
une  langue  artificielle,  qu'une  certaine  classe  de  la  société  — 
qui  a  d'excellentes  raisons  pour  cela  —  crée  afin  d'échapper 
aux  oreilles  indiscrètes.  Il  échappe  du  même  coup  à  la 
science,  qui  atteint  seulement  ce  qui  est  soumis  à  des  lois 
naturelles,  et  ne  connaît  pas  des  actes  de  la  volonté  humaine. 
Le  véritable  argot  peut  être  considéré  comme  le  modèle  de 
cette  langue  de  convention  qu'ont  rêvée  des  philosophes.  On 
peut  reconnaître  l'argot  français  à  ce  trait  que  la  plupart  des 
mots  qui  le  composent  sont  formés  contrairement  aux  lois 
de  la  dérivation  française,  à  l'aide  de  suffixes  qu'elle  n'a  ja- 
mais connus  :  mar,  muche^  anche,  etc. 

Certains  termes  d'argot  ont  pénétré  dans  la  langue  popu- 
laire, tout  comme  y  pénètrent  des  mots  de  formation  latine 
ou  grecque.  Mais  confondre  la  langue  popiïlaire  avec  l'argot 
parce  qu'elle  renferme  des  mots  d'argot,  c'est  commettre  la 
môme  erreur  que  si  on  la  confondait  avec  la  langue  savante, 

1.  Sixième  édition  des  Excentricités  du  langage  parisien,  1872,  ouvrage 
excellent,  fait  avec  soin  et  précision.  L'auteur  toutefois  aurait  dû  donner  d'une 
façon  plus  complète  les  indications  des  exemples  qu'il  cite.  L'ouvrage  de  M.  Al- 
fred Delvan,  Dictionnaire  de  la  langue  verle,  est  de  beaucoup  inférieur, 


—  40  — 

SOUS  prétexte  que  des  mots  savants  y  sont  entrés'.  La  langue 
populaire  est  une  forme  de  la  langue  française,  et  qui  n'est 
pas  des  moins  intéressantes. 

Si  l'argot  ne  rentre  pas  dans  le  cercle  de  nos  recherches,  la 
langue  populaire  y  a  sa  place  de  droit.  Nous  devons  l'étudier 
dans  ses  procédés  de  formation,  et  peut-être  cette  excursion 
au  milieu  d'un  idiome  qu'on  n'apprend  guère  que  par  des  li- 
vres spéciaux  nous  apportera  plus  d'un  enseignement  de 
haute  valeur  sur  l'état  et  l'avenir  de  notre  langue. 

Avant  d'entrer  dans  l'examen  des  faits,  il  est  inutile  de  faire 
remarquer  que  nous  ne  prélendons  pas  donner  la  liste  com- 
plète des  néologismes,  mais  seulement  étudier  les  procédés 
qui  les  produisent.  Pour  la  même  raison,  nous  n'avons  pas 
eu  à  dépouiller  toute  la  littérature  moderne  ;  les  forces  que 
nous  étudions  ne  sont  pas  dans  l'écrivain,  mais  dans  la 
langue  ^ 

1.  C'est  cette  distinction  de  l'argot  et  de  la  langue  populaire  que  n'a  pas  faite 
l'auteur  du  Dictionnaire  de  l'argot  parisien,  qui  confond  dans  son  ouvrage  tous 
les  termes  populaires,  métaphores,  locutions,  termes  spéciaux,  avec  les  mots  de 
convention  de  l'argot.  M.  Alfred  Delvau,  dans  la  préface  de  son  Dictionnaire  de 
la  langue  verte,  va  plus  loin,  et  trouve  autant  d'argots  parisiens  que  de  classes, 
de  professions,  de  corps  d'état.  C'est  la  même  théorie  qu'expose  Victor  Hugo  dans 
le  livre  vu  de  la  IV  partie  des  Misérables  [V Argot).  M.  Delvau  a  été  suivi  et  dé- 
passé par  un  professeur  allemand,  M.  L.  Botzon  qui,  dans  une  grotesque  Étude, 
écrite  dans  un  style  plus  grotesque  encore,  sur  le  langage  actuel  de  Paris 
(Francfort-sur  l'Oder,  1873,  in-4),  reconnaît  dans  le  français  parisien  deux  cent 
quatre-vingt-quatre  argots  différents  ! 

2.  Nous  devons  plusieurs  indications  bibliographiques  à  M.  Ch.  Marty-Laveaux, 
des  exemples  de  néologisme  à  MM.  Banquier  et  Wogue  ;  qu'ils  veuillent  bien 
recevoir  ici  nos  remercîments.  Nous  avons  aussi  tiré  un  grand  profit  des  travaux 
de  M.  Franz  Scholle  sur  la  langue  française.  M.  Scholle,  un  des  plus  éminents 
disciples  de  Fuchs,  a  rompu  plus  d'une  lance  en  faveur  des  langues  romanes  et 
spécialemen'  du  français  contre  l'école  germanique  de  Steinthal.  Dans  le  Pro- 
gramme annuel  de  la  «  Dorotheenstœdtische  Realschule»,  il  a  publié  une  inté- 
ressante étude  sur  la  question  suivante  :  Faut-il  voir  dans  le  changement  de 
forme  et  de  sens  qu'ont  subi  les  mots  latins  en  passant  au  français  une  infé- 
riorité de  cette  langue  (Berlin,  1866,  in-4),  et  chemin  faisant,  il  montre  par  une 
liste  de  néologismes,  que  les  forces  créatrices  du  français  sont  toujours  actives. 
Cet  opuscule  est  le  canevas  d'un  beau  livre  publié  en  1869  par  l'auteur,  sous  ce 
titre  :  «  Sur  le  concept  de  langue  fille,  dans  les  langues  romanes  et  spécialement 
en  français»  (écrit  en  allemand  ;  Berlin,  1869).  Préoccupé  de  cette  question  de 
l'énergie  toujours  vivante  de  notre  langue,  il  a  donné  dans  le  tome  XXXIX  (p.  425- 
438)  et  dans  le  tome  XLII  (113-134)  des  Archives  de  Herrig  [Archiv  fur  Studium 
der  neueren  Sprachen)  une  collection  assez  étendue  de  néologismes,  que  nous 
avons  mise  à  profit.  Nous  citons  la  première  des  trois  études  de  M.  Scholle  sous  le 
titre  de  Programme. 


PREMIÈRE   PARTIE. 

FORMATION    FRANÇAISE, 


Les  procédés  d'origine  française  dont  se  sert  la  langue  pour 
créer  des  mots  nouveaux  rentrent  dans  deux  classes  :  la  déri- 
vation et  la  composition. 


PREMIERE    SECTION. 

DÉRIVATION  IMPROPRE. 

La  dérivation  est  propre  ou  impropre  suivant  qu'elle  recourt 
ou  non  à  des  suffixes.  Herbette  de  herbe,  lainage  de  laine,  sont 
des  exemples  de  la  dérivation  propre;  le  substantif  appel,  tiré 
de  l'infinitif  appe/er,  l'adjectif  caressant,  caressante, tiré  du  par- 
ticipe présent  caressant,  sont  des  exemples  de  la  dérivation 
impropre.  Nous  commençons  par  celle-ci,  et  nous  examinons 
comment  les  diverses  parties  du  discours  peuvent  fournir, 
sans  addition  de  suffixes,  des  noms  et  des  adjectifs. 


CHAPITRE   PREMIER. 

SUBSTANTIFS. 

La  langue  tire  des  substantifs,  soit  de  noms  propres,  soit  de 
noms  communs,  soit  d'adjectifs,  soit  de  verbes,  soit  de  mots 
invariables. 


—  42  — 

§  1.   Noms  communs  tirés  de  noms  propres. 

1.  Les  noms  propres,  pour  devenir  communs,  suivent  des 
voies  diverses.  Tantôt  ils  passent  par  une  sorte  d'apposition  : 
un  fusil  Chassepot;  ici  le  nom  propre  est  le  déterminant  d'un 
nom  commun  ;  celui-ci  ensuite  se  sous-entend  :  un  chassepot. 
Tantôt  ils  sont  immédiatement  transformés  en  noms  communs  : 
un  mac- farlane. Quelquefois,  et  dans  certains  cas  seulement,  ils 
gardent  leur  forme  primitive  précédée  de  l'article  féminin  : 
fusée  à  la  Congrève  ;  coiffure  à  la  Titus,  à  la  Fontange.  La  pré- 
position et  l'article  peuvent  ensuite  se  supprimer  :  une  coif- 
fure Fontange,  une  Fontange.  C'est  par  un  procédé  analogue 
qu'on  dit,  par  exemple  :  un  style  à  la  Chateaubriand,  un  style 
Chateaubriand  * . 

2.  A  toutes  les  époques,  la  langue  a  transformé  des  noms 
propres  en  noms  communs  :  assassin,  besant,  cordon[nier),  es- 
clave, galetas,  renard,  tournois,  etc.,  au  moyen  âge;  béguin^ 
bicoque,  calepin,  cannibale,  épagneul,  espiègle,  jarnaCj  lambin^ 
patelin,  perse,  pistolet,  sarrasin,  vaudeville,  etc.,  à  la  fin  du 
moyen  âge  et  au  seizième  siècle  ;  amphitryon,  bougie,  barème, 
cachemire,  calicot,  carcel,  céladon,  cravate^  escobard,  fontange, 
g%dnée,  guillemet,  mousseline, praline,  quinquet,  séide,  silhouette, 
tartuffe,  etc.,  au  dix-septième   et  au  dix-huitième  siècle. 

3.  La  langue  du  dix-neuvième  siècle  n'est  pas  moins  riche 
en  formations  de  ce  genre.  La  liste  en  est  même  plus  con- 
sidérable ;  c'est  que  le  développement  de  l'industrie  contem- 
poraine met  sans  cesse  en  circulation  le  nom  de  nouvelles 
inventions  et  d'inventeurs  nouveaux.  D'autres  noms,  dus  à  la 
mode,  à  la  vogue  littéraire,  peuvent  avoir  une  vie  aussi  éphé- 
mère qu'éclatante,  mais  sans  survivre  aux  idées  et  aux  goûts 
de  l'époque  qui  les  a  vus  naître. 

Noms  d'inventeurs  devenus  noms  des  objets  inventés  : 

bréguet,  montre  de   précision. 

chassepot;  ce  mot  sera  peut-être  bientôt  détrôné  par  celui 
de  gras. 

colichemarde  «  lame  d'épée  extrêmement  large;  elle  ne 
peut  guère  servir  que  pour  la  parade.  »  (Mercier,  Néo- 
logie, II,  359)  ;  corruption  de  Kônigsmark. 

1.  Cf.  A.  Darmesleter,  Traité  de  la  formation  des  mots  composés,  p.  205,  et 
n.  2. 


—  43  — 

flaumont,  on  dit  aussi  bien  une  daumont  que  une  voiture 
à  la  Daumont.  «  Figurez-vous  que  nous  menions  en  daumont 
à  quatre  chevaux  ventre  à  terre,  tout  le  temps.  »  (A.  Daudet, 
Jack,  III,  §  7.) 

gibus,  ou  chapeau  gibus  :  «  chapeau  à  forme  pliante  ^>, 
comme  le  désigne  l'inventeur  (Description  des  brevets,  1"  série, 
t.  XLI,  p.  187^;  23  juillet  1834). 

giffard:  injecteur  pour  machines  à  vapeur  (voir  Littré, 
supplément). 

godillots,  souliers  de  troupe  ;  au  fîg.,  un  godillot,  un  sol- 
dat novice. 

massicot,  machine  à  rogner  les  livres  ;  altération  de  Mas- 
signot,  nom  de  l'inventeur  (Description  des  brevets,  1"  série, 
t.  LXX,  p.  447). 

raspail,  «  liqueur  de  Raspail  »,  eau-de-vie. 

Ami,  prends  un  sou  de  raspail 
Pour  rincer  de  tes  dents  l'émail. 

{La  maison  du  Lapin-Blanc.) 

(Lorédan  Larchey,  Dictionnaire  de  l'argot  parisien,  au  mot 
raspail). 

rigollot,  sorte  de  sinapisme. 

ruolz  et  maillechort.  Ce  dernier  mot  est  une  bizarre  com- 
binaison de  Maillot  et  Chorier,  noms  des  deux  inventeurs. 
Ruolz  s'emploie  au  figuré  dans  la  langue  familière  :  «  Une  vertu 
en  ruolz.  » 

Cette  altesse  en  ruolz,  ce  prince  en  chrysocale. 

(V.  Hugo,  Châtiments,  III,  k.) 

taconnet,  képi  des  chasseurs  d'Afrique. 

4.  Quelques  personnages  historiques  ont  fait  entrer  un 
instant  leurs  noms  dans  la  langue.  Sous  la  Révolution,  les 
assignats  de  cent  sous,  signés  Corsets,  s'appelaient  des  cor- 
sets. A  l'administration  de  M.  de  Rambuteau  nous  devons 
non -seulement  la  rue  de  Rambuteau,  mais  les  colonnes 
également  baptisées  du  nom  de  Vespasiennes.  «  Dans  toutes 
les  colonnes  Rambuteau,  le  long  du  boulevard,  une  main 
malicieuse  avait  mis  :  «  Mon  cher  Perrottin  »  (J.  Vallès,  la 

1.  l'"  série.  Description  des  macliines  et  procédés  pour  lesquels  des  brevets 
ont  été  pris  sous  le  régime  de  la  loi  de  1791.  Paris,  1811  à  1863,  in-4,  93  volumes 
pour  les  années  1791-1844. —  2°  série.  Description  des  machines  et  procédés  pour 
lesquels  des  brevets  d'invention  ont  été  pris  sous  le  réf^ime  de  la  loi  du  h  juillet 
1844.  Paris,  1850-1876,  in-4,  84  volumes  pour  les  années  1844-1874. 


—  44  — 

RuBj  les  Galériens)^  Sous  l'Empire,  les  louis  d'or  font  place 
aux  napoléons.  Les  victorias  rappellent  la  reine  d'une  grande 
nation  voisine.  Le  souvenir  des  bolivars  et  des  murillos  n'est 
pas  encore  entièrement  effacé.  «  C'était  le  temps  de  la  lutte  de 
l'Amérique  méridionale  contre  le  roi  d'Espagne,  de  Bolivar 
contre  Murillo.  Les  chapeaux  à  petits  bords  étaient  royalistes 
et  se  nommaient  des  murillos;  les  libéraux  portaient  des 
chapeaux  à  larges  bords  qui  s'appelaient  des  bolivars.  »  {V. 
Hugo,  dans  Lorédan  Larchey,  Argot  parisien). 

Les  noms  géographiques  fournissent  un  contingent  im- 
portant. A  la  fin  du  siècle  dernier  la  guerre  d'indépen- 
dance de  l'Amérique  nous  envoie  le  jeu  de  boston;  sous  le 
premier  Empire  paraissent  les pékins^.  Les  cotrets  nous  vien- 
nent, dit-on,  de  Villers-Cotlerets.  Les  draps  de  Louviers, 
d'Elbeuf,  ont  conquis  la  faveur  populaire  :  «  En  beau  linge, 
en  fm  louviers.  »  (L.  Desnoyers,  les  Béotiens  de  Paris).  «  Si 
l'étoile  de  mérite  n'orne  pas  mon  elbeuf  usé.  »  (Festeau,  dans 
L.  Larchey,  Argot  parisien).  Combien  d'aliments,  fruits,  bois- 
sons, denrées,  etc.,  portent  dans  leur  nom  leur  état  civil  :  les 
neufchâtels,  le  cognac,  le  brie,  le  gruyère,  la  quessoy,  la  mont- 
morency, le  fontainebleau,  la  valence,  etc. 

La  littérature  n'est  pas  moins  féconde.  Les  riflards  nous 
viennent  d'une  pièce  de  Picard,  la  Petite  ville  (1801),  où  le 
personnage  Riflard  était  armé  d'un  énorme  parapluie.  Chau^ 
vin  a  d'abord  été,  au  temps  de  la  Restauration,  un  type  de 
caricatures  populaires.  En  1825,  «  un  libéralisme  plus 
large  commença  à  se  moquer  de  ces  éloges  donnés  aux 
Français  par  des  Français,  de  ces  railleries  lancées  par  les 
Français  contre  des  étrangers.  Charlet,  en  créant  le  conscrit 
Chauvin,  fit  justice  de  ces  niaiseries  de  l'opinion.  »  (A.  Jal, 
Paris  moderne,  1834,  dans  L.  Larchey).  Des  Mystères  de  Paris 
d'Eugène  Sue,  est  sorti  le  populaire  pipelet.  Nestor  Roque- 
plan,  en  1841,  baptise  du  nom  de  lorettes  certaines  habitantes 
du  quartier  de  Notre-Dame-de-Lorette  ^ 

La  grisette,  doux  rêvel  Elle  avait  ses  apôtres, 
Balzac  et  Gavarni  mentaient  comme  les  autres; 
Mais  un  jour  Roqueplan,  s'étant  mis  à  l'affût, 
Fit  un  mot  de  génie,  et  la  lorette  fut! 

(Th.  de  Banville,  Evoé,Sat.  v,  1866.) 

1.  Voir  sur  ce  mot  le  Courrier  de  Vaugelas,  1872,  n°  13. 

2.  Sur  l'origine  de  ce  mot^  voir  le  Courrier  de  Vaugelas,  1871,  n°  5. 

3.  Voir  Roqueplan,  Nouvelles  à  la  main. 


—  45  — 

T'  C'est  dans  les  Scènes  populaires  d'Henry  Monnier  que  paraît 
pour  la  première  fois  le  maître  d'écriture  célèbre  sous  le  nom 
de  Joseph  PrudhommeK  En  1850,  Gustave  Nadaud,  dans  sa 
jolie  chanson  des  Deux  Gendarmes,  met  à  la  mode  le  nom  de 

Pandore  '  : 

Brigadier,  répondit  Pandore , 
Brigadier,  vous  avez  raison. 

«  La  ville,  l'autorité,  l'État,  apparaissent  sous  la  forme  de 
deux  Pandores  alsaciens  qui  vont  à  pied,  deux  à  deux,  en 
regardant  dans  les  fossés,  derrière  la  haie.  »[J.  Vallès,  la  Rue^ 
Le  dernier  soir).  En  1854,  les  Parisiens  de  Th.  Barrière  nous 
enrichissent  des  gandins^.  A  l'auteur  des  Misérables  on  doit 
le  gavroche.  Le  Calino  date  de  1858  où  une  pièce  de  Th.  Bar- 
rière et  d'Antoine  Fouchery  le  mit  à  la  mode*.  La.  Famille 
Benoiton  de  Sardou  (1866)  a  fait  souche  :  une  Benoiton,  une 
toilette  benoitonne,  benoitonner,  benoitonnerie. 

Rappelons  encore  quelques  créations  bizarres  dans  cet  ordre 
de  faits.  Lors  de  la  fondation  de  l'École  polytechnique,  l'infor- 
tuné époux  de  Jocaste,  Laïus  ayant  inauguré  la  série  des  com- 
positions françaises,  a  donné  son  nom  aux  exercices  de  style 
dans  les  écoles  militaires,  et  de  là  ce  nom  est  passé  dans 
la  langue  de  nos  lycéens.  Le  mot  capharnaûm,  qui  manque 
au  Dictionnaire  de  l'Académie  de  1835,  et  au  dictionnaire  de 
N.  Landais  de  1836,  vient  en  droite  ligne  de  l'Évangile  (Ev.  de 
S.  MarCf  II,  2). 

Ces  exemples,  qu'on  pourrait  multiplier,  suffisent  à  mon- 
trer l'activité  de  la  langue  dans  les  créations  de  ce  genre. 


§  2.  Nom,s  communs  tirés  de  nom,s  communs. 

Les  noms  communs  forment  des  mots  nouveaux  soit  par 
changement  de  sens,  soit  par  changement  de  genre.  Les  chan- 
gements de  sens  n'entrent  pas  dans  notre  étude',  nous  ne  nous 

1.  Lire  les  ingénieuses  réflexions  de  M.  Fr.  Sarcey  sur  ce  nom  de  Prudhomme  : 
Le  mot  et  la  chose  ;  PrucUwmme. 

2.  Le  Pandore  de  Nadaud  n'est-il  pas  un  souvenir  des  Pandours  ? 

3.  Gandin  est  le  nom  d'un  élégant;  peut-ôtre  l'auteur  a-t-il  songé,  en  créant  cd 
nom,  au  boulevard  de  Gand. 

4.  Le  personnage  qu'ils  portaient  sur  la  scène  du  Vaudeville  était  d'ailleurs  de- 
puis longtemps  légendaire  parmi  les  peintres  et  les  sculpteurs  parisiens.  Voir  le 
Courrier  de  Vaugelas,  1874,  n°  4  et  1876,  n»  20. 

5.  Voir  plus  haut,  p.  7. 


__  46  — 

y  arrêterons  pas.  Quant  aux  changements  de  genre,  les  exem- 
ples intéressants  sont  peu  nombreux. 

On  a  récemment  donné  le  nom  de  tribun  à  l'employé  qui, 
dans  certaines  maisons  de  commerce,  siège  à  la  tribune  ou 
estrade.  Ici  le  masculin  dérive  du  féminin,  et  ce  tribun  n'a 
plus  qu'un  rapport  éloigné  de  parenté  avec  le  tribun  du  peu- 
ple. Dans  certains  magasins,  l'employé  qui  tient  les  livres  à  la 
tribune  est  une  femme;  bientôt  à  côté  du  tribun  on  aura  aussi 
la  tribune. 

Des  substantifs  masculins  on  tire  facilement  des  féminins  ; 
cette  lormation  n'a  rien  que  de  normal  ;  citons  seulement  un 
exemple  :  dans  les  ateliers  de  typographie,  les  ouvriers  s'ap- 
pellent des  typos,  les  ouvrières  des  typotes  *  ;  ce  féminin  est  for- 
mé sur  l'analogie  de  Chariot^  Charlotte. 

Au  siècle  dernier,  ce  semble,  de  vaurien  on  a  fait  vaurienne, 
par  abus,  dit  M.  Littré,  «  comme  si  vaurien  était  un  adjectif 
en  ien.  »  Y  a-t-il  eu  abus  ?  Nullement.  Quand  on  a  tiré  le 
féminin  du  masculin,  vaurien  avait  déjà  perdu  sa  signification 
étymologique  de  vau  et  rien  {vale  nihil)  ;  devenu  substantif, 
avec  la  signification  beaucoup  plus  vague  de  personne  cor- 
rompue, il  a  pu  avoir  un  féminin  qui  ne  pouvait  être  que 
vaurienne.  C'est  ainsi  que  fainéant  a  donné  fainéante  qui  éty- 
mologiquement  est  barbare,  puisque  fainéant  se  décompose 
en  fai  néant  =^fac  nihil. 


§  3.  Noms  communs  tirés  (f  adjectifs. 

Les  exemples  d'adjectifs  pris  substantivement  abondent  dans 
l'histoire  de  la  langue.  Notre  époque  en  a  vu  créer  un  nombre 
considérable.  Tantôt  ils  désignent  des  personnes  :  les  conser- 
vateurs, les  réactionnaires,  les  révolutionnaires;  les  alliés;  les 
ruraux;  les  romantiques,  les  chevelus;  les  fédérés,  les  Versail- 
lais;  les  manifestants;  les  Parnassiens  ;  les  déclassés,  les  crevés,  les 
petits  crevés,  etc.  ;  tantôt  des  choses  :  un  périodique,  c'est-à- 
dire  Mn^'owrna/pénodiq'we;  un  imperméable,  c'est-à-dire  U7i par- 
dessus im,perméable;  un  ordinaire,  c'est-à-dire  un  dîner  ordi- 
naire (bouillon  et  bœuf)  ;  le  brutal  (le  canon)  ;  la  royale  (coupe 
de  la    moustache),    l'impériale   (barbiche),    l'impériale   (des 


1.  Boulmy,  Les  Typographes  parisiens,  avec  un  Dictionnaire  de  la  langue 
verte  lypoyraphù/ue,  in-8,  1874. 


—  47  — 

omnibus);  l'Intemalionale,  la  Marseillaise,  la  Citoyenne^  la 
Brabançonne  * . 

La  garde  nationale,  la  garde  mobile  ont  donné  les  masculins 
gardes  nationaux,  gardes  mobiles  (d'où,  par  simplification, 
les  mobiles).  L'armée  territoriale  vient  de  donner  directement 
naissance  aux  territoriaux,  sans  passer  par  l'intermédiaire 
d'un  adjectif  masculin. 

11  est  une  formation  de  noms  tirés  d'adjectifs  en  eur, 
euse,  qui  a  un  caractère  tout  à  fait  populaire,  et  qui  donne  à  la 
nomenclature  des  arts  et  métiers  de  nombreuses  dénomina- 
tions. Ainsi,  de  nos  jours,  on  a  créé  les  substantifs  sui- 
vants : 

hrindilleur,  machine  inventée  en  1847  (Description  des 
brevets,  2"  série  ;  t.  XIII,  p.  92). 

condenseur:  «  appareil  pour  la  fabrication  des  produits 
chimiques.  »  (Descript.  des  brev.,  1846;  2"  série;  table  pour 
le  t.  VIII,  p.  27). 

décortiqueur  :  «  appareil  pour  enlever  l'écorce  de  certains 
produits.  »  (Descript.  des  brev.,  1846;  2"  série;  t.  IX,  p.  242). 

diviseur,  «  instrument  propre  à  diviser  les  racines,  tuber- 
cules, etc.,  servant  à  la  nourriture  des  animaux.  »  (Descript. 
des  brev.,  1834;  l^"  série;  t.  XXXVIII,  p.  357). 

emballeur:  «  machine  dite  emballeur  des  roues.  »  (Des- 
cript. des  brev.,  1832;  t.  XXXII,  p.  305). 

enrayeur^  sorte  de  galet  (Descript.  des  brev.,  1845  ; 
2"  série;  t.  VII,  p.  44). 

folioteur,  appareil  propre  à  folioter  les  pages  des  registres, 
etc. 

macérateur:  «  appareil  dit  macérateur  continu,  à  effet 
constant,  propre  à  extraire,  sous  l'action  de  la  presse,  la  to- 
talité du  suc  des  fruits,  et  notamment  de  la  betterave.  »  (Des- 
cript. des  brev.,  1835;  V  série;  t.  XXXVI,  p.  307). 

numéroteur,  appareil  propre  à  marquer  de  numéros  d'or- 
dre des  papiers,  etc. 

1 .  Il  est  inutile  de  signaler  l'emploi  tle  l'adjectif  pris  absolument  ou  au  neutre 
comme  substantif  : 

Au  fond  de  VimmanoU  et  de  Villimitéi. 

(V.  Hugo,  Légende  des  siècles,  La  trompetle  du  jugement.) 

Insatiablement  avide 

De  Vobscur  et  de  Yincertain. 

(Baudelaire,  Fleura  du  mal,  lxxxiv.) 


—  48  — 

pétrisseur:  «■  pétrisseur  mécanique.  »  (Descript.  des  bre.v., 
2*  série,  t.  X,  p.  216). 

réducteur  :  «  appareil  distillateur,  dit  réducteur,  propre  à 
réduire  le  titre  de  l'esprit-de-vin.  »  (Descript.  des  brev.,  1813; 
1"  série;  t.  X,  p.  91). 

vérificateur:  «  appareil  dit  vérificateur,  et  qui  a  pour  objet 
d'intercepter  le  contact  de  l'air  avec  le  vin,  etc.  »  (Descript. 
des  brev.,  1828;  V  série;  t.  XXVI,  p.  5). 

balayeuse,  machine  dite  «  balayeuse  des  rues  ^y  (Descript. 
des  brev.,  1835;  1"  série;  t.  XLIII,  p.  54);  «  balayeuses  méca- 
niques »  (Bottin,  Annuaire  du  Commerce,  1875,  p.  682). 

barboteuse,  machine  employée  dans  le  blanchissage.    . 

batteuse,  machine  employée  à  battre  le  blé. 

broyeuse:  «  broyeuses  à  plâtre,  matières  dures,  etc.»  (Bottin, 
1875,  p.  1322). 

causeuses  :  «.causeuses  mécaniques.  »  (Bottin,  1875,  p.  888). 

couveuse:  «  coîweuse  artificielle.  »  (Descript.  des  brev.^ 
1850;  2"  série;  t.  XVIII,  p.  176). 

débourreuse  :  «  débourreuse  mécanique.  »  (Descript.  des 
brev.,  1849;  2"  série;  t.  XVI,  p.  120). 

découpeuse  :  «  machine  dite  décaupeuse,  propre  à  découper 
les  châles,  bordures  et  autres  tissus  brochés.  »  (Descript.  des 
brev.,  1829;  1"  série;  t.  XL,  p.  398). 

décrotteuse:  «  brosses  minérales  dites  décratteuses.  »  (Des- 
crip.  des  brev.,  1844;  1"  série;  t.  XL,  p.  445). 

délisseuse:  «  machine  à  diviser  les  chiffons,  dite  délisseuse 
mécanique.  »  (Descript.  des  brev.,  1834;  P«  série;  t.  XXXV, 
p.  128). 

épentisseuse  :  «  machine  appelée  épentisseuse ,  destinée  à 
dégager  les  tissus  de  toute  espèce  de  nœuds,  vrilles  et  autres 
aspérités.  »  (Descript.  des  brev.,  1826;  1"  série;  t.  XXVI, 
p.  129). 

épincetevse  :  «  épinceteuse  mécanique,  mécanisme  propre, 
par  l'application  de  pièces  mouvantes,  à  remplacer  l'épince- 
tage  manuel  dans  la  fabrique  des  étoffes  et  des  tissus  de  toute 
espèce.  »  (Descript.  des  brev.,  1825;   !■•«  série;  t.  XIX,  p.  248). 
égreneuse  (Bottin,  1875,  p.  713). 
étoffeuse,  voir  yratteuse. 
faucheuse,  machine  à  faucher. 

finisseuse,  «  machine  à  tondre  les  draps,  dite  finisseuse.  » 
(Descript.  des  brev.,  1828;  l«  série;  t.  XXXVIII,  p.  198). 


—  49  — 

glaneuse (Descnpt  des  brev.,  1840  ;  1"  série;  t.  LU,  p.  449). 

gratteuse,  machines  dites  «  yratteuses  ou  étoffeuses.  » 
(Descript.  des  brev.,  1829;  1"  série;  t.  XXVIII,  p.  104). 

laineuse,  «  machine  à  lainer  ou  garnir  les  draps,  dite 
laineuse  à  double  effet.  »  (Descript.  des  brev.,  1824;  l'^"  série  ; 
t.  XVIII,  p.  173). 

laveuse ,  machine  employée  dans  les  filatures  (Descript. 
des  brev.,  1845;  2«  série;  t.  IV,  p.  93). 

moissonneuse  :  «  mécanique,  moissonneuse  destinée  à  couper 
le  blé,  etc.  »  (Descript.  des  brev.,  1834;  1'*  série;  t.  XXXV, 
p.  315). 

mitrailleuse,  «  nom  récemment  donné  à  une  bouche  à  feu 
dite  aussi  canon  à  balles,  qui  peut,  à  l'aide  d'un  mécanisme 
spécial,  lancer  à  une  grande  distance  des  balles  avec  une 
grande  rapidité.  »  (Littré,  supplément). 

ploqueuse  (de  laine)  (Descript.  des  brev.  ;  2"  série  ;  t.  LXVI, 
p.  37). 

promeneuse,  sorte  de  bougeoir. 

traineuse,  «  machine  propre  à  accélérer  et  à  perfectionner 
le  bobinage  de  la  trame,  etc.  »  (Descript.  des  brev.,  1825  ; 
r«  série;  t.  XXIX,  p.  318). 

trieuse,  machine  pour  filature  (Descript.  des  brev.,  1844; 
2«  série;  t.  II,  p.  94). 

verseuse,  sorte  de  cafetière.  —  Etc.,  etc. 

On  voit,  par  cette  liste  qu'il  serait  facile  de  doubler,  com- 
bien est  simple  et  commode  cette  formation  de  qualificatifs,  et 
quel  heureux  parti  en  sait  tirer  l'industrie. 

5  4.  Nom^  communs  tirés  de  déterminatifs  et  de  pronoms. 

Les  adjectifs  numéraux,  certains  adjectifs  démonstratifs, 
possessifs,  indéfinis,  peuvent  se  prendre  substantivement, 
comme  les  qualificatifs  :  Le  conseil  des  Cinq-Cent^;  Ferragus, 
le  chef  des  Onze;  le  vote  des  douzièmes.  Cette  formation  n'oiï're 
rien  de  particulier. 

^  5.  Nom^  communs  tirés  des  verbes. 

Le  verbe  fournit  des  noms,  au  présent  de  l'indicatif,  à  l'im- 
pératif, à  l'infinitif,  au  participe  présent,  au  participe  passé. 

1.  Présent  de  Vindicatif.  —  Les  langues  romanes  connais- 

4 


—  50  — 

sent  un  procédé  curieux  de  formation  qui  a  été  étudié  pour 
la  première  fois  par  Diez%  et  qui  depuis  a  été  l'objet  de  re- 
clierches  approfondies  de  la  part  de  divers  savants,  notam- 
ment de  M.  Egger'^  Ce  procédé  consiste  à  tirer  un  substantif 
du  radical  du  verbe.  M.  Egger  voit  dans  ce  radical  celui  de 
l'infinitif;  Diez,  avec  plus  de  raison,  celui  du  verbe  aux  per- 
sonnes du  singulier  de  l'indicatif  présent. 

Comment,  en  effet,  expliquer  autrement  les  formes  telles 
que  maintien^  soutien,  relief,  qui  supposent  l'accent  sur  le  ra- 
dical du  verbe  et  non  sur  la  terminaison?  Revient  conserve  la 
forme  de  l'indicatif  sans  changement.  L'espagnol  pido  vientj 
non  de  l'infinitif /^erfer,  mais  du  présent  de  l'indicatif /ii':/e^ 

Cette  dérivation,  comme  l'a  montré  M.  Egger,  est  toujours 
vivante  ;  la  force  créatrice  qui  l'anime  deptiis  les  origines  de 
la  langue  ne  s'est  pas  épuisée  : 

balade,  action  de  se  balader,  de  se  promener.  Terme  popu- 
laire. «  Un  petit  tour  de  balade  l'après-midi.  «  (E.  Zola,  l'As- 
sommoir, p.  78.) 

boulange,  mot  nouveau  blâmé  par  M.  Viennet  : 

Que  dire  à  l'ouvrier  qui,  pour  son  industrie, 
Fait  les  mots  de  boulange  et  de  droguisterie  ? 

(Epître  à  Boilcau.) 

Il  y  a  deux  mots  bouloAigc,  l'un  dialectal,  qui  désigne  un 
mélange  de  foin  et  de  paille,  préparé  pour  la  nourriture  des 
bestiaux,  et  qui  est  masculin,  «  Faire  du  boulange  »  (Jaubert, 
Glossaire  du  centre  de  la  France).  De  ce  mot  est  sorti  le  verbe 
boulanger.  L'autre  est  le  substantif  verbal  féminin  de  bou- 
langer, la  boulange,  l'action  de  pétrir  la  pâte.  Ce  dernier 
est  de   formation  récente. 

1.  Grammaire  des  lauf^ucs  romanes,  1. 11,  liv.  III,  S 1,  i,  2;  première  édition  (1838). 

2.  M.  Maïtzner  dans  sa  FranzusischeOrainhialik  (Berlin,  18.")());  M.  Egger,  une 
première  fois  en  1864  dans  les  Mt-moires  de  VAeadémii'  desinscriplions  el  bcHcs- 
leitres;  M.  A.  lirachet,  dans  son  Dictionnaim  étijinologigue  où  il  ajoute  aux  re- 
clierches  de  ces  savants  ;  M.  Egger,  une  seconde  fois,  dans  un  mémoire  fort  étu- 
dié et  rempli  de  faits,  qui  a  paru  en  1874  dans  la  Revue  des  langues  romanex 
(Les  substantifs  verbaux  formés  par  apocope  de  l'infinitif).  Nous  citons  l'é- 
lude de  M.  Egger,  d'après  le  tirage  à  part  (Montpellier  et  Paris,  1875). 

3.  ïontefois  on  y  pourrait  voir  aussi  bien  le  radical  du  singulier  de  l'imjjératif 
DU  du  subjonctif,  puisqu'il  présente  les  mêmes  conditions  phonétiques  que  le  sin- 
gulier de  l'indicaiif  ])résent.  Mais  l'impératif  a  déjà  sa  formafion  propre,  comme 
nous  Je  veiTons  plus  loin  ;  cpiant  au  subjonctif,  il  est  diflicile  de  comprendre  que 
ce  mode  indirect  puisse;  logiquement  douner  naissance  à  un  dérivé  nominal. 
Toutes  les  vraisemblances  sont  donc  pour  le  présent  de  l'indicatif:  en  tout  cas, 
on  ne  peut  d'aucune  manière  admettre  l'inlinitif. 


—  51   — 

bous,  s.  m.  pi.  «  Des  bous  de  sucre,  du  sucre  qui  a  bouilli, 
DoRMOY,  Revue  contemporaine,  15  août  1870,  p.  489.  »  (Litlré, 
snp])lé)nent) .  M.  Littré  ne  s'explique  pas  sur  l'ori^Mue  de  ce 
mot  (l'apparence  si  bizarre;  c'est  le  radical  de  bouillir  au  pré- 
sent de  l'indicatif  bouil-t^  bout,  et  l'origine  de  bouillon. 

boxe,  dérivé  de  boxer  qui  est  l'anglais  to  box, 

casse,  bris  accidentel  d'objets  fragiles.  «  Je  ne  réponds 
pas  de  la  casse.  »  «  Tant  pour  la  casse.  « 

cavalle,  évasion,  action  de  se  cavaler ;  terme  populaire. 

chauffe  :  «  la  surface  de  chauffe.  » 

cogne,  la  gendarmerie,  la  police;  terme  populaire.  Le 
gendarme  est  le  cognard,  celui  qui  saisit  le  voleur,  et  le 
jette  dans  le  coin,  le  cogne  ou,  comme  on  dit  encore,  le 
rencogne.  De  là,  un  cogne,  un  gendarme,  un  agent  de  po- 
lice :  «  Les  cognes  sont  là.  »  (V.  Hugo,  les  Misérables,  III, 
VII,  20). 

colle:  ce  simulacre  d'examen,  examen  préparatoire  à  un 
examen  véritable  ;  appelé  ainsi  parce  qu'on  cherche  à  coller 
(embarrasser)  l'étudiant.  »  (L.  Larchey,  Argot  jmrisien]. 

débine,  action  de  débiner  quelqu'un,  état  de  celui  qui  est 
débiné  :  «  Les  moindres  bisbilles,  maintenant,  finissaient  par 
des  attrapages,  où  l'on  se  jetait  la  débine  de  la  maison  à  la 
la  tête.  »  (E.  Zola,  l'Assommoir,  p.  339).  Terme  populaire.  — 
Débiner  est  un  mot  d'origine  dialectale  ;  il  vient,  ce  semble, 
des  patois  du  Nord. 

déblai,  remblai,  mots  «  sortis  de  nos  ateliers  de  construc- 
tion et  du  cabinet  de  nos  ingénieurs.  »  (Egger,  p.  82). 

détourne  :  «  le  vol  à  la  détourne.  » 

épate,  action  d'épater  quelqu'un,  de  l'étonner.  «  Faire  de 
Vépate  «;  t«rme  populaire. 

flâne  :  «  Les  discussions  et  la  flâne  avaient  apporté  là 
cette  banalité  qui  erre  dans  les  salles  d'eslaminet.  »  (A.  Dau- 
det, J«c/c,  1,  J^  11). 

gare,  terme  de  clieinins  de  fer;  l'expression  «  gm^  à'éyi- 
tement  »  a  conservé  la  signification  première  de  ce  mot. 

gratte,  «  pièce  grattée,  retenue  en  cachette  par  la  coutu- 
rière sur  les  étoffes  confiées  par  la  pratique.  »  (L.  Larchey, 
Argot  parisien).  Par  extension,  tout  i)ront  fait  par  abus  de 
confiance.  Terme  populaire. 

jappe,  action  de  japper  ;  au  figuré,  action  de  bavarder, 
c  Tais  ta  jappe.  »  Terme  populaire. 

loue,  action  de  louer,  de  prendre  (vn  location,  «  IjA  loue 


52  -" 

(les  serviteurs  (G.  Sand,  Petite  Fadelte).  »  Le  mot  est  dialectal, 
et  peut-ôtre  ancien. 

mouille.  M.  Littré  donne  à  ce  mot  les  deux  significations 
suivantes  :  «  1°  Terme  rural,  particulièrement  du  canton  de 
Genève.  Source  qui  ne  fait  que  suinter  dans  une  prairie  et  qui 
y  produit  une  herbe  précoce  et  excellente  ;  2"  endroit  d'une 
rivière  où  Teau  a  quelque  profondeur.  Dans  les  mouilles,  il 
[le  tirant  d'eau  du  fleuve)  est  souvent  de  0  m.  80  c.  (E.  de 
Granger,  Voies  navigables  en  France^  p.  317.)»  Il  faut  y  ajouter 
un  troisième  sens  :  action  de  mouiller,  en  parlant  de  la  pluie 
qui  détériore  les  marchandises  laissées  en  magasin.  C'est  un 
terme  d'administration  des  chemins  de  fer,  qui  n'est  pas  une 
extension  des  deux  premières  significations,  mais  un  mot 
nouveau,  tiré  directement  de  mouiller;  excellent  mot  que 
M.  Viennet  a  tort  de  blâmer,  quand  il  reproche  au  shérif  d'af- 
franchir «  le  transport  des  risques  de  la  mouille.  »  [EpUre  à 
Boileau.  ) 

pousse.  La  pousse  est  la  police,  comme  la  cogne  est  la  gen- 
darmerie. Ce  terme  populaire,  il  n'est  pas  inutile  de  le  dire, 
ne*  vient  pas  d'une  extension  de  sens  du  substantif  verbal 
pousse,  action  de  pousser,  de  grandir,  mais  dérive  de  pousser, 
verbe  actif. 

protêt,  acte  par  lequel  on  proteste  ;  date  de  la  fin  du  siècle 
dernier. 

réclame  :  «  Le  mot  de  réclame  est  si  récent  qu'on  ne  le 
trouve  point  encore  dans  le  Dictionnaire  de  l'Académie  au  sens 
où  nous  le  prenons  aujourd'hui.  C'est  pourtant  un  mot  fort 
bien  fait  ;  il  signifie  au  propre  cri  répété.  La  réclame  n'est  pas 
autre  chose.  La  Révolution  de  89,  en  donnant  à  tous  les  mé- 
tiers et  à  tous  les  commerces  la  liberté  du  travail^  fit  naître 
la  concurrence,  et  elle  élargit  en  même  temps  le  cercle  du 
public  auquel  on  dut  s'adresser.  Il  fallut  crier  pour  se  faire 
entendre;  crier  fort  et  souvent  ;  crier  partout  et  toujours.  » 
(Fr.  Sarcey,  Le  mot  et  la  chose.  Réclame). 

relaxe,  action  de  cesser  les  poursuites  contre  un  accusé 
risonnier  (Littré,  supplément). 

remblai,  voir  déblai. 

repèche,  action  de  repêcher  (Littré,  supplément). 

report,  déport,  termes  de  bourse. 

repousse:  «  repousse  des  cheveux.  »  {réclame  d'un  parfu- 
meur, aux  annonces  des  journaux)  ;  mot  expressif  et  bien  fait. 

revient  :  «  le  prix  de  revient.  » 


—     53  — 

Los  substantifs  verbaux  qui  procèdent'  olTrent  les  mêmes  ca- 
ractères que  les  nombreux  dérivés  analogues  qui  existent  dans 
la  langue.  Ils  ont  pour  la  plupart  une  signification  abstraite; 
ils  sont  presque  tous  de  la  première  conjugaison.  Ce  qui 
leur  est  propre,  c'est  (juils  appartiennent  à  la  langue  popu- 
laire ou  à  la  langue  de  l'industrie  et  du  commerce.  Ici  l'on 
saisit  sur  le  fait  l'action  perturbatrice  de  la  formation  savante 
qui  restreint  et  étoulîe  la  formation  française.  M.  Egger  cite 
le  mot  dénonce  qui  ligure  dans  un  document  révolutionnaire 
du  22  germinal,  an  il  de  la  République,  et  il  exprime  le  regret 
que  ce  mot  «  ne  se  soit  pas  accrédité  de  préférence  à  dénon- 
ciation, mot  plus  long  et  plus  lourd,  qui  ajuste  le  môme 
sens.  Ce  fait  n'est  mallieureusement  pas  isolé.  Diffamation  a 
fait  disparaître  diffame  qui  s'est  dit  jusqu'au  commencement 
du  dix-septième  siècle:  «  Diffame,  infamie,  obloquic,  reproach, 
discrédit,  ignominie,  dishonour,  disgrâce,  an  ill  report,  an 
cvill  name,  an  imputation.  »  i^Cotgrave). —  Consultation  a  chassé 
consulte  :  «  (II)  passait  au  Mans  pour  faire  une  consulte  au 
médecin  sur  sa  maladie.  »  (Scarron,  Rom.  comiqne,  \ll).  C'est 
l'italien  consulta  :  la  sacra  consnlta.  —  Prononciation  a  pris 
la  place  de  prononce  : 

(La  langue)  Que  ce  peuple  ignorant,  par  mauvaise  prononce 
Des  vulgaires  plus  bas,  diversement  énonce. 

(V.  de  la  Fresnaye,  Art'poét.,  II.) 

Restauration  s'est  substitué  à  roMor  :  «  Restor,  a  recovery,  or 
remedy  against  a  vouchee  or  any  one  by  whom  a  man  is  dam- 
nilied.  »  (Cotgrave). 

loue  disparaît  devant  location;  purge  cède  la  place  kpur- 
(jation;  conserve  a  restreint  sa  signification  devant  conserva- 
tion; viol  devant  violation. 

C'est  ainsi  qu'un  procédé  de  dérivation,  qui  avait  donné  à  la 
langue  tant  de  mots  élégants,  nets,  courts  et  simples  %  se  ré- 

1.  Hausse,  baisse,  cités  par  M.  Eggcr  comine  mois  «  crées  pres(Hic  de  nos  jours  », 
existaient  déjà  au  siècle  dernier;  conserve  de  même  appartient  à  la  vieille  langue. 
Parcours,  donné  parmi  les  substantifs  verbaux  de  création  récente,  est  un  sub- 
stantif participial  :  parcours  est  à  parcourir  ce  ipie  cours  (cursus)  est  à 
courir. 

'î.  Accord,  accueil,  adresse,  affront,  amas,  amende,  annonce,  appel,  approche, 
appui,  arrêt,  aveu,  blâme,  cesse,  charge,  combat,  concert,  conte,  couche,  cri,  dé- 
cor, dégoût,  demande,  déni,  dépouille,  désir,  destin,  détour,  dispute,  ettbrl, 
élan,  emprunt,  entrave,  espoir,  fatigue,  foule,  intrigue,  juge,  mépris,  offre,  par- 
don, pli,  pose,  pousse,  prêt,  recel,  recul,  reflet,  relais,  rempart,  réserve,  séjour, 
souci,  soutien,  trépas,  etc.,  etc.  Cf.  E^ger,  op.  cit..  p.  *21-29,  où  sont  cités  plus  de 
trois  cents  exemples. 


—   54  — 

duit  devant  les  envahissements  de  la  langue  savante,  et  on 
trouve  pour  dernier  refuge  que  la  langue  du  peuple  ou  la  lan- 
gue spéciale, 

2.  Impératif.  —  La  formation  des  mots  à  l'aide  de  l'impé- 
ratif ne  donne  guère  que  des  mots  composés  :  porte-monnaie^ 
serre-papier;  nous  l'étudierons  plus  loin^ 

3.  Infinitif.  —  Dans  la  vieille  langue,  l'infinitif  pouvait, 
comme  en  grec,  s'employer  substantivement,  en  se  faisant 
précéder  de  l'article.  Dans  un  texte  bas-latin  de  l'an  584,  on 
lit  :  «  qui  cis  donavit  ipsum  vivere  vel  regnare.  »  (Bréquigny, 
81  d)  ^;  ipsum  est  l'article,  ce  qui  prouve  que  vivere  et  regnare 
sont  pris  substantivement.  Dans  les  Serments  de  842,  savir  et 
fjodir^  sont  des  substantifs.  Voici  des  exemples  du  onzième, 
du  douzième  et  du  treizième  siècle  : 

Dreit  à  Lalice  revint  li  sons  edrers  {Saint- Alexis,  38  c). 
Demain  quant  li  rois  Hugun  (lire  Hugues)  serrât  a  son  deignier. 

{Charlem.  à  Jérus.,  .584.) 

Li  cuens  Guillames  se  hasta  de  Ventrer.  {Aliscans,  1645.) 
Fintement  parolent  et  lor  coisier  n'est  pas  simple. 

{Dialogus  anime  conquerentis,  V,  12.) 

S'ore  estes  povres,  ains  demain  Vavesprer.  {Huon  de  Bordeaux,  1282.) 

Lipanres  ni  Vocires  de  moi.  (Floovant,  1059.) 

Après  le  mangier  amedui 
Parlèrent  ensemble  et  veillèrent. 

{Chrestien  de  Troyes,  Graal,  dans  Bartsch^,  145,  7.) 

L'infinitif  peut  même  s'employer  au  pluriel  :  les  hoivres 
(Marie  de  France,  II,  91). 

Cette  construction  se  maintint  jusqu'au  seizième  siècle,  où 
elle  reprit  avec  une  singulière  recrudescence,  sous  l'in- 
fluence de  la  construction  latine  que  les  écrivains  essayaient 
alors  de  transporter  dans  notre  langue.  «  Le  longtemps  vivre 
et  le  peu  de  temps  vivre  est  rendu  tout  un  par  la  mort.  »  (Mon- 
taigne, I,  19).  «  L'estre  mort  ne  les  fasche  plus;  mais  oui  bien 
le  mourir.  :»  {Jd.,  II,  13).  «  Que  diray-je  de  cest  autre  grand 

1.  Page  161. 

2.  Cf.  Diez,  Grammaire,  111,  p.  199  de  la  traduction  française. 

3.  In  quant  Deus  savir  et  podir  me  dunat. 


—  55  — 

Monarque,  qui  desiroil  plus  le  renaislre  d'Homère,  (jue  le 
gaing  d'une  grosse  balaille?  »  (Du  Bellay,  Illustr.,  II,  5). 

Mais,  vers  la  fin  du  seizième  siècle,  cette  construction  tend 
à  disparaître.  L'esprit  d'analyse  qui,  dès  les  derniers  temps 
du  moyen  âge,  transforme  la  syntaxe  de  notre  langue,  ne 
pouvait  laisser  subsister  une  construction  aussi  synthétique, 
qui  confond  dans  une  seule  et  môme  expression  la  forme  et 
l'idée  du  verbe  avec  la  forme  et  l'idée  du  nom.  Dans  blanchis- 
sage, la  notion  nominale  et  la  notion  verbale  sont  réunies  ; 
mais  la  forme  reste  nominale  :  «  action  de  blanchir  «  ;  dans  le 
blanchir,  à  l'idée  double  s'ajoute  encore  une  forme  à  la  fois 
verbale  et  nominale  ;  et  c'est  cette  complication  que  repousse 
aujourd'hui  l'esprit  analytique  de  la  langue.  Désormais  la 
construction  de  l'infinitif  avec  l'article  qui  le  change  en  sub- 
stantif n'est  plus  vivante. 

C'est  donc  en  vain  que  des  écrivains,  regrettant  la  conci- 
sion pittoresque  de  cette  construction  archaïque,  ont  cherché 
à  la  rajeunir.  La  Fontaine  a  créé  le  dormir  '  ; 

....  Le  financier  se  plaignoit 
Que  les  soins  de  la  Providence 
N'eussent  pas  au  marché  fait  vendre  le  dormir 

Comme  le  manger  et  le  boire.    (Fables,  VIII,  2.) 

Fénelon  a  dit  le  sentir  et  le  consentir  :  «  Ce  n'est  pas  le  sentir, 
mais  le  consentir  qui  nous  rend  coupables.  »  [Lettres  spir., 
136).  Voltaire,  imitant  le  style  marotique,  a  écrit  : 

Sous  la  raison  les  grâces  étouffées 
Livrent  nos  cœurs  à  l'insipidité. 
Le  raisonner  tristement  s'accrédite. 

{Ce  qui  plaît  aux  dames). 
Lamartine  a  dit  :  . 

Et  toute  notre  vie  était  un  seul  aimer.  {Harmonies^  IV,  14.) 
ou,  s' inspirant  de  l'italien  [al  cader  del  sole)  : 

Ou  plutôt  que  ne  puis-jo,  au  doux  tomber  du  jour. 

{Méditations,  I,  120.) 

Récemment  encore  Mme  Ackermann  écrivait  : 

Si  son  œil  éternel  considère,  impassible. 
Le  naître  et  le  mourir. 

{L Amour  et  la  Mort)*. 

1.  Il  l'a  peul-ùtre  pris  à  Rabelais  :  «  De  ma  nature,  je  dors  salé,  et  ic  dormir 
m'a  valu  autant  de  (</ue)  jambon.  »  (Pantagruel,  I,  22.) 

2.  Sous  l'inlluence  de  l'allemand,  la  langue  pliilosophique  a  créé  le  devenir, 
l'être,  le  non-être. 


—  56  — 

Toutes  ces  hardiesses  sont  condamnées  par  la  langue.  Celle- 
ci  ne  garde  plus  qu'un  certain  nombre  d'infinitifs  devenus 
substantifs,  derniers  débris  d'un  âge  où  la  langue  jouissait 
d'une  liberté  aujourd'hui  disparue.  Et  ces  infinitifs  ont  si  bien 
revêtu  leur  forme  nouvelle  de  substantifs  qu'ils  peuvent  pres- 
que tous  s'employer  au  pluriel,  et  que  pour  quelques-uns 
c'est  la  critique  scientifique  seule  qui  permet  d'y  reconnaître 
d'anciens  infinitifs  :  un  avoir,  des  baisers,  le  boire,  des  dé- 
jeuners, des  devoirs,  des  dîners,  des  dires,  les  êtres,  des  loisirs, 
le  manger,  des  manoirs,  des  pensers,  des  plaisirs,  des  pouvoirs, 
des  repentirs,  des  soupers,  des  souvenirs,  des  vivres'^. 

4.  Participe  présent.  —  Le  participe  présent  se  transforme 
aisément  en  adjectif,  comme  nous  le  verrons  plus  bas,  et  par 
suite  en  substantif.  Tantôt  il  prend  directement  la  valeur  du 
substantif  :  exécutant^  les  exécutants  (dans  un  orchestre),  une 
exécutante;  débutant,  un  débutant,  une  débutante;  manifestant, 
les  manifestants.  «  On  comprendra  qu'avec  ces  idées  je  fasse 
bon  marché  de  la  philosophie  et  des  philosophants.  »  (J.  Vallès, 
la  Rue,  Proudhon).  «  La  solennité  méthodique  qu'apportait  à 
ses  moindres  actions  cet  éternel  pontifiant.  »  (Daudet,  Jack,  I, 
§  8).  Tantôt  il  passe  par  l'adjectif  :  constituant,  V Assemblée 
constituante,  les  constituants.  Cette  formation  n'ofTre  rien  de 
particulier. 

5.  Participe  passé.  —  On  a  appelé  d'un  nom  barbare  sub- 
stantifs participiaux,  les  substantifs  masculins  ou  féminins  ti- 
rés du  participe  passé  :  2in  fait,  un  reçu;  une  armée,  la  criée. 
Cette  formation  n'est  pas  propre  au  français,  elle  se  retrouve 
dans  les  autres  langues  romanes,  et  elle  remonte  au  latin  po- 
pulaire, qui  transformait  volontiers  ses  participes  passés  en 
substantifs,  généralement  féminins ^ 

Il  est  arrivé  souvent  que  la  langue  a  reformé  à  plusieurs 
reprises  ses  participes  suivant  les  principes  qui  ont  dirigé  la 
refonte  de  sa  conjugaison  ;  et  ces  diverses  formes  ont  laissé 


1.  Four  sentir  la  différence  de  V'miinHU  employé  substantivement  et  de  .l'infi- 
nilif  devenu  substantif,  que  l'on  compare  l'italien  il  pcntirsi  ou  l'espagnol  el  de- 
mayarsK  avec  le  français  le  repentir. 

1.  Voy.  bicz,  Grammaire,  t.  II,  p.  330etsuiv.  de  la  traduction  française  ;  Malz- 
ner,  Franzos.  Grammalik,  p.  268;  A.  hrnchel,  Dictionnai7'e étymologique,  aiumot 
absoute  ;  Canello,  Storia  di  alcuni  participa  nelV  italiano  e  in  altre  lingue  ro- 
manze,  dans  la  liivisla  di  filologia  rowianza,  I,  9-20. 


—  57  — 

des  traces  de  leur  existence  dans  les  substantifs  qui  en  ont 
été  tirés. 

Teiidere,  à  l'époque  classique,  faisait  au  participe,  dans  le 
latin  littéraire,  tensiis,  dans  le  latin  populaire  testis,  d'où  le 
substantif  tem  qui  est  resté  en  français  dans  toise.  A  l'époque 
romane,  tesus  semblait  trop  s'éloigner  du  radical  de  tendere, 
et  le  participe  fut  refait  sur  le  modèle  de  venditus,  de  vendere. 
De  là  tendilus  qui  donna  un  substantif  lendiln  conservé  dans 
tente.,  comme  vendita  est  conservé  dans  vente.  Plus  tard  le 
participe  tent,  tente^  fut  encore  modifié  d'après  l'analogie  des 
participes  en  u  :  il  devint  tendu,  et  sous  cette  forme  il  a  donné 
un  troisième  substantif  :  une  tendue. 

C'est  ainsi  encore  que  fendere  donne,  par  fissus  fîssa,  le  fé- 
minin fesse,  par  fendilus  fendita,\e  îémin'in  fente,  pour  aboutir 
à  fendu;  que  ponere  donne  successivement  posita=  poste  (au 
onzième  siècle,  au  sens  de  ponte);  pont  ponte  conservé  dans 
«  une  ponte  d'œufs  »;  et  enfin  pondu;  etc.  Chacun  de  ces  mots 
toise,  tente,  tendue;  fesse,  fente,  fendu ;2Joste,  ponte, pondu,  etc., 
nous  reportant  à  des  âges  divers  de  l'histoire  de  la  langue, 
sont  autant  de  monuments  des  formations  successives  qui  se 
sont  superposées  depuis  les  origines  jusqu'à  nos  jours. 

La  dérivation  par  le  participe  esc  toujours  féconde.  De- 
puis la  Révolution,  la  langue  a  reçu  de  nombreux  substan- 
tifs participiaux.  Nous  ne  nous  arrêterons  pas  aux  parti- 
cipes qui,  devenus  substantifs,  désignent  des  personnes  :  les 
émigrés,  les  insurgés,  les  fédérés  (de  1790  et  de  1871),  les  appelés 
sous  les  drapeaux  [Loi  sur  le  recrutement  de  1831),  les  diplômés, 
les  médaillés  de  Sainte-Hélène;  V adjoint  au  maire;  le  tiré  (celui 
à  qui  une  lettre  de  change  est  adressée),  etc.,  etc.  Le  participe 
devient  un  adjectif  pris  substantivement,  par  l'ellipse  normale 
de  ^eH6', /iommes.  C'est  ainsi  que  Balzac  a  dit  :  ^^  On  asseyait  le 
gratifié  dans  un  fauteuil  en  lui  disant,  pendant  un  certain 
temps:  Devine  ce  que  nous  t'allons  donner.  »  [Les  Employés, 
éd.  de  1856,  p.  212). 

Dans  les  mots  suivants,  qui  désignent  des  choses,  on  se 
trouve  en  présence  de  vrais  neutres  : 

Un  aggloméré,  sorte  de  charbon  fait  de  poussier  de  char- 
bon agglutiné  avec  du  bitume. 

Un  communiqué  du  ministère. 

Un  cliché;  s'emploie  au  ligure,  pour  désigner  une  phrase 
banale,  qu'on  lit  partout. 


—  58  — 

Le  dégourdiy  terme  de  céramique. 

Le  'parcours  d'une  ligne  ferrée;  voir  plus  haut^  p.  53, 
n.  1. 

Le  pointé  d'un  instrument  trigonométrique  (Blerzy,  Revue 
des  Deux  Mondes,  V  avril  1864,  p.  631  ;  cité  par  Scholle,  Ar- 
chives de  HerrÎQy  t.  XXXIX,  p.  434). 

Le  tracé  d'une  voie  ferrée. 

Voici  enfin  des  féminins  tout  à  fait  analogues  aux  vieux  mots 
que  nous  avons  cités  plus  haut  :  toise,  tente,  tendue,  ponte,  ou 
aux  suivants  :  course,  criée,  jjointe,  source,  vente,  rente,  dette, 
emplette. 

champlevée ,  action  de  creuser,  dans  des  émaux,  les  inter- 
valles qui  doivent  être  remplis  de  matière  vitrifiable. 

donnée;  la  donnée  d'un  problème. 

flambée,  feu  qui  flambe  et  s'éteint  aussi  vite  (Eug.  Sue, 
dans  Scholle,  Programme,  p.  15). 

grondée:  «Si  elle  savait  que  j'ai  logé  un  homme,  c'est 
moi  qui  aurais  une  fière  grondée.  «  (Ed.  About,  VAssassinj 
se.  2). 

rayée:  «  Elle  avait  aperçu  une  rayée  de  poussière  oubliée 
par  le  plumeau  sur  un  de  mes  cartons.  »  (Emile  Souvestre, 
Souvenirs,  II). 

retombée  :  «  Ce  sont  ces  jets  de  vagues,  ces  luttes,  ces  re- 
tombées épouvantables  dont  les  marins  parlent.  »  (Michelet, 
La  Mer,  2*  édit.,  p.  63).  Retombée  existe  déjà  dans  des  signi- 
fications tout  à  fait  spéciales  et  éloignées;  l'emploi  propre 
qu'en  fait  ici  Michelet  montre  bien  que  ce  n'est  pas  une  ex- 
tension du  terme  d'architecture  ou  d'imprimerie,  mais  une 
dérivation  directe  du  verbe  retomber. 

Si  la  langue  commune  ne  fournit  aujourd'hui  qu'un  petit 
nombre  de  mots,  la  langue  populaire  est  d'une  richesse  incon- 
testable :  une  brossée,  une  ciiitc,  une  dégelée,  une  floppée\  une 
peignée,  une  raclée,  une  rincée,  une  rossée,  une  roulée,  une 
saucée,  une  tapée^,  une  trempée,  une  tripotée,  etc.  Voilà  donc 

1.  Telle  est  l'orthographe  de  liai bert  d'Angers  (Nouveau  diclionnaire  complet 
(Tarijot.  1840,  Le  Hailly)  et  de  I.orédan  Larchey  [Diclionnaire  de  V argot  pari- 
sien, 1872).  M.  Zola,  dans  YAasommoir,  écrit  flopce.  Les  gens  du  peuple.  îY  Pa- 
ris, prononcent  flaupée  ou  flopée,  aux  deux  sens  de  volée  de  coups  cl  foule  de 
monde. 

2.  Signifie  :  grande  quantité  d'objets:  «Regarde-moi  cette  caisse  [de  livres), 
petit.  Il  y  en  a  une  vraie  tapée,  hein?»  (Daudet,  Jack,  I,  §  11.) 


—  59   — 

encore  un  procédé  (te  l'ormation  disparuissanl  à  peu  près  de 
la  langue  commune  pour  ne  plus  trouver  place  que  dans  la 
langue  populaire. 

5  6.  Nomn  communs  tirés  de  mots  ùivariables. 

Le  nombre  de  substantils  tirés  de  mots  invariables  est  na- 
turellement restreint;  la  plupart  des  mots  qu'on  en  pouvait 
tirer,  l'ont  été  depuis  longtemps  :  les  si,  les  car,  pour  un  oui, 
pour  un  non,  le  poiirrjuo},  le  comment,  les  hi!  les  hn!  mettre  le 
kola!  etc.,  etc.  Voici  quelques  exemples  nouveaux  : 

Qu'ai-je  à  faire  vraiment  de  votre  là-haut  morno, 
Moi  qui  ne  suis  qu'élan,  que  tendresse  et  transports? 

(Mme  Ackermann,  Poc'stes  philosophiques,  Paroles  d'un  amant.) 

«  11  y  a  de  l'au-delà  dans  Molière.  »  (  P.  Albert,  La  Littérature 
française  au  dix-septième  siècle,  1873,  p.  259).  «  De  loin  en  loin 
l'homme  entrevoit  cet  au-delà  et  se  relève  du  fond  de  son 
cloaque.  »  (Taine,  Littérature  anglaise.  II,  v,  §3),  La  vénéra- 
tion, la  préoccupation  de  l'obscur  au-delà.  »  {Id.,ibid,y  §4). 


CHAPITRE    IL 

ADJECTIFS. 

g  1.  Adjectifs  tirés  de  substantifs. 

Les  langues  romanes,  écrivait  Fuchs  en  1846  *,  doivent  une 
partie  de  leur  richesse  et  de  leur  grâce  à  l'avantage  qu'elles 
possèdent  d'employer  directement  comme  adjectifs  nombre  de 
substantifs,  notamment  les  mots  en  tor;  cette  faculté,  quoique 
plus  restreinte,  n'était  pas  inconnue  en  latin;  l'allemand 
l'ignore.  Kolbe  a  raison  d'y  voir  une  supériorité  pour  les  lan- 
gues romanes.  «  On  a  déjà  remarqué,  dit-il,  qu'en  français 
«  un  substantif  peut  devenir  adjectif:  un  homme  rêveur,  une 
«  divinité  vengeresse;  un  animal  imitateur.    En  latin   aussi 

1.  August  Fuchs,  Die  romanische  Sprachcn  in  ihrem  Verhaltniss  mit  dem 
Latein,  1846,  §  59. 


—   GO   — 

«  cette  forme  avait  double  emploi  :  liberalor  animus  ,  vie- 
«  irices  laurL  Un  grand  nombre  de  mots  planent  ainsi  entre 
«  l'adjectif  et  le  substantif.  Cette  liberté  d'employer  dans  deux 
^t  sens  différents  un  seul  et  même  mot  doit  être  regardée 
«  comme  un  avantage  important;  elle  est  malheureusement 
«  étrangère  à  l'allemand*.  » 

Cette  remarquable  propriété  des  langues  romanes,  qui  a 
frappé  depuis  longtemps  les  philologues  allemands,  a  échappé 
à  peu  près  complètement  à  l'attention  de  nos  grammairiens. 
Aussi  laissent- ils  sans  explication  nombre  de  tournures,  d'ex- 
pressions, de  faits^  d'apparence  étrange,  dont  elle  rend  aisé- 
naent  compte.  Que  l'adjectif  devienne  substantif,  cela  est  tout 
naturel;  et  l'on  sait  que  tout  substantif  est  un  ancien  adjectif 
qui,  ayant  d'abord  désigné  un  objet  par  une  de  ses  qua- 
lités, a  fini  par  le  désigner  tout  entier;  mais  qu'un  substantif 
se  transforme  absolument  en  adjectif,  sans  laisser  aucune 
trace  de  sa  fonction  primitive,  il  y  a  là  un  renversement  de 
l'ordre  naturel  qui  méritait  d'éveiller  l'attention.  Comment 
ont-ils  pu  prendre  leur  fonction  présente,  tous  ces  adjectifs 
qui,  désignant  des  couleurs,  ont  commencé  par  exprimer  des 
objets  :  écarlale,  cramoisi,  pourpre,  violet,  etc.  ?  Comment  a-t-on 
pu  faire  un  adjectif  du  mot  vermeil,  qui  signifie  à  l'origine 
ic  un  petit  ver,  »  {ver  mien  lus)?  Cette  transformation  devient 
chose  toute  naturelle  dès  qu'on  a  reconnu  la  propriété  que 
possède  le  substantif  de  devenir,  par  r«/>jjos«//on, _qualificalif 
d'un  autre  substantif.  On  dit  :  «  un  ruban  lilas,  un  ruban 
rose;  »  lilas, rose  élantdcs  substantifs  qui  quaVxiïcni momenta- 
nément le  substantif  ruban;  puis,  suivant  l'emploi  plus  ou 
moins  fréquent  de  cette  construction,  le  substantif  apposé 
passe  complètement  à  l'adjectif,  ou  reste  à  mi-chemin  sur  la 
voie  de  la  transformation  ;  rose  devient  adjectif;  lilas,  non"''. 

C'est  en  suivant  la  même  voie  que  canaille,  cochon,  drôle, 
espiègle,  fainéant,  ladre,  etc.,  sont  devenus  adjectifs. 

La  langue  contemporaine  use  et  abuse  de  cet  emploi  du 
substantif. 

«  Le  réformateur  ne  s'arrêtera  que  lorsque  la  France  sera 
assez  caserne  pour  que  les  généraux  disent  :  A  la  bonne  heure, 


1.  K.  W.  Kolbc,  Ue.ber  dem  Wovlreiclilhum  dcr  deulschcn  und  franzosischen 
Sprac/ie,  und  beidrr  Anlage  zur  Poésie,  2*  Aiispabe,  Berlin,  1818-1820;  3  vol.  ; 
t.  I,  p.  277. 

2.  Cf.  Diez,  Grammaire,  t.  II,  p.  2Go  de  la  traduclion  française;  A.  Darmeste- 
tcr,  Traité  de  la  formation  des  mots  composés,  p.  122  et  suiv. 


—  61  — 

et  assez  séminaire  pour  que  les  évoques  disent  :  C'est  assez.  » 
(V.  Hugo,  Napoléon  le  Petit,  II,  10).  «Florine  l'avait  guéri  du 
genre  Régence.  »  (Balzac,  Maison  de  Nucingen,  1856,  p.  52).  «Je 
serai  si  fatal  et  si  vague,  j'aurai  l'air  si  ange  déchn^  si  volcan, 
si  échevclé  qu'il  n'y  aura  pas  moyen  de  se  rendre....  »(ïh. Gan- 
tier, les  Jeune  France,  préface;  1839,  p.  30).  «  Il  lui  apprit  à 
faire  du  rêveur,  de  l'intime,  de  Vartiste,  du  dantesque,  du 
fatal,  et  tout  cela  dans  la  même  matinée.  »  (Ibid.,  147).  «  Mon 
très-cher,  lui  dit-il,  c'est  plus  que  faux  toupet,  c'est  empire, 
c'est  perruque,  c'est  rococo,  c'est  Pompadour  '  ;  il  faut  être 
momie  ou  fossile,  membre  de  l'Institut  ou  fouilles  de  Pompéi 
pour  trouver  du  plaisir  à  de  pareilles  billevesées.»  (Ibid.,  135).» 
«  Finot  restera  classique,  constitutionnel  et /îcitm^wô.  »  (Balzac, 
Maison  de  Nucinyen,  p.  53).  «Une  chanteuse  genre  Tliérésa.  » 
(Veuillot,  Odeurs  de  Paris,  III,  5).  «  Ne  prenez  donc  pas  cet  air 
sainte  nitouche.  »  (Gondinet,  Gavaud,  Minard  et  C'.,  I,  3). 
«  Mitral,  homme  à  perruque  sinistre,  à  visage  de  la  couleur 
de  la  Seine,  et  où  brillaient  deux  yeux  tabac  d'Espagne,  froid 
comme  une  corde  à  puits,  et  sentant  la  souris,  gardait  le 
secret  de  sa  fortune.  «(Balzac,  les  Employés,  1856,  in-18, 
p.  211). 

des  derniers  exemples  nous  montrent  l'apposition  en  voie 
de  formation  ;  les  expressions  sont  déjà  des  demi-composés  ; 
de  là  un  procédé  de  composition  que  nous  étudierons  plus 
loin  2. 

La  langue  populaire  contemporaine  a  réduit  certains  sub- 
stantifs à  l'état  de  véritables  adjectifs  : 


1.  Voici  une  page  de  Th.  Gautier,  précieuse  pour  l'histoire  de  la  langue  vers 
l'an  1830,  aux  beaux  jours  de  l'école  romantique.  «  Il  lui  révéla  le  sens  intime  de 
l'argot  en  usage  cette  semaine-là;  il  lui  dit  ce  que  c'était  que  ficelle,  chic,  galbe 
art,  artiste  et  artistique;  il  lui  apprit  ce  que  voulait  dire  cartonné,  égayé,  damné 
il  lui  ouvrit  un  vaste  répertoire  de  formules  admiratives  et  réprobatives.  phos- 
phorescent, transcendantal,  pyramidal,  stupidiliant,  foudroyant,  annihilant,  e 
mille  autres  qu'il  serait  fastidieux  de  rapporter  ici  ;  il  lui  lit  voir  l'échelle  ascen- 
dante et  descendante  de  l'esprit  humain,  comment  à  vingt  ans  l'on  était  jeune 
France,  Beau  jeune  mélancolique  jusqu'à  vingt-cinq  ans,  et  Childe  Harold  de  vingt- 
cinq  à  vingt-liuit,  pourvu  que  l'on  eût  été  à  Saint-Denis  et  à  Saint-Cloud;  com- 
ment ensuite  l'on  ne  comptait  plus  et  que  l'on  arrivait  i)ar  lafilièred'épithètesqui 
suivent  :  ci-devant,  faux  toupet,  aile  de  pigeon,  perruque,  étrusque,  mâchoire, 
ganache,  au  dernier  degré  de  la  décrépitude,  à  l'épi théte  la  plus  infamante,  aca- 
démicien ou  membre  de  l'Institut,  ce  qui  ne  manquait  pas  d'arriver  à  l'âge  de 
quarante  ans  environ.  »  (Les  Jeune  France,  Daniel  Juvard,  1832.)  Voir  également 
une  lettre  d'Alexandre  Duval  à  V.  Hugo,  De.  la  littérature  dramatique.  Paris, 
1833. 

2.  Chap.  X,  .sect.  i,  p.  147  et  suiv. 


—  62  — 

bœuf  :  «  monstrueux,  énorme  comme  un  bœuf.  »  {L.  Lar- 
chey,  Argot  parisien). 

camelotte:  «  Mon  ami,  quel  mariage  cawe^^^e  j'allais  faire.  » 
(Cogniard  frères  et  Bourdois,  Le  monde  camelotLe,  III,  16). 

crâne  :  hardi,  fort,  beau  :  «  Il  portait  son  joli  costume 
d'un  air  si  fendant  et  si  crâne.  »  (A.  Daudet,  Jack,  II,  g  5). 

monstre,  monstrueux  :  «  un  dîner  monstre,  w 

panade  :  sans  consistance,  sans  force.  «  Notre  gouver- 
nement panade.  »  (Ricard,  dans  L.  Larchey). 

popote  :  «  Ce  qui  prouvait  combien  ça  devenait  popote  et 
bonhomme,  c'était  qu'elle  ne  détestait  pas  plus  Coupeau  que 
Lantier.  »  (E.  Zola,  V Assommoir,  p.  369.) 

pot-au-feu  :  casanier,  retiré.  «  Ce  n'est  pas  cet  imbécile 
qui  m'aurait  éclairée...  il  est  d'ailleurs  bien  trop  pot-au-feu.  ^^ 
{Balzac,  dans  Larchey). 


§  2.   Adjectifs  tirés  de  participes. 

De  tout  adjectif  on  peut  tirer  un  autx'e  adjectif  par  transfor- 
mation de  sens  ;  nous  n'avons  pas  à  nous  occuper  de  ce  pro- 
cédé qui  rentre  dans  l'étude  de  la  signification  des  mots.  Les 
déterminatifs  et  les  pronoms  ne  peuvent  fournir  d'adjectifs. 
Le  verbe  n'en  forme  qu'au  participe  présent  et  au  participe 
passé;  ces  deux  temps  sont  une  source  abondante  d'adjectifs. 

1.  Participe  passé.  —  Par  suite  de  la  disparition  du  passif 
latin  en  roman,  les  deux  formes  du  présent  et  du  parfait, 
laudor,  laudatus  sum,  sont  venues  se  fondre  dans  une  forme 
unique  :  je  suis  loué.  Or,  les  verbes  transitifs,  susceptibles  de 
prendre  la  conjugaison  passive  en  latin,  se  rangent  dans  deux 
classes,  suivant  qu'ils  expriment,  soit  une  action  momen- 
tanée ou  de  courte  durée,  soit  une  action  prolongée,  et  qui 
peut  se  poursuivre  plus  ou  moins  longtemps,  sans  que  la 
pensée  se  porte  sur  l'idée  de  l'achèvement  :  à  la  première 
classe  appartiennent,  par  exemple,  cœc/o,  vinco,  ferio,  etc.  ;  à 
la  seconde,  anio,  video,  audio,  etc.  Le  passif  français,  je  suis 
a4/mé,  traduira  aussi  bien  amor  que  amalus  sum,  parce  qu'il 
exprime  aussi  bien  l'idée  de  l'amour  qui  commence  que  de 
l'amour  qui  se  poursuit.  Mais  je  suis  frappé,  ne  rendra  que 
cœsus  sum  ;  et  ciador  ne  pourra  se  traduire  que  par  ou  me 
frappe.  Ainsi,  tandis  que  les  passifs  des  verbes  de  la  première 


-  6i  .- 

classe  expriment  une  action  qui  se  continue,  ceux  de  la 
seconde  classe  expriment  l'action  qui  vient  d'avoir  lieu,  et 
l'état  qui  résulte  de  cette  action.  Je  suis  frappé,  veut  dire  :  je 
xuis  dans  l'état  d\in  homme  qui  vient  d'être  frappé.  Que  main- 
tenant l'on  fasse  abstraction  de  l'idée  d'action,  pour  ne  plus 
considérer  que  l'état,  le  participe  deviendra  un  véritable 
adjectif.  De  là  cette  propriété  des  participes  passés  des  verbes 
de  la  seconde  classe  de  se  transformer  en  adjectifs,  quand  ils 
n'expriment  plus  l'action.  Dans  cette  proposition,  «  la  potion 
est  composée  par  le  médecin,  «  composée  est  participe;  dans 
«  l'homme  est  composé  de  corps  et  d'dme,  »  composé  est  adjec- 
tif. Dans  ce  le  temple  fut  or-né  ce  matin  de  fleurs  ;  »  orné  est 
participe;  dans  :  «  du  temple,  or?ié  partout  de  festons  magni- 
fiques, »  il  est  adjectif. 

Il  résulte  de  cette  analyse  *  que  c'est  une  propriété  perma- 
nente de  certains  participes  passés  d'être  employés  adjective- 
ment. Cette  propriété  tient  à  une  cause  historique  et  à  une 
cause  logique.  La  cause  historique  est  la  suppression  du 
passif  dans  les  langues  romanes;  la  cause  logique  est  le  fait 
que  les  verbes  se  classent  d'après  leur  sens,  dans  l'une  ou 
l'autre  des  deux  catégories  que  nous  avons  indiquées.  Par 
suite,  nous  n'avons  pas  à  parler  de  participes  qui  seraient 
adjectifs  dans  la  langue  actuelle  :  tous  les  participes  passés 
de  verbes  exprimant  une  action  de  courte  durée  peuvent  être 
pris  en  qualité  d'adjectifs,  à  tout  moment  de  l'histoire  de  la 
langue. 

2.  Participe  présent.  —  A  l'origine,  et  dans  la  vieille  langue, 
le  participe  présent  était  variable.  Il  pouvait  exprimer  l'ac- 
tion :  «  Ils  mcttoyent  eu  avant  aucunes  lettres  interceptées, 
venantes  de  ftome  et  d'Espagne.  »  (La  Noue,  Discours,  xxvi,  2); 
ou  l'état  :  «  personne  charmante  »  ;  dans  ce  dernier  emploi  les 
grammairiens  modernes  lui  donnent  le  nom  d'adjectif  verbal. 
Mais,  à  côté  du  participe  i>i"ésent,  existait  le  gérondif  en  ant  = 
ando  [endo]  qui  exprimait  toujours  l'action,  et  qui,  en  vertu 
de  son  origine,  était  invariable.  Peu  à  peu  le  gérondif  se  sub- 
stitua au  participe  présent,  dans  le  cas  où  ce  temps  exprimait 
l'action,  si  bien  que  vers  la  lin  du  dix-septième  siècle  le  par- 
ticipe  actif  devint  décidément  invariable.  Le  3  juin  1679,  par 


1.  Cf.  Diez,  Grammaire,  t.  TTl,  p.  186  de  la  traduction  française. 


—  64  — 

« 

décret  de  l'Académie  française,  la  règle  est  failc^  qu'on  ne  dé- 
clinera plus  les  -participes  actifs'^. 

Certes,  il  est  bizarre  de  voir  des  grammairiens  trancher  en 
souverains  des  questions  de  la  langue  ;  celte  décision  pour- 
tant était  moins  arbitraire  qu'elle  ne  le  semble  d'abord.  L'Aca- 
démie ne  fit  ici  que  réduire  en  règle  une  tendance  qui  poussait 
la  langue  à  distinguer  le  participe  exprimant  l'action,  c'est- 
à-dire  faisant  fonction  du  verbe,  du  participe  exprimant  l'é- 
tat, c'est-à-dire  faisant  fonction  d'adjectif.  Cette  distinction, 
on  la  voit  naître  dès  la  fin  du  moyen  âge,  et  s'affirmer  de  plus 
en  plus  nettement  jusqu'au  dix-septième  siècle';  elle  était 
inspirée  par  cet  esprit  d'analyse  dont  nous  avons  déjà  re- 
connu plusieurs  fois  l'action  et  qui  a  transformé  la  syntaxe 
du  français. 

Mais  si  l'adjectif  verbal  a  seul  maintenant  le  privilège  des 
variations  flcxionnelles,  il  ne  faut  pas  croire,  comme  l'admet- 
tent trop  facilement  les  grammairiens,  qu'il  n'y  a  d'adjectifs 
verbaux  que  ceux  que  consacre  l'usage,  c'est-à-dire  ceux  qui 
sont  devenus  de  véritables  adjectifs  :  «  une  lumière  écla- 
tante »  ;  «  une  femme  charmante  »  ;  «  des  personnes  obli- 
geantes ».  Tout  participe  présent,  du  moment  qu'on  l'emploie 
absolument,  sans  l'accompagner  d'un  complément  qui  mette 
en  lumière  sa  fonction  de  verbe,  peut  exprimer  un  état,  et  par 
suite  devenir  adjectif.  La  langue  populaire  transforme  le  par- 
ticipe présent  en  adjectif  avec  une  singulière  facilité',  et  la 
langue  technique  lui  emprunte  cette  faculté,  non  sans  raison. 
La  langue  littéraire  en  use  volontiers,  surtout  chez  les  écri- 
vains romantiques.  Le  caractère  propre  du  romantisme  n'est-il 
pas,  pour  Dupuis  et  Cotonnet,  l'emploi  excessif  de  l'adjec- 
tif? 

Voici  une  liste  —  fort  incomplète  —  de  participes  présents 
employés  comme  adjectifs  et  dont  l'Académie  n'a  pas  encore 
sanctionné  l'usage  dans  ce  sens. 

1.  opuscules  sur  la  langue  franeotse,  par  divers  académiciens,  Paris.  1754 
in-12,  p.  343. 

2.  C'est  ainsi  que  le  participe  présent,  au  seizième  siècle,  s'accorde  souvent  en 
nombre,  mais  non  en  genre,  la  variation  du  nombre  n'étant  pas  indiquée  par  la 
prononciation  :  «  Femmes  venans  à  être  veuves.  »  (Montaigne,  III,  5.)  «  Passions 
servans  seulement  à....»  (Id..  ibid.,  1.) 

3.  Elle  use  d'ailleurs  fort  rarement  du  participe  présent,  c'est-à-dire  de  la  forme 
en  ant  accompagnée  d'un  complément  :  elle  n'emploie  guère,  quand  elle  veut  ex- 
primer l'action  verbale  du  participe  présent,  que  le  gérondif  en  ant  précédé  de  la 
préposition  en. 

4.  A.  de  Musset,  Lettres  de  Dupuis  et  Cotonnet, 


—  65  — 

ahracadabranl  :  «  Le  flûtiste  Gérold  doit  exécuter  les  va- 
riations les  plus  abracadabrantes.  »  [Figaro^  1867,  dans  L.  Lar- 
chey).  «  C'est  écrasant,  renversant,  horripilant,  abracada- 
brant, de  plus  fort  en  plus  fort.  »  {Ahnanach  du  Hanneton, 
1867,  ibid.)  —  Cet  adjectif,  plus  que  familier,  est  tiré  de  abra- 
cadabra,  sans  que  le  verbe  abracadabrer  existe* . 

acidulant:  «  Des  substances  acidulantes.  »  (Littré). 

activant  :  «  L'engrais  possède  des  qualités  activantes  qui . . .  » 
(Littré). 

administrant  :  «  Dans  le  ministère  de  Tinstruction  pu- 
blique il  y  a  la  partie  enseignante  et  la  partie  administrante.  » 
(Littré). 

affadissant:  «  Une  saveur  affadissante.  Des  louanges  affa- 
dissantes. »  (Littré). 

agglutinant  :  a  Les  langues  agglutinantes.  » 

aiguillonnant  :  «  Des  passions  aiguillonnantes.   »  (Littré). 

alléchant:  «Le  plaisir  alléchant  d'un  bon  dîner.  »  (Littré). 

arrangeant  :  «  C'est  un  homme  arrangeant.  Une  mar- 
chande arrangeante.  »  (Littré). 

asphyxiant  :  «  Odeur  asphyxiante.  »  (Littré). 

aveuglant  : 

Ce  milieu 
De  rayons  aveuglants,  d'êphêinèro  verdure. 

(Phil.  Boyer,  .1  une  patricienne,  I.) 

«  Misérable  passion  aveuglante  et  despotique,  dont  il  sent  le 
poids  et  la  honte  et  dont  pourtant  il  ne  pouvait  ni  ne  voulait 
se  délivrer.  »  (Taine,  Littér.  angl.,  II,  iv,  §  1). 

bouleversant:  «  cette  nouvelle  est  bouleversante.  «(Littré). 

canulant,  synonyme  très-populaire  d'ennuyeux. 

ca  If  entrant  :  u  Plinthes  calfeutrantes,  y  (Bottin,  A)uiuaire 
du  Commerce,  1875,  p.  1322). 

capitulant  :  «  Les  cantons  capitulants  de  la  Suisse.  » 

captivant  ;  «  Sans  doute  Andréina  était  bien  captivante  et 
bien  belle.  ^)  (J.  Claretie,  Le  beau  Solignac,  1876,  t.  I,  p.  309). 

chiffonnant  :  «  Voilà  qui  est  chiffonnant»;  synonyme  po- 
pulaire de  ennuyeux. 

clapotant:  «  Une  mer  clapotante.  »  (Littré). 

coassant:  «  Le  peuple  coassant  des  grenouilles.  » 

compromettant  :  «  Homme  compromettant,  tenut;  conipro- 

1.  (If.  j)liis  l);\s.  |).  71. 


—  66  — 

mcUantc.  y>  (Liltré);  adjectif  proposé  comme  néologisme  par 
Richard,  en  1845. 

contrastant:  «  Figures  contrastantes. >•>  (Litlré). 

croassant  :  «Le  peuple  croassant^  les  grenouilles.»  (Littré). 

décomposant:  «  Les  forces  décomposantes.»  (Littré). 

dégradant:  «  Une  conduite  dégradante.  »  (Littré). 

délassant:  «  C'est  un  exercice  délassant.  »  (Littré). 

démoralisant:  «Des  influences  démoralisantes. •>^  (Littré). 

dépilant:  «  Poudre  dépilante.  »  (Littré). 

dépravant  :  <■  La  civilisation  des  siècles  précédents  était 
fausse  et  dépravante.  »  (Littré). 

désopilant  :  «  Une  nouvelle  désopilante.  »  (Littré). 

désoxydant  :  «  Une  action  désoxydante.  »  (Littré). 

détonant  :  «  Mélanges  détonants.  » 

développant  :  «  Courbe  développante.  » 

ébahissant:  «  C'est  un  spectacle  ébahissant.  » 

ébouriffant  :  «  Néologisme  du  langage  comique.  Qui 
ébourilTe,  qui  surprend  extrêmement.  Succès  ébouriffant. 
Expression  ébouriffante.  »  (Littré).  «  Il  était,  pour  parler  son 
beau  langage,  ébouriffant,  rutilant,  fulgurant,  et  même  trucu- 
lent. »  (Gh.  de  Bernard,  Les  ailes  d'Icare,  I,  xii). 

écœurant:  «  Une  odeur  écœurante;  un  spectacle  écœu- 
rant. » 

écrasant:  «  Il  est  d'une  force  écrasante.  » 

effarouchant  :  «  Une  brusquerie  effarouchante.  » 

électrisant  :  «  Une  éloquence  électrisante.  » 

émouvant  :  «  Une  scène  émouvante.  »  (Littré). 

empoignant  :  «  Une  réalité  empoignante.  »  {Journal  offi- 
cielj  24  juin  1872,  p.  4259,  2'^  col.  ;  Littré,  Supplément). 

énervant:  «  Les  sons  d'une  musique  énervante  et  câline.  » 
fCh.  Baudelaire,  Les  F/ewrs  du  mal,  2«  édit.,  p.  131). 

engainant:  «  Feuille  engainante,  coquille  engainante.-» 
(Littré). 

engourdissant,  voir  paralysant. 

enseignant  :  «  Vous  apprécierez  les  motifs  qui  m'ont  in- 
duit à  refuser  coup  sur  coup  deux  professions  honorées  pour 
m'enrôler  dans  la  bohème  enseignante.  »  (Ed.  About,  Vlnfâme^ 
III).  Cf.  administrant. 

envahissant:  «  L'armée  envahissante;  une  ambition  enva- 
hissante. » 

enveloppant:  «  La  ligne  enveloppante  et  la  ligne  enve- 
loppée. » 


—  67  — 

épatant  :  «  Une  nouvelle  épatante.  »;  très-populaire. 

graciant  :  «  Vous  allez  ajouter  d'une  main  candide  sur  la 
liste  graciante  les  noms  des  ministres  de  Charles  X.  »  (A.  de 
Musset,  3*  lettre  de  Dupuis  et  Cotonnet). 

grandissant  :'<■  Une  puissance  grandissante.  »  (Littré).  Pro- 
posé comme  néologisme  par  Richard,  en  1845. 

grelottant  :  «  Elle  est  toute  grelottante  de  froid.  »  (Littré). 

Là  frissonnent,  plus  bas  que  les  égoutsdes  rues, 
Familles  de  la  vie  et  du  jour  disparues, 
Des  groupes  grelottants  ! 

(V.  Hugo,  Châtiments,  III,  ix,  2.) 

grossissant  :  «  verres  grossissants.  » 
horripilant,  voir  abracadabrant. 

palpitant  n'est  un  néologisme  qu'au  sens  figuré  :  ouvrage 
d'un  intérêt  palpitant.  Au  propre,  il  est  ancien.  «  Dans  son  cœur 
palpitant  (d'Iphigénie)  consultera  les  dieux.  »  (Racine,  Iphig., 
IV,  4). 

papillonnant:  «Des  femmes  dont  les  coiffes  étoffées,  papil- 
lonnantes, avaient  la  blancheur  et  le  scintillement  du  sel.  » 
(Daudet,  Jack,  II,  S  !)• 

paralysant:  «  H  lui  lance  (le  poulpe  à  son  adversaire), 
avant  tout  combat,  ses  eî^uwes paralysantes,  engourdissantes, 
un  magnétisme  qui  dispense  du  combat.  »  (Michelet,  la  Mer, 
20  édit.,  p.  202). 

protégeant:  «  Elle  avait  eu  jusqu'alors  pour  son  mari  une 
affection  tranquille  et  protégeante.  »  (Daudet,  Jack,  II,  §  2). 

renversant,  voir  abracadabrant. 

rougissant  :  «  Des  nuages  rougissants  au  lever  du  soleil.  » 
(Littré). 

sommeillant  :  «  La  littérature  portait  dans  son  sein  une 
bâtardise  encore  sommeillante.  »  (A.  de  Musset,  V  lettre  de 
Dupuis  et  Cotonnet). 

souillant  :  «  Voltaire,  le  polémiste  le  plus  diffamant,  le 
plus  souillant,  le  plus  emporté  qui  fut  jamais.  »  (Veuillot, 
Odeurs  de  Paris,  I,  7). 

surplombant:  «  Aux  dunes  de  Scheveningen  on  voit  ses 
eaux  (du  Zuiderzée)  surplombantes,  toujours  prêtes  à  franchir 
la  digue.  »  (Michelet,  la  Mer,  2"  édit.,  p.  24). 

torturant:  «  Les  remords  torturants.  »  (Littré).  «Cette  tor- 
turante envie  de  pleurer  qui  n'ôte  point  l'envie  de  bâiller.  > 
(Veuillot,  Odeurs  de  Paris,  IV,  6). 


—  68  — 

troublant  :  «  Cette  image  troublante.  Astre  troublant.  » 
(Littré). 

végétant  :  «  C'était  bien  cela,  une  race  végétante,  embryon- 
naire, inachevée.  »  (Daudet,  Jack,  I,  $2). 

vexant  :  «  Voilà  qui  est  vexant.  »,  populaire. 

Si  le  participe  présent  se  change  si  facilement  en  adjectif, 
on  comprend  aussi  bien  qu'il  passe  à  l'état  de  substantif. 
Nous  en  avons  vu  plus  haut  des  exemples. 


CHAPITRE    III. 

PRONOMS,  VERBES,   MOTS  INVARIABLES. 

Les  déterminatifs  et  les  pronoms  sont  en  nombre  limité.  Les 
verbes  nouveaux  ne  se  forment  que  par  dérivation;  on  les 
étudiera  plus  loin.  Les  adverbes  se  tirent  d'adjectifs,  à  l'aide 
de  la  particule  ment;  ils  seront  également  étudiés  plus  loin. 
Pour  les  adjectifs  employés  adverbialement,  la  langue  con- 
temporaine se  contente  des  expressions  anciennes  :  chanter 
faux,  bas,  haut;  filer  doux;  voir  clair;  frapper /'or/;  boire 
sec;  etc.  Les  prépositions  simples  ne  présentent  pas  de  néolo- 
gismes  :  concernant  est  déjà  ancien.  Quant  aux  interjections, 
il  faut  signaler  un  mot  populaire,  d'origine  récente,  d'étymo- 
logie  inconnue  :  zut! 


DEUXIÈME    SECTION. 

DÉRIVATION  PROPRE. 

L'auteur  de  la  grammaire  comparée  des  langues  romanes  a 
mis  en  pleine  lumière  l'incomparable  richesse  de  dérivation 
que  possèdent  les  idiomes  issus  du  latin.  C'est  là  une  faculté 
qui  leur  donne  leur  physionomie  propre  en  regard  du  latin  et 
des  langues  germaniques.  La  liste  des  différents  suffixes 
étudiés  par  Diez,  telle  qu'elle  est  donnée  à  la  fin  de  la  gram- 


—  69  — 

maire',  s'élève  pourl  espagnol  au  nombre  de  cent  soixante-trois, 
pour  l'italien  à  celui  de  cent  cinquante-huit.  Le  français  est 
moins  bien  partagé  et  ne  compte  que  cent  quatorze  suffixes, 
nombre  fort  respectable  encore,  ce  nous  semble  ^ 

Des  nombreux  suffixes  qui  ont  servi  ou  servent  encore  à 
former  les  mots  français,  les  uns  sont  propres  à  la  langue 
populaire,  les  autres  à  la  langue  savante;  les  uns  vivaient 
aux  premiers  temps  de  la  langue  ou  durant  le  moyen  âge,  et, 
épuisant  graduellement  leur  fécondité,  sont  morts  aujour- 
d'hui ;  d'autres  sont  nés  à  une  époque  relativement  moderne 
et  sont  aujourd'hui  en  pleine  vigueur, Quelques-uns  ont  vu  se 
réduire  ou  s'étendre  leur  domaine;  un  certain  nombre, 
nés  avec  le  français,  ont  traversé  quinze  siècles  d'existence 
sans  rien  perdre  de  leur  activité  ni  de  leur  énergie  créatrice. 

Les  suffixes  de  dérivation  se  divisent  en  suffixes  nominaux 
et  verbaux,  selon  qu'ils  forment,  soit  des  noms  ou  des  adjec- 
tifs, soit  des  verbes.  Avant  de  commencer  l'étude  des  suf- 
fixes de  la  langue  populaire  qui,  aujourd'hui,  servit  à  créer 
des  noms,  des  adjectifs,  des  verbes  nouveaux,  quelques  obser- 
vations générales  sont  indispensables. 


CHAPITRE    IV. 

OBSERVATIONS    GÉNÉRALES    SUR   LA   DÉRIVATION. 

La  dérivation  des  divers  suffixes  que  nous  allons  étudier 
présente  des  caractères  généraux  et  des  traits  communs  qu'il 
importe  de  mettre  en  lumière. 

1.  Les  noms  concrets  éveillent  dans  la  pensée  l'image  des 
objets  qu'ils  désignent:  fleur,  table,  cheval,  maison;  les  suf- 
fixes rappellent  à  l'esprit  une  notion  générale  abstraite. £"886 
dans  sagesse^  richesse,  rudesse,  représente  l'idée  abstraite  de 
qualité;  oir  dans  fermoir,  grattoir,  polissoir,  celle  d'instru- 
ment d'action  ;  ier  dans  pommier,  prunier,  cerisier,    celle  de 

1.  A  la  fin  du  tome  II  de  la  troisième  édition  allemande. 

2.  Ces  listes,  il  est  vrai,  présentent  quelques  doubles  et  même  quelques  triples 
emplois  :  les  suffixes  français  oi,  oie,  aie,  par  exemple,  ne  sont  que  des  formes 
différentes  d'un  môme  suffixe  êlum  êla.  Les  cent  quatorze  suffixes  donnés  par 
Diez  se  réduisent  à  environ  quatre-vingt-dix. 


—  70  — 

producteur.  Le  suffixe  s'ajoute  donc  au  radical  (nom, adjectif, 
verbe)  pour  en  modifier  l'idée  par  l'idée  secondaire  qui  lui  est 
propre. 

Pour  qu'un  suffixe  soit  vivant,  il  faut  et  il  suffit  que  l'idée 
abstraite  générale  soit  présente  à  l'esprit,  qu'elle  se  détache 
nettement  de  l'image  éveillée  par  le  radical;  autrement  dit, 
que  le  dérivé  présente  une  double  idée. 

Cette  condition  est  nécessaire;  car  si  la  notion  du  suffixe 
et  celle  du  radical  s'évanouissent  toutes  deux  devant  l'unité 
d'image  que  présente  le  dérivé,  celui-ci  cesse  d'être  dérivé  ; 
il  devient  mot  simple.  Agneau,  taureau,  soleil,  menton^  sont 
aujourd'hui  des  mots  simples,  parce  qu'on  n'y  reconnaît  plus 
la  présence  des  radicaux  agnius),  taur[us),  sol,  ment[urn),  ni 
par  suite  la  présence  des  suffixes.  Bien  plus,  des  mots  où  le 
radical  est  reconnaissable  peuvent  devenir  simples,  quand  le 
suffixe  ne  s'en  détache  plus  avec  netteté  :  épouvantail,  plumail, 
gouvernail,  soupirail,  vitrail.  Qu'ajoute  ail  ^épouvante,  plume, 
gouvern-e§,  soupir-er,  vitre?  On  ne  le  voit  plus  bien.  Dès  lors 
on  perd  aussi  de  vue  la  signification  des  radicaux,  et  l'esprit 
substitue  à  la  double  idée  qu'otïrait  le  radical  enrichi  du  suf- 
fixe l'idée  une  ou  l'image  une  du  dérivé  devenu  simple  *. 

Cette  condition  est  suffisante;  car,  [  pour  être  vivant,  le 
suffixe  n'a  pas  besoin  de  produire  des  mots  nouveaux.  Son 
énergie  reste  latente  et  ne  paraît  au  dehors  que  quand  une 
circonstance  extérieure,  le  hasard  d'une  nouvelle  idée,  d'un 
nouvel  objet  à  exprimer,  lui  en  ofïre  l'occasioij^Dans  herbette, 
fillette,  garçonnet,  le  radical  garde  sa  valeur  propre  et  éveille 
dans  l'esprit  l'image  de  l'herbe,  d'une  fille,  d'un  garçon  ;  le 
suffixe  y  ajoute  l'idée  générale  de  quelque  chose  de  petit,  de 
jeune,  idée  qui  vient  s'ajouter  à  la  première  image  et  la 
modifier.  Il  ne  faut  rien  de  plus;  le  suffixe  et,  ette,  est  bien 
vivant  dans  la  langue.  S'il  n'agit  pas,  il  peut  agir,  et  il  don- 
nera de  nouveaux  dérivés  lorsque  le  besoin  s'en  fera  sentir. 
2.  Un  certain  nombre  de  dérivés  supposent  des  radicaux  do 
même  nature.  Les  dérivés  en  oir,  en  eur,  en  âge,  par  exemple, 
supposeni  des  radicaux  verbaux,  et  non  adjectifs:  grattoir, 
fermoir,  brunissoir,  polissoir,  etc.,  de  gratt-er,  de  ferm-er,  de 
brunir  (par  bruniss-ant),  de  polir  [par  poliss-ant);  marcheur^ 


1.  L'esprit  suit  la  même  marche  dans  la  réduction  des  mots  composés  à  des 
mots  simples  Voir  A.  Darmesteter.  Traité  de  la  formation  des  mots  composés  en 
français,  p.  12,  et  cf.  plus  bas,  p.  124. 


—  71  — 

menteur,  joueurj  chercheur,  de  march-er^  ment-ir,  jou-er, 
che)^clir-er  ;  lavage,  coulage,  lessivage,  brossage,  de  lav-er, 
coul-er,  lessiv-er,  bross-er.  Les  dérivés  en  esse  supposent  des 
adjectifs  :  tendr-esse,  rud-esse,  sag-esse,  fin-esse. 

Toutefois  il  arrive  qu'un  dérivé  soit  créé  sans  que  le  radical 
qu'exigerait  la  loi  de  l'analogie  du  suffixe  existe  ou  ait  jamais 
existé.  Le  suffixe  âge  suppose  un  verbe;  cependant  on  a  fait 
factage  sans  le  verbe  facter,  charronnage,  sans  charron- 
ner.  Les  adjectifs  verbaux  en  ant  supposent  également  des 
verbes:  charmant,  qui  charme;  obligeant,  qui  oblige;  cepen- 
dant croustillant  vient  directement  de  croustille;  abracada- 
brant de  abracadabra.  Aimable  vient  d'aimer,  louable  de  louer ^ 
blâmable  de  blâmer;  mais  charitable?  mais  équitable?  On 
a  créé  récemment  joos^ic/iewr,  fa.hnca.nt  de  postiches,  chinoiseur, 
fabricant,  marchand  de  chinoiseries  ;  où  sont  les  verbes  posti- 
cher,  chinoiser,  qu'ils  supposent? 

Ces  anomalies  diverses  s'expliquent  aisément.  A  l'origine, 
les  dérivés  en  âge,  en  ant,  en  eur,  en  able,  appelaient  néces- 
sairement un  verbe,  qui  servît  à  leur  formation.  Mais  quand 
le  nombre  en  est  devenu  assez  considérable  pour  que  l'idée 
verbale  que  le  suffixe  doit  au  verbe  radical  soit  elle-même 
devenue  parfaitement  visible  dans  le  suffixe,  il  n'est  plus 
besoin  que  le  dérivé  s'appuie  sur  le  verbe  ;  il  prend  pour 
point  de  départ  le  substantif  ou  l'adjectif  d'où  aurait  pu 
sortir  ce  verbe,  et  y  ajoute  son  suffixe.  C'est  ce  qui  arrive 
pour  certains  adjectifs  verbaux  en  ant.  Ou  bien  il  sous-en- 
tend  le  verbe,  et  le  suppose  momentanément  par  abstraction. 
Ainsi  on  crée  chinoiseur,  en  partant  de  chinois  et  en  supposant 
ou  en  sous-entendant  un  verbe  chinoiser.  Il  peut  arriver  ajssi 
qu'il  y  ait  extension  analogique.  Aimable,  louable,  viennent 
bien  de  verbes;  raisonnable  aussi;  mais  dans  raisonnable  on 
pense  en  même  temps  au  substantif  raison;  on  perd  de  vue 
la  première  dérivation  pour  voir  dans  raisonnable  un  substan- 
tif suivi  d'un  suffixe,  et  raisonnable  ainsi  expliqué  entraîne 
charitable,  équitable,  favorable.  Enfin  l'analogie  s'exerce  par 
la  comparaison  de  plusieurs  suffixes.  On  dit  laveur  et  lavage 
(tous  deux  de  laver);  or,  on  dit  facteur;  donc,  on  dxTa. factage, 
malgré  l'absence  d'un  verbe  facter.  En  un  mot,  la  dérivation 
ne  se  renferme  pas  dans  les  limites  dictées  par  une  logique 
rigoureuse,  mathématique;  l'analogie  en  étend  le  cercle  de 
mille  manières  ;  cette  extension  analogique,  diverse  et  mul- 
tiple, n'est  qu'une  forme   môme   de   la  dérivation,   qui  en 


—  72  — 

montre  en  même  temps  la  puissance  toujours  active,  l'énergie 
toujours  créatrice,  puisque  le  principe  essentiel  de  la  déri- 
vation est  précisément  l'analogie. 

3.  Diez  fait  remarquer*  que  les  langues  romanes  intercalent 
volontiers  entre  le  radical  et  le  suffixe  des  mots  dérivés  certaines 
syllabes  ayant  valeur  de  suffixes,  et  dont  la  consonne  est  ç  (s,  z) 
ou  r  ;  ainsi  l'italien  :  don-z-ello,  libr-icc-iuolo ^  bab-ic-ina^nom' 
ic-iatlo;  l'espagnol  :  av-ec-ica,  hombr-ec-illo ,  hombr-ez-uelo , 
vellon-c-ino,muger-c-ita;\e  roumain  :  vàl-c-icà,  domn-ic-ea,  cân- 
is-or;  ou  bien  l'italien  :  diavol-er-ia,  infant-er-ia,  leccon-er-ia^ 
camp-er-eccio,  cas-er-eccio,  acqu-er-ella,  oss-er-ello^  nav-er-esco; 
l'espagnol  :  flech-er-ia,  porqu-er-ia,  sed-er-ento^med-r-oso;  le  pro- 
vençal :  parelh-ar-ia,  porc-ar-ia,  trich-ar-ia,  bal-ar-esc,  camb- 
ar-ut,  etc. 

Le  français  a  connu  ou  connaît  trois  intercalations  de  ce 
genre  :  a.  celle  du  ç  (s);  b.  celle  de  l'r;  c.  celle  du  t. 

a.  L'intercalation  du  c  se  rencontre  dans  des  mots  de  for- 
mation ancienne  :  ham-eç-on,  dern-ois-elle.  Elle  a  disparu  de 
la  langue  moderne. 

b.  L'intercalation  de  IV  est  encore  vivante  :  mouche-r-on 
de  mouche,  aile-r-on  d'ai/e,  puce-r-on  de  puce,  laide-r-on  de 
laide,  etc.;  poéte-r-eau  de  poète,  flamme-r-ole de  flamme,  fave- 
r-ole  de  fève,  mouche-r-ole  de  mouche,  etc.  Cet  allongement  de 
on,  oie,  eau,  etc.,  en  eron  erole,  ereau,  etc.,  est  dû  sans  doute 
à  une  fausse  analogie  :  de  forgeur  on  tire  régulièrement  for- 
geron^ de  bûcher,  bilcher on,  de  voleur,  volereau;  puis  on  oublie 
la  dérivation  immédiate  de  ces  mots  pour  les  rattacher  à  /br^e, 
bûche,  vol;  et  le  suffixe  cesse  d'être  on,  eau,  pour  se  trans- 
former en  eron,  ereau  :  mouche,  inouch-eron,  puce  puc-eron, 
poëte  poét-ereau;  eron,  ereau,  à  leur  tour,   entraînent  erole. 

Cette  erreur  d'analogie  est  visible  dans  la  substitution  du 
suffixe  erie  au  suffixe  le.  Le  point  de  départ  est  donné  par  les 
mots  tels  que  chevalier  chevalerie,  bonnetier  bonneterie,  où  la 
terminaison ier(=ânMs) s'allonge  régulièrementeneWe(-  aria) 
par  l'addition  du  suffixe  ie{=îa).  Mais  l'on  perd  de  vue  que, 
dans  les  innombrables  dérivés  en  er/e,  la  syllabe  er  appartient 
au  radical,  et  que  ie  seul  constitue  le  suffixe;  et  erie  peu  à  peu 
prend  la  place  de  ie,  si  bien  qu'aujourd'hui  ce  dernier  suffixe 

1.  Grammaire,  t.  II.  p.  •2r)9  de  la  traduction  française. 


—  73  — 

n'existe  plus.  Nous  verrons  plus  bas  les  preuves  de  cette  affir- 
mation. 

c,  L'intercalation  du  t  repose  sur  une  erreur  du  môme 
genre.  On  la  retrouve  dans  les  mots  suivants  : 

abri — ahri-ter.  Jusqu'à  la  fin  du  seizième  siècle,  on  dit 
abrier  ;  abri-ter  semble  inconnu  au  dix-septième  siècle  qui  se 
servait  de  la  périphrase  r/ie/^/-e  à  l'abri;  il  ne  paraît  qu'à  la  fin 
du  siècle  dernier. 

agio — agio-ter,  agio-teur;  agio  a  pénétré  en  France  dans 
les  vingt  premières  années  du  dix-huitième  siècle,  et  y  a  donné 
immédiatement  les  deux  dérivés. 

bambou  —  bambou-tier* . 

bigarreau — bigarreau^tier. 

biseau  —  biseau-ter. 

bijou  —  bijou-tier,  bijou-terie.  Bijou  existe  déjà  au  seizième 
siècle;  pour  bijoutier^  M.  Littré  ne  donne  d'exemples  que  du 
dix-septième  siècle  (cardinal  de  Retz). 

caillou  —  caillou-tage,  caillou-tée,  caillou-ter,  caillou-teur, 
caillou-teux,  caillou^tis.  Cailloutage  paraît  au  seizième  siècle 
sous  la  forme  caillotage. 

café — cafc-tier,  cafe-lière,  café-terie.  Cafèterie  avait  été 
précédé  de  caféière.  Les  formes  qui  présentent  le  t  datent  de 
la  seconde  partie  du  siècle  dernier. 

caoutchouc — caoutchou-ter ;  mot  récent. 

clou  —  clou-ter,  clou-tère,  clou-terie,  clou-tier,  clou-tière. 
Clouterie  existe  au  treizième  siècle  sous  la  forme  cloueterie. 

coco  -  coco-tier.  Datent  de  la  fin  du  siècle  dernier. 

domino  —  domino-terie,  domino-tier.  Existent  déjà  au 
seizième  siècle. 

*  ergo  —  ergo-ter,  ergo-terie,  ergo-teur,  ergo-tiser.  Ergoter  est 
dans  Rabelais  ;  on  trouve  au  quinzième  siècle  hargoteur  au 
sens  de  ergoteur,  ce  qui  indique  une  autre  étymologic  que  le 
latin  ergo.  Hargoteur  a  pu  se  changer  en  ergoteur  par  suite 
d'une  confusion  avec  ergo. 

écho  —écho-tier;  mot  de  création  toute  récente, 

ferblanc — ferblan-terie,  ferblan-tier. 

filou  —  filou-tage,  filou-ter,  filou-terie,  filou-tier. —  Filoutage 
est  dans  Retz,  filoutier  dans  Scarron. 

1.  Voir  plus  bas,  p.  10.î  et  p.  152. 


—  74  —     . 

folio — folio-tage,  folio-ter,  folio-teur  :  néologismes. 

glouglou  (cri  du  dindon)  — glouglou-ter  ou  ^/ow^/o-ier  (pous- 
ser un  glouglou,  se  dit  du  dindon) ,  glouglouter  est  plus  usité. 

indigo  —  indigo-tier,  indigo-terie. 

jus  —  ju^teuXy  M.  Littré  cite  un  exemple  du  quatorzième 
siècle.  —  ver  juter. 

numéro — numéro-tage,  numéro-ter,  numéro-teur;  mots  d'o- 
rigine récente. 

panneau — pamieau-ter,  panneau^teur  ;  mots  de  formation 
récente. 

pap{ier) — pape-tier,  pape-terie;  datent  du  siècle  dernier. 

peau  —  dépiau-ter  ;  mot  de  formation  récente. 

pinceau — pinceau-ter,  pinceau-tage;  mots  de  formation 
récente. 

râteau— rateauter,  néologisme  populaire  qui  commence  à 
se  répandre. 

rein —  érein-ter,  érein-teur,  érein-tement.  Ereinter  d'où  sont 
sortis,  de  nos  jours,  éreinteur  et  éreintement,  date  du  siècle 
dernier.  On  disait  antérieurement  éreiner. 

tabac — tabatière.  Fr.  des  Caillères  dans  ses  Mots  à  la  mode  * 
emploie  tabaquière,  qui  est  la  forme  primitive. 

tableau  —  tableautin,  néologisme. 

A  cette  série,  ajoutons  encore  les  deux  féminins  usités  dans  la 
langue  populaire,  voyou-te,  typo-te. 

Quelle  est  l'origine  de  ce  tl  Selon  Diez,  il  dérive  probable- 
ment du  t  flexionnel  du  verbe.  «  L'oreille,  en  effet,  s'était  faite 
à  la  variation  il  est  et  est-il,  il  y  a  et  y  a-t-il,  et  ce  t  fut  trans- 
porté dans  le  domaine  de  la  dérivation  ^  »  Cette  explication 
ne  ressort  pas  des  faits  que  nous  venons  de  réunir.  On  n'a  pas 
d'exemple  en  effet  de  dérivés  verbaux  en  ter  antérieurs  au  dix- 
septième  siècle  ;  on  a  au  contraire  des  exemples  de  dérivés  no- 
minaux remontantau  seizième  siècle  et  au  moyen  âge  :  domino- 
tier,cloueterie,caillotage.  Caillotageesi  un  dérivé  régulier  de  l'ar- 
chaïque caillot  quia  été  ensuite  remplacé  par  caillou;  caillou  a 
entraîné  le  changement  de  caillotage  en  cailloutage,  d'où  tous  les 
autres  dérivés  de  la  famille.  Cloueterie  et  clouetier,  qu'il  suppose, 
viennent  de  clouet,  c'est-à-dire  clavettus;  clouetier  devient  claue- 
tier,  clouetier  et  finalement  cloutier  qui  se  trouve  rattaché  indû- 


1.  Voy.  plus  haut,  p.  18. 

2.  Grammaire,  l,  p.  175  de  la  traduction  française. 


—  75  — 

ment  à  clou,  comme  rtnllindarfe,  rallloutis,  caillouter^  à  caillou. 
Si  l'on  son^Cjd'un  autre  côté,  aux  nombreux  dérivés  en  t-ier  r= 
t-arius,  dans  lesquels  /  appartient  au  radical,  et  qui  étaient 
déjà  usités  au  moyen  âge:  [arbalestier,  argentier,  blaetier,  bon- 
netier, cabaretier,  carlier  [quartier],  chantier,  charpentier,  chaus- 
setier,  côtier,  couretier  [courtier),  doigtier,  forestier,  fruitier,  gan- 
tier, hatier,  héritier,  pannetier,  pelletier,  portier,  rentier,  routier, 
sentier,  tabletier,  testière,  etc.,  etc.),  on  s'expliquera  que,  grâce 
à  l'erreur  produite  par  des  formes  telles  que  cloutier,  la  ter- 
minaison lier  ait  été  considérée  comme  un  suffixe  simple,  et 
se  soit  ajoutée  à  des  radicaux  terminés  par  une  voyelle.  Pour 
les  verbes,  la  terminaison  oter  (ou  otter)  des  verbes  dérivés  de 
noms  en  ol  joue  Iç  même  rôle  que  lier  pour  les  substantifs  : 
glouglou  donne  glougloter,  comme  jabot  jaboter.  Ainsi  se  forme 
peu  à  peu  cette  série  de  nouveaux  suffixes  commençant  par  un 
t  et  dont  l'emploi,  dès  le  dix-septième  siècle,  devient  normal. 
De  nos  jours  la  dérivation  en  lier,  terie,  ter,  leur,  tage,  est 
régulière  pour  les  radicaux  terminés  par  une  voyelle  (pure  ou 
nasale).  C'est  ainsi  que,  abrier  étant  sorti  de  l'usage,  abri  donne 
abriter,  que  éreiner  est  remplacé  par  éreinter  ;hien  plus,  miroir, 
papier,  donnent  non  iniroirier,  paperier,  qui  auraient  manqué 
d'harmonie,  mais  miroitier  (et  de  même  miroiter,  miroitement, 
etc.),  et  papetier  {papeterie).  C'est  pour  une  cause  analogue  que 
tahaquière  cède  la  place  à  tabatière,  et  que  le  peuple,  ayant 
oublié  l'origine  des  mots  en  eau,  en  tire  non  des  dérivés  en 
eller,  allier,  mais  des  dérivés  en  eauter,  eautier,  etc. 

4.  De  cette  intercalation  de  consonne,  due  à  une  fausse  ana- 
logie, il  faut  distinguer  l'intercalation  de  suffixes  secondaires 
entre  le  radical  et  le  suffixe  final.  Les  langues  romanes  en- 
chaînent volontiers  plusieurs  suffixes  au  thème  du  nom  : 
français:  roi-t-cl-et;  italien  :  besti-ol~vcci-accia ;  espagnol: 
moc-et-on-azo ;  roumain:  naz-ion-al-ic;  déjà  en  latin:  agn-ic- 
ell-ul-us.  Ces  additions  ne  sont  pas  toujours  successives:  si 
roitelet  est  un  diminutif  de  roitel ,  roietel,  et  celui-ci  de  royet  ; 
chevrillard ,  chambrillon ,  cendrillon ,  moussaillon,  aigrelet,  ar- 
chèlet,  corselet,  gantelet,  maigrelet,  tiercelet,  verdelet,  dérivent 
non  de  chevrille,  etc.,  aigrel,  etc.,  mais  de  chèvre,  aigre.  Les 


1.  De  môme  dans  roi-t-el-et  il  faut  voir,  non  un  t  euphonique,  mais  le  reste  du 
suffixe  et  :  roi-et-el-et,  dér'wé  de  roietel  : 

Si  n'avoit  aillors  grans  escoles 

De  roietiaus  et  tourteroles.  {Rose,  652.) 


—  76  — 

suffixes  ill,el  ne  servent  que  de  traits  d'union  entre  le  radical 
et  le  suffixe  final. 

5.  On  dit  croydible  alors  que  le  latin  credibilis  ferait  sup- 
poser croî/iô/e  ;  on  dit  faiseur,  liseur  alors  qu'avec  faciorem, 
leciorem,  on  s'attendrait  à  faiieur,  Hieur.  Quelle  est  la  cause 
de  cette  déviation?  Ici  nous  voyons  les  conséquences  d'une 
vaste  action  analogique  qui  a  transformé  toute  une  partie  de 
la  dérivation  du  latin  populaire  dans  son  passage  au  fran- 
çais. 

Dès  les  origines  de  la  langue,  les  participes  présents  de  la 
seconde,  de  la  troisième  et  de  la  quatrième  conjugaison 
avaient  été  assimilés  à  celui  de  la  première.  Le  nombre  des 
participes  en  antem  était  si  considérable  qjae  les  populations 
de  langue  d'oil,  entraînées  par  l'analogie,  dirent  veddintem, 
legantem,  finiscdintem,  vesta.ntem,  au  lieu  du  vedentem,  legen- 
tem,  finiscentem,  vestientem  ;  de  là  des  formes  ve-ant  (plus 
tard  voy-ant),  lis-ant,  finiss-ant,  vest-ant  [vêt-ant).  Les  autres 
langues  romanes  restèrent  fidèles  au  type  latin  ;  seul  le  sarde, 
par  une  assimilation  inverse,  a  transformé  la  terminaison  de 
la  première  conjugaison  en  celle  qui  est  commune  aux  trois 
autres*. 

Or,  cette  action  que  la  première  conjugaison  en  français  a 
exercée  sur  les  autres  au  participe  présent,  elle  l'a  exercée 
également  dans  la  dérivation  ^  Le  latin  dit  :  am-a-hilis,  fl-e- 
bilis,  vis-î-bilis,  aud-ï-bilis,  vol-u-bilis,  en  ajoutant  le  suffixe 
bilis,  au  thème  du  verbe  ou  du  participe  terminé  en  a,  e,  ï, 
î,  u.  De  ces  diverses  terminaisons,  la  langue  populaire,  dès 
les  premiers  temps  (vi-viii«  siècle),  n'a  retenu  que  la  première, 
a-bilis.  Quelques  mots  en  i-bilis  ont  bien  passé  avec  leur  ter- 
minaison ible;  ainsi  horribilis,  devenu  orible,  (plus  tard  transcrit 
horrible);  mais  dans  ces  mots  le  peuple  ne  reconnaissait  plus 
le  suffixe  verbal  ;  horribilis  n'était  plus  rattaché  à  horrere  ;  il 
était  considéré  comme  simple  adjectif,  au  même  titre  que  bo- 
7iM.s,  mnctu^ ,  forlis,  et  n'avait  par  suite  qu'à  passer  par  les 
transformations  physiologiques  de  la  phonétique  sans  se  sou- 
mettre aux  lois  psychologiques  de  l'analogie.  Pour  les  autres 


1.  Ascoli,  Del  poslo  che  spetta  al  ligure  nelsislema  deidialetti  italiani,  dans 
VArchivio  gloltnloyico  ilaliano,  II,  p. 133,  note.  L'analogie  s'étend  égalementàla 
première  personne  du  pluriel  de  l'indicatif  présent  :  manemu  maneddi  =  man- 
giamo  mangiate. 

2.  Cf.  Darmesteter,  La  protoniqxie  non  initiale,  non  en  position.  Remania.  V, 
p.  143. 


—  77  — 

dérivés  en  hilis  qui  avaient  cours  dans  la  langue  populaire, 
et  que  le  peuple  décomposait  en  thème  verbal  et  en  suffixe, 
ebilis,  ibili.s  firent  place  à  abilis;  et  c'est  ainsi  que  l'on  trouve, 
dès  le  début  du  douzième  siècle,  credable,  d'où  plus  tard  croya- 
ble^ desfendable,  pendable,  vendable,  faisable,  mettable,  contrai- 
gnable,  convenable,  prenable,  secourable,  abolissable,  et  autres 
mots  en  issable,  connaissable,  etc.  On  peut  exprimer  le  fait  en 
disant  que,  par  suite  de  la  transformation  de  bilis  en  abilis,  le 
suffixe  able  s'adjoint  au  thème  du  participe  présent  des  verbes, 
c'est-à-dire  qu'on  remplace  la  terminaison  ant  par  la  termi- 
naison able,  quelle  que  soit  la  conjug-aison  :  aim-ant,  aim-able; 
finiss-ant,  finiss-able;  recev-ant,  recev-able  ;  pren-ant,pren-able. 
Les  dérivés  en  ible  sont  de  formation  savante*. 

Mêmes  modifications  analogiques  se  produisent  pour  les  suf- 
fixes ment,  eur,  ure,  oir,  is. 

Mentum  s'ajoute  en  latin  au  thème  verbal;  delector-mentum, 
monu-mentum,  nulrl-mentum ,  alî-mentum,  frag-mentum.  Le 
français,  dès  les  premiers  temps,  partant  des  formes  de  la 
première  conjugaison  {delecta-mentum),  a  considéré  la  voyelle 
a  comme  appartenant  non  plus  au  thème,  mais  au  suffixe,  qui 
devient  amentum.  Par  suite  î-mentum,  î-mentum,,  u-^mentum, 
disparaissent  devant  anientum-ement,  suffixe  nouveau,  de  for- 
mation analogique,  qui  s'ajoute  au  thème  du  participe  présent 
des  diverses  conjugaisons  :  batt-ant,  batt-ement;  connaiss-ant, 
connaiss-ement ;  banniss-ant,  banniss-ement.  Blanchiment,  sen- 
timent el  les  analogues  sont  de  formation  savante. 

Ura,  or^,  orius,  icim^ ,  s'ajoutaient  au  thème  du  participe 
passé  ou  du  supin  : 

nat-um  nat-ura ,  pict-um  pict-ura ,  fact-um  fact-ura, 
mens-um  mens-ura,  etc. 

imperat-um  imperat-or,  bibit-um  bibit-or,  tradit-um 
tradit-or^  cess-um  cess-or,  doct-um  doct-or,  etc. 

amat-wm  amal-orius,  transit-uni  transit-orius ,  cens-um 
cens-urius,  advent-um  advent-orius ,  etc. 

advent-wm  advent-icius ,  fact-um  fact-icius,  fict-um  fict- 
icius,  etc. 

Or,  dès  les  premiers  temps,  le  français  a  remplacé  ces  quatre 

1.  Je  ne  vois  guère  que  paisible  et  loisible  qui  puissent  être  considérés  comme 
mots  de  formation  populaire. 

2.  Ura,  or,  suffixes  romans  sortis  des  suffixes  latins  -lura,  -tor,  dans  les- 
quels le  t  a  été  rattaché  au  radical  du  verbe  ;  t-ura,  t-or. 


—  78  — 

suffixes  dans  les  verbes  des  trois  dernières  conjugaisons  par 
les  suffixes  de  la  première;  partout,  reprenant  la  (orme antem 
du  participe  présent,  il  lui  a  substitué  les  suffixes  atura,  ator 
atorem,  atorius  atorium,  atirius  aticium.  Ceux-ci  sont  devenus 
dans  le  cours  de  la  langue  successivement  :  edure  eûre  eure 
ure  [armedure,  armeûre,  armeure,  armure);  ère  au  nominatif, 
à  l'accusatif  edor  eor  eeur  eur  [armere;  artnedor,  armeor,  ar- 
meeur,  armeur);  edoirs  au  nominatif,  à  l'accusatif  edoir  eoir 
air  (fermedoirs;  fermedoir,  fermeuir,  fermoir);  ediz  eïz  eïs  is 
{levediz,  leveïz,  leveis,  levis). 

Sauf  dans  quelques  mots  comm.e  morsura  morsure,  t^crip- 
lura  écriture,  facticius  faitis,  pictura  * pinctura  peinture,  ficticius 
.*fincticius  feintis,  etc.,  qui,  dans  le  latin  populaire,  étaient  con- 
sidérés comme  substantifs  ou  adjectifs,  et  où  le  peuple  ne  re- 
connaissait plus  un  thème  verbal  accompagné  d'un  suffixe, 
le  génie  de  la  langue  a  transformé  la  dérivation,  en  générali- 
sant les  suffixes  de  la  première  conjugaison,  et  en  les  appli- 
quant à  toutes  les  formations  nouvelles.  Preuve  de  la  puis- 
sance que  l'analogie,  ou  que  le  besoin  de  simplification  et  de 
clarté  a  exercée  sur  notre  idiome*.  Nous  verrons,  au  contraire, 
que  la  tendance  de  la  langue  savante  a  été  d'aller  à  rencontre 
de  ce  grand  mouvement.  Elle  a  essayé  de  faire  revivre  ces 
distinctions  de  suffixes  particulières  au  latin,  de  faire  revivre 
dans  la  dérivation  les  diverses  conjugaisons  d'une  langue 
morte  :  et  malheureusement  cette  tentative  a  été  couronnée  de 
succès. 


CHAPITRE    V. 

SUFFIXES    NOMINAUX. 

Nous  passons  maintenant  en  revue  les  divers  suffixes  qui 
de  nos  jours  sont  encore  usités,  en  commençant  par  ceux  qui 

1.  «  Tendunt  omnino  omnes  linguœ  ab  orif^ino  sua  deflcxsc  et  degencraUB  in 
aîqualilalem  quamdam  malc  simplicem,  et  id  tantiim  curant  quomodo  possint  sine 
multa  arte  ad  eanidem  anuissim  oiunes  formœ  cogi.  »  Ainsi  s'exprime  Lassen  dans 
ses  Inslitutiones  lingux  prâcrilicx.  III.  297.  (Cf.  M.  Hrcal,  dans  les  Mémoires  de 
la  Six-ii'U  de  linyaistir/ue,  II,  189).  Lo  pi'ùcrit  est  an  sanscrit  ce  que  les  langues 
romanes  sont  au  latin.  Lassen,  en  conq)arant  la  simplicité  méthodique  du  pràcrit 
à  la  savante  complexité  du  sanscrit,  se  prend  à  accuser  la  langue  iille  de  déforma- 
tion et  de  dégénérescence  ;  à  tort.  Les  formes  anciennes  ne  disparaissent  que 
pour  faire  place  à  de  nouvelles  formations. 


—  79  -- 

servent  à  former  des  noms  et  des  adjectifs.  Nous  ne  suivrons 
pas  l'ordre  alphabétique  des  suffixes  latins  d'où  ils  dérivent, 
parce  que  nous  ne  faisons  pas  ici  une  étude  étymologique  ; 
étudiant  les  suffixes  actuellement  vivants,  nous  devons  y  voir 
autant  de  mots  différents;  c'est  donc  sous  leur  forme  oc^we//e 
que  nous  devons  les  considérer. 

1.  able. 

Ce  suffixe  se  joint  au  thème  du  participe  présent  des  ver- 
bes *,  pour  indiquer  une  possibilité  passive,  quand  le  verbe 
est  actif  :  faisable,  qui  peut  être  fait;  et  une  possibilité  active, 
quand  le  verbe  est  neutre  :  valable,  qui  peut  valoir.  Il  se  joint 
aussi  à  des  substantifs  :  charit-able,  équit-able,  raison-nable. 

Dans  la  langue  actuelle  il  est  très-fécond  ;  il  sert  à  former 
de  nombreux  adjectifs  :  ceux  que  nous  citons  manquent  au 
Dictionnaire  de  l'Académie  française. 

abattable:  «  Ces  chevaux  sont  abattables.  »  (Littré),  abolis- 
sable  (id.). 

abrogeable  :  «  Qui  peut  être  abrogé.  Ces  lois  sont  abrogea- 
bles.  »  (Littré). 

animalisable :  «  Qui  peut  être  animalisé.  »  (Littré).  «  Qui 
sait....  si  la  mer  animalisée  ne  donne  pas  le  branle  à  la  mer 
aniinaUsable ,  non  organisée  encore?  »  (Michelet,  la  Mer, 
2"  édit.  p.  57). 

arrosable:  «  Qui  peut  être  arrosé.  »  (Littré).  Se  trouve  déjà 
dans  Rutebeuf  (treizième  siècle)  : 

Arousable  fontaine 
Et  délitable  et  saine. 

(Edit.  Jubinal  *,  II,  97.) 

Mais,  comme  le  fait  remarquer  M.  Littré,  arousable  est  ici 
actif  et  veut  dire  :  «  Qui  peut  arroser,  qui  arrose.  » 

assurable  :  «  Qui  peut  être  assuré,  admis  à  recevoir  les 
avantages  d'une  compagnie  d'assurances.  »  —  «  Le  nouveau 
client  est-il  reconnu  as.^urable..,  »  [Revue  des  Deux  Momies, 
1"  février  1867,  p.  569).  »  (Littré,  supplém.). 

brevetablc  :  «  Le  procédé  n'est  pas  brevetable.  >>  (Littré). 
Mot  propose  en  1845  par  Richard. 

1;  Dicz,  Gratninaire,  t.  II,  p.  30.)  de  la  traduction  française. 


—  80  — 

capitalisable  (Littré)  :  «  Rente  capitalisable  »,  cicatrisable 
(id.),  civilisable  (id.). 

congédiable  :  «  C'est  un  des  hommes  congédiables.  Tous  les 
congédiables  du  régiment.  »  (Littré), 

convertissable  (Littré),  mot  créé  par  Mercier  {Néologie); 
convocablt  (Littré),  déguisable  (id.). 

dépensable  :  «  L'équivalence  entre  les  quantités  de  force 
dépensables.  »  (Cournot,  Enchaînement  des  idées  fondamentales, 
t.  I,  p.  152,  dans  Littré,  supplément). 

déracinable  (Littré). 

dérailable .«  Se  dit  de  locomotives  qu'on  peut  faire  dérailer 
à  volonté,  sur  les  chemins  de  fer  américains.  «  (  Littré,  supplé- 
ment). On  dit  plutôt  déraillable. 

dérivable  :  «  Ce  principe  est  dérivable  de  tel  autre.  »  (Littré). 

désagrégeable  :  «  Roche  îd.c\\emenl  désagrégeable  »  (Ch.  MdiV- 
t\ns,  Académie  des  sciences,  comptes  rendus,  t.  LXVII,  p.  934  _  dans 
Littré,  supplément). 

dirigeable,  proposé  en  1845  par  Richard;  reçu  aujour- 
d'hui :  «  Ballon  dirigeable.  » 

discutable  :  «  Cela  n'est  pas  discutable.  »  (Littré) . 

éludable  :  «  Néologisme.  Qu'on  peut  éluder.  »  (Littré). 

encaissable  (Littré,  supplément),  escomptable  (id.). 

/er^i/isa6/e  (Littré)  ;  M.  Scholle  {Programme,  p.  15)  re- 
lève ce  mot  dans  George  Sand. 

formidable  :  «  Principes  facilement  formidables.  »  (Maury, 
dans  Scholle,  Programme,  p.  15). 

grondable  (Littré). 

impressionnable:  «  Néologisme.  Susceptible  de  recevoir  de 
vives  impressions.  Esprit  impressionnable.  Fig.  se  dit  de  la 
rente,  des  valeurs  commerciales.  »  (Littré). 

libérable:  «  Qui  peut  être  libéré,  renvoyé  d'un  service,  et 
surtout  du  service  militaire.  Les  hommes  libérables.  «  (Littré); 
proposé,  en  1845,  par  Richard. 

maîtrimble  (Littré)  ;  proposé  par  Richard. 

organisable  :  «  Qui  peut  recevoir  l'organisation  ou  y  parti- 
ciper (Littré).»  «  Une  matière  à  demi  organisée  et  déjà  toute 
organisable.  »  (Michclet,  la  Mer,  2"  édit.,  p.  113). 

simplifiable  (Littré). 

Cette  liste  de  dérivés,  dont  la  plupart  obtiendraient  difficile- 
ment droit  de  cité  dans  la  bonne  langue  littéraire,  nous  montre 
que  la  langue  actuelle  ne  forme  plus  d'adjectifs  en  a6/e qu'avec 


—  81  — 

des  verbes  actifs,  c'est-à-dire  qu'elle  attache  à  able  la  sif^nifica- 
tion  de  «  qui  peut  être....  »  ;  et  qu'elle  ne  forme  plus  des  déri- 
vés de  noms  :  un  mot  tel  que  bontable,  analogue  à  équitable,  se- 
rait monstrueux. 

Ace,  voir  asse. 

2.  a  de. 

Suffixe  qui  nous  est  venu  par  emprunt  de  l'espagnol,  du 
provençal  et  de  l'italien.  Il  correspond  au  français  ée  :  caval- 
cade est  étymologiquement  identique  à  chevauchée.  Ce  suffixe 
s'est  introduit  dans  la  langue  au  seizième  siècle,  et  y  a  pris 
droit  de  cité  sous  l'influence  de  mots  comme  arcade,  arlequi- 
nade,  aubade,  ballotade,  barricade,  cacade,  capucinade,  cascade, 
claquade,  débandade,  drar/onnade,  enfilade,  estacade,  estrade, 
gambade,  marmelade,  pétarade,  rasade,  reculade,  sérénade,  etc. 
Il  a  formé  de  nos  jours  quelques  dérivés  :  guillotinade,  fusil- 
lade, mitraillade,  mots  qui  rappellent  dragonnade  *.  Th.  Gau- 
tier a,  d'après  le  provençal,  recréé  à  la  dérobade  [Capitaine 
Fracasse,  X),  et  jylamussade  :  «  Le  beau  Sigognac  flattait  le  col 
de  son  cheval  avec  detiplamussades.  »  [ibid.,  II).  Chateaubriand 
a  créé  effarade  :  «  Au  milieu  de  Veffarade  des  maîtres  du  logis.  » 
[Mémoires,  t.  XI,  p.  317). 

Ce  suffixe  est  encore  vivant  dans  la  langue  populaire,  té- 
moin les  dérivés  suivants  : 

bousculade  :  «  Il  comparait  ce  tableau  aux  cris,  aux  bous- 
culades,  sur  les  trottoirs  qui  animent  à  Paris  les  sorties  d'ate- 
liers. «  (Daudet,  Jack,  II,  §  1).  Ce  mot  est  d'un  emploi  usuel 
dans  le  peuple. 

cognade  :  «  gendarmerie  »  (Francisque  Michel,  Études  sur 
V  argot)  ^. 

cotonnade,  donné  pour  la  première  fois  par  Boistc,  dans  son 
Pan-Lexique,  a  passé  de  là  dans  le  Dictionnaire  de  l'Acadé- 
mie (édition  de  1835).  Il  s'emploie  figurément  :  «  Les  cotonna- 
des théophilanthropiques  du  grand  vicaire  Louis  Jourdan  et 
du  bedeau  Labédollière.  »  (Veuillot,  Odeurs  de  Paris,  lY,  6). 

gobichonnade  [  L.  Larchey ,  Dictionnaire  de  l'argot  pari- 
sien). 


1.  Cf.  Fr.  Wcy,  Manuel  des  droits  et  des  devoirs,  1848,  p.  270. 

2.  i'.(.  plus  haut,  p.  .")l. 


—  82  — 

rigolade, j  mot  très -populaire,  que  ne  donne  aucun  dic- 
tionnaire. 

toquade,  voir  Littré. 

Rappelons  le  masculin  troubade,  i^nne.  soldat,  jeune  homme. 
Le  troubadour,  sorti  de  la  littérature  romantique,  a  été  recueilli 
par  le  langage  de  l'armée  qui,  en  le  mutilant,  en  a  fait  le 

troubade. 

3.   âge. 

Vient  de  aticus  aticum.  Il  formait  à  l'origine  des  adjectifs  : 
chant  ramage,  chant  de  la  ramée,  chant  des  oiseaux  sur  la 
ramée;  lait  formage  ou  lait  fromage,  lait  caillé,  durci,  qui  a 
pris  forme  ;  poisson  marage,  poisson  marin;  le  message  était 
aussi  bien  «  l'homme  envoyé  »  missaticus  que  «  la  chose  en- 
voyée »  missaticuin.  L'adjectif  fut  ensuite  pris  au  sens  neutre, 
et  devint  nom  de  chose  :  corage,  edage  [eage  age^=aetaticum), 
charriage,  plumage.  De  là  la  signification  collective  attachée  à 
nombre  d'anciens  dérivés  :  feuillage,  cailloutage,  laitage,  plu- 
mage, ombrage,  herbage,  et  qui  se  conserve  dans  quelques  dé- 
rivés nouveaux.  Enfin,  par  une  transformation  et  une  spécifi- 
cation de  sens,  âge  désigne  maintenant  l'action  exprimée  par 
le  verbe,  et  s'attache  au  thème  du  participe  présent,  pour  for- 
mer des  noms  abstraits  d'action. 

Ce  suffixe  possède  une  grande  fécondité  ;  il  fournit  à  la 
langue  technique  ou  familière  nombre  de  néologismes  aux- 
quels la  langue  littéraire  ne  fait  pas  toujours  accueil.  Les 
mots  que  nous  citons  du  Dictionnaire  de  M.  Littré  ne  sont 
pas  donnés  par  l'Académie  : 

aciérage  (Littré,  supplém.),  aiguillage  sur  une  voie  fer- 
rée (Littré,  supplém.),  allumage  (Littré). 

bobinage,  bœuvonnage,  boitage  (Littré,  supplém.). 

bouqihinage  :  «  Us  doivent....  s'étonner  beaucoup  de  la  cu- 
riosité rétrograde  et  stérile  de  ces  dandys  du  bouquinage.  » 
(J.  Vallès ,  la  Rue,  La  messe  de  Liszt). 

captage  (d'une  source)  (Littré),  carreaudage  (de  carreau^ 
der,  de  carreau),  charronnage  (Littré,  supplém.). 

chamarrage  :  «  Il  y  a  dans  la  mise  des  femmes  moins  de 
prétention  et  plus  d'harmonie  ;  on  évite  le  chamarrage  avec 
autant  de  soin  qu'on  le  recherchait  autrefois.  «  (  L.  Roybaud, 
l'Exposition  universelle,  II,  1,  dans  la  Revue  des  Deux  Mondes, 
15  juillet  1867,  p.  934). 


—  83  — 

cuivrage  (Littrc),  désargentage  (Litlré,  supplém.)^  drai- 
nage. 

drelindinage:  «  Tous  les  drelindinages  de  la  maison  et  du 
quartier.  »  {Vie  parisienne,  18  nov.  1876,  p.  654,  col.  2). 

enfumage  (des  poissons)  (Payen,  Revue  dea  Deux  Mondes, 
15  déc.  1867,  passim,  dans  Scholle,  Archives  de  Herrig, 
t.  LXII,  p.  120). 

escargotage  (Littré,  siipplém.). 

factage  :  «  Le  factage  parisien,  »  Mot  de  dérivation  bizarre  : 
il  vient  de  facteur,  dans  lequel  on  a  cru  voir  un  dérivé  d'un 
verbe  facter  :  il  est  amené  par  l'analogie  de  laveur  lavage, 
loueur  louage,  batteur  battage,  etc. 

foliotage  :  «  Foliotage  mécanique  »  (Bottin,  Annuaire  du 
commerce,  1875,  p.  1011  et  1239). 

gavage,  action  de  gaver  les  pigeons.  (Voir  le  journal  la 
Patrie  au  19  janvier  1877). 

gemmage:  «  Le  gemmage  a,  comme  on  sait,  pour  objet 
l'extraction  de  la  résine  au  moyen  d'incisions  plus  ou  moins 
profondes,  suivant  que  l'arbre  doit  être  prochainement  abattu 
ou  qu'il  doit  continuer  à  végéter  encore.  »  (Clavé,  Études  fo- 
restières. Revue  des  Deux  Mondes,  Ihvcidii  \%&k,  1^.  375;  dans 
Scholle,  ibid.). 

lotissage,  action  de  faire  les  lots  à  vendre  à  la  criée  (aux 
Halles).  (Voir  le  journal  la  Patrie  du  19  janvier  1877). 

marchandage  :  «  Le  travail  à  domicile  équivaut  dès  lors  à 
un  marchandage  dans  la  plus  mauvaise  acception  du  mot.  » 
(Audiganne,  Revue  des  Deux  Mondes;  dans  Scholle,  Pro- 
gramme, p.  15). 

notage  des  airs  de  musique  sur  le  cylindre  des  serinettes 
(Littré). 

numérotage: «■  Numérotage  mécanique.»  (Bottin,  Annuaire 

du  commerce,  1875,  p.  1011  et  1239). 

outillage,  ensemble  des  outils  nécessaires  dans  un  métier; 
patinage  des  roues  d'une  locomotive  (Littré);  piquetage,  ac- 
tion do  planter  des  piquets  (Littré,  supplém.);  pourcentage, 
terme  de  banque,  dérivé  de  pour  cent ,  comme  s'il  existait  un 
verbe  pourcenter  «  compter  tant  pour  cent.  » 

racontage.  «  Néologisme.  Bavardage  ;  petits  contes  faits  à 
plaisir,  petites  médisances.  »  (Littré). 

remisage  des  voitures  (Littré,  supplém.). 

rodage  :k  Rodage  de  robinets  à  gaz.  »  (Prix  des  règlements 
applicables  a'ux  travaux  du  bâtiment,  1875-1876,  p.  124). 


—  84  — 

sabotage:  «  Opération  qui  consiste  ù  entailler  les  traverses 
(des  rails)  pour  y  placer  les  coussinets.  »  (Cousy  de  FageoUes, 
Dictionnaire  des  chemins  de  fer). 

sauvetage. 

taquinage  :  «  Les  égoïstes....  n'embarrassent  point  la  vie 
de  ceux  qui  les  entourent  par  les  ronces  du  conseil,  par  les 
épines  de  la  remontrance,  ni  par  les  laquinages  de  guêpe  que 
se  permettent  les  amitiés  excessives.  »  (Balzac,  Maison  Nu- 
cingen,  édit.  1856,  p.  47). 

3  bis.  Les  suffixes  ag7ie  aigne  {montagne,  cha/mpagne,  châ- 
taigne), ai  (ver-ai  vrai),  ail  [épouvantail,  travail,  vantail,  etc  ), 
appartiennent  au  latin  populaire  ou  à  la  vieille  langue,  et  ont 
disparu.  Il  en  est  de  même,  ce  semble,  de  [ai)  aie  (ou  oie  oie) 
(de  ëtum  ëta)  à  qui  l'on  doit  aulnaie,  ronceraie,  pommeraie, 
saussaie,  fresnaie,  cerisaie,  et  les  analogues.  M.  Perret,  dans 
la  Revue  des  Deux  Mondes,  écrit  hêtrée  :  «  C'était  une  superbe 
hètrée,  dernier  vestige  d'une  grande  forêt.  »  (cité  par  Scholle, 
Progranune,  p.  15);  M.  Savenay  écrit  de  même  saulée  {ibid., 
p.  17).  M.  Scholle  signale  ces  mots  comme  des  néologismes;  ce 
ne  sont  que  des  fautes  d'orthographe  pour  liêtraie,  saulaie. 
Ces  fautes  montrent  bien  que  la  valeur  du  suffixe  aie  est  près 
de  disparaître,  si  elle  n'est  pas  déjà  effacée. 

4.   aille.  ■ 

Aille  repose  sur  le  latin  dlia.  Le  pluriel  neutre  de  certains 
adjectifs  en  âlis,  ïlis,  ilis,  a  donné  naissance  à  des  substan- 
tifs féminins,  par  suite  de  l'erreur  qui  a  fait  voir  des  noms  de 
la  première  déclinaison  dans  lcs-4ioms  pluriels  en  lia  :  de  là 
batualia  bataille ,  mirabiliay-jjierveilla^De  ces  diverses  formes 
en  lia,  celle  qui  appartient  à  la  première  conjugaison,  alia, 
a  seule  servi  à  des  formations  nouvelles,  où  l'idée  primitive 
de  pluralité  se  laisse  reconnaître  encore  dans  le  caractère 
collectif  qui  leur  est  propre  :  brosse  broussaille,  lime  limaille, 
fer  ferraille,  roc  rocaille.  Le  suffixe  prend  ensuite  une  accep- 
tion méprisante  :  rimaille,  tripaille,  gueusaille,  marmaille, 
chiennaille.  Ce  dernier  mot  a  été  remplacé  par  l'italien  cana- 
glia,  canaille,  qui  offre  le  même  sens  :  «  réunion  de  chiens  »  et 
figurément  :  «  vile  multitude  ».  Le  sens  se  restreint  ensuite  : 
«  C'est  une  canaille.  Une  manière  d'agir  canaille^.  » 

.     1.  Cf.  Diez,  Grammaire,  II,  p.  305  de  la  traduction  française. 


—  85  — 

Le  suffixe  aille  qui,  dans  la  langue  populaire,  a  conservé 
sa  pleine  et  entière  signification  péjorative,  a  donné  de  nos 
jours  quelques  dérivés  nouveaux  que  ne  revendiquera  jamais 
la  langue  noble  :  radicaille,  cléricaille.  Le  Dictionnaire  d'ar- 
got de  M.  Fr.  Michel  donne  la  duraille  comme  synonyme  de 
la  dure,  «  la  terre.  »  De  crèjje  on  a  tiré,  de  nos  jours,  croyons- 
nous,  crépaudaille,  qui  est  fait  sur  le  modèle  de  crapau- 
daille, 

4  bis.  Ain  (aim)  de  amen  {essaim,  levain,  airain,  etc.),  a  à 
peine  laissé  quelques  traces  en  français.  Ain  aine,  de  anus 
ana,  a  donné  des  adjectifs  tirés  d'adjectifs  [cert-ain],  de  noms 
[vil-ain],  d'adverbes  [derr-ain,  v.  fr.),et  des  substantifs  :  écriv- 
ain (scriba),  font-aine,  ou  des  noms  de  nombre  :  douz-aine, 
quinz-aine,  vingt-aine.  Il  ne  fournit  plus  de  dérivés  nouveaux. 

5.  ais,  aise  ou  ois,  oise. 

Le  suffixe  latin  ensis,  devenu  dans  le  latin  populaire  esis,  a 
donné  le  français  ois  ou  ais  :  Suédois,  Norois,  Gallois,  Hon- 
grois, etc.;  Hollandais,  Français,  Anglais.  Ce  suffixe,  sous  sa 
double  forme,  est  encore  vivant.  Nous  avons  vu  depuis  1869 
les  Bellevillois  paraître  sur  la  scène  politique.  M.  É.  Reclus  a 
employé  Basquais  (pour  Basque)  [Revue  des  Deux  Mondes, 
15  oct.  1864,  p.  192).  Les  habitants  de  New- York  reçoivent 
chez  nous  le  nom  de  New-Yorkais. 

5  bis.  aison. 

Le  suffixe  aison  vient  de  ationem.  Il  a  fourni  à  la  vieille 
langue  un  grand  nombre  de  noms  d'action.  Le  latin  avait  des 
substantifs  en  atio  ationis,  venant  des  verbes  de  la  première 
conjugaison,  et  des  substantifs  en  lio  lionis,  sio  sionis,  venant 
des  verbes  des  autres  conjugaisons.  Un  certain  nombre  de 
ces  derniers  a  passé  au  français  :  lectionem  leçon  ;  dictionem 
diçon  (dans  maudiçon  tnaudisson,  etc.),  factionem  façon,  nu- 
tritionem  nourrisson,  prehensionem  prison,  etc.  Mais  la  dériva- 
tion normale,  qui  a  créé  des  formes  nouvelles,  a  été  celle  des 
noms  en  ationem  aison  :  de  là  assemblaison,  fauchaison,  fenai- 
son, crevaison,  pendaison,  etc.  Cette  dérivation  est  totalement 
éteinte.  Elle  a  disparu  devant  la  dérivation*  en  ation;  perte 

1.  Ce  mot  même  en  est  un  exemple.  Jusqu'au  dix-septième  siècle  on  disait  dé- 
riva ison. 


86  — 


regrettable,  comme  bien  d'autres  qu'on  doit  à  la  funeste  ac- 
tion de  la  formation  savante. 


6.  al,  el. 

Du  latin  alis.  La  vieille  langue  a  hésité  entre  al  et  e/,  et  à 
cette  hésitation  nous  devons  deux  suffixes  qui,  ajoutés  aux 
noms,  les  transforment  en  adjectifs.  Ces  adjectifs  désignent 
une  manière  d'être  possédée  par  le  radical,  ou  une  manière 
d'être  analogue. 

Al,  el  forment  de  nos  jours  d'abondants  dérivés  : 

auroral:  «  Lumière  aurorale.  Phénomènes  auroraux.  y> 
(Littré,  supplém.). 

global  :  «  Il  attribue  l'épître  aux  Hébreux  à  saint  Paul, 
sans  la  ranger  dans  la  masse  globale  des  épîtres  paulinien- 
nes.  »  (Réville,  Revue  des  Deux  Mondes,  15  juillet  1864,  p.  413, 
dans  SchoUe,  Arch.  de  Herrig,  xxxix,  432). 

gouvernemental  :  «  Néologisme  fort  lourd,  mais  qui  est 
régulier  et  dont  l'usage  se  consolide.  »  (Littré).  «  Cette  ma- 
chine à  rouages  compliqués,  qui  s'appelle  en  mauvais  fran- 
çais :  pondération  gouvernementale.  »  (Ch.  de  Bernard,  Les 
ailes  d'Icare,  II,  4). 

obéliscal  :  «  Merveilleux.  —  Date  du  transport  de  l'obé- 
lisque sur  la  place  de  la  Concorde.  » — «  Admirable  !  pyramy- 
dal  !  obéliscal!  »  (L.  Larchey,  Argot  parisien).  \oir pyramidal. 

orchestral,  phénoménal. 

pyramidal:  «  Ce  drame  pt/ramirfa^,  obéliscal,  granitique, 
qui  m'a  fait  frémir.  »  [Almanach  du  Hanneton,  1866,  dans  L. 
Larchey,  au  mot  granitique). 

postal  :  «  Quand  deux  gouvernements,  la  Suisse  et  la 
France,  je  suppose,  convenaient  ensemble  de  faire  payer  dix 
ou  douze  sous  un  port  de  lettre,  on  disait  jadis  trivialement  : 
«  C'est  une  convention  de  poste  ;  maintenant  on  dit  :  Conven- 
tion postale.  »  Quelle  différence  et  quelle  magnificence  !  » 
(A.  de  Musset,  Première  lettre  de  Dupuis  et  Cotonnet). 

spectral  :  «  Analyse  spectrale.  » 

transcendantal  :  Cl  knolYse  transcendantale.  »  Mot  venu  de 
la  philosophie  de  Kant.  Fénelon  disait  transcendantel ;  ,\oir 
Littré,  à  transcendantal. 

traversai:»   Lampe  qu'ils  {les  inventeurs)  nomment  tra- 


—  87  — 
versale.  »  (Descript.  des  brevets;    1833,  1'*  série,  t.  L,  p.  262) 

additionnel  :  «  Vncie. additionnel.  » 

alluvionnel  :  «  Humus  alluvionnel.  »  (Lejean,  Revue  des 
Deux  Mondes,  dans  Scholle,  Programme,  p.  13). 

convictionnel  (Littré),  exceptionnel  (id.). 

flexionnel  :  «.  Les  éléments  flexionnels  d'un  mot.  » 

fonctionnel:  «  Entretien  fonctionnel  d'un  être.  »  (Cl.  Ber- 
nard, Revue  des  Deux  Mondes,  dans  Scholle,  Programme),  in- 
cidentel. 

insurrectionnel  :  «  Mouweïneni  insurrectionnel.  » 

passionnel:  «  L'attraction  passionnelle.  »  expression  de 
Fourier. 

professionnel,  sériel  :  «  La  loi  sérielle.  »  expression  de 
Proudhon  (Scholle,  Programme,  p.  17). 

7  et  8.  ant  (and),  ance. 

Ant  [and)  et  ance  correspondent  au  latin  antem  et  antiam. 
Par  suite  de  l'extension  qu'a  prise  le  participe  présent  de  la 
première  conjugaison  dans  la  langue  populaire*,  les  dérivés 
des  autres  conjugaisons  affectent  la  terminaison  ant  ance;  et 
les  mots  en  eut  ence  décèlent,  par  cette  seule  forme,  leur  ori- 
gine savante  ^ 

Les  dérivés  en  ant  sont  les  participes  présents  pris  adjecti- 
vement ou  substantivement;  nous  en  avons  déjà  parlé  '. 

Quant  aux  dérivés  en  ance,  ils  sont  tirés  d'ordinaire  de 
l'adjectif  ou  du  participe  en  ant.  Cette  formation,  très-abon- 
dante dans  la  vieille  langue,  éminemment  française,  disparaît 
peu  à  peu  devant  la  formation  savante.  Th.  Gautier  a  créé 
attirance.  «  La  Râpée...  éprouvait  la  vertigineuse  horreur  de 
la  chute  mêlée  (^attirance  qu'inspire  la  suspension  au-dessus 
d'un  gouffre.  »  {Gapit.  Fracasse,  xvii).  Baudelaire  parle  de 
«  y  attirance  du  goufi*re.  »  {Fleurs  du  mal.  Spleen  et  idéal,  xlvii). 
Assurément  attirance  est  préférable  à  attraction.  Chateau- 
briand a  employé  luisance  [Mémoires,  ix,  228),  unisonance 
{deunisona)U),  «  L'unisonance  dos  vagues,  ^^  [ihid.,  i,263)  ;  com- 
patissance:  «  A  Namur,  la  première  femme  qui  m'aperçut  sor- 

1.  Voir  plus  haut,  p.  76. 

2.  Voir  P.  Meyer,  Mémoires  de  la  Société  de  linguistique,  I,  244  et  suiv. 

3.  Plus  haut,  p.  56,  63  et  suiv, 


tit  de  sa  boutique,  me  donna  le  bras  avec  un  air  de  compatis- 
sance,  et  m'aida  à  me  traîner  »  [IbicL,  m,  127). 

Citons  encore  ambulance,  de  ambulant,  transhumance,  de 
transhumant  (Littré),  sémillance,  de  sémillant,  créé  par  Mer- 
cier. 

9.   (ande)  andier. 

Le  participe  futur  latin  de  la  première  conjugaison  sert  dans 
les  dérivés  français  aux  verbes  des  autres  conjugaisons  :  de  là, 
à  côté  de  lavande  (lavanda),  jurande  (juranda),  des  mots 
comme  buvande  [bibenda),  viande  [vivenda  vienda),  o/fraindo 
[ufferenda)  *,  Ce  suffixe  s'est  éteint  dans  le  français  moderne 
sous  l'action  du  suffixe  savant  ende. 

Toutefois,  constatons  que  ande  a  donné  une  dérivation  se- 
condaire andier  [brelandier,  buandier,  lavandier,  taillandier, 
vivandier;  dinandier,  tiré  de  dinanderie  qui  vient  lui-même 
de  Dinant,  faisandier,  tiré  de  faisanderie,  faisan),  et  que  cette  • 
dérivation  a  fourni  à  l'imitation.  M.  Littré,  au  supplément 
de  son  dictionnaire,  donne  battendier,  «  celui  qui  exploite 
un  moulin  à  battre  le  chanvre.  »  [Tarif  des  patentes  de  1858); 
il  faut  lire  battandier.  Dans  les  manufactures  de  l'Ouest,  à 
Indret,  près  de  Nantes,  les  ouvriers  dessinateurs  sur  toile, 
trouvant  le  mot  de  dessinateur  trop  ambitieux,  l'ont  rem- 
placé par  dessinandier  :  «  11  n'y  a  pas  un  dessinandier  pareil 
dans  Indret.  »  (A.  Daudet,  Jack,  II,  §  1.) 

9  bis.  Le  suffixe  ange,  de  emia,  dans  les  substantifs  [ven- 
dange, louange,  etc.),  de  aneus  dans  les  adjectifs  [étrange,  etc.), 
et  le  suffixe  aque  qui  se  trouve  dans  quelques  mots  d'origine 
étrangère,  ont  fourni  peu  de  dérivés  à  la  langue,  et  sonti^au- 
jourd'hui  éteints. 

10,   ard,  arde. 

Ce  suffixe  d'origine  germanique  [hart)  a  pénétré  dans  notre 
langue,  dès  les  premiers  temps,  avec  des  noms  propres  :  Ay- 
mard,  Bernard,  Guiard,  Guichard,  Renard,  etc.  Il  a  passé 
de  là  à  des  noms  communs  auxquels  il  a  donné,  comme 
en  allemand  d'ailleurs,  une  signification  généralement  défa- 
vorable ;  il  s'applique  aux  noms  de  personne  comme  aux 
noms  de  chose;  il  a  un  caractère  populaire  bien  marqué,  et 

1.  Cf.  plus  liaut,  p.  76. 


—  89  — 

il  est  très-fécond .  On  peut  en  juger  par  cette  liste  de  mots  ré- 
cents : 

badouillard:  «  Pour  être  badouillard,  il  fallait  passer  trois 
ou  quatre  nuits  au  bal,  déjeuner  et  courir  en  costume  de  mas- 
que dans  tous  les  cafés  du  quartier  latin  jusqu'à  minuit.  » 
(Privât  d'Anglemont).  —  Le  badouillard  fut  de  mode  de  1840 
à  1850.  »  (L.  Larchey,  Argot  parisien.) 

balochard  :  «  Usité  à  Paris,  avec  le  sens  de  bambocheur, 
de  libertin.  »  (Fr.  Michel,  É^u^/es  sur  l'argot,  1856). —  «  Le  balo- 
cliard  représente  surtout  la  gaieté  du  peuple;  c'est  l'ouvrier 
spirituel,  insouciant,  tapageur,  qui  trône  à  la  barrière.  « 
(Taxile  Delord).  C'est  le  nom  d'un  personnage  de  carnaval 
qui  florissait  entre  1840  et  1850  (Voir  L.  Larchey).  Le  mot 
dérive  de  balocher,  augmentatif  populaire  de  baller,  danser. 

bondieuzard,  mot  créé  dans  ces  dernières  années  par  cer- 
tains journalistes  de  la  presse  radicale,  pour  désigner  le 
parti  religieux.  Il  n'est  pas  nécessaire,  pour  expliquer  la  for- 
mation du  mot,  d'admettre  l'existence  d'un  verbe  bondieuzerK 

briscard  :  «  vieux  soldat  à  chevrons  »  (L.  Larchey)  ;  de 
brisque. 

camisard,  soldat  pionnier  des  compagnies  de  discipline, 
couvert  d'une  longue  capote.  Le  mot  n'a  de  commun  que  l'i- 
dentité de  formation  avec  le  nom  des  célèbres  Camisards  des 
Gévennes.  Ils  viennent  tous  deux  du  provençal  camisa,  che- 
mise. 

capitulard.  Cette  désignation  injurieuse  date  de  la  der- 
nière guerre  et  des  capitulations  de  Metz  et  de  Paris. 

chicard,  personnage  de  carnaval,  à  la  mode  de  1830  à  1850; 
de  chic.  Les  transformations  de  sens  de  ce  mot  sont  curieuses 
et  instructives  à  divers  égards.  C/iican/ est  d'abord  créé  comme 
nom  propre.  «  Maître  Chicard,  »  c'est  l'homme,  le  danseur 
très-chic;  celui-ci  inventeunpas dénommé,  d'après  lui,  le  pas 
chicard.  Dans  cette  expression,  chicard  redevient  adjectif  et  re- 
prend sa  signification  étymologique  :  pas  chicard,  pas  qui  est 
très-chic.  L'emploi  de  l'adjectif  se  généralise;  le  mot  s'enrichit 
de  syllabes  bizarres,  à  valeur  superlative,  et  l'on  a  chican- 
dard,  chicocandard,  chicandardo  (chicandardot). 

communard,  partisan  de  la  Commune  (1871).  il  est  à  re- 
marquer que  la  langue  a  hésité  entre  communard  et  commu- 

1.  Voir  plus  haut,  p.  71. 


—  90  — 

neux  (voyez  au  suffixe  eux),  pour  se  décider  finalement  en  fa- 
veur de  communard. 

cumulard  :  «  Pour  ces  gens  qui  sont  titulaires  nés  de 
toutes  les  places,  on  a  créé  dans  la  langue  un  terme  de  mé- 
pris de  plus,  celui  de  cumulard.  »  (Teulet,  dans  le  Dict.  de 
Larousse.) 

décembraillard,  nom  donné,  de  1849  à  1852,  aux  membres 
de  la  société  bonapartiste  du  Dix  décembre*.  Ce  mot  est  attri- 
bué à  M.  de  Lasteyrie. 

fusionnard,  partisan  de  la  fusion  de  la  branche  aînée 
des  Bourbons  avec  la  branche  cadette. 

lignard,  soldat  de  la  ligne,  et,  dans  le  langage  des  typo- 
graphes, ouvrier  qui  compose  spécialement  la  ligne  courante. 
(Boutmy,  Dict.  de  V argot  typographique). 

pochard,  ivrogne  qui  se  poche,  se  remplit. 

pudibard  :  «  faussement  pudibond  »  (L.  Larchey).  C'est 
pudibond  dont  la  finale  est  remplacée,  dans  une  intention  mé- 
prisante, par  notre  suffixe  péjoratif. 

roublard  d'origine  inconnue;  n'a  rien  d^e  commun  avec 
les  roubles  russes.  Fr.  Michel  ne  donne  à  ce  mot  que  le  sens 
de  laid,  défectueux;  L.  Larchey  les  deux  significations  de  laid, 
incomplet,  gâté  et  de  homme  de  mauvaise  foi.  Roublard,  ac- 
tuellement, signifie  artificieux,  rusé,  habile  à  duper  les  gens. 

soudrillard:  «  libertin,  mauvais  sujet.  »  (Fr.  Michel),  dé- 
rivé de  soudrille,  vieux  mot  qu'il  a  remplacé  de  nos  jours. 
Soudrille  est  dans  le  Dictionnaire  de  l'Académie. 

torpillard,  nom  donné  récemment  aux  soldats  de  marine 
chargés  de  placer  les  torpilles. 

tortillard,  bancal,  boiteux,  qui  marche  en  tortillant. 
E.  Sue  en  a  fait  un  nom  propre  dans  les  Mystères  de  Paris. 

veinard  :  «  homme  qui  a  habituellement  de  la  veine.  » 
(L.  Larchey). 

Dans  quelques-uns  de  ces  dérivés,  la  signification  dépré- 
ciative  du  suffixe  paraît  s'effacer  :  dans  veinard,  ard  indique 
seulement  une  sorte  d'admiration  jalouse;  dans  chicard,  l'ad- 
miration pure  et  simple.  Les  suffixes  les  mieux, caractérisés 
ont  souvent  cette  mobilité  de  signification,  cette  extension  ir- 
régulière qui  répond  à  l'instabilité  de  l'imagination  populaire. 

Toutefois,  ard  a  conservé  en  général  sa  valeur  dénigrante. 

1.  Décembraillard,  de  décembre,  avec  l'intercalation  de  la  syllable  péjorative 
aille  (cf.  plus  haut,  p.  84)  pour  rappeler  braillard. 


—  91  — 

Voilà  pourquoi  nous  avons  vu  récemment  les  Niçards,  mé- 
contents de  la  finale  de  leur  nom,  se  transformer  en  Niçois. 
Cette  formation  est  irréprochable  :  Nice  a  pu  produire  des  Ni- 
çois aussi  bien  que  des  Niçards.  Mais  que  dire  des  Savoyards 
qui,  au  mépris  des  lois  de  la  dérivation,  se  déguisent  en  -Sa- 
voisiens? 

Les  gens  du  peuple  tendent  à  confondre  les  adjectifs  en  are 
avec  les  adjectifs  en  ard,  que  la  prononciation  ne  distingue  pas, 
et  par  suite  à  leur  donner  des  féminins  en  arde^  quand  ils  ont 
une  signification  quelque  peu  dépréciative.  Un  même  numéro 
du  journal  le  Pays  ofi"re,  à  côté  du  masculin  ignare,  le  fémi- 
nin iyndrde  :  «  Plus  un  individu  est  ignare^  plus  il  est  affir- 
matif;  le  plus  obtus  crie  le  plus  fort.  »  —  «  Sachez-le,  mon- 
sieur le  ministre,  il  n'y  aura  jamais  rien  de  commun  entre 
votre  Université  alhée-matérialiste,  et  par-dessus  tout  ignarde^ 
et  les  Facultés  libres,  fondées  par  des  hommes  avides  d'échap- 
per à  la  routine  universitaire*.  «  Les  gens  du  peuple  disent 
encore  un  avare,  une  avarde. 


11.   as,  a&se,  ace,  ache;  is,  isse,  iche;  oche,  uche. 

Ces  suffixes  dérivent  de  aceus  [acea);  iceus{icea),  icius  [icia]; 
oceus  [ocea);  uceus  [ucea).  Ils  ont  formé  des  adjectifs  et  des 
substantifs  ayant  en  général  une  signification  collective,  aug- 
mentative  ou  péjorative  :  coutelas^  embarras^  tracas,  plâtras, 
cuirasse,  liasse,  paperasse,  lavasse,  rondache;  châssis,  lattis, 
lavis,  pelisse,  saucisse,  caniche,  lévriche;  mailloche,  sacoche; 
guenuchc,  peluche. 

De  nos  jours,  seuls  les  suffixes  as,  asse  et  is  sont  encore  vi- 
vants ;  as,  asse  a  une  signification  péjorative  très-nette  :  on  en 
sent  la  valeur  dans  lavasse,  bestiasse,  paperasse  ;  blondasse,  fa- 
dasse; dans  les  dérivés  secondaires,  écrivassier,  finassier.  Ce- 
pendant, les  créations  nouvelles  sont  rares  :  je  ne  vois  à  citer 
que  cocasse,  qui  date  de  notre  siècle. 

Is  est  en  vieux  français  eïs,  eïz,  plus  anciennement  ediz,  de 
aticius.  Le  suffixe  de  la  première  conjugaison  at-icius  s'est 
substitué  aux  suffixes  t-icius  s-icius,  etc.,  des  autres  conju- 
gaisons *.  Il  a  une  signification  collective  :  arrachis,  couchis, 

1.  Lfi  Pays,  journal  quotidien,  politique,  littéraire,  etc.;  n"  du  lundi  24  avril 
1876,  page  3,  col.  2  ;  page  1,  col.  2. 

2,  Voir  plus  haut,  p.  77,  78. 


( 


—  92  — 

gûcJiis,  gnillochifi,  hachis,  lattis,  etc.  Il  a  fourni  à  la  langue 
contemporaine  le  moi  cailloutis  :  «  Entre  la  maison  et  le  jardin 
règne  un  cailloutis  en  cuvette.  »  (Balzac,  le  Père  Goriot). 

12.  aire. 

Aster  annonce  une  ressemblance  incomplète  avec  l'idée  du 
thème;  de  là  une  signification  généralement  péjorative*.  Il  a 
formé  des  substantifs  :  parâtre,  marâtre,  écolâtre,  gentillâ- 
tre,  etc.,  et  des  a.ô}eci[îs  :  bellâtre,  douceâtre,  folâtre;  spéciale- 
ment des  adjectifs  indiquant  la  nuance  affaiblie  d'une  couleur  : 
blanchâtre,  brunâtre,  grisâtre,  jaunâtre,  noirâtre,  olivâtre, 
rougeâtre,  roussâtre,  verdâtre. 

A  interroger  le  sentiment  de  la  langue,  il  semble  qu'aujour- 
d'hui ce  suffixe  n'ait  plus  gardé  sa  valeur  propre  que  dans  ce 
dernier  emploi,  et  que  les  créations  nouvelles,  si  elles  doivent 
se  produire,  consisteront  dans  des  adjectifs  désignant  des 
couleurs  voisines  de  celles  qu'indique  le  radical  :  rosâtre, 
blondâtre,  fauvâtre^-  — 

\  13.  aud,  aude. 

En  vieux  françaîs^açfcFi^.  Ce  suffixe  vient,  comme  ard,  d'un 
suffixe  germanique  [wald],  par  l'intermédiaire  des  noms  pro- 
pres francs  :  Grimwakl,  Answald,  Herwald.  Il  a  d'abord  servi 
à  former  des  noms  propres,  soit  avec  des  radicaux  germani- 
ques,  Guiraud,  Guinaud,  Regnaud,  soit  avec  des  radicaux 
jomans,  Bellaud,  Bonaud,  Brunaud,  Clairaud,  etc.  lia  ensuite 
passé  à  des  noms  communs  de  personnes,  d'animaux,  à  des 
adjectifs  auxquels  il  a  ajouté  d'ordinaire  une  mauvaise  si- 
gnification :  nigaud,  ribaud,  clabaud,  pataud,  levraut;  lour- 
daud, saligaud,  salaud,  finaud,  noiraud,  rougeaud,  cour- 
taud, etc. 

La  signification  de  ce  suffixe  dans  les  dérivés  d'adjectifs  est 
encore  très-sensible;  nous  ne  connaissons  cependant  pas  de 
dérivations  nouvelles. 

14-15.  c,  e'e. 

Terminaison  du  participe  passé  de  la  première  conjugaison 
{atus,  ata),  ce  suffixe  forme  des  adjectifs  ou  des  participes 
passés  ayant  la  valeur  d'adjectifs.   D'un  substantif  la  langue 

1.  Diez.  Grammaire,  l.  H,  p.  :i60de  la  traduction  française. 


—  93  — 

peut  tirer  un  adjectif  ou  un  participe,  sans  passer  par  le  verbe 
en  er;  parfois  même  on  ne  peut  créer  le  verbe  d'où  semble 
dériver  le  participe.  Soleillé  se  disait  au  dix-septième  et  au 
dix-huitième  siècle  :  «  Deux  petites  chambres  bien  soleillées.  » 
(Mercier,  Néologie).  Soleiller  n'a  jamais  existé.  Le  verbe  peut 
dériver  postérieurement  du  participe.  Imager  le  style  est  un 
néologisme  contemporain;  style  imagé  a  été  créé  par  Mercier 
en  1801.  M.  Littré  a  donc  tort  de  faire  de  imagé  le  participe 
passé  du  verbe  imager. 

Cette  formation  est  très-vivante  dans  la  langue  populaire, 
commune  ou  savante.  Elle  a  les  mêmes  caractères  que  la  dé- 
rivation, d'une  singulière  richesse  et  d'une  fécondité  inépui- 
sable, à  laquelle  on  doit  les  verbes  en  er.  Voici  quelques 
exemples  : 

abeille  :  «  Le  manteau  impérial  est  abeille  »  (Littré,  su^j- 
plém,.). 

accidenté  :  «  A  droite  se  creusait  en  abhne  un  immense 
ravin  déchiré,  accidenté  de  la  façon  la  plus  sauvagement  ro- 
mantique. »  (Th.  Gautier,  dans  le  Dict.  de  Larousse).  Au  fig. 
«  Guillen  de  Castro  traita  le  théâtre  à  sa  mode,  et  non  selon 
celle  du  temps  :  il  préféra  les  sujets  héroïques  et  accidentés.  » 
(Phil.  Chastes,  ibid.) 

auréolé  :  «  Que  de  regards  fanés,  de  crânes  déplumés,  en- 
core auréolés  de  rêves.  »  (Daudet,  Jack^  I,  §  6). 

baugé  :  «  Un  vieil  ermite  baugé  dans  l'enceinte  des  grands 
mélèzes.  »  (E.  About,  dans  SchoUe,  Archives  de  Herrig,  XLll, 
p.  116) 

bouqueté  :  «  Sur  les  reliefs  perpendiculaires  du  paysage, 
des  pentes  roses  ou  bouquetées  de  cépées  de  hêtres  ;  des  pics 
dardant  la  nue,  des  dômes  coiffés  de  glace.  »  (Chateaubriand, 
Mémoires.,  X,  217). 

chaudronné  :  «  Je  ne  sais  pourquoi  je  m'étais  figuré  que 
Prague  était  niché  dans  un  trou  de  montagnes,  qui  portaient 
leur  ombre  noire  sur  un  tapon  de  maisons  chaudronnées.  » 
(Chateaubr.,  ibid..,  X,  453). 

chocolaté  :  «  crème  chocolatée.  » 

corsé :^(  un  cheval  corsé»  au  figuré:  «  Ah  çà!  vous  tâcherez 
que  le  déjeuner  soit  un  peu  corsé.  »  (E.  Scribe,  dans  le  Dict. 
de  Larousse.)  La  vieille  langue  disait  corsa. 

cosmétique:  «  Sa  forte  moustache  blonde,  trbs-cosméti- 


—  94  — 

quée^  sa  face  large  et  pâle,  lui  donnaient  l'air  d'un  mousque- 
taire malade.  «  (Daudet,  Jack^  I,  S  2). 

couleuré  a  été  employé  par  G.  Sand  dans  la  Petite  Fadette 
(Scholle,  Programme^  p.  14). 

crêmé  :  «  Toile  crêmée.  »  (Catalogue  du  magasin  des  Trois 
Quartiers,  p.  39). 

fuchsine  :  «  Vins  fuchsines.  »  Mot  créé  récemment. 

(jouaché  :  «  Miniature  gouachée.  «  (Littré,  supplément.) 

imagé  :  «  style  imagé,  »  créé  par  Mercier  dans  sa  Néologie 
(1801).  Le  mot  a  réussi. 

kilométré:  «Une  route  kilométrée.  »  (G.  Bousquet,  Revue 
des  Deux  Mondes,  1876,  t.  V,  p.  722).  , 

laitonné:  «Tulle  laitonné.  »  (Littré). 

mélasse:  «Eau  mélassée.^^  (Littré,  supplément). 

meringué:  «Glaces  meringuées.  y>  [Description  des  brevets, 
1842,  1"  série,  t.  LVII,  278). 

mouvementé  :  «  style  mouvementé.  » 

ornementé  :  «  plafond  ornementé.  » 

paraffiné  :  «  huile  paraffinée.  r> 

phylloxéré:  «  l'immersion  des  vignes  phylloxérées.^^  [Compt. 
rend,  des  séances  de  VAcad.  des  sciences,  20  nov.  1876). 

référencé:  «  homme  bien  référencé,  »  qui  a  dé  bonnes  réfé- 
rences. Mot  familier. 

typé:  «  Alfred,  brimborion  maigre  et  muselé,  typé  comme 
Murray.  »  (Tôpfer,  Voyages,  II,  V^  journée). 

vanillé  :  crème  vanillée,  chocolat  vanillé. 
On  peut  compléter  cette  liste  avec  l'aide  de  celle  des  dérivés 
en  er  (dérivation  verbale). 

Le  participe  passé,  sous  la  forme  féminine  ée,  donne  nais- 
sance à  des  substantifs  qui  ne  gardent  plus  trace  de  la  signi- 
fication verbale  que  leur  conférait  l'étymologie.  Ils  désignent 
le  plus  souvent  la  quantité  de  ce  que  peut  contenir  un  récep- 
tacle^ :  une  bouchée,  une  poignée,  une  pelletée,  une  charretée, 
une  cuillerée,  une  assiettée,  une  platée. 

Ce  suffixe  est  encore  vivement  senti,  quoique  les  créations 
nouvelles  soient  fort  rares  :  pochetée,  de  pochette'=^ poche,  ce 
qu'un  pochard  peut  absorber  de  boisson  :  par  extension, 
ivresse,  et  au  figuré,  bêtise. 

1.  Pour  d'autres  significations  qu'on  retrouve  dan><  des  mots  datant  de  la  vieille 
langue,  voir  Diez,  II,  330  de  la  traduction  française.  —  Ce  suffixe  est  une  forme 
du  substantif  participial  ;  cf.  plus  haut,  p<  57. 


—  95  — 


16.  eau,  elle;  creau,  evelle. 

Eau,  elle  est  le  latin  Mua  ella;  ereau  erelle  en  est  une  forme 
allongée*.  Ces  deux  suffixes  ont  gardé  leur  pleine  valeur  de 
diminutifs,  surtout  erran,  erelle;  néanmoins,  nous  trouvons 
à  peine  deux  ou  trois  mots  nouveaux.  M.  Scholle  signale 
comme  néologismes  {Programme,  p.  15),  faiteau  employé  par 
Balzac,  et  [Archives  de  Herrig,  XLII,  127)  sapineau,  employé 
parÉm.  Souvestre  [Les/lngesdu  foyer,  le  Sagar  des  Vosges,  II). 
Nuelle  se  dit  pour  petite  nue.  Les  botanistes  désignent  les 
corps  reproducteurs  des  cryptogames  sous  le  nom  d'embryon- 
nelles.  Si  l'on  considère  embryon  non  plus  comme  un  mot 
grec,  mais  comme  un  mot  français,  cette  dérivation  devient 
normale  et  tout  à  fait  conforme  aux  lois  de  la  langue. 

15  bis.  eil  eille,  de  iculus  icula  [sommeil,  oreille) ,  n'existe 
plus  comme  suffixe  actif. 

15  ter.  et,  voir  al. 

17.  ement. 

Nous  avons  expliqué  plus  haut^  comment  le  suffixe  latin 
menlum  est  devenu  en  français  ement.  Ement  est  aujourd'hui 
un  suffixe  d'une  singulière  richesse,  formant  sans  cesse  des 
dérivés  de  verbe  qui  expriment,  soit  l'action  indiquée  par  le 
radical,  soit  l'état,  soit  l'objet  qui  résulte  de  cette  action.  La 
plupart  des  créations  nouvelles  appartiennent  à  la  langue  po- 
pulaire et  à  la  terminologie  scientifique  ou  industrielle.  Il  en 
est  bien  peu  pour  lesquels  la  langue  littéraire  puisse  se  dé- 
partir de  sa  sévérité. 

abêtissement  (Littré). 

acclimatement,  proposé  par  Mercier  (Néologie);  aujour- 
d'hui reçu. 

affouillement  :  «  Quelques-uns  pensent  que  les  glaciers 
ont  creusé  les  lacs  ou  du  moins  leurs  bassins...  ils  soutien- 
nent la  théorie  de  V affouillement  glaciaire.  »  (Ch.  Martins,  jRe- 
i)uedes  Deux  Mondes,  1"  février  1867,  p.  607)* 

affairement  (Littré,  supplémeiit). 

affriolement,  mot  usité  dans    la  conversation. 


1.  Cf.  plushaul,  p.  72. 

2.  W  77. 


—  96  — 

agissement  (Littré,  suppUmeni).  S'emploie  surtout  au 
pluriel  :  «  Les  agissements  de  cet  homme.  »  Selon  M.  F.  Wey 
[Remarques  sur  la  langue  française,  II,  93) ,  ce  mot  est  dû  à 
M.  Billaud. 

ahurissement,  terme  populaire  très-ùsité.  (Littré,  supplé- 
ment) . 

alluvionnement  (Littré,  supplém.)  ;  apitoiement,  proposé 
en  1845  par  Richard;  assainissement  (Littré,  supplém.)^  assou- 
plissement (G.  Sand,  cité  par  Scholle,  Programme,  p.  13). 

assourdissement  : 

N'ai-je  donc  point  assez,  mes  filles, 
De  Vassourdissemenl  des  flots? 

(V.  Hugo,  Orientales,  xxxv.) 

atterrissement,  employé  par  M.  Saveney  pour  atterrissage 
[SchoWe, Programme,  p.  13). 

bâillonnement,  le  bâillonnement  de  la  presse  ;  cachotement 
(Littré);  canonnement-  le  canonnement  de  la  place;  collationne- 
ment  (Littré,  supplém.). 

débraillement,  mot  familier,  usité  à  côté  de  débraillé. 

débroussaillement,  déguisement,  désolernent  (Littré,  sup- 
plém ). 

déraillement,  auquel  M.  Littré  préfère  dérailement  qui  est 
tout  à  fait  inusité. 

dragonnement  (Littré,  s wpjî^em.j;  effarement  (Littré). 

e/T'rértemen/ ;«  Néologisme,  État  d'une  âme  effrénée;  Dé- 
chaînement des  passions.  »  (Littré.) 

encanaillement  :  «  V encanaillement ,  prélude  aristocra- 
tique, commence  ce  que  la  Révolution  devait  achever.  » 
(V.  Hugo,  l'Homme  qui  rit,  II,  I,  3.) 

endimanchement:  «La  foule  s'était  amassée  aux  abords  de 
la  halle  avec  un  tumulte,  un  brouhaha  d'endimanchement.  » 
(Daudet,  Jack,  II,  §  3.) 

endossement  d'un  effet  de  commerce  (Littré,  supplém.). 

engloutissement,  proposé  en  1845  par  Richard,  et  devenu 
aujourd'hui  très-français  :  «  Et  quelque  jour  le  colosse,  cou- 
ronné de  chants  d'oiseaux,  de  vols  d'abeilles....  prenait  l'as- 
pect d'un  arbre  frappé  de  la  foudre  et  s'abattait  enfin  en  lais- 
sant là-haut  sur  le  flot  des  cimes  le  vide  d'un  engloutisse- 
ment. »  (Daudet,  Jack,  l,$8.) 

envolement:  «Avec  sa  nature  d'oiseau  étourdi,  ses  envole- 
ments  et  cette  volonté  du  zigzag.  »  (Id.  ibid.,  §  9). 


—  97  — 

éreintement  :  «  C'est  leur  souvenir  [le  souvenir  des  journa- 
listes) qui  vient  le  premier  à  l'esprit,  quand  on  entend  parler 
d'érem/ewr  et  d' éreintement.  Le  mot  est  né  chez  eux  et  a  été 
fait  pour  eux.  Il  ne  paraît  pas  qu'il  date  de  fort  loin.  Je  crois 
même,  sauf  meilleur  avis,  qu'il  est  de  notre  génération.  » 
(Fr.  Sarcey,  Le  mot  et  la  cliose^  p.  108). 

éploiement:  «  De  beaux  faisans  atteints  dans  Véploiement 
de  leurs  brillantes  ailes.  »  (N.  Roqueplan,  Parisine^-p.  193). 

framboisement  (Littré,  supplém.]. 

grisollement :  «  Le grisollement  de  l'alouette.»  (Cherbulliez, 
Prosper  Randoce,  II). 

jointement,  mandatement  (Littré,  supplétn.),  ordonnance^ 
nient  (Littré). 

pépiement  des  moineaux:  E.  Souvestre  dans  Scholle  [Pro- 
gramme, p.  16),  Ch.  Nodier,  dans  le  dict.  de  Dochez. 

pelotonnement  ;  pleurnichement  à  côté  de  pleurnicherie, 
Th.  Gautier  [le  Capit.  Fracasse,  XII). 

refrènement  :  «  Le  refrènement  de  la  politique  de  con- 
quête. »  (Laveleye,  Rev.  des  Deux  Mondes,  P'  nov.  1867,  p.  41, 
cité  par  Scholle,  Archives  de  Herrig,  XLII,  126). 

renfrognement  :  «  Ses  yeux  ridés,  dont  l'expression  passe 
du  sourire  prescrit  aux  danseurs  à  l'amer  renfrognement  de 
l'escompteur.»  (Balzac,  le  Père  Goriot). 

retombement  :  «  Pourquoi  ce  retombement  dans  la  dou- 
leur?» (E.  de  Guérin,  Journal). 

trimbalement,  mot  familier,  très-usité,  omis  par  M.  Littré. 


18.  erîe. 

Voici  encore  un  suffixe  très-riche.  C'est  un  allongement 
de  ie  qui  se  trouve  dans  courtoisie,  folie,  jalousie,  et  qui  vient 
du  latin  populaire  îa,  altération  du  latin  classique  îa;  erie 
s'est  si  bien  substitué  à  ie  que  ce  dernier  ne  forme  plus  de 
nouveaux  dérivés  ;  car  dans  les  dérivés  des  mots  en  ier,  tels 
que  chemisier,  chemiserie,  on  ne  décompose  plus  ene  en  e?* 
(affaiblissement  de  ier)  et  en  ie  (chemis-ier;  chem.is-er-ie) , 
mais  on  considère  ier  et  erie  comme  deux  suffixes  différents 
d'un  même  thème  {chemis-ier,  chemis-eric).  Erie  se  fixe  au 
thème  des  substantifs,  des  adjectifs  et  des  verbes,  et  il  ajoute 
à  l'idée  qu'ils  expriment  des  nuances  très-diverses.  Tantôt  il 
indique  l'idée  de  la  qualité  (généralement  défavorable)  expri- 


—  98  — 

lïiée  par  le  thème,  comme  dans  poltronnerie,  singerie,  diable- 
lie,  bigoterie,  pruderie  ;  tantôt  il  marque  le  résultat  de  l'action 
verbale,  comme  dans  badinerie,  criaillerie,  tricherie,  plaisan- 
terie, causerie.  Ce  résultat  est  conçu  ail  sens  concret,  avec 
une  idée  collective,  dans  argenterie,  bijouterie,  orfèvrerie,  ma- 
çonnerie, verrerie.  L'idée  collective  se  développe  dans  hôtelle- 
rie, boulangerie,  bonneterie,  ladrerie,  laiterie,  huilerie,  qui 
indicjuent  des  établissements  ;  elle  reste  seule  dans  cavalerie, 
infanterie,  boiserie,  verroterie,  bimbeloterie^ 

Voici  des  dérivés  nouveaux  qui  montrerit  la  grande  fécon- 
dité de  ce  suffixe.  La  plupart  manquent  au  Dictionnaire  de 
M.  Littré  : 

bonasserie  :  «  On  rit  à  pleine  goi'ge  de  la  cànaillerie  nàîvë 
d'une  reine  et  de  la  bonasserie  d'un  roi.  »  (J.  Vallès,  la  Rue, 
l'A  cadémie) . 

bonhommerie  :  «  Aussi  les  personnages  de  M.  feai*rière 
(dans  la  comédie  des  Faux  Bonshommes)  ne  sont-ils  vrai- 
ment que  des  bonshommes.  Leur  bonhomie  peut  être  fausse; 
leur  «  bonhommerie  »  est  hors  de  doute.  «  (Weiss,  Essais  sur 
ïhist.  de  la  Littér.  franc.,  1865,  p.  102). 

cànaillerie,  voir  bonasserie. 

cocasserie  :  «  Drôlerie  comique.  »(L.  Larchey),  crâiierie. 

cucotterie:  «  Monde  des  cocottes.  »  (L.  Larchey). 

crasserie  :  «  Vous  lui  avez  fait ....  je  suis  trop  poli  pour 
dire  une  crasserie,  mais  enfin  une  chose  qui  ne  se  fait  pas.  « 
(E.  About,  VInfâme,  II). 

désœuvrerie:  «  Se  faire  gentil  par  fatuitisme  et  par  désœu- 
vrerie.  »  (L.  Desnoyers,  les  Béotiens  de  Paris). 

flânerie, 

gâterie  :  «  Et  encore  les  gâteries  continuelles  de  la  mère 
rendaient  elles  assez  difficile  la  tâche  de  l'époux.  »  (Balzac, 
les  Employés,  éd.  de  1856,  p.  161).  iBalzac  souligne  le  mot, 
le  signalant  ainsi  comme  néologisme.  M.  Littré  cite,  d'après 
Dochez,  un  exemple  tiré  des  Souvenirs  de  la  marquise  de  Cre- 
qui,  ce  qui  prouverait  que  le  mot  est  beaucoup  plus  ancien; 
mais  ces  Mémoires  sont  apocryphes  et  datent  de  l'époque  où 
écrivait  Balzac. 

griserie  :  «  Cotte  griserie  farouche  de  la  bataille.  »  (J.  Clare- 

1.  Cl.  Maelzner,  Franzosische  Grammatik,  p.  280, 


—  99  — 

lie,  Le  beau  Soiignûc,  1876,  I,  p.  81).  «  Cette  Odeur  fraîche  et 
salée,  ce  coiij)  (d'éventail  que  la  marée  montante  dégage  h 
chaque  vague,  lui  mit  au  cœur  la  griserie  du  voyage.  »  (Dau- 
det, Jach,  II,  §8). 

histrionnerie  :  «  hliistrionnerie  monte  aux  honneurs,  le 
patriciàt  descend  à  V histrionnerie.  »  (L.  Veuillot,  Odeurs  de 
Paris,  III,  1).  M.  de  Montégut  a  créé  Jiistrionie  :  «  H  y  a  de  ces 
mots  qui  viennent,  en  droite  ligne,  du  royaume  àliistrionie  et 
du  puissant  empire  du  cabotinage.  »  {Revue  des  Deux  Mondes, 
V""  mars  1859,  p.  222).  La  dérivation  lùstrionie  et  l'expression 
même  royaume  dliislrionie  ont  un  caractère  marqué  d'ar- 
chaïsme. 

humanitairerie  :  «  Messieurs  (et  mesdames)  de  l'avenir 
et  de  V humanitairerie,  qu'entendez- vous  par  ces  paroles  ? 
Entendez-vous  que,  dans  les  temps  futurs,  on  perfectionnera 
les  moyens  matériels  du  bien-être  de  tous?...  ôii  enten- 
dez-vous que  l'objet  de  perfectionnement  sera  l'homme 
lui-même?»  (A.  de  Musset,  2'=  Lettre  de  Dupais  et  Coton- 
net)  . 

rnarmitomierie :  <■<■  Holà!  ho!  toute  \di marmilonnerie,(\\Ji  on 
se  dépêche!  »  (Th.  Gautier,  le  Capitaine  Fracasse,  III). 

nwmerie  :  «  Le  populaire  et  la  môm&iie  se  portent  à  la 
rencontre  du  bataillon  qui  vient.  »  (J.  Vallès,  la  Rue,  la  Vie 
de  Province),  Ce  mot,  dérivé  de  môme,  est  à  distinguer  de 
momerie. 

narquoiserie  :  «  Les  narquoiseries  d'une  critique....  » 
(Veuillot,  Odeurs  de  Paris,  II,  4). 

patrioterie  :  «  Lui  qui  avait  été  élevé  dans  la, patrioterie  et 
la  religion  de  la  baïonnette  souveraine.  »  (Th.  Gautier,  Les 
Jeune  France,  1833,  p.  145). 

pocharderie  (Fr.  Michel;  L.  Larchey). 

pudiharderie  (L.  Larchey),  dériVê  de  pudibard  ;  voir  plus 
haut,  p.  90. 

rouerie  paraît  dater  de  notre  siècle. 

songerie  :  «  Dévorés  de  noires  songeries.  »  (Baudelaire, 
Fleurs  du  mal,  cxxiv);  «  L'éternelle  songerie  des  gens  et  des 
peuples  qui  rêvent  l'impossible.  »  (J,  Claretie,  Le  beau 
Solignac,  1876,  I,  p.  216).  —  Soiigerie  dit  autre  chose  que 
rêverie. 

Les  noms  qui  précèdent  peuvent  se  diviser  en  deux  classes, 
suivant  la  nature  du  radical  auquel  se  joint  le  suflixe  :  si 


_  100  — 

c'est  un  verbe,  le  suffixe  forme  des  noms  d'action  {griserie, 
songerie)]  si  c'est  un  nom  ou  un  adjectif,  il  forme  un  nom  de 
qualité  qui  a  une  valeur  plus  ou  moins  dépréciative. 

Il  nous  reste  à  rappeler  l'emploi  de  ce  suffixe  dans  la  langue 
technique  ;  on  jugera  par  ces  exemples  combien  lui  est  rede- 
vable la  nomenclature  du  commerce  et  de  l'industrie  : 

beurrerie,  biscuiterie,  carrosserie,  charronnerie,  chemiserie, 
chocolaterie,  clicher ie  [Liiiré,  sripplément),  confiturerie,  droguis- 
terie*,  fîleterie^,  guimperie  (Littré,  suppL),  gailletlerie  (Littré, 
suppL),  gypserie,  indiennerie  (Littré,  suppl.),  ivoirerie,  lampis- 
terie,  lunetterie,  œufrerie^  (Littré,  suppl.) ,  ossellerie,  tourne- 
rie,  etc.,  etc. 

19,  esse.  ise. 

Viennent  du  latin  i^ia  :  justitia  .-justesse  etjoutise  (v.  franc.). 
A  esse  appartiennent  des  dérivés  tels  que  richesse,  rudesse, 
sagesse,  liardiesse,  faiblesse,  mollesse,  etc.;  à  ise,  des  dérivés 
tels  que  franchise,  cafardise,  couardise,  gaillardise,  gourman- 
dise, mignardise,  etc.  Les  deux  suffixes  sont  encore  vivants. 

robustesse  :  «  Des  graines  apportées  par  le  vent  se  dévelop- 
paient avec  cette  robustesse  vivace  particulière  aux  mauvaises 
herbes.  »  (Th.  Gautier,  le  Capit.  Fracasse,  I). 

grandesse  :  «  Un  rayon  à  la  Rembrandt  ou  un  trait  de 
grandesse  à  la  Velasquez.  »  (Th.  Gautier,  Étude  sur  Baude- 
laire''), 

vantardise  :  «  Une  vantardise  insupportable.  »  (Réville, 
Revue  des  Deux  Mondes,  l*""  juillet  1867,  p.  157,  dans  Littré). 

roublardise  (E.  Zola,  V Assommoir,  p.  408). 

20.  esse. 

De  issa  qui  vient  lui-même  de  icaot,  suffixe  grec  passé  dans 
le  latin.  Ce  suffixe  forme  des  féminins  de  noms  d'hommes  et 

1.  Que  dire  à  l'ouvrier  qui,  pour  son  industrie, 
Fait  les  mots  de  boulange  et  de  droguisterie? 

(Vicnnet,  Èpîlre  à  Boileau.)^ 

2.  «  Au  milieu,  la  filature  proprement  dite  ;  à  droite,  la  filelerie  ou  fabrique  du 
fil  à  coudre.»  (E.  About,  l'Infâme,  VII.) 

3.  Dérive  A'œufriev,  mot  mal  fait,  qui  devrait  ôlre  œuvier  et  donner  œuverie. 

4.  Grandesse  a  peut-être  clé  repris  au  vieux  français  où  il  est  usuel;  mais 
même  dans  ce  cas,  pour  être  com|)ris,  il  doit  présenter  une  dérivation  conforme  à 
celle  de  la  langue  actuelle;  radical  et  suffixe  y  doivent  être  reconnaissables  et  sé- 
parables;  par  suite  le  mot  a  toute  la  valeur  d'un  dérivé  nouveau. 


—  101  — 

d'animaux  :  maitresse,  princesse,  doctoresse,  Suissesse,  sauva- 
r/esse,  mulâtrestie,  pauvrefise,  diablesse,  ânesse,  tigresse,  etc. 
Formations  nouvelles  : 

mômesse  :  «  Malgré  les  cris,  les  rêves,  mômes,  indnœsscs, 
lantcs  et  père,  tous  chantonnaient.  »  (.1.  Vallès,  la  Rue,  AU 
right) . 

no  t  air  esse  :  «  Eh  !  eh!  insinua  le  notaire,...  elle  s'est  mise, 
en  frais  pour  lui.  —  Césarine  est   si   coquette  !  dit  la  notai- 
resse.  »  (André  Theuriet,  Lncile  Désenclos,  II). 

21.  el,  elle;  ol,  olle. 

Le  latin  populaire  possédait  un  suffixe  diminutif  Utus  qui 
a  affecté  en  roman  les  formes  attus  ettus  iltus  ottus  :  ainsi  en 
français  alglat,  pauvret,  petit,  pâlot.  De  ces  quatres  formes,  et 
et  ot  seuls  sont  restés  dans  la  langue  actuelle. 

Et,  ot  se  fixent  soit  à  des  substantifs  existants  :  herbe  herbette, 
île  îlot,  soit  à  des  thèmes  verbaux  allum-er  allum-ette,  brûl-er 
brid-ot.  Dans  les  deux  cas  ils  forment  des  substantifs.  Ils  se 
joignent  aussi  à  des  adjectifs  pour  donner  naissance  à  d'au- 
tres adjectifs  :  long  longuet,  pâle  pâlot.  Entre  le  radical  et  le 
suffixe  peuvent  s'intercaler  les  syllabes  el  ou  er  :  enfant-el-et 
verd-el-et,  ang-el-ot;  abl-er-et,  guill-er-et. 

Parmi  les  dérivés  nouveaux,  citons  : 

affichette  :  «  Une  affîcliette  de  rien.  »  (Yeuillot,  Odeurs  de 
Paris,  11,7). 

bubelette  :  «  Un  nez  cardinalisé,  tout  fleuri  de  bubelettes 
s'épanouissant  en  bubes  entre  deux  petits  yeux  vairons.  » 
(Th.  Gautier,  le  Capitaine  Fracasse,  II). 

causette,  devuielte  (Littré,  supplément),  termes  fami- 
liers. 

douillette,  pardessus  de  soie  ouatée. 

formulette  :  «  formulette  de  donation  entre  enfants.  » 
(Mélusine,  1877,  I,  col.  29). 

risette  (faire).  Ce  mot  du  langage  enfantin  est-il  récent? 

wagonnet,  ou  vagonet  (Littré)  et  vagonette,  petite  voiture 

de  campagnô. 

boulot,  boulotte,  petite  personne  grosse  et  grasse. 
bousingot,  terme  populaire,  de  boudin.  L'intercalation  du 
g  est  difficile  à  expliquer. 


—   102  — 

jugeotte,  terme  familier,  très-usité  :  on  l'accompagne 
d'ordinaire  de  l'adjectif  ^se^if  :  «  selon  ma  petite  jugeotte.  »  — 
Manque  dans  le  Dictionnaire  de  M,  Littré.  Est-il  récent? 

moblot,  mot  créé  en  1869  :  mobile  devient  mohelot 
mohlot. 

parlotte  :  «  ha.  parlotte  des  avocats,  »  le  lieu  où  ils  se  réu- 
nissent pour  parler  ensemble.  Mot  familier,  qui  comporte  une 
.idée  défavorable. 

tringlot,  soldat  du  train  des  équipages  militaires.  Ce  mot 
est-il  fait  sur  l'analogie  de  moblot  [mo-b-lot  =  trin-g-lot]l  S'il 
lui  est  antérieur,  n'y  a-t-il  pas  eu  confusion  entre  train  et 
tringle  ? 

21  bis.  Les  suffixes  eul  eule,  euil,  ol  oie,  de  eolus  eola,  olus 
ola  [filleul  fill-cule,  chevr-euil;  campag-nol,  rouge-ole,  flamm- 
er-ole),  semblent  aujourd'hui  éteints. 

22.   eur. 

'Latin  or  orem  :  a  donné  des  substantifs  dérivés  à  significa- 
tion abstraite  :  blancheur^  douceur,  froideur,  verdeur,  noirceur, 
fraîcheur,  maigreur,  etc. 

Nous  ne  connaissons  pas  de  dérivés  nouveaux;  ce  suffixe 
cependant  est  encore  capable  d'en  former. 

23  et  24.  eur,  euse;  eux,  euse. 

atorem  est  devenu  en  français  edor  (xi"  siècle),  cor  {xw- 
x\u'),  eeur  (xiii«),  eur  (xiV'j.Le  suffixe  qui  en  latin  appartenait 
à  la  première  conjugaison  s'est  étendu  à  toutes  les  autres  et, 
s'attachant  au  radical  du  participe  présent,  est  devenu  le  suf- 
fixe général  des  noms  d'agents.  Il  a  fourni  et  fournit  encore 
à  la  langue  une  foule  de  dérivés;  chaque  verbe  en  effet  est 
capable  de  donner  naissance  à  un  nom  d'agent.  Nous  n'es- 
saierons pas  de  présenter  une  liste  complète. 

acclimateur  (Littré,  supplém.),  aiguilleur  (sur  une  ligne 
ferrée). 

amincisseur  :  «  Il  faut  des  amincisseurs,  des  aplatisseurs, 
des  ayilisseurs  qui  ôtent  aux  doctrines  criminelles  certaines 
âpretés.  »  (Veuillot,  Odeurs  de  Paris,  lY,  7). 


—   103  — 

aplatisseiir,  voir  l'exemple  précédent.  Aplatisacur  a  été 
essayé  par  Voltaire  dans  une  lettre  familière  à  Maupertuis  où 
il  l'appelle  Vaplatissevr  du  globe,  pour  avoir  découvert  l'apla- 
tissement de  la  terre  aux  pôles. 

approfondisseur  :  «  Les  approfondisseurs  des  sciences  oc-« 
cultes.  «  (Th.  Gautier,  Prem.  poésies,  Albertus,  CXI). 

asservisseur,  voir  Littré,  supplém. 

atermoyeur  [G.  Sand,  dans  Scholle,  Programme,  p.  13). 

baptiseur  :  Jean  le  Baptiseur  (saint  Jean-Baptiste)  (E.  Bur- 
nouf,  dans  Scholle,  Prograrxtme,  p.  13). 

baugeur  (Littré,  supplém  ). 

bénisseur,  terme  familier  :  «  un  père  bénisseur  »,  qui  a 
toujours  des  prières,  des  bénédictions  sur  les  lèvres;  biseau^ 
teur  (Littré,  supplém.)  ;  blagueur,  terme  très-populaire. 

bonisseur,  saltimbanque  qui  récite  le  boniment.  «  Les  en- 
tendez vous  sur  les  tréteaux?  Le  bonisseur  aboie,  le  paillasses 
glapit.  »  (J.  Vallès,  la  Rue,  la  Parade). 

boxeur,  proposé  par  Mercier  (1801). 

Voilà  des  boxeurs  à  Paris, 
Courons  vite  ouvrir  des  paris. 

(Béranger,  les  Boxeurs,  dans  Littré.) 

caramboleur,  cascadeur  (Littré,  supplém.). 

circuleur:  «  C'est  un  singulier  peuple,  un  étrange  amal- 
game que  ce  tas  de  çirculeurs.  »  (L.  Desnoyers,  les  Béotiens  de» 
Paris). 

chapardeur,  terme  populaire ,  comme  le  suivant. 

chippeur:  «  Insulteur  comme  un  feuilleton,  hardi  et  chip- 
peur  comme  un  gamin  de  Paris.  »  (Balzac,  la  Maison  Nu-* 
cingen,  éd.  de  1856,  p.  23). 

collectionneur,  condenseur,  confectionneur^^,  dérangeur^ 
désireur,  discuteur,  disposeur,  émetteur,  enregistreur,  entasseur, 
rprouveur  (Littré,  Dict.  et  Supplém.). 

éreinteur,  voir  éreintement,  plus  haut,  p.  97. 

flâneur;  folioteur,  appareil  pour  folioter  les  pages  d'un 
registre;  fricoteur. 

frôleur  :  «  De  cette  voix  caressante  et  frôleuse  qu'ont  les 
mères,  elle  murmurait...  »  (Daudet,  Jack,  I,  §  11). 

gaveur  (de  pigeons),  gêneur,  gommeur  (Littré,  Dict.  el 
Suppl.). 


1.  Voir  plus  bas,  page  107,  a.n  mot  chemisier. 


—  104  — 

insulleuï\  proposé  par  Mercier  (1801).  \ o'ir  chippeur, 

lâcheur  (Littré),  limousineur  (Fr.  Michel,  Études  sur  Var~ 
got),  lotisseur^,  numéroteur  (Littré,  supplém.). 

pélroleur^  priseur  (de  tabac),  prodigueur,  prostitueur  (Lit- 
tré, suppL). 

rabatteur.  31.  Scholle  [Archives  de  Herrig,  XLII,  126)  signale 
ce  mot  comme  un  néologisme  dans  kho\x\.[Rev .  desD.  Mond.j 
l"mars  1867,  p.  97).  Il  manque  en  effet  dans  les  dictionnaires 
spéciaux  de  chasse,  mais  il  est  donné  par  M.  Littré. 

racineur  (Littré,  supplém.). 

rageur  signifiait  au  seizième  siècle  folâtre,  comme  rager 
signifiait  folâtrer.  La  signification  moderne  paraît  récente,  et 
rageur  est  un  mot  nouveau  refait  sur  rage. 

rentoileurs  de  caries  géographiques   (Bottin,  1875,  p.  771.) 

repêcheur  de  noyés  :  «  Madame,  le  voici,  le  repêcheur  de 
noyés;  faut  qu'on  l'écoute.  »  (E.  About,  Jacques  Mainfroi,  II). 

roulageur,  synonyme  de  roulier  (E.  Souvestre,  Souvenirs, 
XXX;  dans  Scholle,  ibid.). 

sauveteur;  septembriseur,  mot  qui  date  de  la  Révolution; 
transmetteur,  transporteur. 

transvaseur  :  «  appareil  dit  transvaseur  ou  pompe  porta- 
tive à  jet  continu,  pour  transvaser  le  vin  et  autres  liquides.  » 
(Descript.  des  brevets,  1824;  V  série,  t.  XXYIII,  p.  244). 

viveur:  «  Voilà  donc  Mozart  viveur,  mais  ce  n'est  qu'un 
petit  mérite  ou  ce  n'est  rien;  il  faut  que  Mozart  soit  penseur.  « 
(Veuillot,  Odeurs  de  Paris,  IV,  3). 

La  liste  qui  précède  trouve  son  complément  dans  celle  qui 
a  été  donnée,  p.  47. 

La  terminaison  eur  dans  la  bouche  du  peuple  s'est  long- 
temps prononcée  eu^,  et  s'est  écrite  eux,  par  suite  d'une  con- 
fusion avec  eux  de  osus.  De  là  un  suffixe  secondaire  eux  euse 
qui  doit  à  son  origine  populaire  une  signification  péjorative. 

C'est  ainsi  que  les  parlageurs  sont  devenus  les  parlageux. 
Les  partisans  de  la  Commune  ont  reçu  le  nom  de  communeux 
avant  d'être   définitivement    appelés   communards.  Sous   la 

1.  Celui  qui  fait  les  lots  à  vendie  à  la  criée,  aux  Halles.  Voir  un  article  du  jour- 
nal la  Patrie,  du  19  janvier  18T7,  sur  les  mois  employés  aux  Halles.  Gaveur, 
donné  plus  haut,  est  cité  également  dans  cet  article. 

2.  R  final,  dans  la  prononciation  populaire  des  noms  en  eur  et  des  infinitifs  en 
ir,  ne  se  faisait  pas  entendre  au  quinzième  ni  au  seizième  siècle  ;  il  reparut  au 
dix-septième,  sous  l'influence  de  la  prononciation  plus  soignée  des  gens  du 
monde. 


—  105  — 

plume  de  plus  d'un  journaliste,  dans  ces  dernières  années, 
les  bonapartistes  se  sont  métamorphosés  en  bonaparteux.  Les 
gommeux  qui  florissaient  sur  les  boulevards  vers  1873  étaient 
les  élégants  qui  n'avaient  d'autre  occupation  que  de  se  gom- 
mer, de  se  pommader,  de  se  parfumer. 

Comme  variante  dialectale  de  ce  suffixe  eux,  il  faut  citer  ou 
dans  voyou,  c'est-à-dire  voyeux,  proprement  «  gamin  des 
rues  (des  voies).  » 

Ce  suffixe  péjoratif  doit  être  distingué  du  suffixe  suivant  : 

•25.  eu-x,  euse. 

Latin  osus  osa;  suffixe  riche  en  adjectifs,  et  dont  l'énergie 
ne  s'est  pas  alîaiblie  depuis  les  origines  de  la  langue  jusqu'à 
nos  jours.  Dérivés  nouveaux  : 

cireux: ii  Le  teint  presque  livide  ou  plutôt  cireux.»  (Clarc- 
tie,  Le  beau  Solignac,  1876,  I,  p.  10). 

décheleux  (Littré ,  supplém.),  ébouleux  (Liltré),  mureiix 
(id.,  supplém.),  ponceux  (id.). 

poussiéreux,  proposé  par  Mercier,  avec  une  nuance  parti- 
culière que  n'a  pas  poudreux:  «  Nos  arsenaux  poussiéreux.  » 
Les  deux  adjectifs  auraient  pu  vivre  l'un  à  côté  de  l'autre  : 
malheureusement  poussiéreux  commence  à  détrôner  poudreux. 
<t  Les  bouteilles  poussiéreuses  arrivant  du  cellier.  »  (Daudet, 
Jackj  111,  §  2).  «  Les  couloirs  poussiéreux  s'emplissent  de  défilés 
plus  ou  moins  longs.  »  (Id.,  ibid.,  §  6). 

pisseux  :  «  Roux  pisseux,  »  —  «  Une  teinte  pissevse.  »  (Th. 
Gautier,  Cap.  Fracasse,  1  et  11.) 

précautionneux  (Littré). 

25  bis.  is,  iche,  voir  as;  ie,  voir  erie. 

26.  ien,  ienne. 

L'origine  de  ce  suffixe  est  curieuse.  A  latin  accentué  est  de- 
venu e  dans  les  syllabes  ouvertes  :  cantkre  chantEr,  cantktum 
chantÉ,  pktrem  ptre.  Précédé  d'une  palatale,  il  est  devenu  ié  en 
vieux  français,  dans  des  cas  déterminés  :  ckput  chie/*,  laxkre 
/aissiEr,  etc.  Suivi  de  m  ou  n,  il  est  devenu  ain  ;  ^JANem  pAiN, 
Auat  Ame,  etc.  Suivi  de  m  ou  n  et  précédé  de  la  palatale,  il  est 
devenu  ié,  c'est-à-dire  que  la  nasale  n'a  pas  exercé  d'influence  : 


—    106  — 

CAïiem,  CHiEn,  paOiknum  pamn  (v.  l'r.),  chrisùiAnv/m  chrestiiEn 
(v.  fr.).  Ce  groupe  ien,  issu  de  anum  dans  quelques  cas  spé- 
ciaux seulemepl,  a  été  utilisé  ensuite  par  la  langue,  traité 
par  elle  comme  un  suffixe  nouveau,  et  appliqué  à  des  substan- 
tifs pour  former  soit  des  substantifs,  soit  des  adjectifs  :  garde 
gardien,  Prusse  Prussien,  monarchie  monarchien,  collège  collé- 
gien ^ 

Ce  suffixe,  qui  a  donné  un  très-grand  nombre  de  dérivés,  ap- 
partient plutôt  à  la  langue  littéraire  qu'à  la  langue  populaire. 
Les  créations  nouvelles,  assez  nombreuses,  sont  presque  tou- 
tes formées  d'après  des  types  latins  :  nous  les  examinerons 
plus  tard  ;  il  n'y  a  guère  que  faubourien  qui  puisse  revendi- 
quer une  origine  populaire;  mais  je  ne  sais  si  ce  mot  n'est 
pas  plus  ancien  que  notre  siècle. 

27.   ier,  ière. 

Dô  arius  aria  arium;  suffixe  qui,  dès  les  origines,  a  donné  à 
la  langue  un  nombre  copsidérable  de  dérivés,  et  qui  n'a  point 
épuisé  sa  féconde  action.  On  peut  en  juger  par  la  liste  sui- 
vante, fort  incomplète  d'ailleurs  : 


NOMS   DE    PERSONNES. 

animalier,  peintre  d'animaux. 

ambulancier,  employé  d'une  ambulance. 

avironnier,  fabricant  d'avirons. 

baissier,  boursier  qui  joue  à  la  baisse. 

baonboutier,  chinoiseur  -  bamboutier  ^. 

boulevardier,  boulevardière  :  «  homme  qu'on  rencontre 
tous  les  jours  flânant  sur  les  boulevards;  —  femme  galante 
fréquentant  les  boulevards.  »  (Lorédan  Larchey). 

boursicotier,  homme  qui  joue  à  la  Bourse;  synonyme  de 
boursier,  auquel  toutefois  il  ajoute  une  nuance  de  dénigre- 
ment due  au  suffixe,  diminutif  et  péjoratif,  icol  de  boursicot 
(ou  boursicaut'").  On  a  dit  aussi  boursicoteur,  mais  la  langue 
s'est  définitivement  décidée  pour  boursicotier. 


1.  Cf.  Romania,  IV,  124. 

2.  Cf.  plus  haut,  p.  73,  et  plus  bas,  p.  152. 

3.  Seul  donné  par  le  Dict.  de  l'Académie. 


—   107  — 

brochurievy  cejui  qui  n'écrit  que  des  brochures. 

chemisier  : 

Que  dire  à  l'ouvrier.... 

Qui,  rougissant  des  noms  de  linger,  de  tailleur, 

Se  nomme  cliemisier  et  confectionneur? 

(Viennet,  Epître  à  Boileau.) 

coupletier,  celui  qui  fait  les  couplets 'd'un  opéra  comique, 
d'un  vaudeville. 

crinolinier,  fabricant  de  crinolines. 
conférencier^  celui  qui  fait  des  conférences. 
coulissier  : 

Messe  de  l'agio  que  la  voix  des  huissiers 
Colporte  par  versets  aux  lointains  coulissiers. 

(Barthélémy,  Némésis,  V Archevêché  et  la  Bourse.) 

caricaturier,  dessinateur  de  caricatures. 

carottier:  «  Vient  le  soldat  carotlier  qui,  sous  prétexte  de 
conseils  pour  l'avenir,  se  fait  rincer  la  gorge  (par  le  con- 
scrit). »  (J.  Vallès,  la  Rue,  Prends  ton  sac). 

ceinturonnier,  fabricant  de  ceinturons. 

'centrier,  membre  du  centre  dans  une  assemblée  parle- 
mentaire. 

centre-gaucher,  membre  du  centre  gauche*. 

droitier,  membre  de  la  droite. 

chocolatier,  fabricant,  marchand  de  chocolat. 

échotier  :  «  Rédacteur  chargé  des  Échos  de  Paris  dans  un 
journal.  »  (L.  Larchey). 

épauletier,  fabricant  d'épaulettes. 

équipier,  homme  d'équipe. 

haussier,  boursier  qui  joue  à  la  hausse. 

limousinier,  entrepreneur  de  maçonnerie,  de  limousin,  ma- 
çon; la  plupart  des  maçons  viennent  du  Limousin. 

ordre-moralier,  nom  donné  par  quelques  journaux  (de 
1873  à  1875)  aux  partisans  de  r«  ordre  moral.  » 

oulrancier,  partisan  de  la  guerre  à  outrance;  mot  créé 
pendant  la  guerre  de  1870-1871. 


1.  Centre-gaucher  est  formé  de  centre-gauche  avec  le  suffixe  er  de  gaucher. 
Ce  suffixe  n'est  pas  différent  du  suffixe  ter  :  la  vieille  langue  disait  :  gauchier,  et 
de  môme  bouchier,  vachier,  etc.  Mais  vers  le  quatorzième  siècle  la  terminaison 
ier  s'est  réduite  k  cr  dans  tous  les  substantifs  où  elle  était  précédée  de  ch  ou  g  : 
boucher j  vacher,  berger,  verger,  etc. 


—   108  — 

parolier,  celui  qui  fait  les  paroles  d'un  opéra  comique. 

petil-fournier  :  «  Cette  multitude  de  pâtisseries  légères  qui 
constituent  l'art  assez  récent  du  pâtissier  petit- fournier.  » 
(Brillât-Savarin,  Pltysiologie  du  Goût,  i,  45). 

policier,  homme  de  police. 

présurier,  marchand  de  présure. 

robinetier,  fabricant  ou  marchand  de  robinets. 

salonnier,  critique  qui  rend  compte  des  salons,  des  expo- 
sitions d'œuvres  d'art. 

tahleautier  :  «  compositeur  qui  fait  spécialement  les  ta- 
bleaux et  ouvrages  à  filets  et  à  chiffres.  »  (Boutmy,  Dict.  de 
U argot  typogr.). 

NOMS    DE    CHOSES. 

boulier  ou  boulier  -  compteur,  appareil  formé  de  dix  trin- 
gles garnies  chacune  de  dix  boules,  pour  apprendre  à  compter. 

chéquier,  carnet  de  chèques. 

échéancier,  carnets  de  négociants  pour  inscrire  les  échéan- 
ces des  effets  à  recevoir  ou  à  acquitter. 

œufrier,  vase  où  l'on  met  des  œufs  pour  les  conserver 
fraisa 

plumier,  boîte  à  recevoir  plumes  et  porte-plumes. 

gentilhommière,  terme  de  mépris  pour  désigner  la  de- 
meure d'un  hobereau.  Voir  enlomber,  p.  139. 

glissière  [Règlement  de  U Expositio7i universelle  de  1867,  dans 
Scholle,  Programme,  p.  15). 

ADJECTIFS. 

balconnier.  L'éloquence  balconnière  de  M.  Gambetla  a  ali- 
menté un  instant  la  verve  d'une  partie  de  la  presse. 

betteravier  :  «  H  ne  peut  décidément  se  traiter  à  la  Cham- 
bre une  question  un  peu  importante  sans  que  MM.  les  avocats 
n'en  profitent  pour  créer  un  barbarisme;  on  a,  ce  mois-ci, 
parlé  pendant  trois  jours  de  l'industrie  betteravière.  »  (A.  Karr, 
/es  Guêpes,  juin  1840;  dans  Littré,  supplém.).    . 

gazier,  l'industrie  gazière. 

mulassier :  «  L'industrie  mulassière  »  [Règlement  de  l'Ex- 
position universelle  de  1867,  dans  Scholle,  Progra/mmej  p.  15). 

1.  Voirolus  haut,  p.  100,  n.  3. 


—   109  — 

Le  suffixe  ier,  comme  on  le  voit  par  ces  quelques  exemples, 
est  encore  très-vivant.  Toutefois  il  a  perdu  une  partie  de  sa 
force  primitive.  Le  vieux  français  tirait  des  dérivées  en  ier  de 
substantifs  abstraits  indiquant  des  qualités,  des  faits  moraux  : 
droiturier,  losengier,  justicier,  orgueillier,  mençongier  (subst.), 
pautonier,  etc.,  ou  de  thèmes  verbaux  :  encombrier,  destour- 
bier,  recouvrier,  consirier,  destrier.  Ces  deux  sortes  de  dériva- 
tion dont  l'une  fournissait  des  qualificatifs,  l'autre  des  sub- 
stantifs abstraits,  semblent  disparues.  On  ne  créerait  plus 
un  mensongier  pour  «  un  menteur  5),  un  orgueillier  pour 
«  un  orgueilleux  «;  on  ne  comprendrait  pas  davantage  une 
dérivation  telle  que  un  embarrassier  (c'est-à-dire  un  embar- 
ras)j  faite  sur  le  modèle  de  encombrier.  Le  vieux  français 
disait  communier  pour  «  partisan  de  la  commune  ».  Quand 
éclata,  en  1871,  l'insurrection  de  la  Commune,  les  chefs  du 
mouvement  ne  surent  de  quel  nom  se  désigner  :  communiste 
avait  déjà  pris  une  acception  spéciale;  ils  ne  voulaient  pas 
accepter  la  dénomination  méprisante  de  communeux  ni  de 
communard;  ils  adoptèrent  communaliste,  qui  avait  le  tort 
de  ne  pas  rappeler  le  mot  essentiel  de  commune;  la  déri- 
vation communier  se  serait  imposée  d'elle-même,  si  l'emploi 
du  suffixe  ne  s'était  restreint.  Quand  madame  de  la  Sablière 
appelait  La  Fontaine  son  fablier,  elle  donnait  ingénieusement 
à  entendre  qu'à  son  avis  le  bonhomme  produisait  naturelle- 
ment ses  fables  comme  le  pommier  des  pommes  et  le  poirier 
des  poires.  Cette  fine  expression  ne  pouvait  être  créée  qu'à  une 
époque  où  la  langue  ne  reconnaissait  déjà  plus  au  suffixe 
toute  son  ancienne  signification.  Un  fablier,  au  moyen  âge, 
si  le  mot  avait  existé,  aurait  été  un  auteur  de  fables. 

1er  de  nos  jours  crée  donc  des  dérivés  désignant  des  per- 
sonnes agissantes,  qui  produisent,  fabriquent  l'objet  indiqué 
par  le  radical. 

28.  ille. 

Le  suffixe  latin  -culus  se  présentait  d'ordinaire  précédé  d'une 
voyelle  :  a-culus^  e-culus,  ï-culus,  î-culus,  u-culus.  De  là  ail 
aille,  eil  eille,  il  ille,  ouil  (archaïque  :  genouil,  etc.)  ouille. 

Il  ille  ont  laissé  un  certain  nombre  de  dérivés  :  chenil,  péril, 
persil,  grésil,  etc.  ;  chenille,  pointillé,  flottille,  etc.  Il  n'est  plus 
vivant;  ille  semble  encore  capable  de  formations  nouvelles, 
au  sens  spécial  de  collection  de  menues  choses  :  en  effet,  dans 
flottille,  brindille,  pacotille,  ramille,  on  sent  encore  l'idée  parti- 


—    110  — 

cuiière  que  le  suffixe  donne  aux  dérivés  :  réunion  de  petits 
navires,  de  petits  brins,  de  petits  paquets,  de  petites  bran- 
ches. De  là  les  mots  qui  paraissent  de  formation  moderne, 
sinon  contemporaine,  charmille^  ormille,  coiulrille,  plantation 
de  petites  branches  de  charme,  d'orme,  de  coudrier.  Ce  suf- 
fixe viendrait-il,  avec  une  acception  spéciale,  prendre  place  à 
côté  du  suffixe  aie? 

29  et  30.  171,  ine. 

Du  latin  inus.  Ce  suffixe  a  eu  divers  emplois  et  diverses  si- 
gnifications :  témoin  les  dérivés  suivants  :  Poitev-in,  Mess-in; 
argent-in,  ferr-in,  ov-in  (v.  franc.);  en/ani-m,  bad-in;  grapp-in, 
tet-in;  —  rout-ine,  sais-ine;  7iar-ine,  terr-ine,  etc.  De  hOs 
jours,  il  donne  naissance  à  des  adjectifs  et  à  des  sub-. 
stantifs. 

Adjectifs.  —  On  a  créé  crépusculin  (Littré),  azurin  (Littré), 
zéphyrin  :  «  Ils  se  glissent  parés  de  robes  zéphyrmes.  »  (Bar- 
thélémy, Némésis,  Le  Palais-Royal  en  hiver). 

Le  vieux  français  avait  ivorin,  devenu  aii  seizième  siècle 
ivoirin,  sous  l'influence  cVivoire.  Ivoirin  est  rentré  de  nos  jours 
dans  l'usage;  est-ce  le  mot  archaïque  rajeuni?  est-ce  un  litlot 
nouveau? 

L'expression  [race]  bovine  a  amené  {racé)  asine. 

Substantifs.  —  Le  suffixe  in  ine  forme  des  substantifs  ayant 
une  signification  diminutive  :  fort  fortin,  ours  oursin^  ignorant 
ignorantin;  cette  signification  devient  facilement  péjorative  : 
plaisantin,  calotin.  Voici  des  dérivés  nouveaux  : 

baguenaudine  :  «  canne-éventail-écran,  dite  baguenau- 
dine.  «  (Descript.  des  brevets,  1829,  t.  XXVII,  p.  216). 

balancin  : 

Le  balancin  de  canne  où  Miss  ïilda  repose 
Obéit  à  son  poids  léger. 

(E.  d'Hervilly,  A  la  Louisiaifïe.) 

maquereau  tin.  M.  L.  Larchey,  conformant  J'orthograDhe 
à  la  prononciation,  éci'it  macrotin. 

régeniin  :  «  Boileau  était  un  peu  adonné  à  la  théorie  et 
au  précepte,  un  peu  régentin.  »  (Scherer  dans  Littré,  supplé- 
ment) . 

sabotine  :  «  Sortes  de  sabots  légers  dits  sabotines.  »  (  Des- 
cript. des  brevets,  1"  série,  1839,  t.  XLVII,  p.  208). 


—  111  - 

tableautin  :  «  Un  tableautin,  chcf-d'beuvrc  d'esprit  et  de 
couleur.  »  (Théophile  Gautier,  dans  Littré). 

taUladin,  nom  que  les  confiseurs  donnent  à  des  tranches 
rninces  de  citron  ou  d'orange. 

Ces  substantifs  en  vi  nous  amènent  à  la  nomenclature 
spéciale  qui  a  fait  de  la  terminaison  féminine  ine  un  intéres- 
sjiht  emploi.  Ine  désigne  des  étoffes,  des  parfumeries,  et,  dans 
le  langage  de  la  chimie,  les  principes  essentiels  de  certains 
composés.  Créations  de  savants  ou  d'industriels  à  demi  let- 
ti"és,  les  dérivés  de  ce  suffixe  offrent  un  mélange  de  formes 
populaires,  demî-savantes  et  savantes,  difficiles  à  classer. 
Brillantine,  viulettine,  amandine,  etc.,  laissent  facilement  re- 
connaître comme  radicaux  dés  mots  français  :  brillant,  violette, 
amande.  Mais  ongidine,  citrine,  bandoline,  etc.,  ribiis  font  jre- 
monter  à  des  thèmes  étrangers  à  la  langue  [ungul-us,  citr-us, 
bçindolo?).  De  même  dans  la  nomenclature  chimique,  caféine, 
fibrine,  <;wartme,  etc.,  sont  décomposablcs  en  inots  ffànçaîs: 
café,  fibre,  guano,  etc.;  mais  morphine,  stéanne,  albumine,  etc., 
rie  pèuveiit  trouver  leur  explication  dans  des  radicaux  de  la 
langue. 

Le  sufflxie  ine  et  les  dérives  qu'il  produit  soiit  donc  un  exem- 
ple de  la  formation  de  cette  langue  commune,  demi-savante, 
demi-française,  où  tantôt,  comme  ici,  des  suffixes  populaires 
s'ajoutent  à  des  radicaux  français  ou  latins  et  grecs,  tantôt  des 
suffixes  d'origine  latine  ou  grecque  s'attachent  à  des  mots 
français  {divin-atoire,  journal-isme). 

Comme  la  nomenclature  scientifique,  malgré  quelques  déri- 
vations conformes  au  caractère  du  français,  recourt  spéciale- 
ment à  des  thèmes  grecs  oii  latihs,  nous  parlerons  plus  tard 
(dans  la  section  consacrée  cà  la  dérivation  savante)  de  l'emploi 
que  font  les  chimistes  du  suffixe  ine.  Nous  passerons  ici  en 
revue  divers  dérivés  que  l'on  doit  à  la  terminologie  indus- 
trielle. Nous  parlons  des  mots  que  créent  les  fabricants  ou 
marchands  de  «  nouveautés  '>,  de  parfumerie.  Nous  entrons 
ici  dans  le  domaine  de  la  mode.  Chaque  année  voit  se  suc- 
céder de  nouvelles  élégances,  de  nouvelles  façons  de  vête- 
ments, de  nouvelles  étoffes;  des  noms  nouveaux,  aussi  bi- 
zarres que  les  caprices  de  la  mode,  sont  mis  en  circulation 
appelés  à  vivre....  ce  que  vivent  les  modes;  l'espace  d'une  sai- 
son. Le  philologue  ne  dédaigne  pas  d'étudier  ces  dénomina- 


—   112  — 

lions  incessamment  renouvelées ,  où  se  montre  d'une  manière 
visible  l'activité  de  la  langue. 

Un  des  plus  riches  éléments  de  formation  nouvelle  est  la 
dérivation  par  ine.  Pour  les  noms  d'étoffe,  les  modèles  étaient 
donnés  par  la  mousseline,  la  popeline,  la  lustrine,  la  percaline, 
la  huratine,  Yalepine;  celles-ci  nous  ont  amené  la  taffetaline,  la 
crêpeline,  la  tartaline,  la  veloutine,  la  castorine  %  la  moleskine, 
la  crinoline,  etc.  L'année  dernière  les  magasins  de  nouveautés 
mettaient  en  vente  la  diamantine,  la  levantine,  la  mulhousine, 
la  louisine.  Dans  la  collection  des  brevets  (P*  série,  t.  XXXI, 
p.  205),  je  vois  un  inventeur  prendre  un  brevet,  en  1831,  pour 
une  étoffe  de  sa  fabrication  à  laquelle  il  donne  —  fort  à  pro- 
pos —  le  nom  de  philippine. 

On  remarquera  que  la  plupart  de  ces  noms  ne  sont  pas  des 
diminutifs  de  noms  d'étoffe  ;  preuve  que  le  suffixe  a  reçu  de 
l'usage  un  emploi  assez  spécial  pour  emporter  avec  lui  l'idée 
d'étoffe. 

La  parfumerie  s'est  également  appropriée  ce  suffixe.  Elle 
nous  fournit  Vamandine,  inventée  et  dénommée  en  1834  (Des- 
cript.  des  brevets,  1'"  série,  t.  XXXIX,  p.  296);  la  brillantine  (pour 
moustaches);  la  handoline,  préparation  pour  les  cheveux,  dit 
le  catalogue  de  M.  Pi  ver;  la  poudre  citrine,  fort  utile  à  l'en- 
tretien des  mains;  la  cornélineei  la  violettine,  sortes  d'huile; 
la  lustraline,  qui  sert  à  fixer  les  cheveux  et  leur  donne  du 
brillant;  Vonguline,  pâte  pour  les  ongles;  la  poncine,  savon  où 
entre  la  ponce,  etc.,  etc., 

La  chimie  nous  fournira  d'autres  dérivés  plus  barbares, 
plus  obscurs  que  ceux  qui  précèdent.  Ces  derniers,  en  effet, 
malgré  quelques  bizarreries  [bandoline,  cornéline,  crinoline, 
onguline,  citrine),  sont  formés  selon  le  génie  de  la  langue, 
et  l'oh  ne  peut,  dans  cette  mesure,  qu'approuver  l'usage  de 
cette  dérivation. 

30  bis.  —  ise,  voir  esse;  ochey  voir  as. 


31.  oir,  oire. 

De  atorium,  atoria,  devenus  edoir  edoire,  eoir  eoire,  oir  oire. 
Ce  suffixe  est  représenté  dans  la  langue  moderne  par  plus 
de  deux  cents  mots,  indiquant  des  objets,  moyens  d'action  : 

1.  Chaudement  cuirassé  dans  une  mstorine.  (Barthélémy,  Némcsis,  Qu'est-ce 
qu'an  pair?) 


—  113  — 

abreuvoir j  accotoir,  accordoir,  accoudoir,  affînoir,  ajusloir, 
arrosoir,  a^persoir,  assommoir,  etc.;  attrapoire,avaloirc, bai- 
gnoire, balançoire,  bassinoire,  bouilloire,  brandilloire,  branloire, 
etc. 

Ce  suffixe  est  toujours  vivant  :  voici  quelques  noms  relevés 
dans  le  recueil  des  descriptions  de  brevets  ;  ce  sont  des  mots 
créés  par  les  inventeurs,  et  ces  formations  nouvelles,  éphé- 
mères ou  durables,  suffisent  à  montrer  l'activité  incessante 
du  suffixe. 

aiguisoir,  instrument  à  aiguiser  les  couteaux  (Descript. 
des  brevets,  1828,  1"  série,  t.  XXVI,  p.  17). 

bobinoir  :  «  instrument  dit  6o6moîV  destiné  à  préparer  des 
mèches  de  coton  au  fil  en  gros,  pour  être  ensuite  filées  en  plus 
fin.  »  [Ibid.,  1834,  t.  XXX,  p.  4). 

découpoir  à  rubans  {ibid.,  1842,  t.  LIV,  p.  38)  ;  dételoir  [ibid,, 
1845,  2"  série,  t.  VI,  p.  174). 

glanoir  [ibid.  P* série,  t.  LU,  p.  kk9);méchoir  :  «broche  mé- 
canique dite  méchoir.  »  [Ibid.,  1827,  1"  série,  l.  XXII,  p.  341)  ; 
suspensoir  (appareil  pour  malades,  ibid.,  1846,  2"  série,  t.  VIII, 
p.  229);  «  métier  à  tisser  d'un  nouveau  genre  dit  tortoir  porte- 
volants.  »  [Ibid.,  1811,  1"  série,  t.  IX,  p.  222),  etc.,  etc. 

31  bis.  —  ois  oise,  voir  ais  aise;  ol  oie,  voir  eul. 

32.  on. 

Latin  onem.  Ce  suffixe  s'est  joint  à  des  thèmes  verbaux  ou 
nominaux  sans  ajouter  beajcoup  à  leur  signification  propre: 
espie  devient  espion,  forgeur  forgeron,  chiffe  chiffon,  manclte 
manchon,  etc.  *  C'est  à  cette  signification  large  et  vague  qu'il 
doit  d'avoir  reçu  des  valeurs  tout  à  fait  opposées  suivant  les 
pays.  En  italien  et  en  espagnol  il  est  souvent  augmentatif, 
en  provençal  et  en  français  diminutif.  Les  deux  significations 
contradictoires  se  rencontrent  dans  le  mot  médaillon  qui, 
comme  dérivé  français  du  français  médaille,  veut  dire  petite 
médaille,  et  qui,  comme  représentant  de  l'italien  medaglione, 
dérivé  de  medaglia,  signifie  grande  médaille. 

Dans  la  langue  actuelle  il  n'a  qu'une  valeur  diminutive.  Il 
a  donné,  à  notre  connaissance,  le  mot  :  veston,  petite  veste. 

1.  Il  a  forme  aussi  des  noms  de  peuples  :  Gascon,  Breton,  Bourguignon,  La- 
pon. 

8 


—  114  — 

L'idée  diminulivc  s'accenluc  par  l'intercalation  de  syllabes 
entre  le  radical  et  le  suffixe  *  :  barb-ill-on,  houv-ill-on^  négr- 
ill-on,  barb-ich-07ij  berr-ich-on,  fol-ich-on;  choc-aill~on,  mor- 
aill-on,  etc. Voici  un  dérivé  nouveau  de  ce  genre  :  moussaillon: 
«  Un  moussaillon^  au-dessus  de  la  machine,  transmet  ses  or- 
dres (du  capitaine).  »  (J.  Vallès,  la  Rue,  AU  right). 

31  bis.  —  Ot  otte,  voir  et  ette. 

33.  té. 

Latin  tatem.  Suffixe  qui  s'ajoute  aux  adjectifs  pour  former 
des  noms  abstraits  exprimant  la  qualité  de  l'adjectif  :  bon-té, 
san-té,  loyal-té  loyau-té,  pur-té  (vieux  français).  Par  suite 
d'influences  diverses,  actions  phonétiques  des  groupes  de 
consonnes,  qui  terminent  parfois  le  radical,  essai  de  retour  à 
l'orthographe  latine,  té  est  devenu  de  bonne  heure  été,  ou 
plutôt  té  s'est  fixé  à  la  forme  terminée  en  e  des  adjectifs  : 
ancienne-té,  briève-té,  chaste-té^  débonnaire-té^  fausse-té,  ferme- 
té, gracieuse-té,  grossière-té,  habile-té,  joyeuse-té,  lâche-té, 
méchance-té,  naïve-té,  oisive-té,  pure-té,   rare-té,  sale-té,    etc. 

Ce  suffixe  disparaît  de  la  langue  actuelle,  étouffé  par  le 
suffixe  de  formation  savante  ité,  qui  est  repris  directement  au 
latin.  On  ne  peut  citer  que  de  rares  néologismes.  Selon  M.  F. 
Wey  ^,  c'est  à  Beaumarchais  qu'on  doit  citoyenneté.  Rétiveté, 
que  donne  M.  Littré  dans  son  Dictionnaire,  paraît  récent. 
A/freuseté,  qu'il  n'a  pas  recueilli,  se  dit  dans  le  peuple. 

34.  u. 

Le  suffixe  **  (lat.  utus),  si  expressif  dans  la  vieille  langue, 
s'appliquait  aux  noms  désignant  certaines  parties  du  corps 
pour  en  indiquer  le  fort  développement  :  têtu,  lippu,  membru, 
charnu,  pansu,  ventru,   corsu,  etc.  \    La  signification  de  ce 

1.  Voir  plus  bautj  p.  75. 

2.  Remarques  sur  la  langue  française  au  dix-neuvième  siècle,  t.  I,  p.  147. 
L'auteur  de  cet  ouvrage  remarque  (p.  127),  à  propos  du  mot  tendreté,  que  «  le 
plus  grand  obstacle  à  l'admission  de  ce  mot,  indépendamment  de  celui  qui 
résulte  de  sa  forme  vicieuse,  consiste  dans  la  bizarrerie,  dalis  la  recherche  de 
celte  expression.»  Le  mot  est  très-français;  quant  à  sa  forme,  comme  on  le  voit 
par  les  dérivés  analogues,  elle  a  toute  la  correction  possible.  Tendre  ne  peut 
donner,  comme  substantifs  abstraits,  que  tendresse  (ou  tendrise),  tendreur  et 
tendreté.  Tendresse  a  été  reçu  pour  le  sens  figuré  ou  moral;  au  sens  propre,  il 
n'y  avait  à  hésiter  qu'entre  tendreur  et  tendreté;  tendreté  a  triomphé. 

3  De  voir  l'autre  tout  cpaulu, 

Ossu,  memOrUj  fessu,  velu,  (Scarron,  Virgile  travesti,  V.) 


—  115  — 

suffixe  est  encore  comprise  :  Balzac  a  fait  revivre  l'archaïque 
(jrifju,  et  V.  Hugo  a  créé  moustachu  : 

Ce  masque  moustachu  dont  la  bouche  vantarde 
S'ouvrait  dans  toute  sa  grandeur. 

(Châtiments^  VII,  ii,  la  Reculade,  k.) 

Ce  César  moits^ac/iM.  (Ibid.,  III,  vin,  Splendeurs,  2.) 

Uche,  voir  as.  Ce  suffixe  a  eu  un  développement  spécial  dans 
l'argot. 

35.  ure. 

De  atura,  devenu  edure  eûre  eure  ure.  Ce  suffixe  a  donné  nais- 
sance à  de  nombreux  dérivés,  noms  et  verbes.  De  nos  jours 
il  est  encore  vivant,  comme  le  montrent  quelques  créations 
nouvelles  :, 

crêpelure:  «  Deux  longues  mèches  se  détachaient  capricieu- 
sement des  crêpelures.  «  (Th.  Gautier,  le  Capit.  Fracasse^  II). 

nacrure  :  «  La  nacrure  de  ses  épaules.  »  (J.  Glaretie,  le  Beau 
Solignac,    1876,  1. 1,  p.  151). 

Mais  ce  suffixe  cède  peu  à  peu  la  place  à  son  rival  de  forma- 
tion savante  :  al-ure.  Ici  encore  la  formation  française  se  res- 
treint de  jour  en  jour  devant  les  envahissements  ininter- 
rompus de  la  langue  savante,  du  latin. 


CHAPITRE    VI. 

SUFFIXES   VERBAUX. 

La  dérivation  verbale  se  fait  à  l'aide  du  suffixe  er  qui 
s'ajoute  à  l'adjectif  ou  au  substantif  dont  on  veut  tirer  un 
verbe.  Quelquefois  entre  le  radical  et  la  terminaison  er  s'in- 
tercale une  syllabe  qui  modifie  par  une  nuance  spéciale  la  si- 
gnification du  dérivé. 

Rien  ne  saurait  donner  une  idée  de  la  fécondité  de  la  déri- 
vation verbale  dans  les  langues  romanes  en  général,  dans  le 
français  en  particulier.  «  Les  langues  romanes,  dit  Fuchs,  ont 
une  foule  extraordinaire  de  verbes  ;  car  elles  peuvent  de  tout 


—  116  — 

substantif  qu'il  leur  plaît,  par  simple  addition  des  terminai- 
sons de  conjugaison,  former  des  verbes  nouveaux.  «  En  tout 
temps  le  français  a  joui  de  cette  liberté  illimitée,  et  la  langue 
contemporaine  n'a  pas  hésité  pour  son  compte  à  en  user  et 
à  en  abuser.  Voici  une  liste  qui,  toute  longue  qu'elle  est, 
ne  présente  assurément  qu'une  faible  partie  des  dérivations 
nouvelles: 

s'absinther. 

activer  :k  Néologisme.  Donner  de  l'activité,  hâter,  pousser. 
Activer  les  travaux.  »  (Littré).  «  L'homme  qui  s'en  allait  déjà 
en  clopinant,  activant  de  toutes  ses  forces,  mais  sans  grand 
résultat,  ses  jambes  tordues.  »(A.  Daudet,  Jack,  I,  S  9).  «  Cha- 
cun retourne  à  son  poste  et  s'active  avec  le  furieux  du  déses- 
poir. «  (Id.,  ibid.,  II,  §  8).  «  Jack,  au  fond  du  fossé,  ivhs-activé 
de  sa  recherche.  »  (Id.,  ibid.,  I,  ^  9).  Cf.  plus  haut,  p.  31. 

agrémenter  :  «  On  dirait  fort  bien  agrémenter  une  robe.  » 
(Mercier,  7Véo^o^ie.)cc  Un  corsage  de  taffetas  gris,  agrémenté  de 
velours  noir  et  de  soie.  »(Th.  Gautier,  le  Capitaine  Fracasse^W). 

Maître  Watteau,  dans  l'art  (ïagrémenter  un  rêve, 
Je  suis  votre  confrère  et  non  pas  votre  élève. 

(Gh.  Coran,  à  Watteau.) 

ankyloser  (Littré),  aquapuncturer  (Littré,  supplém.),  atro- 
phier (Littré),  autographier  (Littré),  autopsier  (Littré,  supplém.). 

ballaster  [hiiiré,  supplém,.),  bambocher  (Littré). 

baser,  Voir  p.  31,  la  citation  de  M.  Viennet.  «  Ce  néolo- 
gisme, dit  M.  Littré,  n'a  rien  de  condamnable  en  soi,  puisque 
baser  est  formé  par  rapport  à  base,  comme  fonder,  par  rapport 
kfond;  mais  il  est  inutile.  »  Baser  au  propre  (si  le  sens  propre 
était  usité)  se  distinguerait  de  fonder,  en  ce  que,  la  base  étant 
la  surface  inférieure  par  laquelle  l'objet  repose  sur  le  fonde- 
ment, baser  une  chose  serait  la  poser  sur  sa  base,  la  fonder 
serait  la  poser  sur  un  fondement.  Mais  au  figuré  la  distinc- 
tion s'efface,  et  baser  se  confondant  avec  fonder  est,  en  effet, 
inutile. 

benoitonner  :  «  Porter  une  toilette  ridicule,  c'est-à-dire  à  la 
Benoiton.  »  (L.  Larchey). 

berlholler  (Littré),  biscuiter  (ibid.),  biseauter  (ibid.),  bisser 
(ibid.). 

blaguer  :u  Le  voyou,  le  Parisien  naturel  ne  pleure  pas,  il 
pleurniche;  il  ne  rit  pas,  il  ricane;  il  ne  plaisante  pas,  il  bla- 


—   117  — 

gue;  il  ne  danse  pas,  il  chahute.  »  (Veuillot,  Odeurs  de  PariSy 
III,  4.).  «  Il  ne  blaguait  plus  les  sergents  de  ville.  »  (E.  Zola, 
VAsfiommoirj  p.  370). 

bordurer  (un  jardin). 

boursicoter  (Littré)^,  bouturer  (id.). 

brochiirer,  écrire  une  brochure. 

ca/o^/er  quelqu'un  (Littré);  caoutchouter ^camelotter{ih\d.). 
Camelotter  au  sens  de  «  fabriquer  de  mauvaises  marchan- 
dises »  est  récent  et  vient  de  camelotte  ;  au  sens  de  «  imiter  le 
camelot  »,  il  est  ancien  et  vient  de  camelot. 

capitonner  (Littré),  caricaturer  (id.),  cavalcader  (id.). 

chahuter,  terme  bas  ;  voir  blaguer. 

chaparder,  terme  populaire  que  nos  soldats  d'Afrique  ont 
acclimaté  en  France. 

chouchouter:  «  Tu  seras  chouchouté  comme  un  chouchou, 
comme  un  dieu.  »  (Balzac,  dans  L.  Larchey).  Chouchou,  re- 
doublement de  chou,  terme  très-familier  d'amitié,  de  ten- 
dresse :  «  Mon  petit  chou.  » 

clayonner,  clôturer  :  «  La  séance  est  clôturée,  »;  collecter  : 
«  Les  sommes  collectées,  »  ;  commanditer  (une  société),  con- 
currencer (Littré,  supplém.),  confectionner  un  vêtement,  une 
robe;  vêtements  confectionnés;  de  là  confectionneur,  voir  plus 
haut,  p.  103. 

contagionner,  synonyme  populaire  du  terme  scientifique 
contagier. 

controverser  :  «  Peu  d'hommes  ont  été  plus  controversés, 
plus  attaqués  que  M.  Buloz.  »  {Liberté  du  14  janvier  1877). 

cotillonner,  populaire,  fréquenter  des  cotillons. 

courbaturer  :  «  Ce  mot  nouveau  est  régulièrement  formé  de 
courbature,  comme  conjecturer  de  conjecture.  Il  n'a  pas  d'autre 
sens  que  courbattre,  qui  n'est  resté  usité  que  dans  le  parler 
populaire  de  certains  cantons.  Il  est  un  peu  comme  clôturer 
qu'on  dit  souvent,  parce  qu'on  ne  connaît  pas  assez  le  verbe 
clore.  Ces  allongements  de  mots  ne  sont  pas  toujours  une 
richesse  dans  la  langue.  »  (Littré,  remarque  au  mot  courba- 
turer). 

courbouillonner  :  «  Les  écureuils  gris  courbouillonnés  au 
vin  de  Madère.  »  (Brillât-Savarin,  Physiologie  du  goût,  I,  38). 

crâner,  faire  le  crâne  :  «  Sans  chercher  à  crâner,  il  enten- 
dait agir  en  homme  propre.  «  (E.  Zola,  V Assommoir,  p.  79). 

croûtonner  :  «  Peindre  des  croûtes.  »  (L,  Larchey). 

1.  Cf.  plus  haut  boursicotier,  p.  106. 


—  118  — 

défectionner  :  «  Néologisme.  Faire  défection.  »  (Littré). 

distancer  (Littré),  diagnostiquer  (id.),  drainer  (id.). 

électionner  [hiiiré,  suppl.). 

émotionner  :  «  Elle  était  très-blanche ,  et  si  émotionnée^ 
qu'elle  avait  failli  tomber.  »(Zola,  r Assommoir,  p.  264).  «  Ce 
verbe  nouveau  est  d'un  assez  mauvais  style;  cependant  il  est 
régulièrement  fait,  comme  affectionner,  d'affection.  »  (Littré). 

éreinter:  «  Ceci  est  un  auteur?  disent-ils  [les  journalistes)  ; 
chacun  peut  en  parler,  puisqu'il  s'imprime  :  donc  je  Véreinte.  » 
(A.  de  Musset,  3^  lettre  de  Dupuis  et  Cotonnet).  Voir  p.  97. 

esclavager  :  «  Elle  avouait  aussi  naïvement  combien  elle 
était  esclavagée.  5>  (A.  Daudet,  Jack,  III,  5  2). 

explosionner  (Littré,  supplém.). 

fac-similer  (Littré),  folioter  (id.),  fluxionner. 

fuchsiner  les  vins.  Mot  de  formation  toute  récente. 

gaminer  : 

Je  gaminais  après  l'école, 
Avec  le  trèfle  et  le  mouron. 

(Ch.  Coran,  Dans  Vherbe.) 

gaudrioler,  terme  populaire  :  «  Il  aime  à  gaudrioler.  » 

géographier  :  «  Un  ciel  (plafond)  passé  de  couleur  et  géo- 
graphie d'îles  inconnues  par  l'infiltration  des  eaux  delà  pluie.» 
(Th.  Gautier,  dans  Scholle,  Archives  de  Herrig,  XLII,  122). 

gemmer,  faire  le  gemmage  (Clavé,  Études  forestières)  ;  voix 
plus  haut,  p.  83,  au  mot  gemmage. 

handicaper,  terme  du  turf  (Littré,  supplém.). 

horizonner  :  a  La  blanche  Loire  qui  nous  horizonne.  » 
(E.  de  Guérin,  Journal).  «  Des  ports  fleuris,  horizonnés  de  forêts 
de  palmiers,  de  bananiers  au  vert  panache,  de  collines  vio- 
lettes. »  (A.  Daudet,  Jack,  II,  §  8). 

illusionner  :  «  La  pauvre  fille  ne  s'illusionnait  pas  sur  elle- 
même.  *  (A.  Daudet,  Jack,  II,  ^  4).  «  Ce  néologisme  est  accep- 
table ;  illusionner  est  formé  comme  affectionner.  »  (Littré)  Le 
mot  est  proposé  par  Mercier,  dans  sa  Néologie. 

impressionner:  «  La  mort  de  son  camarade  l'avait  beaucoup 
impressionné.  »  (  A.  Daudet,  Jack,  I,  §  6  ).  «  Ce  mot  est  nou- 
veau sans  doute,  mais  il  est  régulièrement  fait,  comme  affec- 
Honner  d'affection.  »  (Littré) . 

influencer  ne  paraît  dans  le  Dictionnaire  de  l'Académie 
qu'à  partir  de  l'édition  de  1835. 

iwnc/ier,  dérivé  de  lunch;  cf.  plus  bas,  p.  256. 


—  119  — 

métaphysiquer  :  «  Je  ne  sais  point  métaphyfiiquer  mes  sen- 
timents. »  (E.  de  Guérin,  Journal). 
menoUer  ; 

Et  tu  crois  follement,  dans  tes  mains  de  pygmée, 
Menotter  notre  zèle  et  bâillonner  nos  cris. 

(Barthélémy,  Némésis,  Liberté  de  la  presse.) 

molletonner  une  étoffe. 

mouvementer:  «  Il  faut  un  peu  plus  mouvementer  cet  acte, 
cette  scène.  »  L'adjectif  mouvementé  d'où  est  tiré  le  verbe  est 
également  un  néologisme  fort  usité  :  paysage  mouvementé^ 
scène  mouvementée,  style  mouvementé. 

numéroter  (Littré),  ornementer  (id.),  panneauter  (id.). 

pasticher  :<i  On  no,  pastiche  pas  que  les  mots,  on  copie  les 
idées.  »  (J.  Vallès,  la  Rue,  Proudhon.) 

patronner  (Littré),  perquisitionner  {[À\Xvé,,supplém.),pétrO' 
ler  [id.,  ibid.);  pouler,  t.  de  turf  {id.,  ibid.) ,  primer  (Littré), 
priser  du  tabac  (id.),  progresser  (id.). 

pistonner,  terme  trivial,  importuner  (L.  Larchey).  Se  dit 
également  pour  :  aider  quelqu'un  à  préparer  ses  examens  ; 
par  extension,  appuyer,  protéger  quelqu'un. 

rébellionner,  mot  qui  date  du  commencement  du  siècle; 
réglementer,  révolutionner . 

saluter  :  «  Il  éleva  son  verre  en  salutant  et  en  vida  le 
contenu.  »  (Th.  Gautier,  dans  Scholle,  Archives  de  Herrig, 
XLII,  117). 

sauvegarder  :  «  Ce  néologisme  incorrect  n'est  pas  à  imiter  ; 
sauvegarde  ne  peut  se  transformer  en  verbe  ;  le  verbe  serait 
sauf-garder  et  non  sauvegarder.  »  (Littré).  Si  de  sauvegarde  on 
a  tiré  sauvegarder,  c'est  qu'on  ne  reconnaît  plus  dans  (le  sub- 
stantif les  deux  éléments  composants  sauve  et  garde,  et  qu'il 
s'est  réduit  à  un  mot  simple.  C'est  ainsi  que  clairvoyant 
donne  clairvoyance  et  non  clairevoyance. 

subventionner,  se  suicider,  soutacher. 

tricolorer  : 

Mille  drapeaux  levés  tricolorent  l'espace. 

(Barthélémy,  Némésis,  Au  Roi.) 

trôner  ;  truquer ,  vivre  de  trucs ,  de  roueries.  M.  Littré  a 
truque^ir. 

turbiner,  terme  populaire,  travailler  (L.  Larchey);  se 
turbiner,  se  fatiguer. 


—  120  — 

tuyauter^  vallonner^  valser. 

victimer  :  «  Le  canut...  a  mis  la  probité  à  la  porte  en 
songeant  que  les  négociants  le  victimaient.  »  (Balzac,  la  Mai- 
son Nucingen,  éd.  de  1856,  p.  62). 

La  langue  a  formé  jadis,  spécialement  avec  des  adjectifs,  un 
certain  nombre  de  verbes  en  ir:  grand,  grandir;  frais,  fraî- 
chir, etc.  Nous  ne  voyons  pas  de  nouvelles  formations  de 
ce  genre ,  sauf  blondir  et  quelques  parasyntlcétiques  verbaux 
(voir  plus  loin,  p.  130,  n'  4). 

Les  verbes  que  nous  venons  de  citer  sont  des  exemples  de 
la  dérivation  immédiate.  La  dérivation  peut  aussi  ^ivo,  médiate, 
lorsque  entre  le  radical  et  la  terminaison  er  s'intercale  une 
syllabe  qui  ajoute  à  l'idée  exprimée  par  le  dérivé  une  nuance 
spéciale,  généralement  méprisante. 

AILLER  :  intrigailler  :  «  L'homme  incapable  a  une  femme 
pleine  de  tête  qui  l'a  poussé  par  là,  qui  l'a  fait  nommer  dé- 
puté ;  s'il  n'a  pas  de  talent  dans  les  bureaux,  il  intrigaille 
à  la  Chambre.  »  (Balzac,  les  Employés,  éd.  de  1856, 
p.  220). 

philosophailler,  proposé  par  Mercier,  qui  dans  sa  Néologie 
imagine  l'exemple  suivant  :  «  Ce  bureau  d'esprit  qu'on  appe- 
lait Académie  française  a  beaucoup  nui  aux  talents  originaux; 
mais  il  menait  à  la  fortune  les  abbés  qui  consentaient  à  phi- 
losophailler. »  Mercier  propose  également  réglern entailler. 

semailler  :  «  Ils  prêchent  et  courent,  et  vont  semaillant  ]& 
ne  sais  quoi  que  le  vent  emporte.  »  (A.  de  Musset,  'i"  lettre  de 
Dupuis  et  Cotonnet). 

toussailler  et  toussoter,  qui  manquent  dans  le  Dictionnaire 
de  M.  Littré,  sont  usités  dans  le  langage  familier.  11  en  est 
de  môme  de  courailler  dont  M.  L.  Larchey  cite  un  exemple  de 
Balzac,  au  sens  de  :  mener  une  vie  peu  régulière. 

iLLER  :  égorgiller  :  «Cette  nuit  même,  si  vous  n'aviez  pas 
veillé  sous  les  armes,  ils  vous  auraient  gentiment  égorgillé 
dans  votre  chambrette.  »  (Th.  Gautier,  le  Capit.  Fracasse,  XL) 

ERONNER  :  chanteronner  :  «  Cet  impertinent...  chanteronna 
quelque  roulade  italienne.  »  (Balzac,  le  Père  Goriot j  1835,  1. 1, 
p.  153). 

OCHER  :  flânocher  :  «  Alors  l'après-midi  entière,  il  fiâno- 
chait  dans  le  quartier.  »  (E.  Zola,  l'Assommoir,  p.  191). 

OTER  OTTER  :  «  Avcc  ccla  on  vivote,  on  pensotte.  »  (L.  Des- 
noyers, les  Béçtiens  de  Paris). 


—   121  — 

bouloUer,  de  boule  ;  proprement  rouler  doucement  ;  terme 
populaire  :  «  Pendant  une  année  encore,  la  maison  boulotta.y» 
(E.  Zola,  U Assommoir^  p.  363.) 

Rappelons  l'expression  f  ordonne  dans  «  c'est  une  Madame 
f  ordonne  »  pour  dire  :  «  c'est  une  femme  impérieuse.  »  De  là 
le  \QYhej ordonner.  «  Le  conseil  d'État  va,  vient,  entre,  sort, 
revient,  règle,  dispose,  décrète,  tranche,  jordonne,  voit 
face  à  face  Louis-Napoléon.  »  (V.  Hugo,  Napoléon  le  Petit^ 
II,  iii)S 


CHAPITRE    VIL 

:- -iî     ~  SUFFIXE    ADVERBIAL. 

Nous  n'avons  rien  à  observer  sur  les  adjectifs,  pronoms, 
verbes,  formes  verbales,  formés  par  juxtaposition  ^  Nous  ne 
constatons  pas  de  néologismes  dans  ces  parties  du  discours. 
Parmi  les  mots  invariables,  il  faut  considérer  les  adverbes. 

Remarquons  d'abord  l'emploi  populaire  et,  croyons-nous, 
récent,  de  ici-/à  au  sens  de  ici.  «  Où  est  mon  livre? /ci-/à.  •> 
On  ne  paraît  plus  se  douter  que  là  a  une  signification  absolu- 
ment opposée  à  celle  de  ici  et  on  le  fait  servir  à  renforcer  la 
valeur  de  l'autre  particule  adverbiale.  Exemple  curieux  de 
l'afTaiblissement  graduel  que  subissent  dans  l'usage  les 
significations  des  mots  et  du  besoin  incesssant  de  les  fortifier 
par  des  additions  nouvelles \ 

Les  adverbes  en  ment  sont,  comme  on  le  sait,  formés  d'ad- 
jectifs féminins  auxquels  s'attache  la  syllable  ment,  qui  repré- 
sente l'ablatif  latin  mente.  La  signification  étymologique  de 
ment  s'est  si  bien  élargie  et  a  pris  un  tel  caractère  de  généra- 
lité et  d'abstraction  qu'on  peut  aujourd'hui  considérer  cette 
syllabe  comme  un  suffixe*. 

La  dérivation  des  adverbes  en  ment  est  très-féconde  ;  il  n'est 


1.  Cf.  Fr.Wey,  Remarques  sur  la  langue  française  au  dix-neuvième  siècle,  l, 
p.  271. 

2.  Types  :  aigre-doux;  celui-ci;  (nous)  faisons  frire;  f  ai  aimé. 

3.  Cf.  notre  Traité  de  la  formation  des  mots  composés,  p.  61. 

4.  Considérant  cette  formation  au  point  de  vue  de  l'origine,  nous  avons  dû,  dans 
notre  Traité,  la  placer  au  chapitre  de  la  composition.  Ici,  étudiant  l'usage  actuel, 
qui  ne  voit  plus  dans  ment  qu'un  suffixe,  nous  devons  la  placer  dans  la  dérivation. 


—  122  — 

pas  d'adjectif  qui,  à  l'occasion,  ne  puisse  se  transformer  en 
adverbe.  Voici  des  exemples  de  quelques  adverbes  nouvelle- 
ment entrés  dans  l'usage  ou  essayés  par  des  écrivains  ;  ils 
serviront  à  montrer  la  richesse  de  cette  dérivation  : 

adorablementj  mot  très-usité  dans  ce  genre  de  phrases  : 
«  Elle  est  adorablement  belle.  » 

anxieusement,  artistiquement,  automatiquement  (proposé 
par  Mercier). 

cabalistiquement:  «  En  remuant  dans  son  chaudron  toute 
sorte  d'ingrédients  fantastiquement  bizarres  et  cabalistique- 
m,ent  vénéneux.  »  (Th.  Gautier,  Étude  sur  Baudelaire). 

caustiquement,  proposé  par  Richard  (1845),  donné  par 
M.  Littré. 

cocassement:  «  (II)  venait  me  raconter  les  détails  cocasse- 
ment  tragiques  de  quelque  expédition  nocturne.  »  (J.  Vallès, 
la  Rue,  la  Servitude). 

crânement  :  «  Le  chapeau  de  toile  cirée  crânement  renversé 
sur  la  tête.  »  (A.  Daudet,  Jack,  II,  §  5).  / 

créolement  : 

Miss  Tilda  Jefferson,  une  enfant  paresseuse , 
Paresseuse  créolement. 
(Ernest  d'Hervilly,  A  la  Louisiane.) 

débordement  :  «  Néologisme.  D'une  façon  débordée,  im- 
morale. »  (Littré.) 

dictatorialement  [Liiiré,  suppl.),  discrétionnairement  (ibid.). 

égoïstement  :  «  Néologisme.  D'une  manière  égoïste.  » 
(Littré.) 

européennement:  «  Le  terrain  des  Feuillans  et  le  bois  des 
marronniers  du  côté  de  l'eau  étant  si  européennement  reconnus 
comme  lieux  solitaires.  »  (Th.  Gautier,  les  Jeune  France,  Da- 
niel Jovard). 

formidablement  (Litlré,  supplém.). 

frileusement,  proposé  par  Richard,  manque  dans  Littré, 
Le  mot  est  maintenant  reçu. 

inconvenablement,  industriellement,  insurrectionnellement 
(Littré). 

ineffablement  :  «  La  pensée  a  des  jours  ineffablement  cal- 
mes. »  (Ph.  Boyer,  Lassitude). 

morbldernent  :  «  Il  a  su  trouver  ces  nuances  morbidement 
riches.  »  (Th.  Gautier,  Élude  sur  Baudelaire). 


—  123  — 

orientalement:  (^  Onento/emen/ accroupi  devant  le  poftle.  » 
(Ch.  de  Bernard,  /e.s  Ailes  d'Icare,  I,  2). 
parlementairement  : 

Ce  bel  art  si  choisi  d'offenser  poliment 
Et  de  se  souffleter  parlementairement. 

(A.  de  Musset,  Sur  la  Paresse.) 

phosphoriquement  :  «  Sa  lueur  phosphoriquement  bleuâ- 
tre. »  (Th.  Gautier,  Etude  sur  Baudelaire). 

précautionneusement  :  «  Eugène  marchait  précautionneuse- 
ment. »  (Balzac,  le  Père  Goriot,  1835,  t.  I,  p.  150). 

providentiellement.  Vdi(\]QçX\i providentiel  date  de  la  fin  du 
siècle  dernier. 

réglementairement, 

rêveusement  :  «  Il  était  allé  s'appuyer  rêveusement  à  la 
rampe  de  la  terrasse.  »  (A.  Daudet,  Jack,  I,  §  9). 

routinièrement  :  «  Isidore  était  tout  simplement  un  bureau- 
crate, peu  capable  comme  chef  de  bureau,  mais  routinièrement 
formé  au  travail.  »  (Balzac,  les  Employés,  édit.  de  1856, 
p.  213). 

sanguinairement,  proposé  en  1845  par  Richard,  manque 
encore  dans  le  Dictionnaire  de  M.  Littré. 

sataniquement  :  «  Il  avançait  quelque  axiome  satanique- 
ment  monstrueux.  »  (Th.  Gautier,  Élude  sur  Baudelaire). 

sélectivement  (Littré). 

sempiternellement, 

(Voulez-vous  montrer) 
Que  tout,  même  la  Mort,  nous  ment, 
Et  que  sempiternellement, 
Hélas  !  il  nous  faudra  peut-être, 
Dans  quelque  pays  inconnu, 
Ecorcher  la  terre  revêche 
Et  pousser  une  lourde  bêche 
Sous  notre  pied  sanglant  et  nu? 

(Baudelaire,  Fleurs  du  mat,  cxvin.; 

sociêtairement  (Littré), 

soucieusement,  proposé  par  Richard,  mot  reçu  aujourd'hui. 

tempêtueusement  : 

Fauve  avec  des  tons  d'écarlate. 
Une  aurore  de  fin  d'été 
Tempêtueusement  éclate 
A  l'horizon  ensanglanté. 

(Paul  Verlaine,  VAngclns  du  matin.) 


—  124  — 

vivacement:  «  Il  étaittrop  vwacemeni  jeune  pour...»  (Balzac, 
le  Père  Goriot), 


TROISIÈME    SECTION, 

COMPOSITION. 


Les  mots  composés  que  possède  la  langue  française  se  divi- 
sent en  trois  classes  :  1  :  composés  formés  par  voie  de  juxtapo- 
sition ;  2  :  composés  formés  à  l'aide  de  particules  ;  3  :  composés 
formés  par  composition  proprement  dite^. 


CHAPITRE    VIII. 

JUXTAPOSITION. 

La  juxtaposition  consiste  dans  la  réunion  de  deux  ou  plu- 
sieurs termes  qui  ont  été  joints  l'un  à  l'autre  suivant  les  rè- 
gles ordinaires  de  la  syntaxe,  sans  ellipse,  et  qui,  avec  le 
temps,  et  par  la  force  de  l'usage,  ont  fini  par  se  souder.  Pla- 
fond, formé  de  plat  fond,  piédestal,  c'est-à-dire  pied  d'estal, 
justaucorps,  c'est-à-dire  juste  au  corps,  vinaigre,  verjus,  gen- 
darme, y  o'ûk  des  juxtaposés.  Il  n'est  pas  nécessaire  que  la 
soudure  des  éléments  composants  soit  rendue  visible  par 
l'orthographe  ;  arc-en-ciel,  char-à-bancs,  rez-de-chaussée,  et 
même  des  mots  tels  que  pomme  de  terre,  corps  de  garde, 
champ  de  mars,  sergent  de  ville,  sont  aussi  bien  des  juxtaposés. 
Les  juxtaposés  se  reconnaissent  à  ce  trait  que  les  éléments 
composants  perdent  chacun  leur  signification  propre,  pour 
rappeler  seulement  l'image  une  et  simple  de  l'objet.  Arc-en- 
ciel,  char-à-bancs,  rez-de-chaussée,  pomme  de' terre,  corps  de 
garde,  sergent  de  ville,  malgré  les  deux  éléments  significatifs 
qui  composent  chacun  de  ces  mots,  sont  devenus  pour  l'es- 
prit des  mots  simples,  désignant  chacun  un  objet  propre. 

1.  Voir  notre  Traité  de  la  formation  des  mots  composés,  préface,  et  ch.  i". 


~  125  — 

La  réduction  des  éléments  composants  à  l'unité  est  l'œuvre 
du  temps  et  de  l'usage.  Aussi  il  arrive  que  des  expressions 
flottent  entre  deux  états,  n'étant  pas  assez  simples  pour  de- 
venir de  véritables  juxtaposés,  étant  trop  simplifiées  pour 
n'être  pas  considérées  comme  des  locutions  spéciales.  Les  ex- 
pressions qui  présentent  cet  état  intermédiaire  peuvent  se 
désigner  sous  le  nom  de  locutions  par  juxtaposition.  Les  ex- 
pressions que  nous  allons  citer  ne  peuvent  ôtre  considérées 
que  comme  des  locutions  par  juxtaposition;  car  il  est  difficile 
que  des  juxtaposés  se  produisent  sous  nos  yeux,  puisque  leur 
naissance  n'est  que  le  résultat  de  lentes  modifications  anté- 
rieures. 

§  1.  Adjectifs  et  substantifs  (l'un  qualifiant  l'autre)  : 

Les  cent-gardes,  nom  d'un  corps  de  troupe,  sous  le  se- 
cond empire. 

centre  droit,  centre  gauche,  membres  du  centre  d'une  as- 
semblée qui  inclinent  vers  les  opinions  de  la  droite,  de  la 
gauche. 

demi-monde,  mot  mis  à  la  mode  par  Al.  Dumas  fils  : 
«  Il  survient  des  querelles  entre  la  demi-presse  et  le  demi- 
monde.  »  (Veuillot,  Odeurs  de  Paris,  II,  6). 

franc-fileur,  expression  créée  au  temps  de  la  guerre  de 
1870-1871. 

haute-cour  de  justice. 

libre-penseur;  ce  néologisme  a  succédé  à  franc-pensant 
qui  était  usité  au  dix-huitième  siècle  et  a  remplacé  le  liber- 
tin du  dix-septième  siècle. 

petit  -  crevé ,  une  des  nombreuses  appellations  mépri- 
santes qui  ont  servi  à  désigner  les  jeunes  élégants  de  notre 
temps. 

Rappelons  encore  madame  et  mademoiselle,  dont  l'emploi 
actuel,  dans  certaines  locutions,  présente  des  caractères  de 
néologisme. 

Depuis  longtemps  monsieur  et  messieurs,  par  suite  de  l'u- 
sage restreint  que  présente  le  mot  sieur  sieurs^,  n'ont  plus 
formé  que  des  mots  simples  où  on  ne  reconnaît  plus  mon  mes 


1.  Il  n'est  plus  employé  au  sens  propre  que  comme  terme  de  pratique  :/.« 
sieur  X.  Dans  la  langue  commune,  il  comporte  une  idée  méprisante. 


—  126  — 

et  sieur  sieurs,  et  sont  employés  comme  de  simples  substan- 
tifs 

Mais,  MON  petit  UQNsieur,  prenez-le  un  peu  moins  haut. 

Ma  foi,  MON  grand  MONsiewr,  je  le  prends  comme  il  faut. 
(Molière,  Misanthrope,  I,  ii.) 

Mon  bon  uotisieur, 
Apprenez  que  tout  flatteur 

Vit  aux  dépens  de  celui  qui  l'écoute. 

(La  Fontaine,  Fables,  1,  ii.) 

Son  MONsiewr  Trissotin  me  chagrine  et  m'assomme. 

(Molière,  Femmes  savantes,  I,  m.) 

Les  Beaux  UESsieurs  de  Boisdoré  (G.  Sand). 

Il  n'en  est  pas  de  même  de  madame  mesdames,  ni  de  mor- 
demoiselle  mesdemoiselles,  parce  que  dame  et  demoiselle  sont 
encore  usités  de  nos  jours  :  une  jeune  da/me;  la  dame  du  pre- 
mier étage;  des  dames  de  charité;  une  jeune  demoiselle;  ma 
belle  demoiselle;  une  demoiselle  de  comptoir;  demoiselle  d'hon- 
neur; c'est  la  demoiselle  de  M.  X. 

Toutefois  dame,  ainsi  que  demoiselle,  a  quelque  tendance 
à  sortir  de  l'usage,  et  par  suite  madame  et  mademoiselle  ten- 
dent de  leur  côté  à  devenir  des  mots  simples,  M.  Fr.  Sarcey, 
dans  un  article  du  journal  le  Temps  (25  nov.  1872),  fait  remar- 
quer qu'il  n'y  a  pas  de  «  locution  plus  mal  faite  et  plus  ridicule 
que  chère  madame  ou  chère  mademoiselle.  Il  est  évident  que 
chère  est  fort  mal  placé  avant  le  pronom  possessif.  »  L'émi- 
nent  critique  ne  voit  pas  que  mada/me  et  mademoiselle  devien- 
nent des  mots  simples  comme  monsieur,  et  que,  comme  on  n'y 
sent  plus  l'adjectif  possessif,  on  est  tout  naturellement  prêt  à 
le  redoubler.  On  dira  chère  madame  comme  on  dit  cher  mon- 
sieur ou  chère  mère  ;  chère  mademoiselle  comme  on  dit  chère 
fille.  Bien  plus,  on  ira,  on  va  même  jusqu'à  dire  ma  chère  ma- 
da/me, comme  on  dit  mon  cher  monsieur  ' . 

Il  faut  remarquer  que  dans  mademoiselle  les  deux  éléments 
sont  moins  fortement  unis  que  dans  madame,  et  que  chère  ma^- 
demoiselle,  et  à  plus  forte  raison  ma  chère  mademoiselle,  se 

1.  M.  LiUré  fait  observer  (au  mot  demoiselle)  qu'il  est  de  mauvais  ton  de  dire 
votre  dame,  sa  dam,e,  voire  demoiselle,  sa  demoiselle,  et  qu'il  faut  dire  madam,e, 
mademoiselle.  C'est  que  madame,  mademoiselle,  devenus  des  mots  simples,  ont 
un  caractère  plus  impersonnel,  plus  général,  et  par  suite  plus  respectueux  :  sans 
l'adjectif  possessif,  votre,  sa,  qui  en  particularise  l'emploi,  ils  ont  presque 
l'apparence  do  noms  propres. 


—   127  — 

diront  moins  volontiers  que  c/tère  madame^ma  chère  madame. 
C'est  que  demoiselle  est  plus  substantif  que  dame,  et  que  les 
convenances  et  les  usages  du  monde  en  rendent  l'emploi  plus 
usuel. 

Au  pluriel,  l'union  entre  mes  et  dames,  entre  mes  et  demoi- 
selles, n'est  pas  encore  achevée,  parce  que  l'emploi  du  pluriel 
mesdames,  mesdemoiselles,  est  moins  fréquent  que  celui  du  sin- 
gulier. On  dit  donc  mesdames  et  mes  chères  dames,  mesde- 
moiselles et  mes  chères  demoiselles.  «  Après  un  silence  :  — 
M.  de  Lucan?  reprit  Julia.  —  Chère  madame?  —  Expliquez- 
moi  donc  les  usages...  »  (Octave  Feuillet,  Jidia  de  Trécœur,  v). 
«  Chè7'e  madame...  chères  demoiselles!  »  (Th.  Barrière  et  L.  Thi- 
boust,  les  Jocrisses  de  l'amour,!,  7). 

Monseigneur  présente  le  même  caractère  que  monsieur: 
monseigneur  d'Orléans,  le  célèbre  monseigneur  Affre.  Mais  au 
pluriel,  et  pour  les  mêmes  raisons  que  mesdames,  messei- 
gneurs  n'offre  pas  encore  la  soudure.  On  ne  dira  pas  les  nos- 
seigneurs de  Paris  et  de  Rouen  ^. 

L'emploi  des  mêmes  expressions,  dans  les  langues  voisines, 
donnerait  lieu  à  des  observations  analogues.  Ainsi  l'italien 
Santa  Madonna. 

g  II.  Substantifs  et  substantifs  (ou  verbes),  l'un  régissant 
l'autre.  Nous  citerons  : 

chemin  de  fer  homme  de  peine  bateau  à  vapeur 

sergent  de  ville  machine  à  vapeur  machine   à    coudre 

gardien  de  la  paix  salle  d'asile  etc.,  etc. 

juge  de  paix  voiture  de  place 

§111.  Certaines  locutions  forrnées  par  juxtaposition,  mais 
dont  les  éléments  ne  sont  pas  encore  soudés  entre  eux,  peuvent 
prendre  des  acceptions  figurées  qui  leur  donnent  l'apparence 
de  noms  composés,  en  transformant  leur  signification,  soit 


1.  Les  nègres  et  les  Indiens  des  colonies  françaises  donnent  aux  prêtres  leuoni 
de  Monpère  qui  vient  des  pères  Jésuites.  Monpère  est  un  substantif  simple 
comme  monsieur.  «Venir  trouver  le  monpère»  {Voyages  et  travaux  des  mis- 
sionnaires de  la  Compagnie  de  Jésus,  pour  servir  de  complément  aux  Lettres 
édifiantes,  l,  Mission  de  Cayenne,  etc.,  Paris,  1857,  in-12,  p.  452).  «  Tiens!  to7i 
bon  monpère,  li  mort?»  (ibid.,  p.  455.)  —  Cf.  «Bonjour,  notre  monsieur.  » 
(X.  de  Montépin,  Amours  d'un  fou,  Paris,  1856,  p.  161). —  Je  dois  ces  indications 
ainsi  que  le  principe  des  observations  qui  précèdent  à  AI.  J.  Bauquier. 


—  128  — 

par  synecdoque,  soit  par  métaphore,  soit  par  synecdoque  et 
métaphore. 

un  pied-bleu,  conscrit  portant  encore  les  guêtres  bleues 
du  paysan  (L.  Larchey). 

les  pantalons  rouges,  les  soldats. 

un  huit-ressorts,  voiture  de  luxe,  très-suspendue  (L.  Lar- 
chey). 

un  quatre-coins,  un  mouchoir  (L.  Larchey). 

un  trente  sous,  garde  national  qui  pendant  la  guerre  re- 
cevait une  solde  de  trente  sous  par  jour*. 

un  quinze  cents  francs,  engagé  conditionnel  d'un  an  qui 
doit,  au  moment  de  son  engagement,  verser  une  somme  de 
quinze  cents  francs  à  l'État.  —  C'est  à  peu  près  de  la  même 
manière  que  le  vieux  français  disait  un  missoudor,  c'est-à- 
dire  un  mil  sous  d'or,  pour  désigner  un  cheval  valant  mille 
sous  d'or. 

du  trois-six,  de  l'eau-de-vie  marquant  le  degré  3/6  à  l'a- 
réomètre. 

un  coin  du  feu,  robe  de  chambre. 

un  bain  de  pied,  excédant  de  liquide  qui  déborde  dans  la 
soucoupe  et  fait  prendre  à  la  tasse  comme  un  bain  de  pied. 

un  fruit  sec,  élève  d'une  école  supérieure  incapable  de 
réussir;  par  extension,  celui  qui  ne  répond  pas  aux  espérances 
qu'il  avait  fait  concevoir.  Voir  sur  ce  mot  L.  Larchey. 

un  ver  rongeur,  voiture  prise  à  l'heure. 

un  casque  à  mèche,  bonnet  de  coton. 

un  tuyau  de  poêle,  chapeau  à  haute  forme  droit. 


CHAPITRE    IX. 

\0ÔMPOSITION  A  L'AIDE  DE  PARTICULES. 

Les  particules  (adverbes  ou  prépositions)  se  combment 
comme  préfixes  de  diverses  manières  avec  les  substantifs,  les 
adjectifs,  les  verbes. 

1.  «D'autres  pétrels  (ossifraga  gigantea,  procellaria  capensis)  et  des  alcyons 
(puffinus  ajquinoctialis)  se  voyaient  fréquemment  autour  de  Saint-Paul,  mais  n'at- 
terrissaient pas  sur  l'île.  Ces  derniers  n'apparaissaient  que  vers  le  soir;  aussi  les 
pêcheurs  les  nommaient  quarante  sous,  parce  qu'à  l'heure  où  ils  les  aperce- 
vaient ils  pouvaient  considérer  leur  journée  comme  gagnée.»  (Voisin,  Les  oiseaux 
de  Vile  Saint-Paul,  Revue  scientifique,  29  avril  1870.) 


—  129  -- 

1°  Elles  se  joignent,  avec  la  valeur  d'adverbes,  à  des  verbes 
pour  en  modifier  la  signification  :  prendre,  sur-prondre  ;  man- 
der, contre-mander . 

2"  Elles  se  joignent  à  des  noms  ou  à  des  adjectifs. 

1.  En  qualité  d'adverbes. 

mal-aise,  bien-heureux, 
dés  'honnête,  dé-loyauté, 
arrière-cour,  sur-abondance. 

2.  En  qualité  de  prépositions. 

à-compte,  contre-poison. 

3°  Elles  se  joignent  à  des  noms  ou  à  des  adjectifs  pour  for- 
mer un  verbe  par  l'adjonction  d'un  suffixe  verbal  :  er,  ir  : 

courage  en-courag-er  :        hardi  en-hard-ir. 

Ces  sortes  de  composés  reçoivent  le  nom  de  parasgnthéti- 
ques  verbaux,  parce  qu'ils  sont  formés  synthétiquement,  tout 
d'un  jet,  par  l'union  simultanée  du  préfixe  et  du  suffixe  au 
radical. 

4»  Elles  se  joignent  à  des  noms  ou  à  des  adjectifs  pour  for- 
mer un  substantif  ou  un  adjectif  par  l'addition  d'un  suffixe 
nominal  (suffixe  de  substantif  ou  d'adjectif)  : 
vergue   en-verg-ure  ;   place  em'j)lace-ment  ;  mer  sous-mar-in. 

Ces  sortes  de  composés  reçoivent  le  nom  de  parasynthétiques 
nominaux,  parce  que,  substantifs  ou  adjectifs,  ils  sont  formés 
synthéliqueinent,  par  l'union  simultanée  du  préfixe  et  du  suf- 
fixe au  radical. 

Nous  avons  ailiçùrs  longuement  étudié  ces  diverses  forma- 
tions de  composés;  nous  constaterons  ici  qu'elles  sont  toutes 
encore  vivantes  et  fécondes  en  mots  nouveaux. 

Les  particules  qui  aujourd'hui,  dans  la  langue,  peuvent 
former  des  composés,  sont .-  à  {=  ad),  après,  arrière,  avant, 
bien,  contre,  de,  dé-  ou  dés-,  é-  ou  es-,  en,  entre,  mal,  moins, 
outre,  par,  pour,  presque,  re,  sous,  sur,  sus,  très. 

Il  est  rare  qu'elles  entrent  toutes  dans  les  quatre  combinai- 
sons que  nous  venons  d'énumérer. 

A.  -—  I.  Se  combine  avec  les  verbes  (ou  participes)  : 

appâli  :  l'azur  appàli,  les  teintes  appâlies  du  ciel.  De  là 
dérive  appâlissement,  seul  donné  par  M.  Littré. 

9 


—   130  — 

accrêlé  :  «  Un  feutre,  retroussé  par  un  bord  et  accrèté  de 
plumes  rouges  et  blondes.  »  (Th.  Gautier,  Capitaine  Fracasse, 
V).  «  Un  vieux  feutre  accrêté  d'une  plume  de  coq .»  (Id..  ibid., 
XI). 

af fouiller  :  «  Un  glacier  ne  pénètre  pas  dans  un  terrain 
meuble  à  la  manière  d'un  soc  de  charrue  qui  l'entame  et  Vaf- 
fouille.  »  (Gh.  Martins,  Revue  des  Deux  Mondes,  P'  mars  1864, 
dans  Scholle,  Archives  àQ  Herrig,  XLl,  p.  114).  De  là  affouille- 
ment,  voir  plus  haut,  p.  95. 

2.  Se  combine  avec  un  substantif  (ou  un  infinitif)  en  qualité 
de  préposition  :  Des  à-bon-compte,  terme  d'administration 
militaire.  A-compte  est  déik  ancien.  Aval,  terme  de  commerce, 
est-il  pour  à-valoir  ? 

3.  Ne  se  combine  pas  en  qualité  d'adverbe  avec  les  noms. 

4.  Donne  encore  naissance  à  des  parasynthétiques  verbaux  : 
gourmand,  a-gourmand-i  :  a  Puisque  l'argent  filait  quand 
même,  autant  valait-il  faire  gagner  au  boucher  qu'au  mar- 
chand de  vin.  Et  Gervaise,  agourmandie,  s'abandonnait  à  cette 
excuse.  ^^  (E.  Zola,  l'Assommoir,  p.  248.)  —  Veule,  a-veul- 
ir  :  «  Ce  refrain  qu'elle  aveulissait  encore  en  ralentissant  les 
notes  finales  l'obsédait,  la  poursuivait.  »  (A.  Daudet,  Jack,  I, 
S  7.) 

APRÈS.  N'a  donné  que  après-midi,  après-dîner  [-née],  après- 
souper  {-éé),  mots  déjà  anciens. 

ARRIÈRE  se  combine  seulement  avec  les  noms  en  qualité 
d'adverbe.  M.  Littré  donne  un  certain  nombre  de  composés 
pour  lesquels  il  n'apporte  aucun  exemple  ancien  ou  moderne, 
aucune  indication  de  date  quelconque.  Peyt-être  sont-ils  ré- 
cents :  arrière-caution,  -charte,  -chœur,  -fente,  -foin,  -graisse, 
-narines,  -nièce,  -panage,  -pointeuse,  point-arrière,  arrière- 
rang,  -sens,  -vieillesse.  En  tout  cas  voici  deux  néologismes  : 
arrière-appartement  que  M.  Scliolle  {Programme,  p.  13)  relève 
dans  un  article  de  la  Revue  des  Deux-Mondes  dû  à  M.  Perrot,  et 
arrières-prétention  :  «  Vous  dites  môme,  non  gans  arrière-pré^ 
tention,  que,  etc.  »  (L.  Desnoyers,  les  Béotiens  de  Paris), 

AVANT  ne  se  combine  qu'avec  des  noms,  l.en  qualité  d'ad-* 
verbe,  2.  en  qualité  de  préposition.  Parmi  les  composés  de 
avant,  qui  manquent  au  Dictionnaire  de  l'Académie,  et  que 
donne  M.  Littré,  il  y  en  a  quelques-uns  sans  exemples  anciens 


—  131  — 

ou  modernes  ;  peut-on  en  conclure  qu'ils  sont  modernes? 
1.  avant-bouche,  -cale,  -courrier,  -duc,  -fossé,  -glacis, 
-mur,  -pied,  -poignet,  -projet,  -terrasse.  2.  avant-lait,  avant- 
pieu. 

Si  la  date  de  ces  composés  est  incertaine,  en  voici  un  qui  a 
son  état  civil  dûment  constaté  :  «  Avant-soc,  bascule  avec  un 
régulateur,  destiné  à  être  adapté  aux  charrues  ordinaires.  » 
[Description  des  brevets,  1"  série,  t.  XVI,  p.  141;  brevet  pris 
en  1818.) 

BIEN.  «  Les  journaux  bien  pensants.  » 

CONTRE  se  combine  en  qualité  d'adverbe  avec  des  verbes,  en 
qualité  d'adverbe  et  de  préposition  avec  des  noms  de  choseK 
Le  Dictionnaire  de  M.  Littré  donne  une  liste  très-riche  de  com- 
posés avec  contre;  la  plus  grande  partie  de  ces  mots  manquent 
au  Dictionnaire  de  l'Académie  et  ne  sont  accompagnés  d'au- 
cune indication  historique.  Il  est  à  peu  près  sûr  que  les  ter- 
mes de  blason  et  de  marine  sont  anciens.  Quant  aux  autres, 
on  n'en  peut  rien  affirmer;  nous  les  donnons  toutefois  ici  en 
y  ajoutant  quelques  autres  créés  de  nos  jours. 

1.  contre-brasser ,  -dater,  -indiquer,  -lorgner,  -mailler, 
-percer,  -planter,]  -poser,  -rêver,  -révolutionner,  -sempler, 
-sommer,  -  tailler,  -timbrer  (Littré,  supplém.). 

Notons  les  composés  avec  participes  ou  adjectifs  :  contre-- 
alizé,  -fleuré,  -harmonique. 

Ce  dernier  mot  que  M.  Littré  définit  :  «  Qui  est  opposé  à 
l'harmonie,  aux  rapports  harmoniques  »,  est  un  composé  pa- 
rasynthétique  :  il  ne  s'analyse  pas  :  «  qui  est  harmonique  en 
opposition  à  d'autres  sons  harmoniques  ;  dont  l'harmonie  est 
en  opposition  à  d'autres  sons  harmoniques,  »mais  :  «  qui  est 
contraire  aux  sons  harmoniques  ».  En  d'autres  termes,  le  mot 
se  décompose,  non  en  harmonique  contre,  mais  en  ique  (  =  qui 
est),  contre,  (F)  harmonie.  La  finale  ique  ne  joue  donc  pas  le 
même  rôle  que  dans  harmonique;  ici  elle  tire  de  harmonie  un 
adjectif;  là  elle  s'applique  au  composé  total  contre-harmonie. 
Cette  composition  rappelle  la  composition  latine  ou  grecque  ; 
dans  anguimanus  [angui-man-us),  us  est  la  terminaison  adjec- 
tive  du  composé  a^i^m-man;  de  même  (jLeyaXôôuixo;  est  non  [xsyaXo- 
OutAoç,  mais   uEYaXo-ôujA-oç.    Cette  composition  parasynthé tique 

1.  Sur  les  diverses  significations  de  contre  en  composition,  voir  notre  Traité, 
p.  89. 


—  132  — 

d'adjectifs  tend  à  se  développer  sous  une  double  influence, 
celle  de  l'analogie  et  celle  de  la  langue  savante.  Nous  aurons 
occasion  de  la  rencontrer  et  de  l'étudier  encore  plus  loin. 

2.  contre-appel^  -augment,  -aveu,  -basson,  -brodé,  -cani- 
veau, -  charge,  -  clavette,  -  courbe,  -  dame,  -  déclaration,  -  déga- 
gement, -dénonciation,  -digue,  -émail,  -empois,  -em- 
preinte, -enquête,  -épaulette,  -estampe,  -expertise,  -exten- 
sion, -fendis,  -fenêtre,  -fossé,  -foulement,  -fracture,  -frase, 
-fruit,  -heurtoir,  -jambage,  -jan,  -jumelles,  -larmes,  -  ligne, 
-maille,  -mandat,  -manœuvre,  -tnarc,  -mission,  -mot,  -mo- 
tif, -moule,  -  opération,  -  ordre,  -panneton,  -paroi,  -pas,  -pas- 
sation, -pente,  -pilastre,  -planche,  -poinçon,  -police,  -potence, 
"pouce,  -pression,  -projet,  -promesse,  -propos,  -proposition, 
^puff,  -jJuitSy  -rétable,  -révolution^,  -ronde,  -signal,  -signa- 
taire, -sommation,  -sommier,  -sortie,  -stimulant, -sujet, -taille, 
-tasseau,  -timbre  (Littré,  supplém.),  -  tranchée,  -valeur,  -verge, 
-volte,  -vue. 

Ajoutons  contre-rampe  qui  a  le  même  sens  que  contre-pente 
et  que  donne  le  Dict.  des  chemins  de  fer  de  M.  C.  de  Fageolles. 
contre-révolutionnaire  est  un   parasynthétique  de  même 
genre  que  contre-harmonique*. 

3.  contre-arc, -arêtier,  -attaque,  -aube,  -biseau,  -jet,  -sai- 
son [a],  -sol. 

Ajoutons  contre-morfll  :  «  Instrument  propre  à  faire  les  ra- 
soirs. »  [Description  des  brevets,  1"  série,  t.  XXVII,  p.  106  ; 
année  1828),  et  contre-bon  sens,  dans  la  locution  familière: 
«  c'est  un  contre-bon  sens.  » 

Cette  formation  est  tout  à  fait  dans  le  génie  de  la  langue. 
Les  composés  qu'elle  produit  ont  le  véritable  caractère  des 
mots  composés,  qui  est  de  pouvoir  être  créés  et  abandonnés 
à  l'instant  suivant  les  caprices  ou  les  besoins  de  l'idée.  Expri- 
ment-ils des  idées  qui  vivent  dans  l'esprit  du  peuple,  dési- 
gnent-ils des  objets  qui  durent,  ils  reçoivent  alors  la  vie  qui 
les  fait  entrer  dans  le  trésor  commun  de  la  langue.  Répondent- 
ils  à  des  rapports  momentanés,  ils  se  désunissent  aussitôt  que 


1.  «  Mol  nouveau;  il  a  vu  le  jour  après  celui  de  révolution.»  {Dictionnaire  na- 
tional et  anecdolique,  pour  servir  à  Vintelligence  des  mots  dont  la  langue  s'est 
enrichie  depuis  la  Révolution,  etc.,  1790,  p.  h'i.) 

2.  Dans  notre  Traité,  p.  90,  nous  avoAs  fait  de  contre-révolutionnaire,  non 
un  parasynthétique,  mais  un  dérivé  de  contre-révolution.  Nous  n'avons  re- 
connu que  plus  tard  le  vrai  caractère  de  cette  sorte  de  formation.  Cf.  notre  Traité, 
p.  323,  note  à  la  page  103,  ligne  il. 


—  133  — 

le  rapport  qu'ils  exprimaient  a  disparu.  Ce  double  fait  est  sen- 
sible dans  l'exemple  suivant  :  «  Ah!  l'on  trouve  ici  des  com- 
plots.. .  me  voilà  prévenu  !  et  c'est  à  moi,  à  mon  tour,  par  quel- 
que contre-mine,  quelque  contre-jniff...\  »  (E.  Scribe,  le  Puff, 
m,  7.)  Contre-mine  est  un  mot  reçu  dans  la  langue,  et  vivant, 
parce  qu'il  répond  ù  une  idée  vivante;  contre-puff  est  un  mot 
de  circonstance,  et  qui  ne  survit  pas  à  la  situation,  à  l'occa- 
sion qui  l'a  fait  naître.  Ces  créations  sont  légitimes:  c'est  par 
elles  que  se  manifeste  la  vitalité  de  la  langue. 

DE  (du  latin  de).  Dans  le  Supplément  du  Dictionnaire  de 
M.  Littré,  on  trouve  le  mot  delaine  «  mousseline  de  laine.  Des 
delaines  imprimés  (par  abréviation,  de  de  et  de  laine).  »  Ce 
mot,  sorti  de  la  langue  industrielle,  et  qui  a  tous  les  carac- 
tère d'un  néologisme,  est,  à  notre  connaissance,  le  seul  sub- 
stantif composé  de  la  langue  moderne  où  entre  la  préposition 
de  avec  un  substantif  par  elle  régi.  La  langue  ancienne  a  créé 
deputaire,  débonnaire  ;  mais  c'étaient  des  adjectifs  :  débonnaire 
existe  encore  comme  tel.  Debout,  qui  présente  une  formation 
analogue,  est  resté  adverbe,  quoique  en  voie  de  devenir  ad- 
jectif. Il  faut  donc  signaler  ce  mot  delaine  comme  l'unique  re- 
présentant d'une  formation  nouvelle  où  s'exerce  la  langue. 

DÉ-,  devant  une  voyelle  ou  une  h  muette  dés-.  Particule  in- 
séparable du  mot,  verbe,  substantif,  adjectif,  participe,  avec 
lequel  elle  se  combine.  Elle  est  tantôt  privative,  tantôt  aug- 
mentative  :  démaigrir,  par  exemple,  signifie  rendre  plus  maigre, 
et  devenir  moins  maigre.  Les  deux  significations  paraissent 
contradictoires,  mais  se  concilient  sans  difficulté.  Au  fond  dés 
garde  toujours  et  partout  sa  valeur  privative.  Mais  tantôt,  et 
c'est  le  cas  le  plus  ordinaire,  elle  porte  sur  l'action  qu'exprime 
le  radical  :  défaire,  déjuger,  désenchanter,  déshonorer ^  désar- 
mer, etc.;  ici  dés  annule  l'idée  qu'expriment  faire,  juger,  en- 
chanter, honorer,  armer,  etc.  Tantôt  elle  porte  sur  l'état  anté- 
rieur k  l'action  qu'exprime  le  verbe  :  démaigrir,  au  sens  actif, 
est  :  a  rendre  maigre  [maigrir)  en  faisant  sortir  [dés)  de  l'état 
antérieur,  en  faisant  cesser  d'être  non  maigre.  »  Délisser,  dit 
M.  Littré  dans  son  Dictionnaire,  signifie  :  «  1°  Défaire  ce  qui  était 
lisse.  Délisser  ses  cheveux  ;  2"  trier  les  feuilles  de  papier,  de 
chiffons.  »  Quel  est  le  rapport  de  la  seconde  définition  avec  la 
première?  On  ne  le  voit  pas.  C'est  que  cette  définition  doit  être 
ainsi  corrigée  :  «  Lisser  les  feuilles  de  papier,  de  chiffons,  en 


—  134  — 

en  défaisant  les  plis  »  (pour  les  mettre  de  côté  et  en  faire  du 
papier  de  premier  choix).  On  voit  que  dans  la  première  défini- 
tion ridée  privative  tombe  sur  le  verbe  lisser;  dans  la  seconde, 
sur  l'état  dans  lequel  se  trouvait  l'objet  avant  de  subir  l'action 
verbale,  état  que  l'idée  privative  de  la  particule,  concurrem- 
ment avec  cette  action,  vient  annuler.  Dés  ajoute  donc  son  ef- 
fet négatif  à  celui  qu'exprime  le  verbe,  et  c'est  ainsi  qu'on  a 
pu  y  voir  un  augmentatif. 

La  même  chose  se  passe  pour  é  (es),  qui  vient  de  ex  et  ren- 
ferme en  soi  une  idée  privative.  Or,  aucun  des  composés  de  ex 
n'a  de  signification  négative  :  émouvoir,  éjouir  (arch.),  échauf- 
fer, —  éclairer,  émousser,  etc.  D'où  vient  ce  fait,  d'apparence 
si  étrange,  sinon  que  la  négation  porte,  non  sur  le  radical, 
mais  sur  l'état  antérieur  à  l'action  qu'exprime  le  radicaP? 

Dé,  avec  valeur  privative,  appartient  h.  la  langue  du  peuple 
et  à  la  langue  commune;  avec  valeur  augmentative,  il  n'ap- 
partient qu'à  la  langue  populaire  :  c'est  à  celle-ci  qu'il  faut 
rapporter  les  verbes  tels  que  démaigrir  (terme  de  métier) , 
délisser  (terme  de  métier),  dégueniller,  dépenailler,  déplumer, 
déguerpir,  etc.,  et  le  composé  de  création  récente  décesser  (il 
ne  décesse  de  parler),  blâmé  par  tous  les  grammairiens.  «  Dé- 
cesser, employé  pour  cesser,  dit  Boiste,  signifie  tout  le  con- 
traire de  ce  qu'on  lui  fait  dire,  le  dé  étant  un  privatif.  »  *<  Bar- 
barisme populaire,  qui  est  une  grosse  faute,  «  dit  M.  Littré. 
Mais  en  quoi  décesser  est-il  plus  incorrect  que  déplumer?  Ils 
sont  de  formation  identique  ;  supprimez  de  part  et  d'autre  la 
particule  intensive,  et  vous  avez  cesser  et  plumer^,  qui  tous 
deux  renferment  une  idée  négative*. 

Dé  privatif  se  joint  1"  aux  verbes  {dé- faire)  ;  2°  aux  noms  et 
adjectifs  [dés-honneur,  dé-loyal)  ;  3»  aux  noms  et  adjectifs  pour 

1.  Cf.  Traité  de  la  fm^mation  des  mois  composés,  p.  84. 

2.  On  serait  tente  d'expliquer  déplumer  pnv  dé -\- plume -\- er ,  c'est-à-dire  :  dé- 
garnir de  plumes  :  cf.  dé-barqu-er,  dé-conlenanc-er,  etc.  :  celte  explication  est 
inexacte.  Plumer  en  vieux  français  était  d'un  usage  général  et  fort  commun  au 
sens  de  dégarnir  de  ses  plumes;  et  il  n'a  pas  cessé  un  moment  d'être  en  usage 
jusqu'à  nos  jours  ;  vers  le  quinzième  siècle  paraît  déplumer  composé  de  plu~ 
mer;  oX  comme  déplumer  dit  exactement  la  môme  chose  quo  plumer,  il  faut  que 
dé  soit  pris  avec  une  valeur  intensive. 

3.  La  valeur  augmentative  de  dé  a  été  fort  bien  reconnue,  mais  non  expliquée, 
par  M.  Agnel,  De  Vinfluence  du  langage  populaire  sur  la  forme  de  certains 
mots  de  la  langue  française  (in-8,  1870,  p.  16  et  suiv.).  Il  cite  un  certain  nombre 
d'exemples  intéressants.  11  a  toutefois  le  tort  d'identifier  le  dé  français  (=  lat. 
de  ex)  avec  le  de  qui  est  le  latin  de.  Il  est  vrai  que  le  privatif  latin  de  arrive,  par 
un  développement  de  sens  analogue  à  celui  de  dés,  à  prendre  une  signification  in- 
tensive cependant  les  deux  particules  doivent  être  distinguées. 


—  135  — 

former  des  parasyiithétiques  verbaux  [dé-barqu-er,  dé-niais- 
er)  ;  4»  aux  noms  et  aux  adjectifs  pour  former  des  parasynthé- 
tiques  nominaux.  Les  formations  nouvelles  dans  ces  genres 
de  composition  sont  très-nombreuses.  Nous  n'en  choisirons 
qu'un  petit  nombre  d'exemples. 

1.  rfécanoniser,  proposé  par  Pougens  dans  son  Vocabulaire^. 

décarboniser;  décentraliser^  «  néologisme.  Opérer  la  dé- 
centralisation. »  (Littré);  déciviliser ^  «  néologisme.  Détruire 
la  civilisation.  «  (Littré). 

décomprimer  (Littré,  supplém.). 

déflagorner  :  «  Demain,  je  vous  attaque,  et  de  telle  façon, 
monseigneur,  que  si  je  vous  flagornai  six  mois,  je  vous  défla- 
gornerai en  six  jours.  >»  (A.  de  Musset,  3*  lettre  de  Dupuis  et 
Cotonnet.)  Le  mot  est  souligné  dans  le  texte. 

dégalonner  :  «  Le  coulage  consiste  à  faire  faire  des  travaux 
qui  ne  sont  pas  urgents  ou  nécessaires,  à  dégalonner  et  rega- 
lonner  les  troupes.  »  (Balzac,  les  Employés,  éd.  de  1856,  p.  432). 

démoraliser  :  «  Ce  mot  n'était  pas  connu  avant  la  Révolu- 
tion. »  (Littré.) 

dépoétiser:  «  C'est  lui  qui  a  été  assassiné comme  ça  le 

dépoétise.  »  (Gondinet,  Gavaud,  Minard  et  C%  III,  8.) 

désaffamer:  «  Nous  avons  altéré  et  désaltéré,  et  nous  n'a- 
vons pas  désaffamé;  pourquoi?  »  (La  Harpe,  cité  par  Mercier, 
Néologie.)  M.  Littré  donne  désaffamer  avec  un  exemple  du  sei- 
zième siècle.  Le  mot,  comme  on  voit,  s'était  perdu  et  a  été 
créé  à  nouveau. 

désaffectionner:  «Son  tailleur  qui  finirait,  comme  la  France, 
par  se  désaffectionner.  »  (Balzac,  Maison  Nucingen,  éd.  de 
1856,  p.  20).  Mercier  proposa-it  en  1801  désaffectionné.  M.  Lïiiré 
signale  le  verbe  comme  un  néologisme. 

désaimanter  ;«  Un  électro-aimant  qui  cent  fois  par  seconde 
s'aimante  et  se  désaimante.  »  (Laugel,  Rev.  des  Deux  Mondes, 
dans  Scholle,  Archives  de  Herrig,  XLII,  119). 

désappauvrir  est  proposé  par  Pougens  dans  son  Archéo- 
logie française  *. 

désencanailler  (se)  :  «  Les  goûts  bas  contractés  dès  la  jeu- 
nesse ne  se  désencanaillent  idimais.  »  (E.  About,  l'Infâme,  I). 

désencapuchonner  :  «  Comme  un  faucon  désencapuchonné.  » 
(Th.  Gautier,  le  Capit.  Fracasse,  VII). 

1.  Voir  plus  haut,  p.  25. 

2.  Voir  plus  haut,  p.  26. 


—  136  — 

désennoblir:  «  Ne  se  sentant  point  la  capacité  de  l'étude, 
ils  (les  bohèmes)  ont  regardé  l'étude  comme  une  bassesse  qui 
désennoblit  le  génie.  »  (Veuillot,  Odeurs  de  Paris,  II,  5). 

désharmoniser  :  «  Néologisme.  Troubler  l'harmonie  des 
choses,  des  opinions.  »  (Littré.) 

déshydrater,  déshydro gêner. 

désillusionner^  Ce  mot  est  postérieur  à  illusionner,  qui  est 
un  néologisme. 

"i,.  Décompression,  décrépissage  (Littré,  supplém.),  décentra- 
lisahle  (Littré),  désagrégeable  (Littré,  supplém.). 

désabonnement  :  ce  l\  y  a  des  hommes  qui  ne  plieront  pas 
devant  l'épée,  ni  devant  les  chaînes...,  ni  devant  la  gloire  ni 
devant  le  désabonnement.  »  (Veuillot,  Odeurs  de  Paris,  II,  k). 

désaffection,  désaffectionnement ,  signalés  par  M.  Littré 
comme  néologismes. 

désassociation  (Littré).  Le  mot  a  été  proposé  par  Pou- 
gens  [Vocabulaire). 

désécluse7nent  (Littré,  supplém.]. 

détaxe,  déveine  (Littré). 

désillusionnement  (Littré),  déconclu, 
3.  débroussailler   (Littré,   supplém.),   décapitaliser ^    (ibid.), 
mot  qui  date  de  1872. 

décarbonater ,  décarburer. 

décapuchonner,  proposé  par  Pougens  [Vocahtdaire)-,  admis 
par  M.  Littré. 

décravater  :  «  11  contrefaisait  le  docteur  Gall  à  son  cours, 
de  manière  à  décravater  de  rire  le  diplomate  le  mieux  bou- 
tonné. »  (Balzac,  les  Employés,  éd.  de  1856,  p.  217). 

défraîchir:  «  C'était  un  papier  plié  en  quatre,  froissé,  dé- 
fraîchi. »  (Albane ,  Rev.  des  Deux  Mondes,  dans  Scholle,  Pro- 
gramme-, p.  14). 

dégommer,  terme  populaire,  pour  destituer. 

démoder:  «  Je  suis  déjà,  de  la  tête  aux  pieds,  un  peu  dé- 
modé. »  (G.  Sand,  dans  Scholle,  ibid.). 

dépailler:  «  Des  chapeaux  dépaillés.  »  (J,  Vallès,  la  Rue, 
AU  right). 

dépanneauter  (Littré).  On  dit  aussi  épannekr;  celui-ci  est 
ancien,  l'autre  est  moderne». 

1.  Cette  formation  est  demi-savante,  demi-populaire  :  le  préfixe  est  populaire 
{dé);  le  suffixe  est  savant  (iser);  il  en  est  de  môme  des  autres  parasynthétiques 
en  iser  cités  dans  cette  liste. 

2.  Cf.  plus  haut,  p.  75. 


—  137  — 

dépiauter  (Littré,  supplém.),  mot  très-usité  dans  le  peuple 
et  formé  comme  le  précédent. 

dérailler,  que  M.  Littré  veut  remplacer  à  tort  par  dérailer. 

désincriister ,  désincrustation . 

désentrailler  :  «  Où  es-tu,  que  je  te  larde,  que  je  te  cri- 
ble..., que  je  te  désentraille.  y>  (Th.  Gautier,  le  Capit.  Fracasse ^ 

V). 

déveuver  (Littré,  suppL). 

dévirginiser :  «Une  grosse  dame....  me  priait  de  dêvirgi- 

imer  sa  bouteille  pour  l'exonérer  (des  frais  de  douane).  « 

(J.  Vallès,  la  Rue,  AU  ricjht). 

4.  Comme  parasynthétiques  nominaux,  je  ne  vois  à  citer 

que  dessainissemenl   (Littré,  supplém.),  formé  sur  le  modèle 

d'assainissement,  et  dessouchement. 

É-,  ES-  devant  une  voyelle  ou  une  h  muette.  Cette  parti- 
cule connaît  les  quatre  sortes  de  compositions.  La  liste  des 
composés  qu'elle  a  donnés  à  la  langue  est  fort  considérable  , 
M.  Littré  en  cite  beaucoup  qui  ne  sont  accompagnés  d'aucun 
exemple  ancien  ou  moderne;  ce  sont,  pour  la  plupart,  des 
termes  de  métier,  qui,  à  moins  de  preuve  du  contraire,  doi- 
vent être  tenus  pour  anciens. 

Nous  n'avons  que  très-peu  d'exemples  de  formations  ré- 
centes :  évalve,  épalpé,  époucê,  qui  appartiennent  à  la  termi- 
nologie de  l'histoire  naturelle,  sont  assurément  modernes;  de 
même  éhergement,  terme  des  ponts  et  chaussées.  M.  Scholle 
cite  [Programme,  p.  14)  un  verbe  parasynthétique  e/Jranger 
dû  à  M.  Reclus  [Rev.  des  Deux  Mondes). 

EN,  EM  devant  m,  b,p,  du  latin  in.  Cette  particule  se  préfixe 
aux  verbes  en  qualité  d'adverbe,  aux  noms  et  aux  adjectifs  en 
qualité  de  préposition.  Elle  se  combine  avec  des  noms  et  des 
adjectifs  pour  produire  des  parasynthétiques  verbaux  et  no- 
minaux. Les  quatre  procédés  ont  enrichi  la  langue  d'une  foule 
de  composés;  ils  sont  encore  aujourd'hui  vivants,  les  deux 
derniers  surtout. 

1.  s'embarbotter  :  «  Va  donc  et  ne  Vembarbotte  pas  comme 
tout  à  l'heure.  »  (Théaulon  et  Bayard,  le  Père  de  la  Débutante^ 
111,  4,  dans  Littré). 

emplanter,  proposé  par  Mercier  comme  mot  nouveau  :  «  La 
ronce  s'emplante  sous  le  rocher.  »  ;  cité  sans  exemple  dans  le 
Dict.  de  M.  Littré. 


—  138  — 

2.  A  la  liste  des  nombreux  composés  formés  de  la  préposi- 
tion en  et  d'un  régime,  la  langue  contemporaine  a  ajouté  en- 
dos^ terme  de  banque;  en-tout-cas,  ombrelle  pouvant  servir  de 
parapluie;  entrain,  contre  lequel  protestait  M.  Viennet'. 

3.  embander  :  «  Néologisme.  Envelopper  un  enfant  de  bandes, 
de  linges  très-serrés.  »  (Littré). 

embourgeoiser  (Littré,  supplém.).  «  Le  siècle  embourgeoisé 
s'énerve.  »  (Th.  Gautier,  le  Capit.  Fracasse,  XII). 

emparadiser  existait  au  dix-septième  siècle.  «  L'art  d'em- 
paradiser  les  âmes.  »  Tel  est  le  titre  d'un  ouvrage  édifiant  du 
temps.  M.  Gautier  l'a  recréé  d'après  l'anglais  : 

Comme  emparadisés  dans  Jes  bras  l'un  de  l'autre, 
Nous  ne  concevions  pas  d'autre  ciel  que  le  nôtre. 

{Prem.  poés.,  Albertiis,  IV.) 

Le  premier  vers  est  le  calque  littéral  de  ce  vers  de  Milton  : 

Imparadis'' d  in  one  another's  arms.  (P.  L.  iv,  506.) 

encast&riner.  M.  Saveney,  après  avoir  rapporté  l'opinion 
de  M.  Hœfer,  qui  voyait  des  constructions  de  castors  dans  les 
habitations  lacustres,  dit  que  M.  Meunier  combat  cette  opi- 
nion. «  M.  Meunier  presse  vivement  son  adversaire  et  ne  le 
quitte  enfin  que  quand  il  espère  lui  avoir  fait  regretter  de 
s'être  trop  légèrement  encastoriné.  »  (Cité  par  Scholle,  Pro- 
gramme, p.  14).  Le  mot  est  assez  mal  créé;  il  faudrait  en- 
castorer. 

encotonner:  «Je  ne  sais  pas...,  quand  l'ennemi  passe,  en- 
co/onner  ma  cloche.  »  (J.  'Y(û\bs,la  Bue,  à  un  rédacteur  en  chef). 

endiamanter  (Littré,  supplém.). 

englauder,  mot  populaire  actuellement  en  usage,  et  qui 
est  sans  doute  une  contraction  de  engluauder.  «  Au  marché 
on  a  voulu  m'englauder  pour  me  faire  dire  si  je  lui  voyais 
passer  sa  chemise.  »  (Balzac,  le  Père  Goriot). 

enrubanné  :  «  Ces  quatre  ou  cinq  personnages  coiffés , 
poudrés,  enrubannés,  qui  pendaient  au  mur  dans  leur  petit 
cadre  flétri.  »  (Droz,  les  Étangs,  p.  84).  «  Hercule  enrubanné 
file  aux  genoux  d'Omphale.  »  (Th.  de  Banville,  Odes  funamb.j 
La  ville  enchantée).  «  Fantasio  est  le  type  enrubanné  de  cette 
espèce  charmante.  »  (Veuillot,  Odeurs  de  Paris,  IV,  6). 

ensoleillé,  néologisme  fort  à  la  mode  aujourd'hui  et  qui  a 
remplacé  l'ancien  soleillé.  «  M.  Hugo  semble  ne  pouvoir  faire 
un  vers  prosaï(iue,  ni  se  servir  d'une  couleur  qui  ne  soit  aus- 

1.  Voir  plus  haut,  p.  25. 


—  139  — 

sitôt  ensoleillée.  »  (Veuillot,  Odeurs  de  Paris,  IV,  4).  «  Il  ne 
pouvait  manquer  de  récolter  sur  les  pentes  du  Sorata  des 
moissons  d'idées  et  d'images  tropicales,  et  d'en  rapporter  une 
palette  ensoleillée,  dont  il  répandrait  à  pleine  brosse  dans  son 
drame  les  éblouissantes  bigarrures.  «  (CherbuUiez,  Prosper 
Randoce,  Revue  des  Deux  Mondes,  15  août  1867,  p.  800;  dans 
SchoUe,  Archives  de  Herrig,  XLII,  p.  120). 

ensommeillé  :  «Voix  ensommeillée.»  (Perret,  cité  par  SchoUe, 
Programme,  p.  14.) 

enténébrer  :  «  (Je  vois)  la  Grèce  envahie ,  pénétrée  par  les 
sombres  dieux  de  l'Orient.  Qu'adviendra -t-il  du  genre  hu- 
main, si  le  pays  de  la  lumière  est  enlénéhré  de  leur  culte?  » 
(Michelet,  Bible  de  l'Humanité,  p.  327). 

entomber  :  «  Cette  famille,  qui  avait  semé  l'or,  selon  sa  de- 
vise, voyait  de  sa  gentilhommière  les  riches  abbayes  qu'elle 
avait  fondées,  et  qui  entombaient  ses  aïeux.  »  (Chateaubriand, 
Mémoires,  t.  I,  p.  29).  Ce  néologisme  serait  heureux,  s'il  ne 
faisait  songer  à  tomber  plutôt  qu'à  tombe. 

envagonner  (Littré,  supplém.). 
4.  Les  parasynthétiques  nominaux  qui  suivent  appartien- 
nent à  la  langue  de  l'administration.  Faut-il  y  voir  des  mots 
nouveaux?  Vraisemblablement. 

encellulement,  endivisionnement,  envasement.  Ajoutons  en- 
cravatement. 

ENTRE  se  combine  comme  adverbe  avec  des  verbes,  comme 
adverbe  et  préposition  avec  des  substantifs.  Il  ne  forme  pas 
de  parasynthétiques  verbaux ,  mais  peut-être  des  parasynthé- 
tiques nominaux. 

Les  formations  nouvelles  certaines  sont  rares.  Je  ne  puis 
citer  que  les  entrefilets  d'un  journal.  Ventre-voie  d'une  voie 
ferrée,  les  entretoises,  «  barres  de  fer  qui  servent  à  relier  les 
parois  latérales  du  foyer  des  locomotives  avec  l'enveloppe 
extérieure,  pour  pouvoir  résister  à  la  pression  de  la  vapeur.  » 
(Cousy  de  Fageolles,  Dictionnaire  des  chemins  de  fer.) 

Nous  n'avons  pas  trouvé  d'exemples  nouveaux  de  entre  con- 
struit avec  un  verbe;  peut-être  parmi  les  nombreux  composés 
que  M.  Littré  cite  quelques-uns  sont-ils  de  création  contem- 
poraine. 

Quoi  qu'il  en  soit,  cette  composition  est  pleinement  dans 
l'esprit  de  la  langue,  toujours  comprise  et  par  suite  toujours 
vivante. 


—  140  — 

MAL.  M.  Scholle  [Archives  de  Herrig,  t.  XLII,  p.  124)  cite 
cet  exemple  de  M.  Du  Camp  :  «  La  Seine  s'est  épurée,  elle 
a  rejeté  loin  de  ses  rives  tous  les  corps  d'état  malllairants  qui 
les  encombraient.  »  [Rev.des  D.  Mond.,  l"'  nov.,  1867,  p.  105). 

MES.  M,  Littré  au  Supplément  donne  mésestimation,  qui  doit 
être  un  mot  nouveau.  Pougens  [Vocab  )  propose  (.se)  méjuger, 
qui  paraît  dater  de  la  fin  du  siècle  dernier. 

MOINS,  voir  plus. 

NON  se  joint  aux  substantifs,  aux  adjectifs  et  aux  participes. 
«  En  cas  de  non-paiement.  »  (Gh.  de  Bernard,  les  Ailes  d'Icare, 
I,  4).  «  Nous  parlerons  d'abord  de  la  catégorie  des  non-pen- 
seurs. »  (L.  Desnoyers,  les  Béotiens  de  Paris).  «  Ce  n'est  pas 
tout  à  fait  l'homme,  mais  c'est  un  peu  mieux  que  le  bœuf; 
c'est  l'orang-outang  qui  a  reçu  le  baptême  et  qui  est  né 
non-velu,  et  a  fait  ses  études.  ^  (Id.,  ibid.)  Rappelons  une  for- 
mation qui  date  du  dernier  concile,  les  7ion-opportunistes.  Le 
non-'moi  et  le  non-être  nous  viennent  d'au  delà  du  Rhin,  avec 
la  philosophie  de  Fichte  et  de  Hegel. 

OUTRE  n'a  pas  formé  de  composés  nouveaux. 

PAR  entre  en  composition  dans  des  locutions  adverbiales, 
par-dessus,  par  contre,  par  à  peu  près.  Ces  locutions  peuvent 
devenir  des  substantifs.  Un  pardessus,  manteau  qu'on  met 
par-dessus  les  vêtements  ;  «  un  par  contre  3>,  terme  de  banque, 
«  négociation  de  lettres  ou  billets  de  change  contre  d'autres 
de  même  valeur.  »  (Sévy).  «  Forcé  d'accoucher,  coûte  que 
coûte,  à  la  seconde,  d'un  calembour  ou  d'un  sonnet,  d'un 
quatrain  piquant  ou  d'un  par  à  peu  près  inattendu.  »  (J.  Val- 
lès, la  Rue,  les  Galériens). 

POUR  est  également  peu  fécond.  PowHéc/ier  date  de  la  fin  du 
siècle  dernier;  j)ourtourner  est  moderne,  mais  il  est  tiré  de 
pourtour  d'après  tourner.  .Te  ne  vois  que  le  substantif  yjottr- 
cent  qui  soit  nouveau  ;  il  a  donné  un  dérivé  pourcentage. 

PLUS.  Plus-value  a  amené  son  correspondant  moins-value  : 
«  moins-value,  pour  pavage  non  fait  par  mètre  superficiel.  » 
[Prix  de  base  et  de  règlement  applicables  aux  travaux  de  bâti- 
ments, 1875-1876,  p.  120). 


—  141  — 

PRESQUE.  «  Par  néologisme  il  se  construit  avec  un  substan- 
tif. »  (Littré). 

Roulez  dans  vos  sentiers  de  flamme, 
Astres,  rois  de  l'immensité  ; 
Insultez,  écrasez  mon  àme 
Par  votre  presque  élevnité. 

(Lamartine,  Harmonies,  IV,  3.) 

La  langue,  moins  élégante,  des  journaux,  a  créé  la  presque 
unanimité,  la  presque  totalité,  la  presque  certitude.  Cette  con- 
struction, qui  a  son  point  de  départ  dans  presqu'île,  est  fort 
commode  et  très-usuelle.  Le  latin  qua^i  présente  le  même 
emploi  :  quasi-légitimité.  (Voir  plus  bas,  p.  228.) 

RE  possédait  en  vieux  français  les  acceptions  diverses  de 
répétition,  rétablissement  dans  le  premier  état,  augmenta- 
tion, réaction,  réciprocité,  opposition  '  ;  elles  se  ramènent 
toutes  à  l'idée  simple  d'opposition. 

De  nos  jours,  la  langue  commune  ou  littéraire  ne  connaît 
plus  que  la  première  de  ces  acceptions,  celle  de  répétition  ;  la 
langue  populaire  les  connaît  encore  toutes. 

Dans  la  langue  littéraire,  re  peut  se  préposer  à  tous  les 
verbes  indiquant  une  action,  quand  on  veut  marquer  l'itéra- 
tion, la  répétition  de  cette  action  ;  il  se  prépose  de  même  aux 
substantifs  exprimant  l'action  ou  le  résultat  de  l'action  qu'in- 
dique le  verbe.  Les  créations  individuelles  n'ont  ici  d'autres 
limites  que  celle  des  mots,  verbes  ou  substantifs,  qui  peu- 
vent recevoir  la  particule  re. 

Voici  quelques  exemples  pris  dans  la  langue  actuelle  : 

réadopter,  réarmer  (Littré,  si<^j3/ém.). 

réagenouiller  (G.  Sand,dans  Scholle,  Programme,  p.  16). 

rebadigeonner,  rebannir,  recalculer,  recarboniser  (Littré). 

reclasser  :  «  Déclassé,  je  ne  veux  pas  me  reclasser  ailleurs.  » 
(G.  Sand,  dans  Scholle,  Programme,  p.  16). 

redébattre  (Littré),  redéployer,  rediviser  (V.  Hugo,  Monté- 
gut,  dans  Scholle,  Programme,!^.  16). 

redormir  (Littré). 

réemboîler  le  pas  (E.  Souvestre,  dans  Scholle,  Programme, 
p.  16). 

réescompter  QÏ  réescompte  (Littré). 

1.  Voir  notre  Traité  de  la  formation  des  mots  composés  en  français,  p.  98. 


—   142  — 

réexposition  (Règlement  de  l'Exposition  universelle  de 
1867,  dans  Scholle,  Programme,  p.  16). 

réépouser  (E.  About,  V Infâme,  III). 

regalonner,  voir  dégalonner,  à  dé,  p.  d35, 

réincarcérer,  réincarcération  (Aylies  et  Rémusat,  Rev.  des 
Deux  Mondes,  dans  Scholle,  Programme,  p.  16). 

réincarnation  :  «  Retour  de  l'esprit  à  la  vie  corporelle.  » 
[Répertoire  du  spiritisme). 

réinventer  (Michel  Chevalier ,  Rev.  des  Deux  Mondes , 
P'  déc.  1867,  p.  531,  dans  Scholle,  ^rc/uves  de  Herrig,  t.  XLII, 
p.  126). 

réouverture,  réorganiser  (Littré) . 

renflouer,  mot  qui  paraît  pour  la  première  fois  dans  le 
Dictionnaire  de  marine  de  l'amiral  Willaumez  (1825)  et  qui 
paraît  être  un  composé  de  flot  [renflouer,  renfîoer,  =  remettre 
à  flot),  ce  Les  fédéraux  attendaient  alors  le  jour,  soit  pour 
essayer  de  renflouer  le  navire,  soit  pour  le  détruire  à  coups 
de  canon,  s'il  était  trop  enfoncé.  »  (De  Mars,  Rev.  des  Deux 
Mondes,  15  août  1865,  p.  782,  dans  Scholle,  Archives  de  Her- 
rig,  t.  XXXIX,  p.  435). 

ressaluer  :  «  H  fit  un  profond  salut,  se  retira,  fut  rappelé, 
ressalua.  »  (Veuillot,  Odeurs  de  Paris,  III,  4). 

retraverser  (Rémusat,  Revue  des  Deux  Mondes,  V  novem- 
bre 1866,  p.  10,  dans  Littré). 

retransplanter  (G.  Sand,  dans  Scholle,  Programme^ 
p.   16). 

Dans  tous  ces  exemples,  re  conserve  sa  signification  pleine 
et  entière  de  répétition;  c'est  ce  qui  distingue  sur  ce  point  la 
langue  commune  ou  écrite  de  la  langue  populaire.  Celle-ci 
prépose  volontiers  re  (r')  à  un  grand  nombre  de  verbes  ou  de 
noms  que  la  langue  littéraire  emploie  sous  la  forme  simple. 
«  Ainsi  le  peuple  emploie  rappeler  pour  appeler  :  il  a  perdu 
son  procès  et  il  en  a  rappelé;  resserre  pour  serre  :  il  faut  ren- 
trer les  fleurs  dans  la  resserre;  ramasser  pour  amasser  :  je 
suis  tombé  dans  la  rue  et  le  monde  s'est  ramassé  autour  de 
moi  ;  remplir  pour  emplir  :  il  faut  prendre  les  bouteilles  vides 
et  les  remplir;  remonter  pour  monter,  ma  montre  n'est  pas 
remontée,  etc.  Les  gens  du  peuple  placent  aussi  le  préfixe 
re  devant  certains  noms  et  certains  verbes  simples  dont  ils 
forment  des  noms  et  des  verbes  composés  que  répi'ouve  le 
bon  usage  de  la  langue  :  tels  sont^  par  exemple  :  rétameut, 


—  143  — 

rétamer^  récureur,  rêcaraf/Cy  récurer,  ramincir,  rapproprier, 
rassortir,  raiguiser,  renforcir,  au  lieu  de  étameur,  étanter, 
écureur,  curage,  écurer,  amincir,  approprier,  assortir,  aiguiser, 
671  forcir  *.  » 

Dans  ces  divers  composés,  la  particule  ajoute  une  nuance 
propre  aux  simples  :  dans  remonter,  raiguiser,  elle  indique  le 
rétablissement  dans  le  premier  état  :  la  montre  n'était  plus 
montée,  il  faut  la  remonter;  le  canif  n'était  plus  aiguisé,  il 
faut  le  raiguiser.  La  valeur  intensive,  augmentative,  est  sen- 
sible dans  rétamer,  récurer,  ren forcir.  Rappeler  n'ajoute-t-il 
pas  à  appeler  l'idée  de  réaction,  de  contre-action  ?  Resserrer 
pour  serrer,  rassortir  pour  assortir,  remplir  pour  emplir,  indi- 
quent une  opposition  entre  l'état  qui  résulte  de  l'action  expri- 
mée par  le  composé  et  l'état  antérieur.  Un  verre  empli  indi- 
que seulement  que  le  verre  n'est  pas  vide  ;  un  verre  rempli 
donne  à  entendre  qu'il  n'est  plus  vide.  Une  voiture,  dans  une 
rue  encombrée,  suivait  une  autre  voiture  :  la  première  s'arrête 
brusquement;  le  cocher  de  la  seconde  subit  le  contre-coup  et 
s'écrie  :  Il  s'arrête  et  il  ne  ravertit  pas  ! 

Cette  phrase,  entendue  à  Paris  ^  l'an  de  grâce  1876,  est,  à 
s'y  méprendre,  une  phrase  du  moyen  âge.  C'est  le  même 
emploi  de  re  que  dans  les  exemples  suivants  : 

Et  11  fil  Ganelon  et  Auboïn  et  Miles 
Sont  venus  au  palais  quant  la  messe  fut  dite; 
Devant  le  roi  jurèrent  si  que  François  l'oirent. 
Que  Garniers  vot  mordrir  le  roi  par  felonnie. 
Et  li  dus  rejura,  por  son  cors  escondire, 
Onkes  a  Karlemaine  ne  quist  mort  en  sa  vie. 

{Aye  (t Avignon,  vers  349  et  suiv.) 

Il  est  passé  avant,  mist  son  gage  en  présent, 
Dus  Naimes  le  repleige,  li  et  Miles  d'Aiglant. 

(Gui  de  Nanteuil,  vers  390,  391.) 

Lors  broche  le  cheval,  le  frain  abandonné, 
Et  Guis  relaissô  courre,  qui  n'i  a  demoré. 

(Gui  de  Bourgogne,  vers  2408,  2409.) 

La  tradition  de  la  vieille  langue  s'est  ainsi  conservée  intacte 
jusqu'à  nos  jours  dans  la  langue  populaire. 

L'emploi  de  re  présente  le  plus  souvent  des  niiances  si  déli- 

1.  Agnèl,  Dé  Vinfluerice  du  langage  populaire  sw  la  forme  de  la  langue 
française,  p.  2; 
2>  Par  Mi  Gaston  Paris. 


—  144  — 

cates  que  dans  l'esprit  du  peuple  elles  disparaissent,  et  que 
la  particule  devient  souvent  explôtive  :  de  là  ces  nombreux 
composés  en  re  r',  qui  finissent  par  mettre  hors  d'usage  et 
abolir  les  simples.  Emplir  disparaît  devant  remplir,  épandre 
devant  répandre,  apetisser  devant  rapetisser;  mercier  a  disparu 
devant  remercier,  encontrer  devant  rencontrer,  alentir  devant 
ralentir,  éjouir  devant  réjouir  '.  De  nos  jours,  il  appartient  à 
la  langue  écrite  de  se  prémunir  conlre  cette  tendance  souvent 
abusive  de  la  langue  populaire,  et  de  maintenir  autant  que 
possible  l'intégrité  des  droits  du  mot  simple  ^ 

SANS  ne  se  combine  qu'avec  des  noms,  en  qualité  de  prépo- 
sition :  un  sans-souci.  Compositions  nouvelles  :  Les  sans- 
culottes;  du  sans-gêne.  «  Le  sans-gêne  princier  donne  un  pri- 
vilège d'essai,  et  une  personne  ducale  s'amuse  où  un  bourgeois 
se  perdrait.  »  (Y.  Hugo,  l'Homme  qui  rit,  II,  i,  3). 

SOUS  se  combine  soit  avec  des  verbes  :  sou-peser,  sou-rire,  il 
est  alors  adverbe  ;  soit  avec  des  substantifs  ou  adjectifs,  dans 
ce  cas  il  peut  être  adverbe  [sous-préfet,  sous-maître)  ou  prépo- 
sition [sou-coupe).  Il  forme  également  des  parasynthétiques 
nominaux  [sou-bass-ement) ,  mais  non  des  parasynthétiques 
verbaux. 

Les  composés  suivants  sont  de  formation  récente  : 

1.  sous-amender,  sous-déléguer,  sous-diviser,  sous-limiler,  etc. 

2.  a  :  sous-amendement,  sous-arrondissement,  sous-azotate, 
et  tous  les  termes  de  chimie  analogues,  sous-centre,  sous-chef, 
sous-classe,  sous-colline,  sous-directeur,  sous-genre,  sous-jupe, 
sous-préfecture,  sous-préfet,  sous-pression,  sous-titre. 

b  :  sous-bois,  sous-main,  sous-sol. 

3.  Les  parasynthétiques  de  formation  nouvelle  appartien- 
nent à  la  langue  savante,  quoiqu'ils  ne  soient  pas  incompa- 
tibles avec  la  formation  populaire.  Ils  présentent  un  caractère 
spécial  que  nous  avons  déjà  remarqué  plus  haut%  et  qu'ils 
doivent  à  leur  mode  de  formation.  Ils  consistent  dans  la 
combinaison  de  la  préposition  avec  un  adjectif;  mais, 
tandis  que,  dans  l'adjectif  simple,  la  terminaison  adjectivale, 

1.  Cf.  Agnel,  op.  cit.,  p.  4. 

2.  11  n'y  a  pas  de  mal  quand  le  simple  prend  une  signification  spéciale  à  côté 
du  composé  :  amasser  et  ramasser,  courir  et  recourir,  tenir  et  retenir.  Il  y  a 
môme  là  véritable  enrichissement. 

3.  P.  131. 


—  145  — 

en  s'ajoutant  au  substantif  radical,  le  change  en  adjectif  [la- 
custre =  lac  +  ustre),  dans  les  parasynthétiques,  par  le  seul 
fait  du  rapprochement  de  la  préposition  et  de  l'adjectif,  celui- 
ci  se  décompose  en  ses  deux  éléments;  le  premier,  le  sub- 
stantif, devient  logiquement  le  régime  de  la  préposition,  et  le 
second,  le  suffixe,  détermine  non  plus  le  substantif  simple, 
mais  le  composé  formé  par  la  préposition  et  le  substantif  [sous- 
lac -\-uslre=  qui  est  sous  lac  :  kabitations  sous-lacustres). 

Ainsi  sont  formés  de  nombreux  composés  modernes  :  sous- 
axillaire,  -clavier j  -costal,  -cutané,  -dorsal,  -épineux,  -géné- 
rique, -lombaire,  -marin,  -maxillaire,  -périoste,  -sternal,  etc. 
Ils  appartiennent  à  la  langue  populaire  ou  commune  par  la 
préposition,  à  la  langue  savante  par  l'adjectif  qui  le  plus  sou- 
vent a  la  forme  latine.  Que  l'on  compare  sous-genre  et  son 
dérivé  sous-générique,  et  l'on  saisira  la  différence  des  deux 
procédés  de  formation.  Sous-genre  est  de  formation  française  ; 
sous-générique  est  semi-latin. 

SUR  se  combine  avec  des  verbes  en  qualité  d'adverbe  [sur- 
abonder], avec  des  noms  en  qualité  d'adverbe  [surabondance) 
ou  de  préposition  (surtout).  Il  produit  également,  comme 
sous,  des  parasynthétiques  d'adjectifs. 

Mots  nouveaux  : 

1.  surchauffer,  terme  scientifique  qui  s'emploie  déjà  au 
figuré  :  «Notre  dix-neuvième  siècle,  surchauffé,  troublant, 
trop  plein  d'idées.  »  (Daudet,  Jack,  I,  g  9.)  «  Ces  temps  de  vie 
rapide,  surchauffée  et  comme  instinctive,  avaient,  il  est  vrai, 
supprimé  dans  la  vie  humaine  ce  qu'on  nomme  au  théâtre 
des  longueurs.  »  (J.  Claretie,  le  Beau  Solignac,  1876,  1,  162.) 

surélever  (Littré) . 

surexciter  :  «  Ils  échangèrent  quelques  œillades  rapides,  de 
ces  regards  qui  résument  par  leur  éloquence  sensuelle  toute 
une  scène,  tout  un  drame  de  passion  surexcitée.  »  (G.  Sand, 
Le  dernier  Amour,  III.)  «  Sa  petite  imagination  que  surexci- 
tait la  fièvre  de  la  course  était  dominée  par  la  crainte.  »  (Dau- 
det, Jack,  I,  §  7.) 

surexhausser  :  «  Ces  rhizopodes  qui,  de  leurs  petits  man- 
teaux, ont  fait  leur  part  des  Apennins,  surexhaussé  les  Cordi- 
llères. »  (Michelet,  la  Mer,  2"  édit.,  p.  130.) 

surincomber  (Scholle,  Programme,  p.  17),  sursaturer. 

2.  surchauffe,  surcroissance,  suroffre,  surépaisseur,  surélé- 
vation (des  rails),  surenchère,  sur  fusion,  survaleur. 

10 


—  146  — 

Il  n'existe  pas,  à  notre  connaissance,  de  composés  nou- 
veaux où  sur  soit  préposition. 

3,  surcostal,  surépineux,  surlaryngien. 

SUS,  du  latin  susum,  était  en  vieux  français  préposition  et 
adverbe  :  «  Devant  l'autel  sus  les  degrez.  »  {Benoît,  v.  25,228). 
«  Li  princes  n'est  pas  sus  la  loi,  mes  la  loi  est  sus  le  prince.  » 
(Le  livre  de  jostice,  6.)  —  «  Pois,  sunt  muntet  sus  el  palais 
altisme.  »  [Roland,  2708.) 

Dans  la  langue  populaire,  sus  a  conservé  en  composition 
cette  double  valeur.  Il  est  préposition  dans  les  composés 
techniques  sus-bande,  sus-bec,  sus-pied;  il  est  adverbe  dans 
susdit,  susmentionné,  susdénommé,  susnommé,  susrelaté.  De 
nos  jours  la  langue  savante  a  utilisé  cette  dernière  formation 
en  créant  des  parasynthétiques  analogues  à  ceux  que  donne 
sous,  c'est-à-dire  où  sus  est  préposition  :  sus-carpien,  sus- 
coccygien,  sus-épineux,  sus-hépatique,  sus-hyoïdien,  sus-maxil- 
laire, sus-métatarsien,  sus-nasal,  sus-orbitaire,  sus-pubien,  sus- 
scapulaire,  sus-sphénuïdal,  etc. 

TRÈS  ne  s'emploie  plus  que  devant  des  adjectifs,  comme 
signe  du  superlatif. 


CHAPITRE    X. 

COMPOSITION    PROPREMENT   DITE. 

Le  caractère  essentiel  de  la  composition  proprement  dite  est 
Vellipse;  la  composition  est  une  union  intime  de  mots  dont 
la  combinaison  présente  à  l'esprit  une  idée  nouvelle  que  ne 
fournissent  pas  les  éléments  composants  pris  à  part.  Le  jux- 
taposé arc-en-ciel  n'exprime  à  l'origine  rien  de  plus  que  cha- 
cun des  trois  termes  arc,  en,  ciel.  Le  composé  timbre-poste  pré- 
sente non-seulement  l'idée  de  timbre  et  celle  de  poste,  mais 
encore  la  notion  — non  exprimée  —  d'un  rapport  de  dépen- 
dance unissant  poste  à  timbre. 

En  laissant  de  côté  la  juxtaposition  soit  simple,  soit  trans- 
formée par  la  synecdoque  ou  la  métaphore  dont  il  a  été  parlé 
plus  haut*,  et  la  composition  par  particules  dans  ce  qu'elle 

1.  Voir  p.  12b-l28. 


—  147  — 

olïre  de  tout  à  fait  spécial',  nous  avons  pour  la  composition 
proprement  dite  les  formations   suivantes  ; 

1.  Composition  par  apposition  :  chou-fleur j  proprement  c/iou 
qui  est  une  fleur. 

2.  Composition  dont  le  premier  terme  est  une  préposition, 
le  second  un  substantif  ou  un  infinitif  régi  par  cette  préposi- 
tion :  Or-compte^  pourboire. 

3.  Composition  dont  le  premier  terme  est  un  adverbe,  le 
second  un  substantif  :  arrière-cour,  contr'ordre. 

k.  Composition  avec  génitif  ou  datif  :  timbre-poste. 

5.  Composition  d'un  nom  et  d'un  verbe  qui  le  régit  :  col- 
porter. 

6.  Composition  d'un  verbe  (à  l'impératif)  et  d'un  nom  qui 
en  est  régi  :  porte-plume. 

De  ces  diverses  sortes  de  compositions,  la  seconde  et  la 
troisième  se  forment  à  l'aide  de  particules;  nous  les  avons 
étudiées  dans  le  chapitre  précédent  aux  prépositions  à,  après, 
arrière,  avant,  contre,  de,  en,  entre,  par,  sans,  sous^  stts,  et  sur. 
La  cinquième  a  disparu  de  la  langue.  Il  ne  nous  reste  donc 
qu'à  considérer  la  composition  par  apposition,  la  composition 
avec  génitif  ou  datif,  et  la  composition  avec  impératif.  La  lan- 
gue contemporaine  leur  donne. un  remarquable  développe- 
ment. 

§  1.  Composition  par  apposition. 

Cette  formation  repose  sur  la  faculté  que  le  substantif  pos- 
sède, dans  notre  langue,  comme  dans  les  autres  langues 
romanes,  de  prendre  le  rôle  de  l'adjectif*.  C'est  ce  précieux 
avantage  qui  fait  de  la  composition  par  apposition  une  mine 
inépuisable  de  mots  nouveaux.  Elle  date  du  latin  populaire  et 
on  en  suit  la  trace,  de  siècle  en  siècle,  à  travers  la  lan- 
gue du  moyen  âge  et  la  langue  moderne.  De  nos  jours  elle 
a  reçu  une  extension  considérable  par  suite  du  puissant  déve- 
loppement du  commerce  et  de  l'industrie.  Elle  a  été  utilisée 
pour  dénommer  ces  innombrables  inventions,  fécondes  ou 
stériles,  éphémères  ou  durables,  où  se  manifeste  l'incessante 
activité  de  notre  époque  positive,  et  dont,  pour  la  plupart,  la 

1.  La  formation  des  parasynthétiques  nominaux  et  verbaux. 

2.  Voir  plus  haut,  p.  59. 


—  148  — 

Description  des  brevets  *  nous  offre  le  volumineux  état 
civil. 

Nous  avons  feuilleté  cette  collection  afin  d'y  prendre  sur  le 
fait  la  création  des  mots  nouveaux,  avec  la  date  précise  de  leur 
naissance  ;  afin  d'y  voir  les  ressources  que  les  inventeurs  trou- 
vent dans  la  langue  pour  dénommer  leurs  inventions.  Que  les 
noms  qu'ils  ont  trouvés  aient  eu  vie  ou  qu'ils  aient  succombé 
avec  les  inventions  auxquelles  ils  étaient  attachés,  ils  n'en 
témoignent  pas  moins  de  l'activité  du  langage;  les  noms 
étaient  viables:  les  inventions  seules  étaient  mort-nées,  et 
celles-ci  ont  entraîné  les  autres  dans  l'oubli  et  le  néant. 

Voici  une  série  de  noms  formés  par  apposition  désignant  des 
objets  : 

«  accotoirs-dormeuses  propres  à  toutes  les  voitures.  »  (Bre- 
vets, 1836;  A,  XLi,  p.  218.) 

asphalte-planche  (1849;  B,  xvi,  2). 

«  baignoires  malléables  et  élastiques,  dites  baignoires-dor- 
meuses. »  (1827  ;  A,  XXXVI,  78.) 

«  baignoire  à  réservoir  dite  baignoire-serre.  »  (1821;  A,  x, 
367.) 

«  mouvement  perpétuel  dit  balancier-moteur,  ventilateur.  » 
(1828;  A,  xxiii,  185.) 

balles-obus  (1840;  A,  lvi,  473), 

bas-jarretières  (1823;  A,  xxvii,  53). 

«  instrument  de  musique  dit  basse-trompette.  »  (1810;  A,  v, 
354.) 

bateaux-cloche  (1845;  B,  ii,  253). 

bateau-mouche  et  par  abréviation,  moins  usité,  mouche. 
C'est  l'anglais  ftyboat. 

«  bateau-rabot,  propre  à  creuser  les  ports.»  (1833;  A,  l, 
133.) 

«  machine  dite  bateaur-voiture  aérien,  aquatique,  terrestre.» 
(1827;  A,  xxxviii,  435.) 

i< boîtes-livres  destinées  aux  collections  d'histoire  naturelle.» 
(1838;  A,  XLiv,  57.) 


1.  La  collection  se  compose  de  deux  séries  :  la  première  contenant  la  descrip- 
tion des  brevets  pris  depuis  l'année  1791  jusqu'à  l'année  1844  ;  nous  la  désignons 
par  A.  La  seconde  série  (B)  commence  en  1844,  avec  la  nouvelle  loi  sur  les  bre- 
vets d'invention,  et  se  continue  jusqu'à  nos  jours.  Nous  nous  sommes  surtout  servi 
des  nombreuses  et  utiles  tables  générales  qui  complètent  les  deux  collections. 
Cf.  plus  haut,  p.  43,  n.  1. 


—  149  — 

bouchon-tampon  (1851;  B,  xix,  366). 
bouée-pompe  (1846  ;  B,  vu,  180). 

«  procédé  de  fabrication  d'un  nouveau  genre  de  chandelles 
dîtes  bouyies-chandell es.  »  (1835;  A,  xxxvii,  204), 
briquet-lanterne, 

«  brosse-démêloir.  »  (1842;  A,  lvii,  238). 
«  buffet-commode,  buffet-étagère.  »  (prospectus   d'un    mar- 
chand de  meubles,  1876). 
café-concert  (voir  toutefois,  p.  167). 
canapé-sofa-lit  [ISkb]  B,  iv,  58). 
candélabres-affiches  {lS3b]  A.,  xliv,  409). 
«  canne-éventail-écran  dite  baguenaudine.»  (1829;  A,  xxvii, 
216.) 

«  carton-cuir  imperméable,  dit  cuir  factice.  »  (1837;  A,  xliv, 
80.) 
carton-pierre  {Boiiin,  Ann.  du  commerce,  1876,  p.  773). 
chapeaux-cachemires  (1844;  A,  liv,  112). 
charrette-semoir  (1836;  A,  xlv,  174). 

charrue-semoir  (1832;  A,    xxxv,  278;   cf.  Mém.   de   la  Soc. 
royale  d'Arras,  1834,  p.  182). 

«  chaufferette  dont  la  chaleur  est  entretenue  par  une  petite 
lampe  dite  chaufferette-lanterne  à  six  fins.  »(1815  ;  A,  viii,351.) 
cheval-vapeur,  terme  de  physique  et  de  mécanique. 
«  fabrication  de  clous-chevilles.  »  (1840;  A,  393.) 
«  clysettes-seringues-bouteilles.  »  (1838;  A,  xliv,  71.) 
col-cravate. 

colle-fécule  (1845;  B,  ii,  237). 
commode-toilette [\8hb]  B,  vi,  6). 

«  instrument  de  précision  dit  compas-triangle.  »  (1832;  A, 
xxxii,  229.) 

compteur-mesureur  des  liquides  (1839;  A,  xli,  183). 
corsage-fourreau,  yoir  robe-fourreau.  * 

■   ^t- corset-cuirasse,  propre  à  redresser  les  difformités.  »  (1834  ; 
A,  XLI,  237). 

coton-poudre. 

«  lampe  de  nuit  dite  coupe-veilleuse.  :>i  (1828;  A,  xxii,  44.) 
«  voiture  dite  coupé-cabriolet.  »  (1831;  A,  xxxii,  121.) 
cravate-écharpe  (Catalogue  des  magasins  du  Louvre,  dé- 
cembre 1876). 

cnble-tarare  {I8k9 ;  B,  xiii,  328). 

«  croiseur-compteur,  applicable  au  dévidage  des  soies.  » 
(1838;  A,  XLiii,  200.) 


—  150  — 

«  nouvelle  cuve-grilloir  (pour  brasser  la  bière).»  (1829; 

A,  XXVIII,  330.) 

dentelle-torchon  (Catalogue  des  magasins  du  Louvre,  dé- 
cembre 1876). 

élastiques-ressorts  (1825;  A,  xxxii,  27). 

encrier-filtre  (1840;  A,  lui,  438). 

étrille-cure-pied  (1844;  B,  i,  238). 

fauteuils-crapauds  (Prospectus  d'un  magasin  de  meubles, 
décembre  1876). 

fauteuil-lit  (Catalogue  des  magasins  du  Louvre,  déc.  1876). 

fichu-coiffure,  fichur-mantille  (ibid.). 

filtre-charbon  (1838;  A,  l,  249). 

fusil-harpon  (1834;  A,  Lv,  33). 

guitare-basson, -harpe, -lyre  (A,  1826,  xxi,  163;  1825,  xxi, 
43;  1811,  VI,  263). 

herse-rateau  (1848;  B,  xii,  337). 

jupe-cage  ou  crinoline. 

lampe-bocal,-theière, -modérateur  (1844;B,  ii,  44;  1831;  A, 
xxxiil,  109;  1845;  B,  m,  172). 

«  lanterne-fonte  propre  à  éclairer  les  cavaliers.»  (1839;  A, 
LUI,  168.) 

lavabos-toilettes  (Bottin,  1875,  p.   1136). 

levier-frein  {lSk9  ]  B,  xviii,  76). 

lit-canapé, -divan, -f.auteuil,-toilette    (A,    1849,    xviii,   76; 

B,  1846,  VI,  201;  ix,  93;  iv,  58;  m,  230). 

«  machine  dite  loup-batteur.  »  (1833;  A,  xxxviii,  185). 

K  poulies  mains-douces.  »  (1848;  B,  xiv,  180). 

orgue-orchestre  (1834;  A,  xli,  235). 

ouate-laine  (1847;  B,  xii,  317). 

ourdissoir-dévideur,  -plieur[k,  1824,  xxix,  62;  xxxvii,  288). 

«  C'était  le  paletot-sac  taillé  dans  un  manteau  d'aïeul.  » 
'  (J.  Vallès,  la  Rue,  la  Messe  de  Listz.) 

paliers-graisseurs  (Bottin,  1875,  p.  1260). 

moule  à  ziguTtiits,  papier-tube  (  ibid.,  p.  1318). 

papier-brouillard,  -granit,  -marbre,  -monnaie, -tenture. 

parasol-ombrelle  (  1 837  ;  A,  xlvi,  330).   * 

patins-souliers  (1816;  A,  ix,  79). 

peignes-parures  (1838;  A,  xliv,  70). 

laines  peignées- filées  (Bottin,  1875,  p.  1128). 

photographie-carte,  photographie-vignette.  —  On  dit  aussi 
poHrviit-carte. 

piano-lyre  (1849  ;  A,  xlvii,  203). 


—  151  — 

pistolets-tabatières  (1835;  A,  xxxvi,  253). 

pont-bascule  (Cousy  de  FageoUes,  Dict.  des  chem.  de  fer). 

portrait-dépêche.  «  Les  portraits-dépêches  de  la  justice,  » 
titre  d'un  BiTticle  du  Petit  Journal  {n°  du  5déc.  1876),  sur  un  nou- 
veau système  de  dépêches  contenant,  avec  le  signalement,  le 
portrait  des  malfaiteurs  poursuivis  par  la  justice.  Dans  cet 
article,  je  trouve  encore  les  composés  :  dépêches-photographies, 
papier-dépêche. 

pupitre-chevalet  (1840;  A,  lvi,  153). 

rail-digue  de  halage  (1838;  A,  li,  154). 

«  Cet  hiver  les  femmes  porteraient  encore  les  robes-four- 
reavjx....  On  continuera  à  porter  les  corsages- fourreaux.  »  [Ré- 
publique  française  du  mardi  31  octobre  1876,  p.  3,  col.  1). 

roue-moteur  à  palettes  (1841  ;  A,  liv,  317). 

rouet-moissonneur  (1844;  B,  i,  15). 

sabot-brodequin  (1845  ;  B,  vi,  5). 

sabot-galoche  (Bottin,  1875,  p.  1027). 

semoir-plantoir  (1829;  A,  xxviii,  286). 

silencieuse-expéditive ,  nom  d'une  nouvelle  machine  h 
coudre. 

«  espèce  de  socque,  dite  soque-agrafe.  »  (1833  ;  A,  xxxiv,  55). 

souliers-chaussons  :  «Vêtu  avec  le  laisser-aller  du  vaude- 
villiste, le  sous-chef  portait  un  pantalon  à  pied,  des  souliers- 
chaussons,  un  gilet  mis  à  la  réforme,  une  redingote  olive  et 
une  cravate  noire.  «  (Balzac,  les  Employés,  éd.  de  1856,  p.  242.) 

sphère-horloge  (1829;  A,  xxvii,  204). 

stores-annonces  (1845  ;  B,  iv,  187). 

toilette-commode,  voir  commode-toilette. 

tables-consoles  (1849;  B,  xv,  144). 

table  de  nuit-chiffonnier,  table  de  nuit-vide-poches  cintrée. 
(Prospectus  d'un  magasin  de  meubles,  déc.  1876). 

tamis-bluteau  (1830;  A,  xxx,  363). 

tente-abri,  * 

tissu^filet  en  caoutchouc  (1837;  A,  xliv,  94). 

tordoir-ourdissoir  (1816;  A,  ix,  80). 

trottoirs-ruisseaux  {I8k\;  A,  Liv,  114). 

turbine-hélice  (1845;  B,  m,  11). 

verre-marbre, verre-vitre  (A,  1839, xlvi,  305;  1827, xxii,  363). 

«  ^witure-guérite,  voiture  surmontée  d'une  guérite  dans 
laquelle  se  tient  la  vigie  ou  le  conducteur,  chargé  de  surveiller 
le  train.  (C.  de  Fageolles,  Dict.  des  chem.  de  fer). 

voiture-nacelle  (1840;  A,  lvi,  366)» 


—  152  — 

voitures-saluns  (G.  de  Fageolles,  Dict.  des  chem.  de  fer). 

wagon-cuisine,  etc.  «  En  dehors  du  wagon-table  d'hôte,  du 
wagon-cuisine,  du  wagon-glacière  ou  l'on  prépare  les  sorbets, — 
comme  il  y  en  a  sur  la  plupart  des  chemins  de  fer  américains 
d'une  certaine  étendue, — le  railway  du  Grand-Pacifique  pos- 
sède un  wagon-imprimerie  avec  bureau  de  rédaction,  etc.  » 
{République  française,  28  oct.  1876,  p.  k,  col.  5.) 

wagons-freins.  Wagons  spéciaux  sur  les  plans  inclinés 
destinés  à  porter  des  freins  (G.  de  Fageolles,  Dict.  des  chem. 
de  fer). 

Voici  maintenant  des  composés  du  même  genre  désignant 
des  personnes  : 

«  Artiste-danseur ,  artiste-comédien,  artiste-ventriloque, 
artiste-violon;  et  on  a  été  sur  le  point  de  dire  l'artiste  Montes- 
quieu, l'artiste  BufFon  ;  mais  le  règne  du  mot  artiste  vient  de 
finir  depuis  le  procès  des  artistes- poulaillers  de  La  Flèche  in- 
tenté aux  artistes-poulaillers  du  Mans.  »  (Mercier,  Néol.). 

bijoutiers-garnisseurs-tablettiers  (Bottin,  1875,  p.  710). 

chimistes-experts  (Id.,  992). 

chinoiseur-bamboutier,  triple  néologisme  (1876)  renfermant 
deux  dérivés  nouveaux  et  un  composé. 

commissionnaires-entrepositaires  (Bottin,  1875,  p.  909). 

courtiers-gourmets  (Id.,  887). 
«  Etienne  Lavouste,  dit  Sept-Épées ,  le  coutelier-armurier.  » 
(G.  Sand,  la  Ville  Noire,  I.) 

couvreurs-entrepreneurs  (Bottin,  1875,  p.  901). 
«  Mardi  24  novembre,  réunion  mensuelle  des  ouvriers  cou- 
vreurs-plombiers-zingueurs  au  siège  social.  »  {Petit  Journal  ^ 
lundi  13  nov.  1876). 

épinglier-grillageur  (Littré,  supplém.). 

fteuristes-j'ardiniers,  grainier s- fleuristes,  herniaires-banda- 
gistes,  horlogers-pierristes  (Bottin,    1041   et   1079,    1041,    683 
1316). 

jardiniers-fleuristes  (Id.,  1066  et  1107)/ 

joailliers-sertisseurs,  justificateurs -typographes  (Id. ,  1394, 
1126). 

layetiers-emballeurs,  libraires-éditeurs. 

marbriers-sculpjteurs  (Bottin,  1173). 

menuisiers -modeleurs,  -parqueteurs^  -rampistes,  -treilla- 
geurs  (Id.,  1214,  1280,  1356,  1458). 


—  153  — 

métreurs-vérificateur)^,  mouleurs- figuristes^'pastilleurs-fuju- 
risles  (Id.,  1466,  1220,  1286). 

poêliers-fumistes  (Id.  1327). 

sculpteurs-statuaires,  -marbriers,  -ornem,anistes  (Id.,  1383, 
1173,  1384). 

«  chambre  syndicale  des  ouvriers  tourneurs-décolteurs  [sic) 
sur  métaux.  »  [Petit  Journal,  1876). 

On  comprend  qu'une  composition  aussi  féconde  ne  reste  pas 
confinée  dans  la  langue  spéciale ,  et  qu'elle  pénètre  dans  la 
langue  littéraire.  Les  exemples  en  sont]  nombreux  ;  en  voici 
quelques-uns  : 

a  amour-goût  plutôt  qu'amour-passion.  »  (Claretie,  le  Beau 
Solignac,  1876,1,  270). 

«Qui  peut  prévoir,  deviner  l'histoire  de  cette  goutte  d'eau? 
—  Plante  -  animal,  animal-plante,  qui  le  premier  doit  en  sor- 
tir? »  (Michelet,  la  Mer,  2«  édit.,  p.  116). 

«  L'upas,  arbre-poison,  dont  l'ombrage  est  mortel.  »  (Barthé- 
lémy, Némésis,  à  M.  d'Argout). 

«  C'est  un  bric-à-brac  de  rimailles  ;  vrais  vers  d'un  artisan- 
poëte.  »  (Veuillot,  Odeurs  de  Paris,  u,  5). 

«  Sa  doctrine  (de  Buffon)  est  un  mélange  de  conceptions 
incohérentes  où  l'on  voit  passer  tour  à  tour  la  bête-machine^ 
la  bête- sentiment,  la,  bête-intelligence.  ->  (Damas-Hinard,  Revue 
critique  et  bibliographique,  1864,  p.  28). 

«  Ce  monstre....  aurait  un  corps  énorme,  des  bras-suçoirs 
épouvantables,  de  vingt  ou  trente  pieds  peut-être.  »  (Michelet, 
la  Mer,  p.  200). 

«  Le  bureau  -  capharnaiim.  »  (G.  Debans,  Revue  de  France, 
1876,  p.  270). 

«  Aussi  clairement  que  prédit  la  pluie  le  capucin-thermomè- 
tre. »  (G.  de  Bernard,  les  Ailes  d'Icare,  ii,  6). 

«  Il  n'y  a  pas  de  seigneur  et  maître  sous  le  règne  de  la 
charte-vérité.  »  (Id.,  ibid.,  i,  5). 

«  Le  vent  à  chaque  instant  les  retourne  [les  méduses);  alors, 
leurs  cheveux-nageoires  étant  par-dessus,  elles  flottent  à  l'a- 
venture. »  (Michelet,  la  Mer,  p.  105). 

Le  grand-duc  donne  un  bal  à  la  cité-cadavre. 
(Barthélémy,  Némésis,  Varsovie.) 

La  Grèce  n'offre  plus  que  des  cités-squelettes. 
(Barthélémy,  Némésis,  Vltalie.) 


—  154  — 

Tu  n'as  pas  (ô  ma  Muse).... 

Fait  surgir  à  ta  voix  les  colonnes-affiches. 

(Th.  de  Banville,  Evohé,  sat.  i.) 

Les  dieux-titans  avec  les  satyres  champêtres. 

|(Th.  de  Banville,  la  Cithare,  Paru.  Contemp.,  i.) 

Venez,  courtiers-marrons  de  la  diplomatie. 
(Barthélémy,  Némésis,  Lyon.) 

«  Fonctionnaires  -  entonnoirs.  »  (Victor  Tissot,  Revue  de 
France,  31  oct.  1876,  p.  165.) 

(Voyez) 
Les  Tom-Pouces  âgés  de  quatre  centimètres 
Le  lézard-violon,  le  hanneton-verrier. 

(Th.  de  Banville,  Evohé,  sat.  i.) 

«  Sous  ce  gouvernement-caporal  et  sous  cette  constitution- 
consigne,  tout  marche  militairement.  »  (V.  Hugo,  Napoléon  le 
Petit,  11,  10). 

«  Il  eut  l'idée  de  faire  promener  le  nom  si  laborieusement 
forgé  sur  les  épaules  et  la  poitrine  de  V homme-affiche.  »  (Th. 
Gautier,  les  Jeune  France,  1833,  p.  151). 

Vhom/me-chèvre  ébloui  regarde  ses  pieds  nus. 

(V.  Hugo,  Légende  des  siècles,  I,  le  Satyre.) 

«  Première  espèce  de  non-penseurs  :  Vhomme-jocko;... 
deuxième  espèce  :  V homme -pen^oquet;...  troisième  espèce  : 
l'homme- vautour....  Dans  cette  foule  vous  distinguez  une 
millième  espèce  de  non-penseurs....  c'est  V homme-autruche.  » 
(L.  Desnoyers,  les  Béotiens  de  Paris). 

«  Homme-mémoire,  chargé  de  mettre  en  musique  les  cou- 
plets, d'arranger  les  chœurs  et  les  morceaux  d'ensemble,  de 
les  chanter,  de  les  superposer  à  la  situation.  »  (Balzac,  les 
Employés,  édit.  de  1856,  p.  243). 

«  Marcher  au  plafond,  la  tête  en  bas,  comme  Vhomme-mou- 
che  du  Cirque.  »  (H.  Babou,  lettre  à  Th.  de  Banville ,  Revue 
française,  1«'  avril  1857). 

«  Eugène  Sue  a  fait  de  Léonidas  Requin  l'histoire  amusante 
et  lamentable  d'un  fort  en  thème  qui,  après  avoir  été  un  lau- 
réat des  luttes  universitaires,  en  est  réduit  au  métier  bizarre 
d'homme-poisson.  »  (J.  Vallès,  la  Rue,  Proudhon). 

Brise  V homme-sépulcre,  ô  France,  ressuscite  (V.  Hugo,  Châtiments). 
«  Il  avait  rêvé  son  vieux  rêve  discordant  des  lézards-pois- 


—  155  — 

sons,  des  dragons  volants,  le  règne  effrayant  des  reptiles.  » 
(Michelet,  la  Mer,  p.  238). 

On  ne  sait,  en  entrant  dans  leurs  maisons-tanières, 
Si  l'on  voit  des  enfants  ou  bien  des  lionceaux. 

(V.  Hugo,  la  Légende  des  siècles,  2«  série,  le  Cid  exilé.) 

f.  Du  côté  de  Mayence  rayonne,  étincelle  et  verdoie  la  (a.- 
mense  plaine-paradis  qui  couvre  leRhingau.  —  La  Nahe  (ri- 
vière),  qui  arrive  tranquille  et  lente,  sort  de  dessous  \e  potit- 
limite.  »  (V.  Hugo,  le  Rhin,  Bringen.) 

«  Les  lophies,  qui  doivent  vivre  souvent  accrochées  aux  ro- 
chers, ont  des  nageoires-mains  qui  rappellent  le  poisson  moins 
que  la  grenouille.  »  (Michelet,  la  Mer,  p.  227). 

Ils  tombèrent  frappés  par  le  peuple-jvry. 

(Barthélémy,  Némésis,  Chambre  des  Députés.) 
Sublime  d'impudeur,  reine  du  peuple-roi. 

(Barthélémy,  Némésis,  à  M.  Casimir  Périer.) 

«  Je  ne  vois  dans  le  Nord  que  des  serfs  avilis,  que  des  peu- 
ples-troupeaux dont  se  jouent  de  grands  propriétaires. «  (Mer- 
cier, Néologie.) 

«  Vénérez,  quoi  qu'il  fasse,  quiconque  a  ce  signe,  la  prunelle- 
étoile,  hdi prunelle-ombre  est  l'autre  signe.  »  (V.  Hugo,  les  Mi- 
sérables, t.  VI,  p.  56,  édit.  princ). 

Elle  me  révélait,  en  style  financier. 
Que  le  Roi^Citoyen  était  mon  créancier. 

(Barthélémy,  Némésis,  le  Timbre.) 

«  Tant  d'inquiétude  et  de  gène  avait  mis  un  froid  excessif 
dans  ce  repas-illusion.  »  (A.  Daudet,  Jack,  ii,  §  6). 

«  Ils  ne  racontaient  aucun  procès  criminel,  n'entamaient 
aucun  roman- feuilleton.  »  (Veuillot,  Odeurs  de  Paris,  n,  1). 

«  Dans  ce  sépulcre-enfer,  que  faisaient-ils  ?  »  (V.  Hugo,  les 
Misérables,  IV,  vu,  2). 

«  Il  ressemblait  beaucoup  à  ces  sacristains-bedeaux-sonneurs- 
suisses-fossoyeurs-chantres  de  village,  que  l'on  prend  pour  des 
fantaisies  de  caricaturiste  jusqu'à  ce  qu'on  les  ait  vus  fonc- 
tionnant. »  (Balzac,  les  Employés,  p.  210). 

«  Il  fît  des  découvertes,  s'avança  hardiment  avec  un  traîneavr- 
barque  qui  tour  à  tour  flottait  ou  passait  les  glaçons.  »  (Mi- 
chelet, la  Mer,  p.  309). 

M.  V.  Hugo,  dans  ses  Contemplations  et  dans  les  poésies  qui 


—  156  — 

les  suivent,  a  usé  et  abusé  de  ce  genre  de  composition,  dont 
il  a  modifié  quelque  peu  le  caractère,  lise  plaît  en  effet  à  com- 
biner deux  mots  dont  l'un  est  abstrait,  l'autre  concret,  ou 
dont  l'un  est  employé  par  métaphore.  Nous  avons  signalé  cet 
emploi  dans  notre  Traite  de  la  formation  des  mots  composés*, 
auquel  nous  nous  permettons  de  renvoyer  le  lecteur. 

§  2.  Compositions  avec  génitif  ou  datif 
[com,posés  de  dépendance). 

Le  plus  riche  procédé  de  formation  des  mots  composés  en 
allemand  et  en  anglais  est  celui  qui  consiste  à  combiner  deux 
termes,  dont  le  premier  est  uni  au  second  par  un  rapport  de 
dépendance  :  blockaus,  feldspath,  hundszahn,  landsmanti, 
landwehr,  wagenmeister,  — •  beefsteak,  coimtrydance,  railway, 
roastbeef,  waterproof,  etc.  Cette  sorte  de  composition  est  à  peu 
près  inconnue  aux  langues  romanes  :  de  là  Tinfériorité  rela- 
tive qu'elles  présentent  comparées  aux  langues  germaniques, 
et  le  reproche  qu'on  leur  fait  d'être  incapables  de  créer  des  mots 
composés.  En  réalité  elles  ne  sont  impuissantes  qu'à  former 
des  composés  de  dépendance  où  le  premier  des  deux  termes 
est  régi  par  le  second.  L'allemand  dit  Korrespondenz-Karte 
pour  désigner  ce  que  nous  appelons  carte  postale  :  la  Suisse 
traduit  ce  mot  en  français  et  en  fait  carte-correspondance,  en 
intervertissant  les  deux  termes.  La  construction  germanique 
en  effet,  toute  synthétique,  est  contraire  à  l'esprit  analytique 
des  langues  romanes  ;  et  nous  ne  pouvons  dire  chambre- fille, 
chambre-femme,  comme  nos  voisins  d'outre-Rhin  ou  d'outre- 
Manche  disent  Haus-magd,  housemaid,  «  fille  de  maison,  ser- 
vante^ ». 

Cette  impuissance,  toutefois,  n'est  pas  absolue.  Nous  avons 
montré  ailleurs  '  que  le  vieux  français,  langue  à  demi  synthéti- 
que, a  formé  des  composés  qui  rappellent  la  composition  ger- 
manique. Un  procédé  fort  usité  au  moyen  âge  a  été  celui 
où  un  nom  propre  est  suivi  de  ville  :  Adanville,  Ancerville, 
Charleville,  Courville,  Banville,  etc.  Cette  formation  est  encore 
vivante.  En  Algérie,  on  a  fondé  Affreville,  Géry ville,  Orléans- 


1.  Page  244  ,  et  note  2. 

2.  Cf.  notre    Traité  de  la  formation  des  mots  composés,  p.  139,  note  2,  et 
p.  24.^,  248. 

3.  Cf.  notre  Traité  de  la  formation  des  mots  composés,  p.  51. 


—  157  — 

ville,  Philippevilley  etc.  Elle  s'est  même  étendue  dans  la  lan- 
gue familière  des  camps  :  le  quartier  du  camp  réservé  aux 
marchands  ou  mercantis  *  qui  accompagnent  les  colonnes  en 
expédition  a  reçu  le  nom ,  quelque  peu  épigrammatique ,  de 
Friponville*,  et  le  quartier  de  Paris  qu'occupent  aujourd'hui 
les  chiffonniers  a  été  baptisé  par  les  profanes  du  nom  de  Chif- 
fonville. 

Mais  cette  formation  de  noms  composés  est  trop  restreinte, 
et  ne  s'applique  qu'à  un  ordre  de  faits  trop  spécial  pour  qu'on 
puisse  l'ériger  en  procédé  général  de  composilion. 

La  mode  anglaise,  la  fashion,  a  introduit  dans  la  langue  un 
petit  nombre  de  composés  anglais  ou  imités  de  l'anglais. 
Paris-A  rchitecte ,  Paris-Caprice ,  Paris-Journal ,  Paris-Pro- 
gramme, Paris-Spectacle,  Paris-Théâtre,  Comic- finance,  Di- 
manche-Programme, sont  autant  de  titres  de  revues  ou  jour- 
naux qui  existaient  ou  existent  encore  à  Paris  '.  Paris-Expo- 
sition était  le  titre  d'un  Guide  à  Paris  durant  l'Exposition  de 
1867.  Certains  bureaux  de  la  Compagnie  des  chemins  de  fer 
de  l'Ouest  ont  reçu  le  nom  de  Ouest- factage.  L'anglais  South- 
American,  N or th- American,  est  traduit,  par  nos  publicistes  : 
Sud-A méricain,  Nord- A inéricain . 

Cette  composition  est  également  restreinte,  et  quoique  la 
mode  anglaise,  l'imitation  de  la  gentry  soit  toujours  de  bon 
goût,  cependant  cette  formation  de  mots  n'a  pas  pénétré,  ne 
peut  pénétrer  dans  la  langue.  Toute  synthétique,  elle  est  con- 
traire à  l'esprit  analytique  du  français  moderne. 

Mais  tournons-nous  d'un  autre  côté  et  ne  dédaignons  pas 
de  fixer  notre  attention  sur  un  certain  genre  de  phrases  où, 
avec  la  meilleure  volonté  du  monde,  on  ne  saurait  voir  de  la 
littérature  :  nous  parlons  de  la  littérature  de  prospectus  et 
d'annonces.  Un  catalogue  de  marchands  est  utile  à  consulter, 
même  pour  un  philologue  ;  le  style  des  affiches,  aux  regards 
de  la  philologie,  a  sa  valeur,  tout  comme  l'idiome  populaire  et 
la  langue  des  classiques. 

Or,  en  considérant  la  syntaxe  de  ces  annonces,  on  est  frappé 
d'un  fait,  c'est  la  facilité  avec  laquelle  sont  supprimées  les 
prépositions  marquant  les  rapports  de  dépendance.  A,  de,  en 
ont  à  peu  près  totalement  disparu  d'un  certain  genre  de  phra- 


1.  De  mercanti,  pluriel  de  l'italien  mercante. 

2.  Je  tiens  ce  détail  de  M.  Bauquier. 

3.  Cf.  Courrier  de  Vaugelas,  18T0,  n°  15. 


—  158  — 

ses.  Qu'on  en  juge  par  les  suivantes,  prises  à  des  catalogues 
de  magasins  de  nouveautés. 

«  Costume  en  soie  et  laine,  grande  garniture  effilé^  »  c.-à-d. 
grande  garniture  en  effilé.  «  Costume  'percale  à  volant,  garni 
camaïeux,  avec  application  broderie,  »  c.-à-d.  costume  en  per- 
cale à  volant,  garni  de  camaïeux  avec  application  en  broderie. 
«  Plissés  cretonne  grosses  teintes  avec  dépassant  ou  broderies 
blanches,  »  c.-à-d.  [jupons]  plissés  en  cretonne  à  grosses  teintes 
avec  [bordure]  dépassant  ou  broderies  blanches.  «  Vêtement  ca- 
chemire double,  piqué,  ouaté,  capitonné  soie,  motifs  passemen- 
terie, bordé  fourrure,  »  c.-à-d.  vêtement  de  [ou  en)  cachemire 
double,  piqué,  ouaté,  capitonné  de  soie,  avec  motifs  de  passe- 
menterie, bordé  de  fourrure  ^  Quelles  phrases  barbares,  mons- 
trueuses! Et  cependant,  à  la  réflexion,  on  doit  se  dire  que  de 
pareilles  ellipses,  pour  être  possibles,  ne  doivent  pas  être 
contraires  à  l'esprit  de  la  langue. 

Ces  phrases  de  télégramme  supporteraient-elles,  par  exem- 
ple, l'inversion?  Les  directeurs  des  magasins  du  Louvre  s'avi- 
seraient-ils d'écrire  :  «  Vêtement  cachemire, passewen^ene  mo- 
tifs, fourrure  bordé?  »  Non,  assurément. 

Et,  de  fait,  ce  qui  choque  surtout  dans  ces  phrases,  c'est  l'ac- 
cumulation des  ellipses.  Chacune  prise  séparément  est  sup- 
portable :  costume  percale,  jupon  cretonne,  n'ont  rien  qui 
étonne;  cretonne  grosses  teintes  n'est  pas  plus  étrange  que  habit 
marron.  Il  faut  donc  en  conclure  que  la  suppression  de  la 
préposition  n'est  pas  contraire  à  l'esprit  du  français  ^ 


1.  Deux  lignes  plus  bas  dans  ce  même  catalogue  des  Magasins  du  Louvre,  je 
lis  :  «Joli  paletot,  etc.,  entièrement  bordé  de  fourrure.  »  Ici  la  préposition  est 
présente.  C'est  que  dans  bordé  fourrure,  bordé  et  fourrure  sont  des  sortes  de 
thèmes  représentant  l'idée  d'une  façon  absolue;  ce  ne  sont  pas  des  mots,  des  par- 
ties du  discours.  Mais  dès  que  entièrement  détermine  bordé,  celui-ci  reprend  sa 
valeur  de  participe;  redevenu  une  forme  grammaticale,  il  régit  grammaticale- 
ment bordure,  et  le  rapport  grammatical  de  rection  qu'indique  la  préposition  de 
doit  être  exprimé.  Exemple  curieux,  qui  prouve  combien  sont  instinctives  les  lois 
qui  régissent  la  langue.  Assurément  l'employé  qui  a  rédigé  ces  phrases  n'avait 
pas  la  moindre  idée  du  travail  d'analyse  qui  préside  à  la  formation  de  ces  deux 
expressions. 

2.  Nous  ne  parlons  pas  de  la  construction  syntactique  où  un  nom  propre  de  per- 
sonne au  génitif  dépend  d'un  nom  (pii  le  précède  :  rue  Saint- Jacques,  affaire  Cle- 
menceau, fauteuil  Voltaire,  elc.  Voirnotre  Traité,  etc.,  p.  50.  Nous  ne  parlons  pas 
non  plus  de  la  construction  propre  aux  termes  désignant  des  couleurs.  Dans  notre 
Traité  (p.  122,  note  3),  nous  distinguions  trois  cas  :  1 .  Nom  commun  d'objet  coloré 
devenant  nom  de  couleur  :  habit  marron;  2.  nom  commun  d'objet  coloré  déter- 
minant un  nom  de  couleur  :  brun  marron;  3.  adjectif  désignant  une  couleur  ou 
un  ton  et  déterminant  un  autre  adjectif  désignant  une  couleur  :  brun  foncé.  Ces 
distinctions  sont  plus  apparentes  que  réelles.  Dans  les  constructions  piopres  à  ces 


—  159  — 

Voici  une  liste  des  composés  qui  ne  peuvent  s'expliquer  que 
par  l'ellipse  d'une  préposition  : 

des  abris-vent,         c'est-à-dire 
des  cartes-correspondayice, 
du  carton-paille, 


le  cas-sujet, 

le  cas-régime, 

(/es  c/a/Z'/'es-toxe  (Littré,  suppl.  ) , 

des  cravates-dentelle  (Cat.mag. 

du  Louvre), 
des  fauteuils-médaillon  (ibid.), 
r  homme-canon, 
V  homme-chandelle , 
de  la  laitue-chêne, 
la  malle-poste, 
des  livrets-police, 
des  mandats-poste, 
des  portraits-carte, 
(les  premiers-Paris, 
des  timbres-poste, 
des  timbres-quittance, 
des  trains-^oste, 


des  abHs  du,  contre  le  vent, 
des  cartespouT  correspondance* . 
du  carton  de  paille,  fait  avec 

de  la  paille, 
le  cas  du  sujet, 
le  cas  du  régime, 
des  chiffres  de  taxe, 
des  cravates  de  dentelle. 

des  fauteuils  à,  avec  médaillon, 
l'homme  au  canon  *. 
VhoTume  à  la  chandelle^, 
de  la  laitue  à  [feuille  de)  chêne, 
la  malle  de  la  poste, 
des  livrets  de  la  police, 
des  mandats  sur  la  poste  *. 
des  portraits  sur  carte 
premiers  [articles]  sur  Paris. 
des  timbres  de  ou  pour  la  poste, 
des  timbres  de  ou  pour  quittance, 
des  trains  de  la  poste. 


Ces  composés  sont  de  création  récente.  Ont-ils  été  précédés 
par  quelques  formes  analogues  qui  leur  aient  servi  de  mo- 

sortes  de  noms,  nous  voyions  le  résultat  de  synecdoques;  il  y  a  en  réalité  pure- 
ment et  simplement  suppression  de  la  préposition  de.  Soit  l'expression  étoffe 
marron  ou  étoffe  brun  marron;  la  phrase  complète  est  étoffe  de  la  couleur  d'un 
brun  de  marron.  Elle  peut  s'abréger  en  étoffe  couleur  d'un  brun  de  marron, 
étoffe  couleur  brun  de  marron,  étoffe  brun  de  marron,  étoffe  brun  marron.  Si 
l'idée  ne  porte  pas  sur  brun,  on  dira  étoffe  marron,  c'est-à-dire  étoffe  de  couleur 
m,arron,  étoffe  de  la  couleur  du  m,arron.  Si,  au  lieu  de  caractériser  la  couleur 
brune  en  la  comparant  à  celle  du  marron,  on  veut  eu  déterminer  la  nuance,  on 
aura  étoffe  brun  foncé,  c'est-à-dire  étoffe  couleur  brun  foncé,  étoffe  de  la 
couleur  d'un  brun  foncé. 

1.  Carte  postale,  dans  la  Suisse  romande;  voir  p.  156. 

2.  Vigneron,  l'homme-canon,  telle  est  l'affiche  qu'on  lisait  naguère  sur  les 
murs  de  Paris.  Ce  Vigneron  portait  sur  son  épaule  un  canon  chargé  que  l'on  fai- 
sait partir.  L'expression  homme-canon  ne  i)eul  s'analyser  homme  (/ui  est  un  ca- 
non, mais  homme  à  canon.  Pour  faire  une  apposition,  il  eût  fallu  dire  l'homme- 
affût,  c'est-à-dire  l'homme  qui  sert  d'ailùt,  qui  est  unaiïûl. 

3.  Nom  donné  par  le  Petit-Journal  à  un  voleur  qui,  dans  ses  exploits,  avait 
pour  tout  instrument  une  chandelle.  Le  compte  rendu  des  débats  a  pour  titre 
i' Homme-chandelle.  {Petit-Journal  du  2  oct.  1876). 

4.  L'administration  des  postes  dit  toujours  :  mandai  sur  la  poste;  les  commer- 
çants disent  :  mandat-poste. 


—  160  — 

dèle? Parmi  les  composés  cités  dans  notre  Traité  à  la  page  136, 
on  peut  rappeler  appui-main,  appui-cot  et  palfer  qui  sont  an- 
ciens. Suffisent-ils  à  expliquer  la  formation  nouvelle?  nous 
ne  le  pensons  pas.  Il  faut  y  voir  une  extension  de  l'apposi- 
tion. 

Nous  avons  remarqué  ailleurs  *  que  dans  certains  composés 
qui  paraissent  présenter  une  apposition  le  rapport  des  deux 
termes  n'est  pas  si  clair  qu'on  n'y  puisse  voir  un  rapport  de 
subordination  plutôt  que  de  coordination.  Un  café-concert 
est-il  un  café  qui  est  un  concert  ou  un  café  à  concert?  Un  ro- 
man-feuilleton est-il  un  roman  qui  est  en  même  temps  un 
feuilleton  ou  un  roman  de  feuilleton?  A  la  faveur  de  ces  for- 
mes obscures,  indécises,  d'autres  composés  prennent  le  cadre 
de  l'apposition  sans  y  avoir  droit;  car  les  deux  termes  n'y  sont 
plus  sur  un  pied  d'égalité,  mais  le  premier  régit  le  second. 
Cette  composition  par  apposition  est  si  féconde  et  si  riche,  que 
dans  la  foule  des  composés  qu'elle  embrasse  des  intrus  arri- 
vent à  prendre  place,  et  à  élargir  encore  ses  cadres.  On  dit 
fauteuils-crapauds  :  pourquoi  se  refuser  fauteuils-niédaillon? 
On  dit  broderie-dentelle  :  pourquoi  ne  dira-t-on  pas  cravate- 
dentelle  ?  Carton-pierre  (dur  comme  la  pierre)  amène  fatalement 
carton-paille  (fait  de  paille)  ;  timbre-cachet  amène  timbre-poste. 
La  forme  emporte  le  fond  *, 

Dans  notre  Traité  de  la  formation  des  mots  composés,  nous 
émettions  l'hypothèse,  téméraire  en  apparence,  que  la  com- 
position de  dépendance  pourrait  prendre  racine  dans  notre 
langue.  Un  examen  plus  approfondi  des  faits  nous  convainc 
que  cette  hypothèse  est  depuis  longtemps  en  voie  de  se  réa- 
liser. La  langue  s'enrichit  d'une  formation  nouvelle  que  lui 
imposent  les  nécessités  du  commerce  et  de  l'industrie.  Ceux-ci 
ont  besoin  d'expressions  courtes,  dégagées  autant  que  pos- 
sible de  prépositions  gênantes  et  le  plus  souvent  inutiles. 
Ils  trouvent  l'apposition  qui  leur  fournit  un  cadre  tout  pré- 
paré, et  se  l'approprient  au  point  de  la  transformer. 


1.  Traité,  etc.,  p.  138. 

2.  Le  cadre  de  l'apposition  est  trouvé  si  commode  qu'on  y  fait  entrer  des  com- 
posés qui  n'ont  même  rien  à  démôler  avec  les  composés  de  dépendance.  Dans  les 
expressions  suivantes:  la  gare  de  Paris-Ceinture,  la  ligne  de  Paris-Strasbourg, 
Vomnibus  de  Bastille-Madeleine,  l'Alsace-Lorraine,  étoffe  coton-laine,  point-vir- 
gule, ï  tréma,  c  cédille,\&?,  deux  termes  sont  unis  logiquement  par  la  conjonction 
et.  La  rapidité  du  langage  la  supprime  d'autant  plus  volontiers  que  la  suppression 
a  pour  résultat  une  expression  de  forme  connue,  familière. 


—  161  — 

Toutefois  ne  nous  y  trompons  pas  :  cette  composition  de 
dépendance  a  ses  limites  indiquées  par  la  nature  même  de 
l'apposition  ;  celle-ci  réunit  presque  toujours  des  éléments  con- 
crets, la  composition  de  dépendance  ne  peut  non  plus  porter 
que  sur  des  éléments  matériels:  «  livret-poVice ,  mandat- 
poste,  crtW^-correspondance,  /m6re-quittance,  etc.  «  Nous  n'ar- 
riverons pas  à  dire  le  pays-ancêtres  pour  traduire  Vaterland. 
Mais  encore,  maintenue  dans  ces  limites,  la  composition  do 
dépendance  peut  rendre  de  grands  services  à  la  termino- 
logie des  arts,  de  l'industrie,  du  commerce,  de  l'adminis- 
tration; et  il  faut  y  voir  un  heureux  enrichissement  de  la 
langue\ 

§  3.  Composition  avpc  l'impératif. 

Il  nous  reste  ;\  considérer  un  procédé  de  composition  qui 
est  également  d'une  fécondité  remarquable:  c'est  le  procédé 
auquel  on  doit  les  composés  tels  que  porte-feuille ,  serre-pa- 
piers. Nous  avons  démontré  ailleurs  que  dans  ces  sortes  de 
mots  le  verbe  était  primitivement  à  la  seconde  personne  de 
l'impératif  {porte-feuille  =  va,  porte  les  feuilles)  ;  que  la  res- 
semblance, dans  la  plupart  de  ces  composés,  de  l'impératif 
avec  la  troisième  personne  de  l'indicatif  présent,  a  amené  à  y 
voir  ce  dernier  temps  {porte-feuiWe  —  ce  qui  porte  les  feuilles^  ; 
que  cette  erreur,  due  à  la  confusion  des  formes  grammatica- 
les, a  été  aidée  par  une  fausse,  mais  inévitable,  analyse  logi- 
que de  ces  composés  ;  que  de  nos  jours,  quand  l'on  crée  de 
nouveaux  composés  par  voie  d'analogie  [porte-monnaie^ 
serre-papiers,  etc.),  on  y  met  d'instinct  l'indicatif  présent,  et 
non  l'impératif,  mais  que  le  plus  souvent  les  formations  non 
analogiques  contiennent  l'impératif  (un  décroche-moi  ça,  un 
venez-y  voir)  ^. 

1.  Oii  voit  par  notre  analyse  que  rinlluence  ani^Iaisc  sur  ce  nouveau  développe- 
ment de  la  composition  de  dépendance  est  nulle.  Aucun  des  mots  cités,  pas  même 
malle-poste,  ei  liinbre-pusle,  n'est  imité  de  l'anglais;  un  seul  est  allemand,  et  celui-là 
intervertit  Tordre  des  termes  suivi  par  l'allemand,  carlc-correspondance;  co 
qui  montre  combien  ce  développement  est  spontané,  original.  11  avait  son  germe 
dans  certaines  tendances  de  la  langue  ;  ce  germe  a  grandi  et  poussé  quand  le 
milieu  est  devenu  favorable. 

2.  Voir  notre  Traité,  p.  147-177.  M.  A.  Boucberie,  dans  la  récension  qu'il  fait 
de  cet  ouvrage  {Revue  des  langues  romanes,  1876,  novembre,  p.  267  et  suiv.), 
combat  cette  tbéorie,  et  en  propose  une  autre  d'après  laquelle  l'impéralif  caciie  im 
thème  verbal.  Le  thème  ne  doit  pas  être  considéré  dans  son  isolement,  mais  dans 
ses  rapports  de  syntaxe  ou  de  composition  avec  d'autres  mots.  Trouble,  thème  du 
vi'iU-  trniiltler.  peut,  selon  les  parties  du  discours  auxquelles  il  est  assnrii'.  di'\p- 

11 


—  162  — 

Nous  avons  montré  également  que  cette  composition 
Temonte  aux  premiers  temps  de  la  langue  et  n'est  pas,  comme 
quelques-uns  l'ont  cru,  d'origine  germanique;  qu'elle  a  fourni 
ti  la  littérature  et  à  l'onomastique  du  moyen  âge  un  nombre 

nir  tour  à  tour  substantif  (le  trouble),  a.àjeclU  (de  l'eau  trouble),  verbe  [un  trou- 
ble-fête).  I,e  thème  verbal  est  une  sorte  de  participe  présent  dépouillé  de  sa  ter- 
minaison et  pouvant  comme  lui,  selon  l'occurrence  et  le  voisinage,  rester  verbe, 
devenir  nom  ou  adjectif.  Dans  nos  composés  ce  terme  doit  se  présenter  naturelle- 
mont  sous  une  forme  aussi  courte  que  possible,  mais  rester  telle,  qu'on  sache  dès 
labord  si  elle  appartient  à  la  première  conjugaison  ou  à  une  autre.  Or  il  se  trouve 
que  c'est  l'impératif,  T  personne  du  singulier,  qui  satisfasse  à  cette  condition. 
Mais  cet  impératrf  n'a  que  la  forme  et  non  la  fonction  de  l'impératif;  c'est  nn 
thème  déguisé  sous  l'impératif. 

Ce  thème,  du  moment  qu'il  entre  en  composition  avec  des  mots  ayant  une  si- 
gnification propre,  comme  dans  nos  composes,  reprend  au  contact  de  ces  com- 
pléments sa  valeur  verbale,  et  est  capable  d'avoir  un  sujet  [broute-biquet),  un 
complément  direct  [essuie-7naîn) ,  circonstanciel  [trotte-menu),  tandis  que,  com- 
biné avec  des  suffixes,  sans  signification  précise,  le  thème  reste  réduit  à  sa  f  lus 
sèche  expression  [funda-menlum,  fonde -ment). 

Telle  e-.t  l'ingénieuse  théorie  que  M.  Boucherie  oppose  à  la  nôtre.  Mais,  sans 
parler  des  difficultés  qu'en  présente  l'application  à  l'espagnol,  difficultés  dpre 
M.  Boucherie  ciierchc  à  tourner  sans  grand  succès,  elle  repose  sur  un  principe 
certainement  erroné.  Il  est  inexact  de  dire  que  le  thème  préexiste  aux  parties  du 
discours  qui  le  renferment.  Il  n'a  pas  existé,  par  exemple,  de  thème  gard  ou 
garde,  d'où  seraient  sortis  garder,  garde,  gardeur,  gardien.  Mais  de  garder  ont 
été  tirés  successivement  gardeur,  garde,  gardien,  et  ce  n'est  qu'après  coup  que 
la  comparaison  des  divers  membres  de  la  famille  amène  à  concevoir,  par  abstrac- 
tion, l'idée  générale  de  thème.  Le  thème  n'est  pas  le  principe  premier  d'où  dé- 
roulent les  mots,  c'est  la  généralisation  vers  laquelle  ils  convergent,  il  ne  faut 
point  porter  dans  l'étude  du  langage  les  doctrines  métaphysiques  qui  placent,  à 
l'origine,  des  concepts  abstraits,  sources  de  toutes  réalités.  Le  langage  part  des 
idées  concrètes,  et  marche  graduellement,  d'analogies  en  analogies,  à  la  conquête 
(les  idées  générales. 

Dans  le  cas  particulier,  on  ne  peut  comprendre  que  le  thème,  au  contact  de  cer- 
tains mots,  devienne  tour  à  tour  nom,  adjectif,  verbe.  Parce  qu'il  se  trouve  suivi 
d'un  complément  dans  trouble-fcle,  il  redeviendra  verbe?  Mais  fête  ne  peut  être 
complément  qu'autant  que  trouble  est  déjà  verbe;  car  qu'est-ce  que  le  coniplé- 
riie-it  d'un  thème?  autrement  on  tombe  dans  un  cercle  vicieux  :  fêle,  complément 
du  thème  trouble,  le  change  ert  verbe,  et  trouble,  devenu  verbe,  régit  fête.  Vou- 
loir analyser  directement  ces  formes,  sans  en  remonter  le  développement  histo- 
rique, c'est  aller  volonlaireinent  au-devant  de  l'erreur.  En  fait,  les  composés  au- 
jourd'hui usuels,  créés  par  l'analogie,  sert-c-lête,  pr case-papiers,  etc.,  ont  été 
formes  sur  le  modèle  A'épitkètes  du  moyen  âge,  qui,  appliquées  aux  hommes, 
devenaient  généralement  des  noms  propres  ou  des  sobrifiuets ,  et  appliquées 
aux  objets  ,  sont  devenues  des  noms  communs.  Or,  la  formation-  de  ces  épi- 
Ihètes  s'explique  historiquement  el  logiquement  par  l'impératif,  et  comme  la 
forme  grammaticale  primitive  est  incontestablement  l'impératif,  qu'ainsi  la  signi- 
fication de  l'impératif  concorde  avec  la  forme,  nous  ne  voyons  aucune  raison  d'a- 
bandonner la  théorie  que  nous  avons  exposée.  —  Aux  exemples  de  l'impératif 
cités  dans  notre  Traité,  nous  pourrions  en  ajouter  d'autres,  recueillis  depuis  : 
nous  nous  contenterons  des  suivants  :  ïlaimericus  Fac-Malum  (Marchangy, 
Chartes  angevines,  avril  1077,  Bibliothèque  de  l'École  des  chartes,  187.'),  p.  406); 
Silvcster  'Pela  viciuum  (ibid.,  1094,  p.41.V);  Gisleberto  Gardarobam  (ibid.,  1146, 
p.  434);  (}u'cst-(ce),  vau  denier?  fSae  alez-vons  querant?  (I)oon  de  Mnyeiice, 
v.  81). 


—  163  — 

considérable  de  noms  propres  pittoresques  et  expressifs,  et 
un  certain  nombre  de  noms  communs  ;  que  la  Pléiade  a  essayé, 
non  sans  succès,  de  créer  dans  cette  voie  des  épitiiètes  poéti- 
ques à  la  manière  des  épithètes  homériques,  et  que,  depuis  la 
fin  du  seizième  siècle,  elle  a  été  abandonnée  par  la  littérature 
comme  trop  vulgaire  et  trop  familière. 

Nous  allons  voir  maintenant  le  sort  qui  lui  est  fait  dans  la 
langue  contemporaine. 

Disons  tout  d'abord  que  l'industrie  et  le  commerce  y  trou- 
vent une  mine  inépuisable  de  dénominations  simples,  nettes 
et  commodes  pour  les  mille  inventions,  les  mille  objets  nou- 
veaux qu'ils  mettent  incessamment  en  circulation.  On  en  peut 
juger  par  la  liste  suivante,  tout  incomplète  qu'elle  est  : 

bourrelets)  abat-bruit,  froid  et  poussière  (propectus  d'un 
fabricant  de  bourrelets,  plinthes,  etc.,  1874). 

aide-w,émoire  (Règlement  de  l'Exposition  universelle  de 
1867). 

borde-plats,  bouche-bouteilles  {cité  par  SchoUe,  Prograrmne, 
p.  13))  brise-lames,  brise-glace. 

brûle-parfums  :  «  Des  aspirateurs,  des  inhalateurs,  des 
brûle-parfums.  55  (Daudet,  Jack,  III,  §  2). 

brûle-tout  (chandelier)  (Descript.  des  brevets,  1822;  A, 
XIV,  354). 

cache-ne^,  cache-peigne,  cache-pot  (Bottin,  1875,  p.  759), 

chasse^pierre  (Gousy  de  Fageolles,  Dict.  des  chem.  de  fer). 

[papier)  chasse-punaises  (Bottin,  p.  1263). 

chasse-navette  (1829  ;  A,  xxvi,  273). 

chasse-neige  [SchoWe,  Programme,  p.  14). 

[cheminées)  cliau/fe-assiettes  (1849;  B,  xv,  12). 

(livres)  classe-feuilles  (Bottin,  p.  836). 

classe-vak'urs ,  pour  maisons  de  banque,  etc.  (Bottin, 
p.  836). 

compte-gouttes  (Littré,  supplém.). 

coupe-cigares  (Bottin,  p.  1318). 

coupe-file,  permission  du  préfet  de  police,  médaille  de 
sénateur,  de  député,  etc  ,  qui  autorise  à  passer  avec  sa  voi- 
ture avant  toutes  celles  qui  sont  obligées  de  prendre  la  file 
pour  se  rendre  à  une  réception  officielle. 

coupe-mariage  (dans  une  filature)  (1845  ;  B,  iv,  211). 

couvre-bouclwns  (1837  ;  A,  xlvii,  305). 

enfile-aiguille  (1850;  B,  xvii,  309). 


—  164  — 

étire-camhre-lige  (18i±5;  B,  iv,  59). 
ferme-persiennes  (1846;  B,  x,  110). 
ferme-portes  (Bottin,  p.  1000). 

«  instrument  portatif  dit  fixe-longe^  avec  son  billot,  pour 
attacher  les  chevaux,  etc.  »  (1823;  A,  xxvi,  14). 
fixe-serviette  (Bottin,  p.  1003). 
«  machine  dM^^  force-lumière.  »  (1805  ;  A,  m,  232). 
«  fabrique  à  Vienne  de  pipes  et  fume-cigares^  etc.  »  (Bot- 
tin, p.  1318). 

garde-frein  (Cousy  de  Fageolles,  Dict.  des  chem.  de  fer). 
«  instrument  propre  à  réunir  tous  les  papiers  qui  par 
leur  petite    dimension  peuvent   s'égarer,  dit  garde-notes.  » 
(1810;  A,  VI,  129). 

guide-baguettes  pour  les  métiers  muU-jenny  (1845;  B, 
V,  152). 

guide-pied  pour  la  mesure  (musique)  (1845;  B,  m,  203). 
«   machine    hache-paille    et    concasseuse  de   grains.    » 
(1839;  A,  un,  216). 

hache-viande  (Bottin,  p.  1055). 

man^e-at'omc  mécanique  ,  'man(/e-/'om  mécanique  (1838; 
A,  XLiii,  10). 

monte-charges^  -plats  (Bottin,  1053,  1219). 
monte-ressorts  (d'armes  à  feu)  (1826;  A,  xxxviii,  218). 
paracrotte,  parafeu,  parafoudre,  paraglace,  paragrêle  *. 
pèle-légumes  (1850;  A,  xvii,  264). 

pèse-lettres,  -nitre  (Scholle,  Programme,  p.   16,  Littré , 
supplém.). 

pique-feu  (pour  attiser  le  feu  d'une  chaudière  de  loco- 
motive, d'un  poêle,  etc.). 

porte-allumettes  (Bottin,  p.  13361. 


].  Dans  notre  Traité  de  la  formation  des  mots  composes,  nous  avions  adopté 
l'explication  de  M.  Littré,  qui  décompose  ces  mots  en  pare,  à,  et  feu,  glace,  etc. 
Feu  M.  Meunier  (Les  composés  qui  contiennent  un  verbe  à  un  mode  personnel. 
p.  220)  a  démontré  que  ces  mots  sont  faits  sur  le  modèle  Ac  parasol  qui  est  lui- 
même  d'origine  espafi^nole  parasol  t=-  parasol,  arrête-soleil.  Parasol  a  amené 
parapluie  et  paratonnerre  et,  de  nos  jours,  tous  les  composés  cités  dans  le  texte. 
Il  faut  accepter  cette  démonstration,  en  la  combinant  toutefois  avec  celle  de 
M.  Littré.  «  Parasol,  mot  parfaitement  compi-éiiensible,  môme  pour  qui  ignore 
l'espagnol,  dit  M.  Meunier  ..,  a,  vu  la  clarté  de  son  sens,  inilué  directement  sur  la 
formation  de  parapluie,  etc.  »  Observation  juste.  Seulement,  pour  influer  sur  la 
lormalion  des  mots  analogues,  le  mot  a  dû  être  décomposé  en  éléments  français; 
on  a  dû  y  voir  pare  à  sol,  pare  à  pluie.  La  préposition  à  n'existe  pas  dans  le  com- 
posé primitif,  mais  il  a  été  mis  dans  les  composés  français  par  l'interprétation 
populaire. 


—  165  — 

purlc-ainartt's  ^Scholle,  Prograinine^  p.  16). 

porle-amorces  [\%^% ]  A,  lui,  2071. 

porte-honheiir  (l)iacclel),  porte-bouquets^  -bouteilles^  -cha- 
peaux (Bottin,  p.  759,  1336,  1338). 

porte-cartes  :  «  Tirant  de  sa  poche  un  mignon  porte-cartes 
en   ivoire,   parfumé  comme    un    sachet,    »   (Daudet,   .Jack, 

I,  Si)- 

porte-charge  (cartouches)  (1839;  A,  xxix,  371). 

porte- feuilles^  -liniliers^  -'monnaie,  -nmut,  -mousqueton ^ 
-plumes,  -voix  ^  Bottin,  p.  1336,  1338,  1338,  1339j  1339,  643  et 
1339). 

«  Voiture  destinée  à  transporter  le  bois  à  domicile,  dite 
\oiture  porte-mesure.  »  (1836;  A,  xxxiii,  63). 

presse-papiers  (1851;  B,  xx,  178), 

serre-bois  :  «  Il  allait  habiter  désormais  une  espèce  de 
serre-bois,  ouvert  dans  le  mur  de  l'escalier,  »  (Daudet,  Jack, 
111,8  5). 

serre-bras  (Bottin,  p,  683  et  1321). 

serre-rails  (Gousy  de  I^ageolles,  Dict.  des  chem.  de  fer). 

signale-écueil  (  1 840  ;  A,  m ,  151). 

taille-crayon  (1828;  A,  xxvu,  81). 

«  taille-plume  ou  instrument  qui,  d'un  seul  coup,  donne 
à  la  plume,  et  quelle  que  soit  sa  force,  la  forme  requise  pour 
l'écriture,  »  (1828;  A,  xxvii,  179), 

tire-boutons  (Bottin,  p,  643). 

(ire-fonds  :  «  pièce  ou  crochet  de  fer  qui  retient  les  mor- 
ceaux de  bois  dans  les  rails,  »  (Gousy  de  Fageolles), 

c\ei  tourne-écrous  (1835;  A,  xliii,  124], 

«  construction  d'une  charrue  double  à  oreilles  chan- 
;:,^eantes,  dite  à  tourne-oreille.  »  (1813;  A,  vu,  241).  «  Nouvelle 
charrue,  dite  charrue  tourne-oreille.  »  (1834;  A,  xl,  50), 

papier  lue-mouches  (Bottin,  p,  1273). 

tranche-montagnes  (Littré) . 

«  construction  mécanique  dite  vat  amont  (sic),  propre  à 
faire  remonter  les  bateaux  par  la  force  du  courant,  »  (1826; 
A,  xxxiii,  181). 

«  espèce  de  tire-bouchon,  dit  vide-bouteille  à  gaz.  »  (1828  ; 
A,  xxv,  365). 

vide-poches  (Littré). 

La  langue  populaire  ne  néglige  pas  cette  composition  et 
lui  fournit  plus  d'une  expression  pittoresque  ou  grossière. 


—   166  — 

un  0ouche-l7-uii,  ce  qui  ne  sert  qu'à  l'aire  nombre;  celui 
qui  supplée  un  autre.  Le  mot  est  déjà  dans  l'Académie  (1835). 

un  cache-onisère,  pardessus,  manteau  qu'on  met  par  des- 
sus ses  vêtements  pour  en  cacher  l'usure. 

un  cloporte,  c'est-à-dire  dot-porte^  portier. 
.     un  décroche-moi  ça,  fripier,   marchand  d'habits  d'occa- 
sion; boutique  de  fripier  (voir  L.  Larchcy). 

un  décrochez -moi  ça,  chapeau  de  femme  d'occasion 
(L  Larchey).  «  La  belle  toilette  de  madame  Lorilleux,  les  ef- 
filés de  madame  Lerat,  les  jupes  fripées  de  mademoiselle  Re- 
manjou,  mêlaient  les  modes,  traînaient  à  la  file  les  décrochez- 
moi  ça  du  luxe  des  pauvres.  »  (E.  Zola,  V Assommoir,  p.  92.) 

un  fantahosse,  calembour  par  à  peu  près  sur  fantassin, 
dont  il  est  le  synonyme  :  fends-ta-bosse. 

le  sire  de  Fiche-ton-camp. 

un  gratte-moi  dans  le  dos,  corset  à  baleine  dans  le  dos. 

un  2n7icez-moi  ça,  nœud,  au  bas  de  la  taille,  dans  le  dos, 
avec  de  lon^s  rubans  qui  tombent. 

un  pousse-café,  petit  verre  de  cognac  pris  après  le  café  : 
«  Ensuite  nous  avons  pris  le  café,  le  poMsse-ca/c,  le  repousse- 
café.  »  (L.  Larchey.) 

un  pousse-cailloux,  fantassin. 

un  suivez-moi,  jeune  Jiomme,  «  deux  grands  rubans 
flottants  au-dessous  des  cols  de  manteaux  de  dames.  ?>  (L. 
Larchey.) 

un  tire-jus,  un  tire-moelle,  un  mouchoir. 

un  tord-boyaux,  mauvaise  eau-de-vie. 

un  va-te-laver,  volée  de  coups,  tripotée  :  «  Il  regardait  les 
gens,  tout  prêt  à  leur  administrer  un  va-te-laver,  s'ils  s'étaient 
permis  la  moindre  rigolade.  »  (E.  Zola,  V Assommoir,  \>.  328)  ^ 

Dans  la  httérature,  les  composés  avec  l'impératif  sont  moins 
nombreux  que  les  composés  par  apposition. 

«  Il  paraîtra  enfant,  brise-raison,  sans  suite  dans  les 
idées.  «  (Balzac,  Maison  Nucingen,  1856,  p.  9.) 

Brûle-maison,  voir  Littré,  supplément. 

1.  Happclons  ici  le  mot  populaire  \di  pol-bouillc  àowi  nous  ne  savons  analy- 
ser les  éléments,  et  le  curieux  composé  suivant  :  cnlre-sort  :  «  L'enlre-^orL.  — 
On  appelle  ainsi,  dans  le  monde  des  saltimbanques,  le  théâtre  en  toile  ou  en 
planche,  voiture  ou  baraque,  dans  laquelle  se  tiennent  les  monstres,  veaux  ou 
hommes,  brebis  ou  femmes  :  le  mot  est  caractéristique.  Le  public  monte,  le  phé- 
nomène se  lève,  bôle  ou  parle,  mufrit  ou  râle.  On  entre,  on  sorl,  voilà.  »  (J.  Val- 
lès La  Rue,  VEnlre-aorl.) 


—  167  — 

«  11  y  a  loin  de  ces  parents  sévères  aux  yâLe-enf'aïUn  d'au-* 
jourd'hui.  »  (Chateaubriand,  Mémoires,  I,  73). 

«  Un  pays  de  nieurt-de-soif  {d'ivrognes)  et  de  rôdeurs  dQ 
nuit.  »  (J.  Vallès,  la  Rue,  les  Fils  du  Régiment). 

.....  Devant  lui  ces  porte-brodequins 
Étaient  comme  le  vers  qui  rampe. 

(Banville,  Odes  funamb.,  Occidentale  douzième.) 

«  Il  croyait  jusqu'aux  promesses  des  arracheurs  de  dents 
et  des  porte-couronnes.  »  (Th.  Gautier,  les  Jeune  France,  Daniel 
Jovard). 

Mer,  dont  la  grande  voix  fait  trembler  sur  les  trônes, 
Ainsi  que  des  fiévreux,  tous  les  porte-couronnes. 

(Barbier,  ïambes,  la  Cuve.) 

«  Dire  que  j'ai  retiré  cinquante  francs  de  ma  pauvre  caisse 
d'épargne  pour  les  prêter  à  ce  ruine-maison.  »  (Ch.  de  Ber-* 
nard,  les  Ailes  d'Icare,  II,  9). 

Les  composés  avec  l'impératif  forment  le  plus  souvent  do 
nos  jours  des  substantifs.  Ronsard,  les  employant  comme  ad- 
jectifs, sut  avec  art  en  tirer  une  source  d'épithètes  homé- 
riques. Du  Bartas,  ])ar  l'abus  ridicule  qu'il  en  fit,  déconsidéra 
ce  genre  de  formation  ;  il  est  curieux  que  de  nos  jours  l'école 
romantique,  qui  a  repris  tant  de  choses  à  la  Pléiade,  ait  laissé, 
sans  y  toucher,  cette  composition  qui  ne  méritait  pas  un  tel 
oubli.  Éminemment  française,  elle  est  tout  à  la  fois  familière 
et  noble,  et  si  les  substantifs  qu'elle  fournit  appartiennent  à  hi 
langue  populaire,  ses  adjectifs  ne  sont  pas  indignes  de  la 
haute  poésie,  et  sous  la  plume  d'un  habile  poëte  pourraient 
encore  produire  de  beaux  effets. 


DEUXIÈME    PARTIE. 

FORMATION     SAVANTE 

LATINE  ET  GRECQUE. 


1^  La  formation  savante  a  exercé  sur  la  langue  une  action  si 
profonde,  qu'elle  tend  à  la  transformer,  et  risque  de  la  défor- 
mer. 

La  formation  savante  est  double,  latine  etj^recque.  La  pre- 
mière date  des  origines  de  la  langue;  l'autre  du  seizième^ 
siècle  :  la  première  a  modifié  la  langue  commune  ou  écrite;  la 
seconde  commence  à  l'altérer.  Nous  étudions  d'abord  la  for- 
mation latine,  dont  l'action  est  plus  ancienne,  plus  pro- 
fonde. 


PREMIERE    SECTION. 

FORiMATION  LATINE. 


CHAPITRE    XL 

VUES  GÉNÉRALES  SUR  LA  FORMATION  LATINE. 

La  formation  savante  latine  a  commencé  dès  l'origine  môme 
de  la  langue.  A  l'époque  où  le  latin  populaire,  après  la  chute 
de  l'empire  ,  se  transformait  librement  dans  la  bourlio  des 


—  170  — 

populations  gallo-romanes,  et  développait  graduellement  les 
traits  propres  qui  devaient  caractériser  le  français,  déjà  des 
mots  savants  se  glissaient  dans  la  langue.  L'influence  de 
l'Église  et  de  la  liturgie  latine,  l'emploi  des  titres  officiels, 
firent  pénétrer  dans  le  langage  parlé  quelques  mots  nou- 
veaux ;  chapitle,  epistle,  apostle,  ordne,  diacne^  ténèbres  ;  duc, 
ducJieé,  emperedor,  title,  etc. 

Quand  la  langue  vulgaire,  au  neuvième  et  au  dixième  siècle, 
commença  à  s'écrire,  les  moines,  qui  seuls  étaient  capables 
de  tenir  une  plume,  firent  entrer  des  mots  latins  dans  les  textes 
français  qu'ils  composaient.  Ils  se  contentèrent  de  donneraux 
terminaisons  latines  la  forme  qu'elles  affectaient  dans  l'idiome 
nouveau. 

Le  premier  poëme  écrit  dans  notre  littérature,  la  canti- 
lène  de  sainte  Eulalie,  texte  qui  date  du  dixième  siècle,  sur 
vingt-cinq  vers  renferme  deux  mots  savants  :  élément,  virgini- 
tet.  Le  poëme  plus  étendu  de  saint  Léger  (dixième  siècle)  en 
a  naturellement  beaucoup  plus  :  hnmilitiet  (vi,  6),  eoraltat  (viii, 
3),  anaternaz  (xxi,  k) ,  persécutait  (xxiii,  2),  exercite  (xxiii,  6), 
cruels^  (xxvi,  3),  vitnperet  (xxvii,   3),  claritet  (xxxiv,  3). 

Au  onzième  siècle,  le  poëme  de  saint  Alexis  en  présente  une 
vingtaine  :  nobilitet  (m,  4),  humilitet  (vi,  1),  fecunditet  (vi,  2), 
régénérer  (vi,  3),  veritet  (xiu,  5),  servitor  (xxxiv,  4),  sacrarie 
(lix,  3),  apostoties  (lxi,  1,  etc.),  emperedor  (lxii,  1,  etc.),  a flic- 
tions  (lxxii,  3),  hereditez  (lxxxi,  1),  felix  (c,  5,  etc.),  adjutorie 
(ci,  4),  pénitence  (ex,  2),  trinitet  (ex,  4),  miracles  (cxii,  4), 
chandelabres  (exvii,  1),  memorie  {?  cxxv,  1),  glorie  (?  cxxv,  4), 
verbe  (cxxv,  5). 

La  chanson  de  Roland ,  en  proportion ,  en  a  beaucoup 
moins  :  aflictiun  3272,  antiquitet  2'45,  apostle  2255,  etc., 
chérubin  2393,  confusiun  3276,  criminel  2456,  defensiun  1887, 
discipline  1929,  ocision  (?3946),  omnipotente  3599,  ordres  3637, 
perditiun  3969,  principal  3432,  prophète  2255,  sathanas  1268, 
sma^o^e  3662,  ténèbres  1434. 

Les  termes  qui  dominent  appartiennent  pour  la  plupart  à 
la  langue  religieuse;  voilà  pourquoi  le  Roland,  poëme  guer- 
rier écrit  par  un  trouvère,  en  contient  relativement  moins  que 
l'Alexis  et  le  Saint-Léger,  poëmes  dévots  écrits  sans  doute  par 
des  moines.  Au  douzième  et  au  treizième  siècle,  l'infiltration 


1.  Si  le  mol  était  de  formation  populaire,  il  serait  crueils,  et  n'assonerait  pa? 
avec  crever 


—   171   — 

conliïiue,  lonte  et  mesurée;  généralement,  e'est  dans  les  textes 
traduits  du  latin  et  qui  traitent  des  sujets  moraux  ou  religieux 
qu'ils  pénètrent  de  préférence.  Dans  les  cinq  premiers  Psaumes 
du  Psautier  d'Oxford  (commencement  du  douzième  siècle),  on 
peut  noter  :  pcslilcnce  [i,  1),  habltet  [ii,  4),  heredilet  (8),  disci- 
pline (12),  multipliet  (m,  1,  etc.),  tribulalion  (iv,  1),  vanitet  (3), 
compunction  (5),  sacrifiez  sacrifice  (6),  lelice  (7),  abominable 
(v,  7),  multitudine  (ibid.),  misericordie  (ibid.),  veritet  (7),  cogi- 
taliun  (12),  impielez  (ibixl.).  Dès  les  premières  lignes  du  Dior 
logiis  anime  conquerentis  (douzième  siècle)  paraissent  espérez^ 
misères,  aversitez,  réfugie,  hurno,  pieté,  simplicUet,  etc.;  dans 
la  première  page  des  Dialogues  de  saint  Grégoire,  récemment 
publiés  par  M.  Fœrster  :  seculeirs,  negosces,  secrelt,  occupation^ 
diakenes,  conteinplation,  occasion,  jjastorale,  etc. 

Il  est  inutile  de  poursuivre  cette  revue.  Disons  seulement 
que  jusqu'à  la  tin  du  treizième  siècle  la  langue  commune, 
celle  des  chansons  de  geste,  des  fabliaux,  reste  en  somme  à 
l'abri  de  l'invasion  ;  mais  avec  la  fin  du  moyen  âge,  avec 
le  quatorzième  siècle,  connnence  pour  notre  idiome  une  ère 
nouvelle.  En  même  temps  qu'il  abandonne  les  derniers  restes 
de  la  syntaxe,  de  la  construction  du  latin  populaire,  et  marche 
vers  une  forme  plus  analytique,  il  reçoit  des  mots  du  latin 
scolastique  et  du  latin  classique,  et  commence  décidément  à 
rapprocher  son  lexique  de  celui  du  latin  des  livres.  Dans  Hu- 
gues Capet,  dans  Beaudouin  de  Sebourg  paraissent  des  mots 
tels  que  regnation,  reverationj  co?idampnation,  excusation^; 
dans  Eustache  Deschamps'  continuans  (p.  i),  prédécesseurs  (4)^ 
possession  prénommée  (5),  contraire,  reedifiee,  édifiée  (id.),  nas- 
cion  (6),  7'emede  (7),  contingent  (id.),  contemptieuse  (8),  procé- 
der,  excéder,  opposition  (id.),  etc. 

C'est  l'époque  où  Bersuire  traduit  Tite-Live  et  verse  à 
pleines  mains  dans  sa  traduction,  sous  leur  forme  latine  à 
peine  déguisée,  les  termes  de  la  politique  et  de  l'administration 
romaine.  Le  lexique  de  notre  langue  perd  dès  lors  peu  à  peu 
ses  caractères  originaux  pour  reprendre  ceux  du  lexique  latin. 

Il  serait  intéressant  de  suivre  de  près  cet  important  mouve- 
ment littéraire,  qui  eut  sur  la  langue  une  action  si  décisive, 
et  de  déterminer  la  part  qu'y  prirent  l'éducation  scolastique, 
l'étude  du  droit,  et  au  quinzième  siècle  la  renaissance  latine. 
La  fin   de  ce  siècle  voit  briller  dans  tout  son  éclat  l'école 

1.  Voir  1^  préface  de  Hugues  Capet,  éd.  La  Grange,  p.  xxvj. 
"2.  CÉuvres  inédites  d'E.  Deschamps,  éd.  Tarbé. 


—   172  — 

des  rhéloriquem-a ,  pour  qui  l'idéal  est  de  parler  lalin  en 
français,  et  qui  reconnaît  pour  maîtres  les  Meschinot,  les 
Crétin,  les  André  de  la  Vigne,  les  Le  Maire  de  Belges.  Voici 
comment  Le  Maire  de  Belges,  le  plus  habile  prosateur  du 
temps,  fait  parler  le  jeune  Paris  Alexandre,  priant  d'amour 
la  nymphe  OEnone  :  «  Tes  yeux  vairs  et  estincellans  et  ton 
beau  corps  proportionné  oultre  la  forme  commune,  me  font 
conjecturer  de  toy  yniaginer  que  tu  soyes  paraventure  icelle 
mesme  déesse  Venus  transfigurée  en  habit  de  nymphe.  Et  me 
incitent  par  une  ardeur  plus  que  violante  de  dire  que  celui 
seroit  bienheureux  que  tu  vouldroies  nommer  ton  servant  en 
amours.  Car  se  Juppiter  le  Boy  des  hommes  et  des  dieux 
vouloit  beatiffier  ung  corpz  terrestre  sans  Yassumpter  au 
supernel  habitacle^  si  ne  le  pourroit  il  mieulx  faire  qu'en  le 
laissant  user  familièrement  de  ton  regard  et  de  ta  souefve 
collocution,  0  déesse,  remplie  de  souveraine  speciosité,  qui 
as  daigné  tant  abaisser  ta  haulteur  ([ue  de  acquiescer  à  ma 
prière  et  faire  icy  si  gracieux  séjour  avecques  moi,  ton  humble 
serviteur.  »  Et  après  ce  discours,  l'auteur  ajoute  que  Paris 
«  tenoit  ses  yeulx  inseparableinent  (ichez  en  elle.  Mais  les 
pupilles  errans  et  vagabondes  en  leur  circonférence  estince- 
loient  de  désir  amoureux,  comme  font  les  rays  du  soleil 
inatatin  réverbérez  en  la  clere  fontaine.  Et  son  gentil  cueur, 
altéré  de  chaleur  véhémente,  buvoit  a  grand z  traictz  la /ervenfe 
liqueur  de  cupidineux  appétit^.  » 

Nous  sommes  à  l'époque  où  chaque  auteur,  à  l'envi,  des- 
pume  la  verbocinalion  latiale  ^.  Le  bon  sens  de  quelques 
écrivains,  G.  Tory,  Dolet,  proteste  contre  les  écumeurs  de 
latin,  et  Babelais,  après  l'auteur  du  Champ- flenry,  les  ridi- 
culise à  jamais  dans  son  Eschollier  limosin^.  La  Pléiade  qui, 
par-dessus  l'école  de  Marot,  se  rattache  à  certains  égards  à 
l'école  de  Jean  Le  Maire,  apprit  de  celle-ci  à  transplanter  la 
poétique  ancienne  dans  la  poésie  contemporaine.  Mais  Ron- 
sard défendit  toujours  avec  un  soin  jaloux  l'intégrité  de  la 
langue  maternelle.  11  engageait  ses  disciples  à  ne  point  écor- 
cher  le  latin,  «comme  nos  devanciers  qui  ont  trop  sottement 


1.  Les  illuslralions  des  Gaules  el  singularités  de  Troye,  Paris,  1513,  in-4;  li- 
vre I,  chap.  XXIV. 

2.  G.  Tory,  Champ-lleury,  début. 

3.  Rabelais  lui-môme  tombe  souvent  à  son  insu  dans  le  travers  quil  flagelle; 
.sa  connaissance  profonde  des  langues  anciennes  lui  nuit,  et  plus  d'une  fois  il 
lui  arrive  de  pense**  et  d'écrire  en  latin. 


—  173  — 

tiré  des  Romains  une  infinité  de  vocables  estrangers,  veu 
qu'il  y  en  avoit  d'aussi  bons  dans  notre  propre  langage*.  » 
Et  en  effet,  si  on  considère  l'ensemble  de  ses  œuvres,  on  est 
frappé  du  petit  nombre  de  mots  étrangers  qu'il  a  admis  dans 
ses  poésies.  La  langue  est  pure  et  puisée  à  la  bonne  source 
française.  Voici  une  page  prise  à  la  Franciade,  toute  remplie 
de  souvenirs  classiques,  où  l'imitation  d'Homère  et  de  Virgile 
éclate  à  chaque  vers,  et  qui,  à  part  les  noms  propres,  ne  con- 
tient pas  un  seul  mot  latin,  hormis  e^lotnac,  qui  depuis  long- 
temps déjà  était  reçu  dans  la  langue  au  sens  actuel  de  cœur  : 

Lors,  en  tirant  de  sa  gaine  yvoirine 
Un  long  couteau,  le  cache  en  la  poitrine 
De  la  victime,  et  le  cœur  lui  chercha. 
Dessus  sa  playe  à  terre  elle  broncha 
En  trépignant  ;  le  sang  rouge  il  amasse 
Dedans  le  creux  d'une  profonde  tasse, 
Puis  le  renverse  en  la  fosse  à  trois  fois, 
L'espée  au  poing,  priant  à  haute  voix 
La  royne  Hécate  et  toutes  les  familles 
Du  noir  Enfer,  qui  de  la  Nuict  sont  filles, 
Le  froid  abysme  et  l'ardent  Phlegeton, 
Styx  et  Cocyt',  Proserpine  et  Pluton, 
L'Horreur,  la  Peur,  les  Ombres,  le  Silence, 
Et  le  Chaos,  qui  fait  sa  demeurance 
Dessous  la  terre,  en  la  profonde  nuit. 
Voisin  d'Érèbe,  oîi  le  soleil  ne  luit. 

Il  achevoit,  quand  un  effroy  lui  serre 
Tout  Yestomac  :  un  tremblement  de  terre, 
Se  crevassant  par  les  champs,  se  fendit  •, 
Un  long  aboy  des  mastins  s'entendit 
Par  le  bocage,  et  Hyante  est  venue 
Comme  un  esprit  affublé  d'une  nue. 

«Voici,  disoit,  la  déesse  venir. 
Je  sens  Ilecatc  horrible  me  tenir  ; 
Je  tremble  toute,  et  sa  force  puissante 
.Tout  le  cerveau  me  frappe  et  me  tourmente. 
Tant  plus  je  veux  alenler  son  ardeur, 
Plus  d'aiguillons  elle  me  lance  au  cœur. 
Me  transportant,  si  bien  que  je  n'ay  vaine 
Ny  nerf  sur  moy,  ny  ame  qui  soit  saine  -, 
Car  mon  esprit,  qui  le  démon  reçoit. 
Rien  que  fureur  et  horreur  ne  conçoit.  » 

Plus  que  devant  une  rage  l'allume; 
Elle  apparut  plus  grand  que  de  coustume; 
De  teste  en  pied  le  corps  lui  frissonnoit. 
Et  rien  d'humain  sa  langue  ne  sonnoit.  {Chant  IV.) 

1.  Voir  |jIus  luiut.  p.  6. 


—  174  — 

Cette  langue  franche,  nette,  éminemment  française,  est  la 
langue  des  grands  écrivains  de  la  seconde  moitié  du  seizième 
siècle.  Du  Bellay,  Amyot,  H.Estienne,  E.  Pasquier,  d'Aubigné. 
Mais  à  côté  et  au  dessous  d'eux,  les  écrivains  préfèrent  recou- 
rir au  latin,  les  uns  par  recherche  et  affectation,  les  autres 
par  paresse.  «  La  plupart  d'entre  nous,  dit  E.  Pasquier,  nour- 
ris dès  notre  jeunesse  au  grec  et  au  latin,  ayant  quelque 
assurance  de  notre  suffisance,  si  nous  ne  trouvons  mot  à 
point,  faisons  d'une  parole  bonne  latine  une  très-mauvaise  en 
françois,  ne  nous  avisant  pas  que  ceste  pauvreté  ne  provient 
de  la  disette  de  nostre  langage,  ains  de  nous  mesmes  et  de 
nostre  paresse  K  »  Les  orateurs  au  style  fleuri,  à  la  période 
cicéronienne,  Marion,  Du  Vair,  Continuent  l'introduction  des 
latinismes.  Avec  la  révolution  opérée  par  Malherbe  dans  la 
poésie,  par  Balzac  dans  la  prose,  la  phrase  latine  devient  le 
type  sur  lequel  se  moule  la  phrase  française.  En  vain,  Vau- 
gelas  interdit  la  création  de  mots  nouveaux,  c'est-à-dire  l'em- 
prunt de  mots  latins,  la  formation  latine  continue  sans  relâche. 

L'étude  de  nos  classiques,  à  cet  égard,  est  curieuse  et  in- 
structive. Les  écrivains  de  la  seconde  moitié  du  dix-septième 
siècle  sont  d'autant  plus  latins  que  les  sujets  qu'ils  traitent 
sont  nobles  et  solennels.  La  langue  de  Molière  et  de  La  Fon- 
taine est  plus  voisine  de  la  langue  du  peuple,  et  par  suite, 
dans  une  certaine  mesure,  plus  française. 

Nous  avons  comparé  les  débuts  du  Tartufe,  du  Misanthrope 
e.ié'Athalie.  Sur  deux  cent  cinquante  vers,  nous  avons  relevé 
dans  le  Tartufe  cinquante  mots  latins,  dans  le  Misanthrope 
soixante-dix,  dans  Athalie  cent-dix.  La  progression,  on  le  voit, 
est  caractéristique.  Quand  on  passe  des  conversations  de 
madame  Pernelle  aux  dialogues  de  Philinte  et  d'Alceste,  le 
ton  s'élève;  le  nombre  des  mots  savants  également;  et  le 
maximum  est  donné  par  les  scènes  sublimes  de  Joas  avec 
Abner  et  Jozabeth*.  La  langue  de  Boileau   est  aussi   latine. 


1.  Lettres,  II,  xii. 

2.  Nous  relevons  ici  les  mois  savaals  des  soixaulc  premiers  vers.  Dans  le  Tar- 
tufe :  édifiée,  impertinente,  discrète,  exemple,  ajuaternent,  estime,  sévère, 
maximes,  critique,  usurper,  tyrànnique,  zélé,  obliger,  total  :  treize.  Dans  le 
Misanthrope  :  profession,  action,  excuser,  scandaliser,  protestations,  indiffé- 
rent, indigne,  infâme,  sincère,  méttiode,  affectent,  mode,  contorsions,  frivo- 
les, inutiles,  éloge,  située,  prostituée,  régals,  préférence,  estimer,  total  :  vingt  et 
un.  Dans  Athalie  :  adorer,  Eternel,  antique,  célébrer,  sacrée,  magnifiques, 
inondait,  portiques,  introduits,  univers,  consacraient,  sacrifices,  audace,  té- 
nébreux, adorateurs,  fitnl,   visiter,  mnslèrcs.  blasphème,  invoqué,   funestes, 


—   175  — 

Voici  un  fragment  descriptif  que  nous  détachons  de  son 
épopée  du  Lutrin,  pour  le  rapprocher  du  fragment  épique  de 
Ronsard  cité  plus  haut  : 

Entre  ce$  vieux  appuis  dont  Faffreuse  grand'salle 
Soutient  l'énorme  poids  de  sa  voûte  infernale, 
Est  «n  pilier  fameux,  des  plaideurs  respecté, 
Et  toujours  des  Normands  à  midi  fréquenté. 
Là,  sur  des  las  poudreux  de  sacs  cl;  de  pratique, 
Hurle  tous  les  matins  une  Sibylle  étique  ; 
On  l'appelle  Chicane,  et  ce  monstre  odieux 
Jamais  pour  Véquité  n'eut  d'oreilles  ni  d'yeux. 
La  Disette  au  teint  blènie,  et  la  triste  Famine, 
Les  Ciiagrins  dévorants  et  Vinfàme  lluine, 
Enfants  infortunés  de  ses  raffinements, 
Troublent  l'air  d'alentour  de  longs  gémissements. 
Sans  cesse  feuilletant  les  lois  et  la  coutume, 
Pour  consumer  autrui,  le  monstre  se  consume; 
Et  dévorant  maisons,  palais,  châteaux  entiers, 
Rend  pour  des  monceaux  d'or  de  vains  tas  de  papiers. 
Sous  le  coupable  effort  do  sa  noire  insolettce, 
Thémis  a  vu  cent  fois  chanceler  sa  balance. 
Incessamment  il  va  de  détour  en  détour; 
Gomme  un  hibou  souvent  il  se  dérobe  au  jour  : 
Tantôt,  les  yeux  en  feu,  c'est  un  lion  superbe; 
Tanlôt,  humble  serpent,  il  se  glisse  sous  l'herbe. 
En  vain,  pour  le  dompter,  le  plus  juste  des  rois 
Fit  régler  le  chaos  des  ténébreuses  lois  ; 
Ses  griffes,  vainement  par  Pussort  raccourcies, 
Se  rallongent  déjà,  toutes  d'encre  noircies; 
J]t  ses  ruses,  perçant  et  digues  et  remparts. 
Par  cent  brèches  déjà  rentrent  de  toutes  parts. 

{Ltdrin,  chant  V.) 

N'est-il  pas  piquant  de  voir  que  la  muse  de  Boileau  parle 
latin  plus  que   celle  de  Ronsard? 

Au  dix-huitième  siècle,  l'imitation  latine  grandit  sous  une 
nouvelle  influence;  je  veux  parler  de  cette  tendance  à 
l'abstraction  qu'on  voit  poindre  déjà  dans  la  langue  du 
dix-septième  siècle,  et  qui,  de  nos  jours,  a  pris  une  si  funeste 
extension.  Les  noms  concrets  sont  remplacés  par  les  abstraits, 
les  verbes  par  des  noms  d'action;  de  là  ce  nombre  sans 
cesse  grandissant  de  mots  en   ?7r,  en  ation^  empruntés  ou 

respect,  pressenlitnenl,  juste,  rare,  tiare,  religion,  sédition,  inérite,  successeur, 
sacrilège,  infâme,  déserteur,  persécuteur,  mitre,  lévite,  ministère,  importune, 
impiété,  afjccte,  insatiable,  superbe,  observais,  vaste,  édifice,  supplice,  sangui- 
naire, suncluaire,  toUil  :  quaranle-liail. 


—  176  — 

imités  du  latin.  Ainsi  de  plus  en  plus  la  langue  perd  ses  ca- 
ractères propres  pour  prendre  ceux  de  la  langue  mère.  Nous 
avons  montré  précédemment  et  aurons  encore  l'occasion 
d'établir  dans  le  cours  de  cette  étude  qu'une  partie  de  la 
dérivation  française  a  disparu  pour  faire  place  à  la  dériva- 
tion latine;  été  est  tombé  devant  ité,  aison  devant  ation,  eur 
tombe  devant  ateur,  able  devant  ible,  ure  devant  ature^  ier 
devant  aire  ou  iste,  et  devant  ciile,  é  devant  «i,  etc. 

Cette  langue  nouvelle,  qui  s'apprend  par  les  livres,  ne  se  parle 
que  dans  une  certaine  classe,  et  reste  étrangère  au  peuple, 
qui  garde  sa  langue  à  peu  près  pure  des  formes  latines.  Ces 
grands  mots  en  ation,  en  ité,  en  isntc,  en  ariat,  il  les  entend 
sans  les  comprendre;  ils  frappent  son  oreille  comme  des  mots 
d'une  langue  inconnue.  Et  comme  le  peuple  ne  répète  que  ce 
qu'il  comprend,  il  les  déforme  d'après  des  principes  régu- 
liers, d'après  les  lois  de  Y élymolog le  populaire. 

Tantôt  la  signification  du  mot  est  changée.  Dans  la  langue 
commune,  ce  mot,  d'origine  latine,  a  une  acception  latine; 
dans  la  langue  populaire,  il  est  quelquefois  rattaché  à  un 
mot  français  ayant  un  autre  sens,  et  c'est  ce  dernier  sens  que 
le  peuple  lui  donne.  Ainsi  définition,  où  les  gens  du  peuple 
voient  un  dérivé  de  finir,  devient  le  synonyme  de  fin  :  «  11  n'y 
a  pas  de  définition  à  ce  travail.  »  Délibéré  se  dit  pour  délivré 
ou  libéré.  Tantôt  le  terme  savant  reçoit  de  la  pensée  popu- 
laire une  signification  toule  nouvelle  :  \qs  phénomènes  de  la 
nature  se  changent  en  phénomènes  de  saltimbanques.  Méca- 
nique aboutit  à  m,écaniser  qui  devient  —  par  quelle  asso- 
ciation d'idées?  —  presque  synonyme  d'ennuyer'.  Le  plus 
souvent  la  forme  du  mot  est  altérée  sous  l'influence  d'un  au- 
tre mot  avec  lequel  le  premier  a  quelque  affinité  de  sens  et 
de  son,  ou  même  seulement  de  son.  Le  nitrate  d'argent  devient 
de  la  mitraille  d'argent;  le  diabète  se  change  en  diablette, 
le  laudanum  en  lait  d'cmon;  le  carbonate  de  soude  se  déguise 
en  carbonade  et  prend  le  genre  qu'indique  la  terminaison  fé- 
minine^  Si  le  suffixe  ate  se  change  en  ade,  iste  passe  à  isse  : 
il  existe  une  chanson  sur  le  Baptême  du  P'tit  Ebénisse;  «Rede- 
vient ique  :  le  peuple  ne  connaît  guère  que  la  bronchique. 
La   nomenclature  scientifique   reçoit    ainsi    un  nouveau  et 

1.  «  Les  honnêtes  gens  comme  vous  sont  rares  ;  il  ne  faut  pas  qu'on  vienne  les 
mécaniser  sans  raison.  »  (E.  About,  l' Infâme,  V.) 

2.  «  Si  le  vin  est  si  mauvais  à  Paris,  c'est  qu'on  y  met  du  bois  qu'empeste  (du 
bois  de  cumpt-che).  »  Phrase  entendue  dans  la  bouche  d'une  femme  du  peuple,  à 
l'aris,  en  mars  1877. 


—  177  — 

étrange  baptême,  dont  se  rit  la  bourgeoisie  lettrée;  clic  ne 
comprend  pas  que  ces  déformations  populaires  sont  fatales, 
parce  que  l'idiome  populaire  est  un  organisme  vivant  qui  ne 
peut  accepter  aucun  élément  étranger  sans  se  l'assimiler. 

Quant  à  la  langue  commune,  parlée  par  la  classe  lettrée  ou 
demi-lettrée,  elle  s'est  si  bien  pénétrée  des  éléments  latins 
qu'ils  sont  devenus  organiques.  Nous  allons  voir  comment 
une  partie  de  la  dérivation  et  de  la  composition  latine  est  de- 
venue familière  aux  habitudes  françaises. 

Tantôt  la  formation  savante  emprunte  directement  au  latin 
des  mots  qu'elle  habille  d'une  terminaison  française  (quelque- 
fois même  elle  s'en  passe)  ;  tantôt  elle  dérive  des  mots  nou- 
veaux de  radicaux  soit  français,  soit  latins  ;  tantôt  enfin  elle 
combine  des  éléments  latins  ou  français  suivant  les  lois  de  la 
composition  latine.  Nous  passons  à  l'étude  de  chacun  de  ces 
trois  procédés  *. 


CHAPITRE    XII. 

EMPRUNTS    FAITS   AU   LATIN. 

La  langue  contemporaine  a  fait  de  nombreux  emprunts  au 
latin  :  certains  des  mots  empruntés  ont  un  caractère  litté- 
raire, les  autres  sont  des  termes  scientifiques  ou  techniques; 
en  voici  des  exemples  : 

ablactation,  ablaquéation. 

aborigène,  proposé  par  Mercier,  mot  aujourd'hui  entière- 
ment reçu;  abrasion. 

abscons  :  «  Les  doctrines  absconses  de  l'émanation.  »  (Mi- 
chelet,  Bible  de  l'Humanitéj  p.  301.) 


1.  Avant  d'aborder  l'evamen  des  mots  savants,  «ne  observation  est  indispensa- 
ble. Les  mots  savants  j)énètrent  dans  la  langue  commune  par  les  livres  ;  mais  tel 
néologisme,  risqué  par  un  écrivain,  peut  demeurer  longtemps  inconnu,  et  n'en- 
trer que  beaucoup  plus  lard  dans  l'usage.  La  date  de  l'apparition  d'un  mot  savant 
dans  un  livre  n'est  donc  point  toujours  celle  de  sa  naissance  J.-J.  Rousseau  dé- 
clare avoir  créé  invtsligalion;  le  mot  se  trouve  déjà  dans  Montaigne;  mais  il  est 
resté  dans  les  Essais,  oublié  et  perdu.  Depuis  Rousseau,  il  est  entré  dans  la  lan- 
gue courante;  Rousseau  en  est  donc  le  créateur.  C'est  ce  que  n'a  pas  toujours  vu 
M.  Littré  dans  son  dictionnaire.  Cf.  Marty-Laveaux,  De  Vcnseignemanl  de  notre 
langue,  p.  70;  Bibliothèque  de  V Ecole  iks  Cfiartes,  lO'  année,  p.  97. 

12 


—  178  — 

des  addenda,  adscrit  (Littré,  supplém.),  un  agenda,  Valéa, 
un  aquarium. 

administratif,  mot  qui  date  de  la  Révolution.  Gattel  ne  le 
cite  que  dans  la  seconde  édition  (1813)  de  son  Vocabulaire  des 
mots  introduits  dans  la  langue  depuis  la  Révolution. 

ascenseur  (Littré,  supplém.),  assesseur. 

avicule  (sorte  de  ballon,  de  navire  aérien,  Scholle,  Pro- 
gra/mme,  p.  13),  avicelle  (Id.,  ihid.) 

audition  d'un  morceau  de  musique  (Mercier). 

balnéaire  (Littré,  supplém,.). 
•     balnéatoire  :  «  Appareils  balnéatoires.  »  [Règlem.  de  VEx- 
pos.  univ.  de  1867.) 

belligérants. 

calvitie,  proposé  par  Mercier,  mot  aujourd'hui  reçu;  ce 
mot  a  fait  sortir  de  l'usage  chauveté,  qui  était  excellent. 

carcère  : 

Un  lion  famélique  et  rugissant  de  joie 
Jaillit  de  la  carcère  et  vient  flairer  la  proie. 

(Cat.  Mendès,  Légendes  et  Contes,  IV,  le  Lion.) 

cérulé:»  Des  oiseaux  cérulés.  »  (Chateaubriand,  Mémoires, 
t.  II,  p.  154.) 

les  circufumsa,  terme  employé  quelquefois  pour  exprimer 
ce  qu'on  désigne  d'une  façon  plus  intelligible  parle  mot  fran- 
çais les  milieux. 

clamer,  proposé  par  Mercier  :  a  cours  aujourd'hui  dans 
la  petite  presse. 

collabore  r 

Que  dire  au  jeune  auteur  qui,  pour  former  son  style. 
Voudra  collaborer  au  quart  d'un  vaudeville? 

(Viennet,  Épître  à  Boileau.) 

collaboration  est  déjà  ancien  :  il  arrive  souvent  que  les 
verbes  soient  ainsi  tirés  après  coup  des  substantifs  qu'ils 
semblent  avoir  formés.  Le  mot  qui  suit  en  est  encore  un 
exemple. 

com/raémorer  :  «  De  curieux  étrangers,  séparés  de  l'unité 
de  l'Église,  assistaient  en  passant  à  la  cérémonie  [le  Miserere 
à  la  chapelle  Sixtine)  et  remplaçaient  la  communauté  des  fidè- 
les. Une  double  tristesse  s'emparait  du  cœur.  Rome  chrétienne 
en  commémorant  l'agonie  de  Jésus-Christ  avait  l'air  de  célé- 
brer la  sienne,  de  redire  pour  la  nouvelle  Jérusalem  les  pa- 


—   179  — 

rôles  que  Jérémie  adressait  à  l'ancienne.  C'est  une  belle  chose 
que  Rome  pour  tout  oublier,  mépriser  tout  et  mourir.»  (Cha- 
teaubriand, Mémoires,  t.  IX,  p.  kk) . Commémorer  est  nouveau, 
mais  commémoration  est  ancien  dans  la  langue. 

conceptadey  conferve,  termes  d'histoire  naturelle. 

conscription,  conscrit;  datent  de  la  Révolution. 

critérium,  ou  critère. 

cruor,  terme  de  physiologie. 

décime,  de  decimus  :  et  par  analogie  centime,  au  lieu  de 
centième  ou  centésime  (comparez  millésime). 

décortiquer,  dédoler. 

délinéer,  Chateaubriand  a  employé  le  participe  passé 
dans  ses  Mémoires,  t.  II,  p.  178. 

dépositeur,  celui  qui  donne  un  dépôt  à  un  autre. 

un  desideratum,  les  desiderata  de  la  science. 

destructible  [destructihilis,  ho-cidinct) .  Destructible  peut  aussi 
avoir  été  tiré  de  indestructible. 

le  Directoire,  district,  mots  postérieurs  à  la  Révolution. 

ébriété,  mot  qui  se  trouve  déjà  dans  A.  Paré,  mais  qui 
n'est  entré  dans  l'usage  que  de  nos  jours. 

édicule  :  «  L'entrée  des  tombeaux  de  l'ancien  empire  offre 
la  figure  d'édicules  qui  ne  sont  sans  doute  que  des  réductions 
de  façades  d'anciens  temples.  »  (E.  Renan,  Revue  des  Deux 
Mondes,  l"  avril  1865,  p.  675;  dans  Scholle,  Archives  de  Her- 
rig,  t.  XLIl,  p.  120.) 

élémosinaire  :  «  Ecuelle  élémosinaire.  »  (Th.  Gautier,  le  Ca- 
pitaine Fracasse,  XV).  Le  mot  latin  est  eleemosynarius  ;  il  fau- 
drait donc  éléémosinaire. 

élucubrer,  néologisme  postérieur  à  élucubration. 

émigrant,  émigré  ;  datent  de  la  Révolution. 

esculent  :  «  Les  huiles  douces...  ne  sont  esculentes  qu'au- 
tant qu'elles  sont  unies  à  d'autres  substances.  »  (Brillât-Sava- 
rin, Physiologie  du  goût,  l,  295).  «L'analyse  a  découvert  des 
parties  esculentes  dans  des  substances  jusqu'ici  réputées  inu- 
tiles. »  (Id.,  ibid.,  l,  142). 

évocateur  de  fantômes  (Saint-René  Taillandier,  Revue  des 
Deux  Mondes,  dans  Scholle,  Programme,  p.  15). 

exacerber  :  «  Le  cerveau  s'enflamme,  la  sensibilité  s'exa- 
cerbe. »  (Th.  Gautier,    Etude  sur  Baudelaire.) 

extemporanée  (Littré,  supplém.),  extrade^'  (ibid.). 
excitateur  ;  il  existe  aussi  exciteur  qui  est  la  forme  fran- 
çaise. 


—  180  — 

facule,  fédération. 

festivité:  «  Une  séance  solennelle  et  une  festivité  de  premier 
ordre.  »  (Brillât-Savarin,  Physiologie  du  goût,  II,  viii.) 
flagrant  : 

Et  la  guerre  civile  est  aujourd'hui  flagrante. 

(Barthélémy,  Némésis,  Lyon.) 

Ce  flagrant,  qui  a  la  signification  propre  du  latin,  est  distinct 
du  flagrant  usité  dans  l'expression  flagrant  délit. 

forficule,  nom  scientifique  du  pince-oreille;  latin  forficula, 
petits  ciseaux. 

fragrance  :  «  Les  Floridiennes  broyaient...  des  larmes  de 
liquidambar  et  des  racines  de  libanis  qui  imitaient  la  fragrance 
de  l'angélique,  du  cédrat  et  de  la  vanille.  »  (Chateaubriand, 
Mémoires,  t.  II,  p.  291). 

frigide  est  employé  par  Chateaubriand  dans  ses  Mémoi- 
res, t.  II,  p.  79.  Nous  ne  voyons  pas  ce  que  frigide  dit  de 
plus  que  froid. 

fulgurant:  «  Le  premier  poëte  de  notre  époque  a  créé  /mZ- 
^uran^.  Ne  pouvait-il  s'en  passer?»  (Fr.  ^fey,  Remarques  sur  la 
langue  française,  t.  I,  p.  299).  «  Il  était,  pour  parler  son  beau 
langage,  ébouriffant,  rutilant,  fulgurant,  et  même  truculent.  » 
(Ch.  de  Bernard,  les  Ailes  d'Icare,  I,  112.) 

Elle  jetait  au  vent  sa  tête  fulgurante. 

(Th.  de  Banville,  la  Belle  Véronique.) 

fulvide  ;  «  La  classification  des  blondes  est  infinie;  il  y  a 
le  blond  fulvide  légèrement  rubellé  à  l'endroit  où  ce  pro- 
duit corné  sort  de  son  bulbe,  etc.  «  (Roqueplan,  Parisine,  3" 
édit.,  p.  113.) 

gente:  «  H  tomba;  et  depuis,  lui,  et  d'après  lui,  sa  gente, 
ont  été  marqués  de  ce  signe.  »  (Michclet,  Bible  de  V Humanitéj 
p.  73.)  Mot  incorrect.  Il  faut  soit  gens,  soit  gent.  Michclet  n'a 
pas  voulu  de  gens  qui  a  une  acception  spéciale  dans  l'histoire 
romaine,  ni  gent  qui  est  familier  ou  archaïque;  et  il  a  préféré 
un  barbarisme. 

gloria,  petit  verre  d'eau-de-vie  versé  dans  une  demi-tasse 
de  café  noir;  mot  tout  à  fait  poi)ulaire.  «  A  la  chaleur  d'une 
demi-lasse  de  café  bénie  par  un  gloria  quelconque.  »  (Balzac, 
dans  L.  Larchey). 

hilare,  hilarant 


—  181  — 

hirsute :«.  leur  délivre...  roide  ai  hirsute.  »  (Chateaubriand, 
Mémoires,  t.  III,  p.  238). 

horripiler  :  «  Il  avait  le  malheur  de  bien  écrire,  ce  qui  a 
le  don  d'horripiler  les  sots  de  tous  les  pays.  »  (Th.  Gautier, 
Étude  sur  Baudelaire). 

immarcescible  :  «  De  l'azur  sans  tache,  de  la  lumière  im- 
marcescib le.  »  ( Id . ,  ib id.). 

immémorable  :  «  L'âge  où  la  vie  n'a  point  de  souvenir  et 
apparaît  de  loin  comme  un  songe  inmiémorable.  »  (Chateau- 
briand, Mémoires,  t.  III,  p.  34.) 

immémoré  :  «  Je  jette  un  regard  attendri  sur  ces  livres 
qui  renferment  mes  heures  immérnorées.  »  (Id.,  ibid.,  p.  350). 

improbité:  «  Nous  disons  ])robité,  propreté:  pourquoi  ne  pas 
dire  improbité, impropreté? »{Domergue, dans  le  Journal  de  la 
langue  française,  t.  V,  p.  334;  année  1795).  Improbité  a  été  re- 
pris au  latin  ;  impropreté  n'a  pas  été  reçu  :  «  Les  plus  vertueux 
négociants  vous  disent  de  l'air  le  plus  candide  ce  mot  de  Vim- 
probité  la  plus  effrénée  :  «  On  se  tire  d'une  mauvaise  affaire 
comme  on  peut.  »  (Balzac,  la  Maison  Nucingen). 

incrassant:  «  La  fécule  n'est  pas  moins  incrassante  quand 
elle  est  charroyée  par  les  boissons.  »  (Brillât-Savarin,  Physio- 
logie du  goût,  I,  100). 

incuriosité  et  incurieux  sont  proposés  comme  mots  nou- 
veaux dans  le  Journal  de  la  langue  française,  t.  V  (année  1787), 
p.  330.  Seul  incuriosité  a  été  admis. 

inexpié  : 

Leurs  attentats  bénis,  heureux,  inexpiés. 

(V.  Hugo,  Légende  des  siècles,  I,  le  Satyre.) 

inéluctable,  mot  employé  pour  la  première  fois  parC.  Des- 
moulins, proposé  par  iMercier  dans  sa  Néologie.  Il  conserve 
encore  aujourd'hui  un  caractère  marqué  de  néologisme. 

influent,  mot  d'un  français  douteux:  il  n'a  été  admis  par 
l'Académie  que  dans  la  septième  édition  de  son  Dictionnaire 
(1835)  ;  il  est  fort  reçu  aujourd'hui. 

initiateur. 

ingestion  :  «  L'ingestion,  opération  qui  commence  au  mo- 
ment où  les  aliments  arrivent  à  la  bouche  et  finit  ti  celui  où 
ils  entrent  dans  l'œsophage.  »  (Brillât-Savarin,  Physiologie  du 
guùt,  \,  80.)  ce  Les  discussions  politiques  qui  troublent  égale- 
ment l'ingestion  et  la  digestion.  »  (Id.,  ibid.,  I,  146.) 

innovateur,  mot  proposé  par  Mercier  et  aujourd'hui  reçu. 


—  182  — ' 

hiMable  a  été  proposé  par  La  Harpe  et  Mercier.  Ce  mot 
était  usité  au  sens  qu'il  a  actuellement,  durant  le  quinzième 
et  le  seizième  siècle.  Au  dix-septième  siècle  il  disparaît  de  la 
langue  commune,  et  Vaugelas,  dans  ses  Remarques^  constate 
que  iilahle  est  usité,  mais  non  instable.  Conservé  seulement 
dans  la  langue  spéciale  de  la  mécanique,  il  est  rentré  de  nos 
jours  dans  l'usage  général. 

l'Institut;  le  mot  et  la  chose  datent  de  la  Révolution. 

insurrection;  le  mot  n'est  pas  inconnu  à  quelques  écri- 
vains latinisants  du  quinzième  ou  du  seizième  siècle  ;  notre 
époque  a  eu  le  triste  privilège  de  le  voir  entrer  définitivement 
dans  la  langue. 

lapilli  (cendres  volcaniques)  ;  c'est  le  pluriel  de  lapillus. 

législative,  législature;  datent  de  la  Révolution. 

lénité  {Littré,swpjo/éw.). 

lenticule^  nom  scientifique  de  la  lentille  d'eau. 

majorer  (Littré,  SMjo/)^ém.). 

médium,  terme  du  vocabulaire  des  spirites. 

mellifique,  proposé  par  Mercier,  objurgateur,  oblivieux 
(Littré,  supplém.). 

multiforme  : 

Et  la  peur  ridicule, 
Hideuse  et  multiforme  autour  de  lui  circule. 

(Beaudelaire,  Fleurs  du  mal,  ci). 

Cauchemar  m,ultiforme. 

{Ibid,,  eu.) 

obsidional:  «  Indépendamment  de  cette  répugnance  pour 
une  nourriture  obsidionale  [la  viande  de  cheval).  »  (N.  Roque- 
plan,  Parisine). 

occulter,  proposé  par  Mercier,  est  employé  dans  la  termi- 
nologie spéciale  de  l'astronomie. 

omnibus  :  voiture  omnibus  et  absolument  :  un  omnibus, 
ou,  comme  dit  le  peuple,  en  sous-entendant  voiture,  une  om- 
nibus. 

plèbe.  Mercier  demande  en  1801  que  le  terme  méprisant  de 
populace  soit  désormais  remplacé  par  plèbe.  Plèbe  est  en  efTet 
eiitré  dans  l'usage,  mais  avec  une  signification  qui  n'est  guère 
moins  dédaigneuse  que  celle  de  populace.  Il  est  curieux  que 
plébéien  n'ait  pas  cette  acception  défavorable.  Comparez  la 
plèbe  et  les  plébéiens. 

pondérateur,  pondéraux. •  matières  pondérBuses. 


—  183  — 

préliher:  «  Je  laisse  tout  cela  au  successeur  que  j'ai  planté 
en  commençant  ce  chapitre,  et  me  contente  de  préliber.  » 
(Brillât- Savarin,  Physiologie  du  goût,  I,  103). 

prestigiateur,  proposé  par  Mercier.  On  dit  maintenant 
prestidigitateur,  qui  est  moins  bon. 

procrastiner,  procrastination,  mots  proposés  par  Mercier, 
et  qui  s'introduisent  actuellement  dans  la  langue. 

processus,  publicateur,  pugnacité. 

radiance:  «  Tous  ceux  chez  lesquels,  en  pareil  cas,  on 
n'aperçoit  ni  l'éclair  du  désir,  ni  la  radiance  de  l'extase.  » 
(Brillât-Savarin,  Physiologie  du  goût,  I,  70). 

radiation,  au  sens  de  action  de  rayer,  date  de  la  Révolu- 
tion ;  au  sens  de  action  de  rayonner  (lat.  radiatio),  il  est  de 
formation  contemporaine. 

reptation  :  «  La  reptation  lente  et  circonspecte  de  nos  tar- 
digrades.  »  (Michelet,  la  Mer,  2*  édit.,  p.  132). 

rutilant,  vapeurs  rutilantes;  au  figuré,  voir  un  exemple 
au  mot  fulgurant, 

sécession,  mot  qui  date  de  la  guerre  civile  du  Nord  et  du 
Sud  aux  États-Unis  (1861-1864). 

sélection,  mot  introduit  de  nos  jours  par  l'école  de  Dar- 
win. On  peut  considérer  ce  mot  et  le  précédent  comme  d'o- 
rigine anglaise.  Toutefois  la  signification  latine  en  est  si 
visible  qu'on  les  reconnaît  aussitôt  comme  latins  et  qu'on 
les  emploie  comme  tels, 

splénétique.  M.  Scholle  [Programrime,  p.  17)  donne  ce  mot 
comme  un  néologisme  employé  par  M.  Montégut  dans  la  Re- 
vue des  Deux  Mondes. 

squalide  : 

Un  squalide  recors  range  sur  l'établi 
Le  code  où  la  raison  est  vouée  à  l'oubli. 

(Barthélémy,  Némésis,  la  Magistrature.) 

stranguler  :  «  Claude  avait  été  comme  strangulé  par  une 
douleur  atroce.  »  (J.  Claretie,  le  Beau  Solignac,  1876,  t.  I, 
p.  253.)  Qu'est-ce  que  strangulé  dit  de  plus  que  étranglé? 

stupéfaction  et  stupéfier  paraissent,  dans  la  langue  com- 
mune, d'un  emploi  nouveau, 

suburbain^  mot  proposé  par  Mercier;  aujourd'hui  usuel. 

suppéditer  :  «  Les  paysans,  avaricieux  d'argent,  ne  le  sont 
pas  de  provisions  qu'ils  ont  en  leur  huche  et  qui  ne  leurcoû- 


—   184  — 

tentrien,  suppéditées  par  la  bonne  mère  nature.  »  (Th.  Gautier, 
Capitaine  Fracasse,  VII). 

sylvicole:  «  C'était  une  faute  au  point  de  vue  sylvicole.  » 
(Clavé,  Rev.  des  Deux  Mondes,  V  février  1865,  p.  791,  dans 
Scholle,  Archives  de  Herrig,  t.  XXXIX,  p.  435.) 

tricolore,  date  de  la  Révolution. 

trucider.  M.  Scholle  [Archives  de  Herrig,  t.  XLIl,  p.  129) 
cite  ce  mot  comme  un  néologisme  essayé  par  Th.  Gautier  [le 
Capitaine  Fracasse,  XV) . 

truculent,  voir  plus  haut  au  mot  fulgurant. 

turbo,  terme  d'histoire  naturelle. 

turbulence,  proposé  par  Mercier 

turpe  : 

Est-il  dit  qu'au  milieu  de  ces  ignominies 
'  Nous  traînerons  longtemps  nos  turpes  agonies? 

(Barthélémy,  Némésis,  Aux  soldats  de  la  France. 
Sur  leurs  turpes  secrets  je  veux  porter  le  jour. 

(Barthélémy,  Némésis,  Apologie  du  centre.) 

ululation,  dans  Th.  Gautier  {le  Capitaine  Fracasse,  iv). 
vertigineux,  volvoce  (Littré),  vertex  (terme  d'anatomie). 


CHAPITRE    XIII. 

DÉRIVATION    LATINE. 

La  dérivation  latine  a  été  reprise  par  la  langue  moderne 
presque  sous  toutes  ses  formes.  Des  suffixes  que  le  latin  po- 
pulaire avait  abandonnés  et  qui,  par  suite,  étaient  restés 
étrangers  au  français,  ont  reparu  dans  notre  langue  pour  y 
retrouver  une  nouvelle  existence.  Tels  sont  atoire,  ique,  isme, 
iste,  etc.  Les  suffixes  latins  ont  eu  ou  ont  chez  nous  diverse 
fortune  :  les  uns  restent  confinés  dans  un  coin  de  la  termino- 
logie scientifique  et  gardent  leur  caractère  étranger  :  tel  le 
suffixe  ium  servant  à  former  des  noms  de  métaux  ou  de  mé- 
talloïdes :  calcium,  rubidium,  etc.  Les  autres,  grâce  à  un  em- 
ploi plus  étendu,  à  une  signification  plus  générale,  ont  péné- 
tré plus  profondément  dans  la  langue;  ainsi  ation,  iser,  ité, 
atoire,  if,  etc.  Parmi  ceux-ci,  on  en  voit  qui  s'ajoutent  à  des 


—  185  — 

thèmes  français  :  central  donne  centraliser  centralisation;  rê- 
glementer  donne  réglementation;  d'autres  se  fixent  aux  tlièmes 
latins  :  axilla  donne  axill-aire,  genus  génér-ique.  Dans  le  pre- 
mier cas  comme  dans  le  second,  le  principe  de  formation  est 
le  même;  iser  et  ation  se  combinent  avec  les  radicaux  latins 
(réels  ou  fictifs)  ;  mais  ces  radicaux  ne  se  distinguent  pas, 
sous  leur  forme  latine,  de  la  forme  qu'ils  affectent  en  français: 
centralisation  aurait  pu  exister  en  latin  sous  la  forme  centra^ 
lisatio,  ionis. 

Dans  l'examen  des  suffixes  que  nous  allons  entreprendre, 
nous  ne  pouvons  plus  partir  de  la  forme  française,  comme 
nous  l'avons  fait  précédemment  ;  il  faut  remonter  aux  types 
latins,  suffixes  nominaux  et  verbaux.  Nous  suivons  l'ordre  de 
Diez,  et  nous  divisons  les  suffixes  nominaux  en  suffixes  for- 
més de  voyelles,  suffixes  formés  de  consonnes  simples  et  de 
consonnes  combinées.  Nous  faisons  une  classe  à  part  pour  les 
suffixes  verbaux. 


§  1.  Suffixes  nominaiMC  formés  de  voyelles. 

EUS  a  pénétré  au  dix-septième  siècle  et  au  dix-huitième  sous 
la  forme  ée  :  momentanée^  simultanée,  etc.  ;  les  adjectifs  en  ée 
n'avaient  donc  qu'une  forme  pour  le  masculin  et  le  féminin  ; 
on  écrivait  wn  cétacée.  De  nos  jours,  l'e  final,  qui  pouvait  faire 
illusion  sur  le  genre  du  mot,  a  été  supprimé  avec  raison*.  Les 
mots  latins  en  eus,  repris  de  nos  jours,  font  été  sous  la  forme 
é  :  extemporaneus  extemporané,  cssruleus  cérulé^.  Le  suffixe 
eus  n'a  pas  donné  naissance  à  des  dérivés  nouveaux,  parce 
que  la  dérivation  savante  l'a  transformé  en  ianus     ien^. 

EA,  sous  la  forme  du  pluriel  féminin  ées,  est  employé  dans 
la  terminologie  botanique.  (Voir  plus  loin  à  aceus.) 

EUM,  iEUM.  Sur  le  modèle  de  muséum,  on  a  créé  par  plaisan- 
terie croutéum,  collection  de  croûtes  ou  de  mauvais  tableaux  : 
«  Bientôt  la  boutique,  un  moment  changée  en  croutéum, 
passe  au  muséum.  »  (Balzac,  cité  par  L.  Larchey). 

lus  n'a  rien  donné. 

1.  Mais,  avec  celte  absence  de  logique  qui  caractérise  notre  orthographe  mo- 
derne, nous  écrivons  encore  avec  ée  les  mots  caducée,  cotisée,  élysée,  lycée, 
musée,  etc. 

2.  Voir  plus  haut,  p.  178.  , 

3.  Voir  plus  bas,  au  suffixe  anus,  p.  193. 


—  186  — 

lA,  qui  est  devenu  ie  dans  la  langue  populaire,  appartient 
également  à  la  langue  savante;  toutefois  le  m  latin  se  confond 
avec  le  ta  grec,  et  les  dérivés  savants  en  ie  doivent  être  pour 
la  plupart  rapportés  au  suffixe  grec. 

lUM  a  eu  un  grand  développement  dans  la  terminologie 
chimique,  où  il  sert  à  désigner  les  métaux.  Il  s'ajoute  à  des 
radicaux  tirés  de  tous  côtés  :  mots  français,  mots  latins,  mots 
grecs,  noms  communs,  noms  propres  de  personnes,  de  lieux, 
adjectif,  etc.  :  aluminium,  baryum,  cadmium,  cœsium,  cal- 
cium, cérium,  didymium,  gallium,  glucinium,,  indiwn,  iridium,, 
lithium,,  m,agnésiwn,  osm^imn,  palladiu^n,  potassium,  rhodium, 
ruhidimn,  ruthénium,  sélénium,  silicium,  sodium,  strontium, 
ihallium,  thorium,  uranium,  vanadiù/m,  zirconium^. 

DUS,  qui  se  trouve  dans  arduus,  assiduus,  congruus,  conti- 
nuus,  exiguus,  etc.,  n'a  pas  donné  de  formations  nouvelles. 

Nous  n'avons  pas  besoin  de  faire  remarquer  que  ceux  des 
suffixes  précédents  qui  ont  passé  dans  la  langue  savante  ont 
dû  prendre  un  accent  qu'ils  n'avaient  pas  en  latin.  On  sait 
que  les  suffixes  atones  du  latin  ont  disparu  en  roman,  sauf 
un  ou  deux  qui  ont  été  sauvés  par  un  déplacement  d'accent  : 
ta  devenu  îa;  iolus  devenu  iôlus,  etc.  Les  langues  romanes 
n'ont  gardé  du  latin  que  des  suffixes  syllahiques  accentués*. 


§  2.   Suffixes  nominaux  formés  de  consonnes  simples. 


ACUS.  Ce  suffixe  est  de  même  nature  que  le  suffixe  grec 
axôç,  et  dans  un  certain  nombre  de  mots  se  confond  avec  lui 
{œgyptiacus  =  Aiyvmicx.-Abçy  ^rwienmcMs='Appeviaxôç).  Il  se  trouve 
dans  un  certain  nombre  d'adjectifs  et  de  substantifs  latins 
qui  ont  passé  dans  la  langue  savante  :  aphrodisiaque,  cardia- 
que, élégiaque,  maniaque;  opaque;  cloaque,  thériaque,  etc.  Il  n'a 
pas  donné  de  dérivations  nouvelles. 

iCUS,  ÎCA  n*a  pas  plus  donné  de  mots  nouveaux  à  la  forma- 
tion savante  qu'à  la  formation  populaire.  Quelques  mots  de 
la  langue  mère  seulement  ont  passé  dans  la  langue  fille  et  y 

1.  L'explication  étymologique  de  ces  noms  nous  entraînerait  trop  loin  ;  et  d'ail- 
leurs elle  ne  rentre  pas  dans  notre  étude.  Notons  seulement,  pour  la  curiosité  du 
fait,  le  nom  de  gallium  donné  par  M.  Lecoq  {gallus)  à  un  métal  qu'il  a  découvert 
en  1876.  • 

2.  Voir  Diez,  Grammaire,  t.  II,  p.  2.55  de  la  traduction  française. 


—  187  — 

sont  restes  stériles;  tels  sont  :  fourmi^  vessie,  dans  la  forma- 
tion populaire;  pudique  dans  la  formation  savante. 

ÏCUS,  iCA.  Ce  suffixe  qui,  en  sa  qualité  d'atone,  devait  dis- 
paraître de  la  langue  populaire,  a  eu  un  riche  développement 
dans  la  formation  savante.  Le  nombre  considérable  d'adjectifs 
en  ÏCUS,  l'identité  de  forme  que  icus  possède,  grâce  à  une 
commune  origine,  avec  le  grec  ub;,  suffixe  très-fécond  dans  la 
terminologie  scientifique,  ont  donné  à  cette  terminaison  une 
consistance  assez  grande  pour  qu'on  y  ait  vu  le  suffixe  géné- 
ral de  formation  adjectivale.  De  là  la  quantité  d'adjectifs  en 
ique  tirés,  soit  de  mots  latins,  scyt  de  mots  français  reformés 
sur  des   types  latins.        ^ 

Voici  des  dérivés  nouveaux  : 

charivari^  charivarique  : 

(Les  uns) 
Trouvant  que  de  nouveau  je  pèche  et  prévarique, 
Elèveront  encor  leur  voix  charivarique. 

(A.  Pommier,  Colifichets,  I.) 

êden,  édénique:  «Une  des  villes  d'eau  les  plus  courues  du 
Tyrol  édénique.  »  (Lagenevais,  Revue  des  Deux  Mondes,  dans 
Scholle,  Programme,  p.  14). 

faraday,  faradique  :  «  Lunettes  faradiques  contre  l'affai- 
blissement de  la  vue.  3>  (Prospectus  d'un  magasin  d'instru- 
ments d'optique,  etc.). 

féerie,  féerique,  voir  Littré,  supplém. 

hv/moriste,  humoristique  :  «  Écrivain  humoristique.  » 

Galvani,  galvanique  :  «  L'électricité  galvanique.  » 

jambon,  jambonique  :  «  Cet  os  jambonique,  auquel  pendait 
un  lambeau  de  chair.»  (Th.  Gautier,  Capitaine  Fracasse,  VU). 

orphéon,  orphéonique. 

somnambule,  somnambulique  :  «  Sa  préoccupation  presque 
somnambulique  était  si  rencontrée  par  les  choses,  qu'il  se 
trouvait  au  milieu  du  monde  sans  voir  le  monde.  »  (Balzac, 
Sarrazine). 

Volta,  voltaïque  :  «  Le  courant  voltaïque.  » 

Dans  les  dérivés  qui  précèdent,  ique  s'ajoute  à  un  radical 
français  :  parfois  il  s'attache  au  type  latin  reconstitué. 

voyelle  remonte  à  vocalis  pour  donner  l'adjectif  ^vocalicus, 
vocalique  :  «  Le  son  vocalique  de  a.  » 

consonne   remonte  à   consonans    pour   donner    l'adjectif 


—  188  — 

*conso7ianticus,  consonantique  :  «  Le  son  consonantique  de  ^^ 
dans  bien.  » 

Il  est  souvent  difficile  de  distinguer  si  dans  ique  on  a 
affaire  au  latin  icus  ou  au  grec  vaoc.  Peut-être  que  orphéonique, 
galvanique,  voltaïque,  doivent  être  rapportés  à  des  types  grecs. 
La  question  d'ailleurs  est  de  peu  d'imporlance,  puisque  le 
sufnxe  grec,  ayant  passé  en  latin  avec  un  certain  nombre  de 
mots,  s'est  confondu  avec  le  suffixe  latin.  C'est  ainsi  que  même 
les  dérivés  en  -logique,  -métrique,  -graphique,  de  -logie,  -iné- 
trie,  -graphie,  peuvent  être  rapportés  à  des  types  latins  -lo- 
gicus,  etc.  Tels  sont  les  mol»  nouveaux  :  assyriologie,  assy- 
riologique;  égyptologie,  égyptologiqwe^;  climatologie,  climatolo- 
gique  ;  sociologie,  sociologique;  hatliymétrie ,  hathymélrique ; 
dynamométrie,  dynamométrique  ;  idéographie,  idéographique  ; 
photographie,  photographique,  etc. 

On  a  plutôt  affaire  au  suffixe  ly.hc,  dans  des  dérivations  telles 
q\iQ  mythe,  mythique;  isobare,  isobarique,  ainsi  que  dans /an^as- 
matique  que  les  écrivains  romantiques  ont  substitué  à  fantas- 
tique. «  Sous  la  lueur  fantasmatique  d'un  ciel  crépusculaire, 
s'élevait  une  énorme  masse  noire  chargée  d'aiguilles  et  de  clo- 
chetons. »  (V.  Hugo,  Notre-Dame  de  Paris). 

Fantasmatique  est  tiré  du  pluriel  neutre  cpavTâa[ji.aTot,  d'après 
l'analogie  de  aromatique,  dogmatique,  diplomatique,  diaphrag- 
matique,  emblématique  {^problématique),  empyreumatique,  énig- 
matique,  épigrammatique,  mathématique,  numismatique,  phleg- 
matique,  pneumatique,  ^wagmatique,  prismatique,  spasmatique, 
spermatique,  stygmatique,  symptomatique,  traumatique,  zygo- 
matique,  etc. 

Ces  derniers  mots  semblent  faire  revivre  un  suffixe  atique, 
analogue  au  suffixe  latin  aticus  (français  âge)  :  mais  ce  n'est 
qu'une  apparence  ;  il  n'y  a  aucun  rapport  réel  entre  les  deux 
suffixes. 

Ique  a  reçu  un  emploi  spécial  dans  la  nomenclature  chi-r 
mique'. 

ACEUS  :  arenaceus,  capillaceus,  farinaceus,  foliaceus,  gal- 
linaceus,  lippaceus,  vinaceus.  Ce  suffixe  a  été  repris  par  la 
langue  scientifique  sous  la  forme  acé  (plus  anciennement  acée 
dans   certains   mots^)  :   amantacé,  crustacé,  fromentacé,  etc. 

1.  Voir  plus  bas,  p.  236. 

2.  Voir  plus  haut,  p.  185. 


—    189  — 

11  a  fait  fortune  dans  la  nomenclature  botanique,  et,  employé 
au  féminin  pluriel,  il  sert  en  général  à  former  des  noms  de 
famille  de  plantes  :  c'est  de  beaucoup  le  plus  usité  des  suffixes 
destinés  à  cette  fonction.  Ainsi,  dans  la  classification  de  Gan- 
dolie,  sur  cmquante-dx  familles  qui  composent  la  classe  des 
Ihalamiflores  (phanérogames  dicotylédones),  trente  deux  sont 
formées  à  l'aide  du  suffixe  acées  ;  ce  sont  les  renonculacées, 
les  dilliniacées,  les  magnoliacées,  les  aniomacées,  les  ménisper- 
macées,  les  berbéridacées,  les  nymphœacées,  les  papavéracées, 
les  fumariacées,  les  résédacées,  les  flacourtiacées,  les  bixacées, 
les  violacées,  les  droséracées,  les  trémandracées,  les  frankinia- 
cées,  les  linacées,  les  nialvacées,  les  bombacées,  les  bythnéria- 
cées,  les  tiliacées,  les  chlénacées,  les  ternstrœmiacées,  les  auran- 
liacées,  les  margraviacées,  les  hippocratiacées,  les  malpighiacées, 
les  salpindacées,  les  niéliacées,  les  géraniacées,  les  rutacées,  les 
ochnacées.  On  trouve  aussi  ées  employé  concurremment  avec 
acées,  quoique  plus  rarement;  on  dit  aussi  bien  les  berbéri- 
dées  que  les  berbéridacées,  les  lùiees  que  les  linacées,  etc. 

Remarquons  que  les  formes  latines  de  ces  noms  en  acees  ne 
sont  pas  acec'c  comme  on  s'y  devrait  attendre,  mais  acse*. 


D. 

AS  ADIS,  EIS  EIDIS.  Des  imitateurs  d'Homère  et  de  Virgile, 
qui  n'ont  réussi  bien  souvent  qu'à  imiter  des  titres,  ont  donné 
à  la  littérature  la  Franciade,  la  Henriade,  la  Pétréide,  etc. 
En  1792,  paraissait  «au  bureau  des  sabats  Jacobites  la  Jaco- 
binéide,  poëme  héroï-comi-civique,  par  l'auteur  de  la  chro- 
nique du  manège,  de  sabats  Jacobites.  «  Le  fécond  Barthélémy 
a  écrit  une  Peyronéide  contre  le  ministère  Peyronnet,  une 
ViUéliade  contre  le  ministère  de  Villèle,  une  Dupinade  (1831) 
contre  le  président  Dupin.  Nous  avons  vu  des  Napoléonides, 
des  Philippides. 

On  a  créé  de  nos  jours  le  mot  Achilléide  pour  désigner  l'en- 
semble des  poëmes  dont  Achille  est  le  héros,  et  le  mot  Rollan- 
déide,  pour  désigner  l'ensemble  des  chansons  de  geste  qui 
célèbrent  les  exploits  du  neveu  légendaire  de  Charlemagne. 

IDAE,  qui  sert  à  former  des  patronymiques  Atrides,  Pélo- 

1.  Du  moins  chez  certains  botanistes.  Voir,  par  exemple,  la  Table  de  i'Encyclo* 
pédie  d'histoire  naturelle  du  D'  Chenu. 


—  190  — 

jjides,  Iléradides,  etc.,  n'a  pas,  à  notre  connaissance,  fourni  de 
nouveaux  rejetons. 

T-UDO,  T-UDINEM.  Diez,  prenant  pour  caractéristique  de  ce 
suffixe  la  terminaison  i-n-em,  le  place  sous  la  lettre  N;  la 
formation  populaire  part  en  effet  de  l'accusatif;  mais  c'est 
du  nominatif  que  part  la  formation  savante;  -tude  vient  de 
-tudo  et  non  de  -tudinem.  En  général,  la  formation  savante 
part  du  nominatif  latin  et  non  de  l'accusatif;  et  même  dans 
les  mots  qui  affectent  la  terminaison  de  l'accusatif,  les  noms 
en  -tion,  par  exemple,  les  lettrés  qui  les  empruntent  au  latin 
ne  voient  pas  l'accusatif -fionem,  mais  le  nominatif -^«o  ;  s'ils 
ne  leur  conservent  pas  la  forme  tio,  c'est  que  cette  dernière 
est  contraire  à  l'analogie  de  la  langue. 

Tudo  passe  en  français  sous  la  forme  tude  :  de  là  ampli- 
tude, aptitude,  certitude,  gratitude,  habitude,  lassitude,  latitude, 
lippitude,  longitude,  rectitude,  solitude,  sollicitude,  turpi- 
tude, etc.  Sur  le  modèle  de  ces  mots  pris  au  latin,  à  di- 
verses époques,  on  a  créé  plénitude  au  quatorzième  siècle, 
décrépitude  au  quinzième  siècle,  exactitude  au  dix-septième 
siècle,  mot  contre  lequel  Vaugelas  protestait  vainement;  plati- 
tude au  dix-huitième  siècle. 

De  nos  jours,  on  a  essayé  d'introduire  vastitude  :  «ihavasti- 
tude  de  l'Amérique,  »  dit  Chateaubriand  dans  ses  Mémoires 
(t.  II,  p.  206).  L'ancienne  langue  disait  vasieté,  qui  valait 
mieux  :  vasteté  est  de  formation  française,  vastitude  est  latin. 


ALIS  affecte  dans  la  dérivation  savante  les  mêmes  formes 
at  et  el  que  dans  la  dérivation  populaire.  La  dérivation 
savante  se  reconnaît  à  ce  trait  que  les  radicaux  des  dérivés 
doivent  avoir  la  forme  latine. 

Voici  des  exemples  de  formations  nouvelles. 

AL  :  caudal,  latitudinal  (Ch.  Martins,  dans  SchoUe,  Pro- 
gramme, p.  15),  lilial:  «  ton  teint  lilial  »  (A* Sylvestre,  la  Gloire 
du  Souvenir,  II),  pictural,  piscatorial  (Littré,  supplém.). 

vestimental  :  «  Se  montrer  élégamment  tenu  suivant  les 
lois  vestimentales  qui  régissent  huit  heures,  midi,  quatre 
heures  cl  le  soir.  «  (Balzac,  la  Maison  Nucingen,  édit.  de 
1856,  p.  27^). 

] .  Citons  ici  les  noms  des  mois  du  printemps  dans  le  calendrier  révolutionnaire 


—  191  — 

EL  :  accrémentitiel. 

casuel  :  «  Un  sentiment  de  profonde  horreur  pour  l'hom- 
me saisissait  le  cœur,  quand  une  fatale  attention  vous  dévoi- 
lait les  marques  imprimées  par  la  décrépitude  sur  cette 
casuelle  machine.  »  (Balzac,  Sarrazinë], 

circonstanciel^  proposé  par  Mercier  (1801)  et  Richard 
(1845). 

concordantiel,  concurrentiel  [hiiÏTé,  supplém.). 

gustuel  :  «  l'appareil  gustuel  »  (Brillât-Savarin,  Physiolo- 
gie du  goût,  I,  14). 

interférentiel  (Littré,  supplém.),  intersticiel,  matriciel 
(Littré,  supplém.),  présidentiel  ;  protubéranciel,  mot  qui  date  de 
la  découverte,  dans  l'atmosphère  du  soleil,  de  protubérances 
gazeuses  ;  sensoriel,  sériel. 

OLUS,  OLA,  OLUM.  Nous  avons  déjà" parlé  de  ce  suffixe', 
qui  se  trouve  dans  areola,  gloriola,  faseolus,  foliolum,  etc. 
Les  mots  en  olus,  ola,  olum,  ont  été  repris  à  diverses  époques 
[gloriole  est  dû  à  l'abbé  de  Saint-Pierre).  Ils  ont  servi  à  des  forma- 
tions analogiques:  astériole[*asteriola  de  asteria),éludiole{*stu- 
diola  de  studiurn;  mot  mal  fait;  il  faudrait  étudole  ou  studiole), 
herniole  [*herniola  de  hernia^,  luciole  {*luciola  de  lux;  italien, 
luciola) ;  rabiole  (de  rave;  * rapiola  dérapa;  mot  de  forma- 
tion bizarre  ;  à  moins  qu'il  ne  soit  d'orig;ine  étrangère).  Nous 
n'avons  pas  à  signaler  de  formations  nouvelles. 


composé  par  Fabre  d'Églantine  :  germinal,  floréal,  prairial.  Les  deux  premiers 
remontent  à  des  types  latins  (germinalis,  (lorealis)  ;  le  troisième  est  de  formation 
française  :  prairie,  prairial.  Les  trois  noms  qui  suivent,  messidor,  fervidor, 
fructidor,  sont  moins  corrects  :  la  combinaison  de  la  terminaison  dor  =:  Sù- 
pov,  avec  messis,  fervi(dus)  et  fructus,  en  fait  des  mots  hybrides  :  fervidor  a  été 
remplacé  de  bonne  heure  par  thermidor  qui  est  meilleur,  le  premier  élément 
étant  aussi  grec.  Vendémiaire,  b^'umaire,  sont  corrects  ;  ils  supposent  des  types 
*oindemiarius,  ^brumarius,  formés  d'après  l'analogie  latine  ;  frimaire  est  plus 
diflicile  à  justifier  ;  il  suppose  un  substantif  frime,  radical  de  frimas,  qui  n'existe 
pas.  Pour  iiivâse,  pluviôse,  ventôse,  les  mots  latins  pluviosvis,  nivosus,venlosus, 
ont  été  simplement  retranscrits  en  français.  Ces  quatre  séries  de  noms  sont  d'une 
rare  harmonie,  et  singulièrement  appropriées  aux  saisons  de  l'année  :  quoi  de  plus 
riant  que  les  noms  des  mois  printaniers  germinal,  floréal,  prairial?  de  plus 
éclatant,  de  plus  riche,  que  ces  noms  de  messidor,  thermidor,  fructidor?  et 
comme  ces  syllabes  sonores  rendent  bien  léclat  du  ciel  brûlant,  du  soleil  rayon- 
nant des  mois  dété!  Vendcm,iaire,  brumaire,  frimaire,  sont  plus  simples,  comme 
il  convient  aux  mois  de  transition  qui  de  l'été  conduisent  à  Ihiver.  Mais  quelle 
harmonie  sourde  dans  nivôse,  pluviôse,  ventôse,  et  combien  conforme  à  la  sombre 
poésie  de  l'hiver  1  On  retrouve  dans  ces  noms  si  heureusement  inventés  Toreille 
musicale  du  méridional  et  le  goùl  du  poêle. 
1 .  Voir  plus  haut,  p.  102. 


—  192  — 

ULUS,  ULA,  ULUM.  Suffixe  à  signification  diminutive,  qui 
forme  des  substantifs  masculins  [-ulus,-ulum)  ou  féminins 
{-ula),  et  des  adjectifs,  la  plupart  appartenant  à  la  langue 
scientifique  :  antennule,  appendicule,  aspérule  (s.  f.),  crépi- 
dule,  libellule  (s.  f.),  ovule,  plantule  (s.  f.),  pyxidule,  silicule 
(de  silique  =  *siliqu-ula) . 

Ce  suffixe  se  fait  souvent  précéder  en  latin  d'un  c  ;  corpus- 
c-ulum,  homun-c-ulus;  de  là  le  diminutif  cule  qui  donne  de 
nos  jours  :  théatricule  :  c.  Tous  ces  théâtricules ,  qui....  ont 
surgi  sur  tous  les  points  de  Paris.  »  [Indépendance  belge, 
5  oct.  1868)  ;  touristicule  dans  Topfer  [Voyages,  II,  1"  journée; 
cité  par  SchoUe,  Archîv.  de  Herrig,  XLII,  p.  129)  ;  principicule, 
que  M.  Littré  signale  comme  un  néologisme;  connecticule, 
terme  scientifique. 

Ni  -ulus  ni  -culus  n'ont  pu  produire  des  dérivés  nouveaux 
dans  la  langue  populaire  parce  qu'ils  ne  portent  pas  d'accent, 
et  que  seuls  les  suffixes  syllabiques  accentués  ont  passé  du 
latin  populaire  au  roman.  La  langue  populaire  d'ailleurs  n'en 
a  que  faire,  puisqu'elle  possède  et  ette.  La  langue  savante  au 
contraire,  ne  pouvant  joindre  et  ette  à  des  radicaux  latins,  a 
dû  utiliser  les  suffixes -cm/ws,-m/ms. 

I-B-ILIS  donne  -i-ble  qui  correspond  au  suffixe  able  de  la 
formation  populaire.  Les  dérivés  en  i-bilis  sont  formés  sur 
les  types  latins,  le  suffixe  s'ajoutant  au  thème  du  participe 
présent  ou  du  participe  passé  :  tangible  *tangi-bilis  de  tang- 
entem;  destructible  *  destructi-bilis  de  destruct-us.  Le  suffixe 
populaire  able  ne  se  joint  qu'au  thème  du  participe  pré- 
sent. 

Dérivés  nouveaux  :  conceptible  (concept-us),  concrescible 
(concresc-entem),  conscriptible  (conscript-us),  explosible 
(explos-us). 

impresslble  (impress-us)  :  «  H  est  des  natures  impressibles  où 
les  idées  se  logent  et  qu'elles  ravagent.  »  (Balzac,  le  Père 
Goriot,  I,  p.  259;édit.  de  1835). 

répétible  [Liitré,  supplém.). 

Les  formes  latines  en  ëbilis  ûbilis  [flëbilis,  solûbiUs)  n'ont  pas 
donné  de  rejetons  en  français. 

N. 

y, 

ANUS  ANA  a  donné  dans  la  formation  populaire  ain  aine  et 


—  193  — 

dans  la  formation  savante  an  ane\  Sous  la  forme  iatms  iana, 
nous  avons  vu  qu'il  est  devenu  icn  ienne  et  a  produit  un 
suffixe  nouveau.  Aujourd'hui  ien  iemie  est  d'un  emploi  usuel 
dans  la  langue  savante;  il  s'ajoute  aux  thèmes  des  adjectifs 
en  icus  désignant  des  personnes  pour  remplir  en  français 
les  mêmes  fonctions  qu'en  latin  icus  :  rlietoricus  rhétoricien, 
logicus  logicien,  de  sorte  que  là  où  le  féminin  -ica  donne  un 
substantif  abstrait  gïï -ique  :  rhétorique^  logique,  le  masculin, 
pris  substantivement,  se  transforme  en  -icimius,  icien,  et 
reçoit  un  nouveau  féminin  -iciana,  icienne. 

Citons  les  néologismes  esthéticien,  fabricien  (Littré,  suppL), 
organicien,  polytechnicien. 

Ien  ienne,  représentant  ianus  iana,  forme  des  dérivés  adjec- 
tifs qui  se  tirent  généralement  de  noms  propres  :  le  modèle 
en  est  donné  par  les  mots  Italianus,  Lucianus,  Quintilia- 
nus,  etc.  Les  néologismes  ne  manquent  pas.  Byronien,  dévo- 
nien  (t.  de  géologie),  cachemirien,  d'où  cacheinir ienne,  sorte 
de  lainage,  épiscopalien  (Laugel,  Duvergierde  Hauranne,  dans 
Scholle,  Programme,  p.  14),  Garibaldien,  (le  club  des)  haschis- 
chiens,  hégélien,  Jupitérien,  Kantien,  libérien  «  couche  libé- 
rienne» (Grimard,  Rev.  des  Deux  Mondes,  l"  août  1866,  dans 
Scholle,  ^rc/u'yes  de  Herrig,  t.  XLII,  p.  124),  ligurien,  louxo- 
rien,  «  idée  louxorienne  »  (Th.  Gautier,  M"«  de  Maupin,  pré- 
face), napoléonien,  normalien,  neptunien  (t.  de  géologie).  Par- 
nassien,  phalanstérien,  rhodanien,  «  glacier  rhodajiien  »  (Ch. 
Martins,  Rev.  des  Deux  Mondes,  \"  février  1867,  p.  598,  dans 
Scholle,  Arch.  de  Herrig,  t.  XLII,  p.  127),  shakespearien, 
silurien  (t.  de  géologie),  voltairien,  zéphyrien,  etc.,  etc. 

A  côté  de  ien  il  faut  placer  éen,  qui  est  à  eus  [seus)  ce  que 
iciefi  est  à  icus  :  de  là  pour  le  latin  Chaldœus,  Heracleus, 
Nemœus,  Phocéens,  etc.,  les  traductions  Chaldéen,  Héracléen, 
Néméen,  Phocéen,  etc.  Les  néologismes  que  nous  avons  con- 
statés sont  marmoréen  (marmoreus),  éburnéen  (eburneus), 
céruléen  (cœruleus),  hyménéen  (hymenœus)  :  «  Parmi  la  pous- 
sière et  le  bruit  de  cette  kermesse  hyménéenne.  »  (Daudet, 
Jack,  m,  36.) 

Ton  front  marmoréen  éternelle  pAleur. 

(Armand  Sylvestre,  La  gloire  du  souvenir,  II.) 

1.  Notons  le  pluriel  neutre  ana,  qui  sert  de  suffixe  à  des  noms  propres,  Mena- 
giana,  Pevroniana,  Scaligerana,  Hueliana,  etc.,  et  qui,  détaché  du  radical,  est 
•  devenu  un  nom  commun  :  un  recueil  d'anas;  un  ana, 

13 


—  194  — 

C'est  l'analogie  de  ces  formes  en  eus  donnant  éen  qui  de 
alizé  permet  de  tirer  alizéen  :  «  contrées  alizéennes  »  (Jamin, 
Revue  des  Deux  Mondes^  15  février  1867,  p.  924,  dans  SchoUe, 
Archives  de  Herrig,  t.  XLII,  p.  114).  C'est  ainsi  encore  que 
lycée  donne  lycéen. 

Le  suffixe  en  se  trouve  à  l'état  pur  dans  tridîen  =  *tridianus, 
de  tridij  et  dans  Sidien. 

Eh  !  comment  finira  la  fête  Indienne  ? 

(Barthélémy,  Némésis,  V Anniversaire  des  trois  jours.) 

«  Sidi  Mahmoud  vint  assister  comme  ambassadeur  du  bey 
de  Tunis  au  sacre  de  Charles  X.  Barthélémy  et  Méry  firent 
trois  satires  contre  le  dix-neuvième  siècle  sous  le  nom  de 
Sidiennes.  »  (N.  Roqueplan ,  Parisine.  ) 

INUS  INA  {înus  ne  se  distingue  pas  de  înus).  Nous  avons  vu 
précédemment  l'emploi  du  suffixe  m  ine\  dans  la  langue  com- 
mune. La  nomenclature  chimique  s'en  sert  pour  désigner  les 
principes  essentiels  de  corps  composés  organiques.  Le  point 
de  départ  a  été  donné  par  térébenthine  (lat.  terebinthina) ,  résine 
(lat.  resina)y  etc. 

Presque  tous  les  dérivés  en  ine  appartiennent  à  notre 
époque  et  datent  de  la  création  de  la  chimie  organique  :  ali- 
zarinCj  aTnigdaline,  aniline,  atropine,  bassorine,  benzine, 
burine,  caféine,  camphorine,  caséine,  cétine,  codéine,  conicine, 
cubébine,  daphnine,  daturine,  dextrine,  digitaline,  elléborétine, 
elléborine,  émulsine,  fibrine,  fungine,  gélatine,  gommeline, 
glairine  (dite  aussi  glairidine,  zoïdine,  géline,  thermaliîie, 
pyrénéine,  nérésine,  viridine,  etc.,  etc.*),  glycérine,  hordéine, 
indigotine,  indine,  isatine,  juglandine,  lactine,  lactoline,  lapa^ 
thine,  leucine,  margarine,  méconine,  tnorphine,  narcéine,  nar^ 
cotine,  oléidine,  oléine,  pectine,  protéine,  salicine,  spongine, 
stéarine,  strychnine,  thujine,  tigline,  vanilline,  vératrine, 
zéine,  etc.,  etc. 

Cette  dérivation,  issue  de  la  formation  populaire,  adoptée 
par  la  terminologie  spéciale  de  la  chimie,  rentre  de  nouveau 
dans  la  langue  commune,  enrichie  de  la  signification  propre 
qu'elle  a  reçue  en  passant  par  la   nomenclature  chimique. 


1.  Voir  plus  haut,  p.  112. 

2.  Voir  le  Dictionnaire  de  médecine  de  MM.  Littré  et  Robin,  an  mot  glairinéi 


—  195  — 

M.  Nestor  Roqucplan,  voulant  désigner  le  principe  essentiel  de 
l'esprit  parisien,  crée  le  mot  Parisine*. 

Ï-IONEM,  S-IONEM,  voir  plus  bas  aux  suflixes  t-or,  t-iira, 
t-orius,  p.  198. 

R. 

ARIS  a  donné  dans  la  langue  populaire  ier  ière,  dans  la  lan- 
gue savante  aire  :  ainsi  adversarius,  devenant  en  vieux  français 
aversier,  est  repris  ensuite  au  latin  sous  la  forme  adversaire. 
Aire  a  reçu  dans  la  langue  commune  un  développement  si 
considérable  qu'il  y  a  pris  racine  et  forme  directement  des 
adjectifs  à  l'aide  de  radicaux,  non   plus  latins,  mais  fran- 

annuaire,  de  annuus  :  l'adjectif  annuaire  n'existe  pas  : 
le  mot  dès  sa  formation  a  été  pris  substantivement. 

constabulaire  (Littré,  supplém.)^  du  bas-latin  cotistabulus 
pour  comestabulus . 

dispensataire. 

divitiaire,  de  diviliarius  *  :  «  Je  consens  à  voir  dans  le  droit 
de  l'éducation  gratuite  une  charge  imposée  par  le  pauvre  au 
riche,  un  véritable  impôt  divitiaire.  »  (Duvergier  de  Hauranne, 
Huit  mois  en  Amérique^  \ll,  29  novembre). 

égalitaire  :  «  Principes  égalitaires;  société  égalitaire;  un 
égalitaire.  » 

entrepositaire,  dérivé  d'entrepôt,  sur  le  modèle  de  déposi- 
taire, de  dépôt. 

garnisaire  paraît  dater  de  la  fin  du  siècle  dernier.  Mercier 
chercha  vainement  à  substituer  à  ce  mot  barbare  le  dérivé 
régulier  garnisonnaire. 


1.  Voir  la  préface,  assez  originale,  de  ce  livre,  qui  l'est  beaucoup  moins. 

«  On  dit  : 

strychnme, 
quinine, 
nicotine, 
aniline. 


Je  dis  : 

Parisine.  » 
2.  Toutefois  le  substantif  diviliarium  existe. 


—   196  — 

glaciaire  [*glaciarlus,  de  glacies).  «  Ils  souUennent  la  Ihéo- 
rie  de  l'afrouillement  glaciaire.  »  (Gh.  Martins,  Rev.  des  Deux 
Mondes,  V'  février  2867,  p.  607;  cf.  plus  haut,  p.  95). 

mandataii^e,  obligataire,  plébiscitaire  (Littré,  supplém.), 
protestataire  (ibid.),  retardataire. 

rivulaire:  «  Une  onde  ornée  de  plantes  rivulaires.  »  (Cha- 
teaubriand, Mémoires,  t.  I,  p.  240.) 

sanitaire  est  proposé  par  Mercier  en  1801.  Le  mot  n'est- 
il  pas  plus  ancien  que  le  commencement  du  siècle? 

vendémiaire.  Sur  ce  mot  ainsi  que  sur  brumaire  et  frimaire, 
voir  plus  haut,  p.  190,  note  1. 

Les  dérivés  suivants  sont  formés  de  mots  français  auxquels 
s'ajoute  le  suffixe  : 

actionnaire,  autoritaire  [hMivë,  supplém.),  budgétaire,  cel- 
lulaire, collinaire,  cométaire,  concordataire,  concrétionnaire. 

con/înaw^e,  habitant  des  confins  militaires  [Bu]  oz.  Revue  des 
Deux  Mondes,  15  octobre  1867,  p.  968,  dans  Scholle,  Archives, 
t.  XLII,  p.    118). 

décadaire,  démissionnaire,  divisionnaire  (Littré,  supplém.), 
doctrinaire,  égalitaire,  é missionnaire  (Littré,  supplém.). 

humanitaire  :  «  Pour  ce  qui  est  du  mot  humanitaire,  je  le 
révère,  et  quand  je  l'entends,  je  ne  manque  jamais  de  tirer 
mon  chapeau;  puissent  les  dieux  me  le  faire  comprendre!  » 
A.  de  Musset,  P*  lettre  de  Dupuis  et  Cotonnet).  «  Humanitaire, 
en  style  de  préface,  veut  dire  :  homme  croyant  à  la  perfec- 
tibilité du  genre  humain,  et  travaillant  de  son  mieux,  pour 
sa  quole-part,  au  perfectionnement  dudit  genre  humain.  » 
(id.,  2*=  lettre).  Cf.  Fr.  Wey,  Manuel  des  droits  et  des  devoirs, 
p.  334. 

lésionnaire  (Littré,  supplém.),  parasitaire,  particulaire 
(Littré,  supplém.),  pétitionnaire  (ibid.). 

réactionnaire ,  réglementaire ,  relationnaire ,  réquisition- 
naire,  soumissionnaire,  utilitaire. 

La  signification  du  suffixe  aire,  dans  les  mots  qui  désignent 
des  personnes,  prête  à  observation.  «  Les  substantifs  de  ce 
genre  en  aire,  dit  M.  Littré,  ont  ordinairement  le  sens  passif: 
donataire,  celui  à  qui  on  donne  ;  légataire,  celui  à  qui  on  lègue  ; 
cela  est  surtout  vrai  quand  ils  viennent  de  verbe  où  l'on  peut 
distinguer  le  sens  actif  et  le  sens  passif.  Dans  d'autres  cas,  ils 


—  197  — 

ont  le  double  sens  passif  et  actif,  comme  démissionnaire^ 
comme  i^ensionnnire,  celui  k  qui  on  paye  pension  et  celui  qui 
la  paye.  Dans  d'autres  cas  enfin,  ils  n'ont  que  le  sens  actif, 
commissionnaire,  celui  qui  fait  des  commissions.  »  (Diction- 
naire, au  mot  déi)iission7iaire.)  Au  fond  aire  garde  partout  sa 
signification  propre  de  «  qui  tient,  qui  a,  »  et  les  différences 
de  sens  viennent  du  radical  seulement.  Dans  les  substantifs 
en  ataire  tirés  de  participes  passés,  la  signification  passive  est 
dérivée,  non  primitive  :  légataire,  donataire,  ne  sont  pas  étymo- 
logiquement  ceux  à  qui  on  lègue,  à  qui  on  donne  quelque  chose, 
mais  ceux  qui  ont  une  chose  léguée  (/t'^a/wv/i),  une  chose  donnée 
[donatum).  L'exactitude  de  cette  traduction  est  évidente  pour 
mandataire^  concordataire,  qui  est  «  celui  qui  a  mandat  [man- 
datum),  concordat  [concordatum) .  »  De  même,  pensionnaire  est 
«  celui  quia  pension;  »  or,  comme  pension  désigne  aussi  bien 
la  somme  en  tant  qu'elle  est  touchée  qu'en  tant  qu'elle  est 
donnée,  pensionnaire  doit  avoir  les  deux  sens.  C'est  pour  une 
raison  analogue  que  démissionnaire,  signifiant  proprement 
celui  qui  a  démission,  a  pu  aussi  bien  prendre  le  sens  de  celui 
qui  reçoit,  pour  qui  est  faite  la  démission,  que  le  sens  de  celui 
qui  fait  démission,  qui  donne  sa  démission.  En  un  mot,  quand 
aire  se  joint  à  des  participes  passés  neutres,  comme  la  signi- 
fication de  ces  neutres  est  fort  nette,  les  dérivés  ont  une  si- 
gnification aussi  nette,  passive  en  apparence,  active  en  réalité, 
et  qui  s'oppose  à  celle  qu'indique  le  participe  présent  du  verbe 
{mandataire,  qui  a,  qui  reçoit  mandat;  mandant ,  qui  donne 
mandat).  Quand  aire  se  joint  à  des  substantifs  abstraits  dont 
la  signification,  comme  pour  tous  les  mots  abstraits,  peut 
être  considérée  à  des  points  de  vue  différents,  la  signification 
des  dérivés  change  avec  ces  points  de  vue  divers,  mais  aire 
partout  conserve  sa  valeur  propre. 

Ce  que  aire  est  au  participe  passé  dans  légataire  et  les  ana- 
logues, il  l'est  au  participe  futur  dans  référendaire,  qui  a  amené 
récipieyidaire. 

Le  nombre  marqué  des  néologismes  que  nous  avons  cités 
montre  combien  est  riche  celte  dérivation  en  aire.  Elle  a  sup- 
planté sa  sœur  aînée,  la  dérivation  en  ier,  qui  avait  le  mérite 
d'être  française.  Quelle  nécessité  cependant  de  la  substituer  à 
ier?  Ne  pouvait -on  pas  dire,  par  exemple  :  émmer  pour 
scriniaire ,  aissellier  pour  axillaire ,  anglier  pour   angulaire , 

1.  Anciennement,  celui  en  faveur  de  qui  se  fait  la  démission.  Aujourd'hui,  celui 

qui  a  renonce  à  un  em[)loi,  une  chargre,  une  dignité. 


—  198  — 

îlie7'  pour  insulaire,  puitrinier  pour  poitrinaire^  etc.?  Voilà  un 
des  cas  nombreux  où  la  formation  savante  a  restreint  et  af- 
faibli la  dérivation  populaire. 

(A)T-OR  et  S-OR,  (A)T-URA  et  S-URA,  (A)T-ORIUS  et  S-ORIUS, 
(A)T-IONEM  et  S-IONEM.  —  Nous  considérons  d'ensemble  ces 
divers  suffixes  qui  forment  des  noms  d'agents,  des  noms  abs- 
traits d'action,  et  des  adjectifs  tirés  de  participes  passés  de 
verbes.  Reoitare  donne,  par  l'intermédiaire  de  recitatiim,  le 
substantif  recitator;  pingere,  par  pictuin,  produit  pictor  et 
pictura;  censere,  par  censum,  donne  censor,  censura,  et  censo- 
rium;  enfin,  par  laudatum,  laudare  amène  laudator,  laudato- 
rius  et  laudatio.  Nous  avons  vu  la  dérivation  populaire,  sans 
se  préoccuper  des  différences  de  conjugaison  ,  appliquer  à 
♦ous  les  participes  présents  les  suffixes  de  la  première  conju- 
gaison :  alorem,  aturam,  atorium,  ationem.  La  formation  sa- 
vante ressuscite  ces  différences*. 

De  plus,  la  formation  populaire  avait  réduit  a.torem,  aturam, 
atorium,  ationem,  à  eur,  ure,  oir,  aison  ;  la  formation  savante 
fait  peu  à  peu  disparaître  ces  suffixes  [aison  même  a  totale- 
ment été  détruit)  pour  faire  revivre  les  formes  purement  lati- 
nes ateur,  ature,  aloire,  ation  ;  et  de  ces  quatre  suffixes,  il  en 
est  deux,  ateur  et  ation,  qui,  par  le  nombre  considérable  des 
formations  nouvelles,  sont  devenus  assez  familiers  à  la  lan- 
gue commune  pour  qu'elle  les  ait  adoptés  et  les  ait  fait  ser- 
vir à  ses  dérivations  organiques. 

11  suit  de  là  qu'il  faut  distinguer  les  dérivés  reproduisant 
des  types  latins  fictifs,  mais  formés  régulièrement  d'après  les 
règles  de  la  dérivation  latine,  et  les  dérivés  tirés  directement 
de  mots  français 

NOMS  NOUVEAUX  EN  [a)t-ion,  s-ion. 

1.  aviation  {* aviatio,  de  *aviare,  de  avis)  (Littré,  supplém.). 

cérébration  {*  cerebratio,  de  *  cerebrare,  de  cerebrum). 
«  Théorie  de  la  cérébration  inconsciente.  »  [Bévue  de  philoso- 
phie, 1876,  t.  Il,  p.  544.) 

claustration  [*  claustratio,  de  claustrare,  de  claustrum). 

fomiication  [*  forfnicatio,de  *  forrnicare,  de  formica). 

imperméabilisation  [de  imperméable,  d'après  *  impermea- 

1 .  Cf.  plus  haut ,  p.  70, 


—  199  — 

bilisatio).  «  Imperméabilisation  des  tissus.  »  {Almanach  Bottirij 
1875,  p.  1084). 

majoration  {* major atio,  de  * majorare,  de  major). 

spication  {*  spicatio,  de  *spicare,  de  spica)  :  «  Mouvements 
de  spication,  de  rotation  et  de  verrition.  »  (Brillât-Savarin, 
Physiologie  du  goût,  I,  14). 

arrosion  (*  arrosio,  *  arrodere,  de  adei  rodere). 

accrémentition  (de  *  accrementitio,*  accrementire,  do  accre- 
mentuTïi). 

compromission  (*  compromissio,  *  compromittere,  de  cwm  et 
promittere), 

verrition  {*verritio,  de  verrere);  voir  plus  haut  à  spication. 

2.  absorbation  (Littré,  supplém.),  acétiflcation,  actualisation 
aération,  annexation  (Littré,  supplém,.). 

centralisation ,  colorisation ,  conglomération,  constatation, 
déblatération. 

dégénération  (a  été  employé  pour  dégénérescence  par  Cha- 
teaubriand dans  ses  Mémoires,  t.  I,  p.  311). 

dégoûtation,  mot  familier  qui  se  dit  pour  dégoût. 

démoralisation,  domestication,  revaccination  (Littré,  sup- 
plém.), frelatation  (ibid.). 

germanisation,  hellénisation  (Michelet,  Bible  de  VHuman., 
347),  idéalisation  (Th.  Gautier,  Baudelaire),  individualisation. 

irisation  :  «  Quand  cette  irisation  capricieuse  dansa  sur  la 
gueule  béante  des  abîmes.  »  (Gr.  Sand,  Lélia,  xxiii.) 

localisation,   momification,   numérotation,  ornementation, 

prussification,  réglementation,  réorganisation,  romanisa- 
tion,   solidarisation,  vulgarisation,  unification,  etc.,  etc. 

Remarquons  les  dérivés  en  isation  (  de  iser  )  et  en  ification 
(de  ifier)  dont  le  nombre  grandit  sans  cesse  :  cette  dérivation 
fournit  ainsi  à  la  langue  une  foule  de  mots  abstraits,  souvent 
utiles,  le  plus  souvent  disgracieux  et  lourds. 

Le  nom  abstrait  ne  suppose  pas  toujours  le  verbe,  et  peut 
être  dérivé  directement  du  substantif  radical  du  verbe  :  colo- 
ris donne  colorisation;  coloriser  n'existe  pas;  accrémentition 
vient  directement  de  accrementum. 

NOMS  NOUVEAUX  EN  (a]t-eurj  s-eur, 

1,  adjudicateur  {*  adjudicator,  de  *adjudicare^  de  ad  et  ju~ 

dicaré). 


—  200  — 

aviateur  {* avialor,  de  *aviare,  de  avis;  cf.  plus  haut  avia- 
tion) :  «  Les  mots  {aviateur,  aviation)  sont  maintenant  entrés 
dans  la  circulation.  »  (Saveney,  Revue  des  Deux  Mondes,  dans 
Scholle,  Progra')nme,  p.  13.) 

clavilisateur  {*  clavilisator,  de  *  davilisare,  de  clavis)  (Lit- 
tré,  supplém.). 

commutateur  (*  commutator,  de  commutare). 

copulateur,  trice  [*  copulator,  de  copulare)  (Littré,  sup- 
plém.). 

jugulateur  {*jugulator,  de  yw^w/are)  (Littré,  supplém.). 

mensurateur  {*  mensurator,  de  mensurare). 

panificateur  {* panificator,  de  * panificare,  panificus).  «  Je 
l'ai  proclamé  le  i^remier panificateur  du  monde.  »  [Brillât- 
Savarin,  I,  99.) 

percolateur  [*percolator,  de  *percolare,  de  |)er  et  colare) 
(Littré,  supplém.),  rotateur  [*rotator,  de  rotare)  :  «  Mécanisme 
dit  rotateur.  »  [Descript.  des  brevets,  1832,  l"  série,  t.  XXXIIl, 
p.  59). 

absoluteur  (*  absolutor,  de  absolutus,  de  absolvere). 

iescenseur  [*  descensor,  d'après  ascensor,  de  descensum, 
descendere).  Le  descenseur  est  le  nom  d'un  appareil  nouveau 
à  l'aide  duquel  on  descend,  dans  les  incendies,  des  personnes 
et  des  objets  des  fenêtres,  quand  les  escaliers  sont  attaqués 
parles  flammes.  (V.  ascenseur,  plus  haut,  p.  178.) 

injecteur  [*injector,  de  injectus,  injicere)  [Liitr é, ' supp lém. ) . 

réacteur  {* reactor,  de  re  et  de  actor;  d'après  acteur  et 
réagir). 

2.  accélérateur,  acclamateur,  aérateur  (Littré,  supplém.), 
animateur,  annonciateur  (Littré,  supplém.,  de  annoncer, 
d'après  le  latin  * annunt-i-ator] ,  aspirateur,  assimilateur,  civili- 
sateur, coagulateur,  colonisateur,  concentrateur,  condensateur 
[condenseur  est  de  formation  populaire),  congélateur,  coordi- 
nateur (Scholle,  Programme,  p.  14),  décarburateur  (Littré, 
supplém.  ),  déformate%ir,  déviateur,  disloçatetir,  élucubrateur, 
émasculateur  (Littré,  supplém.),  épurateur.  «  Appareil  propre  à 
épurer  les  céréales,  graines  oléagineuses,  etc.,  dit  épurateur 
graminal.  «  [Description  des  brevets,  1834,  1"  série,  t.  XXXV, 
p.  99),  évaluateur  (Littré,  supplém.),  évangélisateur  (Scholle, 
Programme,  p.  14),  extirpateur  [Description  des  brevets,  1851, 
2*  série,  t.  XIX,  p.  357.),  «  ^^ow^extirjiatrice.  »  [Ibid.,  p.  66, 1850), 
filateur  (s'oppose  à  fileur,  mot  de  formation  populaire),  fixa- 


—  201  — 

teur,  insufflateur,  momificatefur,  monopolisateur  {Liiivè,  suppl,]^ 
réguîateui'  (Littré,  supplém.) ,  retardateur  :  «  Appareil  dit  retar- 
dateur des  fermentations.»  [Description  des  brevets,  1801,  1"  sé- 
rie, t.  II,  p.  100),  7'éorganisateur,  scarificateur,  triturateur  :  «Ap- 
pareils tels  que  triturateurs,  chaudières.»  (Le  prince  Bibesco, 
Revue  des  Deux  Mondes,  dans  Scholle,  Progra/mmej  p.  17), 
volateur,  sorte  de  navire  aérien  (Scholle,  Programme,  p.  13), 
vulgarisateur^  etc.,  etc. 

'  r   NOMS  EN  [a)t-oire. 

Ici  la  formation  savante  a  enrichi  le  français  d'une  sorle 
d'adjectifs  qui  lui  manquait.  En  effet,  dans  la  langue  popu- 
laire, atorius  n'avait  donné  que  des  substantifs  masculins  ou 
féminins,  désignant  des  instruments  d'action,  c'est-à-dire 
que  le  neutre  atorium  et  le  féminin  atoria  avaient  seuls  été 
utilisés  :  grattoir,  balançoire.  Il  n'existe  pas  d'adjectifs  cor- 
respondant, par  exemple,  aux  adjectifs  italiens  en  tojo  toja  : 
pensatojo,-toja,  «  qui  fait  penser  »,  serbatojo,-toja,  «  bon, 
bonne  à  garder  »,  ou  aux  adjectifs  espagnols  en  dero,  dera 
(=  duero  duera,  torium,  toriam)  :  casadera  «  nubile  »,  duradero 
«durable»,  hacedero  «  faisable  ».  En  reprenant  au  latin  les 
adjectifs  en  atorius  sous  la  forme  atoire  {et  non  atoir:  aléatoire, 
transitoire,  résolutoire,  etc.),  la  formation  savante  a  fait  repa- 
raître cette  sorte  de  dérivation  :  absolutoire,  adjutoire,  ambu- 
latoire, attentatoire,  blasphématoire,  comminatoire,  conserva- 
toire, consolatoire,  criminatoire,  etc. 

Voici  quelques  formations  nouvelles,  adjectifs  et  substan- 
tifs, qui  montrent  que  cette  dérivation  est  devenue  organique  : 

accusatoire  (Littré,  supplém.),  divisoire  [ibid,],  (dîner)  sou- 
patoire  (Brillât-Savarin). 

pissatoire:  «  Appareil  nommé pissatoire,  propre  à  recevoir 
les  urines  et  à  empêcher  les  exhalaisons.  »  [Description  des 
brevets,  1805,  1'"  série,  t.  YI,  p.  127.)  La  forme  populaire  est 
pissoir. 

sécrétoire:  «  Appareils  à  l'air  et  à  l'eau,  propres  à  la  sépara- 
tion des  grains...,  et  nommés  par  l'auteur  sécrétoires.  »  (ibid., 
r*  série,  t.  XXXIX,  p.  402).  Sécrétoire  est  ici  *  secretorius  de 
secretum,  supin  de  secerno,  et  n'a  rien  de  commun  avec  le 
terme  médical  sécrétoire,  qui  dérive,  par  formation  populaire, 


—  202  — 

de  iiécréter,  *fiecrelare,  fréquentatif  de  secernere.  Ce  dernier 
représente  un  type  * secretatorius. 

NOMS  EN  at-ure. 

Le  suffixe  de  formation  savante  ature  se  distingue  par  sa 
signification  du  suffixe  de  formation  populaire  iire.  Celui-ci 
se  tire  généralement  de  verbes,  pour  former  des  noms  expri- 
mant l'action  verbale  subie  et  le  résultat  de  l'action  :  ainsi 
blessure  est  d'abord  l'action  par  laquelle  on  est  blessé  ;  puis  la 
partie  blessée.  Celui-là  peut  se  tirer  de  substantifs  et  il 
exprime  l'ensemble  des  caractères  qu'indique  le  radical,  du 
moins  dans  les  mots  de  dérivation  nouvelle.  Tels  sont  : 

arcature  de  arc,  climature  de  climat, 

musculature  : 

Ce  sont.... 
Des  faces  de  lion  avec  des  cols  de  bœuf, 
Des  chairs  comme  du  marbre  et  des  musculatures 
A  pouvoir  d'un  seul  coup  rompre  un  câble  tout  neuf. 

(Th.  Gautier,  Premières  poésies,  Cariatides.) 

ossature,  mot  créé  par  Mercier  dans  sa  Néologie,  aujour- 
d'hui reçu  :  «  L'ossature  et  les  vertèbres  du  grand  animal  ont 
leurs  singularités  dont  nous  ne  pouvons  encore  bien  nous 
rendre  compte.  »  (Miclielet,  la  Mer,  2"  édit.,  p.  32). 


OSUS  a  passé  en  français  sous  la  forme  eux  euse.  La  langue 
savante  l'a  repris  sous  la  forme  latine  ose:  morose,  nivôse, plu- 
viôse, ventôse^,  ou  sous  Fune  des  formes  eux,  i-eux,  u-eux. 
Dans  ce  dernier  cas,  la  formation  savante  se  laisse  facilement 
reconnaître  à  cette  marque  que  le  type  latin  est  conservé  fidè- 
lement. Ainsi  difficultueux,  de  difficultuosus. 

Les  néologismes  sont  peu  nombreux  :    * 

luxueux, 

précipitueux  :  «  Glacier  précipitueux  »  (Rambert,  Revue  des 

1.  Pour  les  mois  du  calendrier  républicain,  voir  plus  haut,  p.  190,  n.  1.  Vir- 
tuose, qui  paraît  représenter  le  latin  virluosus,  a  été  tiré  au  dix-lmitième  siècle 
de  l'italien  virLuoi^o,  do  mCme  que.  grandiose  Ta  été  de  grandioso.  Furetière  el 
Hayle  disent  virtuoso,  en  conservant  la  forme  italienne. 


—  203  — 

Detix  Mondes,  15   novembre  1867,  p.  395,  dans  Schollc,  Ar- 
chives de  Herrig,  t.  XLII,  p.  126.) 

torrentueux:  «  Les  affaires  et  les  plaisirs  se  ruent,  enlacés 
les  uns  dans  les  autres,  dans  un  galop  si  torrentueux.... y>  (Ch. 
de  Bernard,  les  Ailes  d'Icare,  1,1.) 

T. 

ATUS  dans  la  langue  populaire  a  donné  é,  qui  sert  à  former 
des  adjectifs  et  des  participes.  (Voy.  plus  haut,  p.  92.)  La 
langue  savante  en  a  tiré  é,  at,  aie. 

1.  ê  est  le  suffixe  adjectival  ou  participial  de  la  langue  po- 
pulaire que  la  formation  savante  joint  aux  thèmes  des  mots 
latins  Tel  est  salarié  de  salarium,  par  l'intermédiaire  de  *  sala- 
riatus  :  «  Le  mot  salaire  est  dans  la  langue  ;  salarié  doit  l'être.  » 
(Mirabeau,  dans  Mercier,  Néologie.)  De  diluvium,  Chateau- 
briand tire  diluvié  {*diluviatus):  u  Un  matelot,  les  cheveux 
épars  et  diluviés.  »  [Mémoires,  t.  Il,  p.  342.)  Ferruginem  donne 
ferruginé  par  l'intermédiaire  de  * ferruginatus  ;  punctulum, 
ponctnlé  par* punctulatus.  Cette  dérivation  offre  les  mêmes  ca- 
ractères que  la  dérivation  verbale ,  dont  nous  parlerons 
plus  bas. 

2.  advient  de  atûs,  atûs:  magistrat,  de magistratus ;  il  vient 
aussi  de  aturn  :  mandat,  de  mandatum. 

Formations  nouvelles  de  at  =  atum  :  alcoolat,  alternat,  as- 
signat. 

Formations  nouvelles  de  a<—  atus  :  anonymat  {Litiré,  siqjpl.), 
bambinat  (asile  pour  les  bambins,  dans  le  Familistère,  SchoUe, 
Programme,  p.  13),  com,m,issariat,  électoral,  externat,  hospoda- 
rat,  honorarial,  internat,  inspectorat,  mandarinat  (Littré,  suppl.), 
médiumnat,  «  mission  providentielle  (!)  des  médiums  «  (Ré- 
pertoire du  spiritisme),  orphelinat,  patronat, provisorat,;p)oupon- 
7iat  (crèche  dans  le  Familistère,  cf.  bambinat;  Schoïle,  Pro- 
gramme, p.  \0), prolétariat,  salariat, séniorat  (Littré,  swp/)/éw.), 
septennat  (date  de  1872),  syndicat,  volontariat,  etc. 

La  plupart  deces  dérivés  sonttirés  d'adjectifs  en  aire=arius. 
Pour  le  peuple,  qui  ne  peut  saisir  le  rapport  de  aire  —  arius  à 
ariat  =  ariatus,  rien  de  plus  bizarre  que  ce  suffixe  :  aussi 
cliange-t-il  ariat  en  airiat.  Le  mot  volontariat,  que  les  circon- 
stances font  pénétrer  dans  la  langue  du  peuple  beaucoup  plus 
profondément  que  les  autres  mots  en  at,  y  devient  vo/ontoma/, 
exemple  qui  montre  nettement  quelle  différence  sépare  la  for- 


—  204  — 

mation  populaire  de  la  formation  savante,  et  combien  cette 
dernière  est  artificielle. 

3.  ate^  qui  représente  le  féminin  ata  ou  le  neutre  aUim, 
joue  un  rôle  particulier  dans  la  nomenclature  chimique; 
nous  l'étudicrons  plus  loin*. 

ITATEM.  Nous  avons  vu  ce  suffixe,  sous  la  forme  été,  don- 
ner dans  la  langue  populaire  un  certain  nombre  de  dérivés. 
La  formation  savante  le  reprend,  avec  la  voyelle  de  liaison 
du  latin  i.  Vemcitatem,  qui,  dans  la  bouche  du  peuple,  serait 
devenu  veraisté,  vraisté,  vraité,  comme  mendacUatem  était  de- 
venu mendisté,  garde  sa  forme  primitive  intacte  dans  véra- 
cité. La  plupart  des  mots  en  ité  sont  tirés,  ou  d'adjectifs  en 
able,  ible,  qui  donnent,  non  les  formes  françaises  ableté,  ibleté, 
mais  les  formes  latines  abilité,  ibilité,  ou  d'adjectifs  en  ique  et 
en  if,  qui  produisent  non  -isté,  -iveté,  mais  -icité,  -ivité.  Les 
t(irminaisons  de  la  langue  populaire  ableté,  ibleté,  isté,  iveté, 
nous  semblent  aujourd'hui  barbares,  tant  nous  avons  oublié 
le  français  pour  le  latin! 

La  liste  des  mots  en  ité  est  fort  étendue  ;  le  Dictionnaire  des 
rimes  de  Landais  et  Barré,  qui  est  loin  d'être  complet,  en 
donne  près  de  quatre  cent  cinquante.  La  langue  contempo- 
raine en  crée  sans  cesse  et  en  augmente  le  total  indéfiniment  : 
cette  dérivation  répond  en  effet  aux  tendances  irrésistibles  qui 
poussent  le  français  vers  l'abstraction  à  outrance. 

Voici  quelques-unes  des  nouvelles  formations  :  elles  appar- 
tiennent aux  terminologies  spéciales  des  sciences  historiques, 
philosophiques  ou  naturelles  : 

absorptivité,  acquisivité,  actualité,  adultérinité' [Liitré,  suppL), 
alibilité  (Brillât-Savarin,  Physiologie  du  goût,  I,  13),  altérabilité, 
émissibilité,  amativité,  angularité  (Littré,  supplém.),  apercepti- 
bilité,  appréhensibilité,  atomicité  (Littré,  supplém.),  brevetabilité 
(ibid.),  capillarité,  centralité  (Littré,  supplém.),  coercibilité  (des 
gaz),  collectivité,  compatibilité,  compréhensivité ,  cotnptabilité, 
co7iceptibilité,concevabilité^,  congélabilité,  eoncrescibilité,  confor- 
tabilité  (Littré,  supplém.),  conicité  (Cousy  de  Fageolles,  Diction- 
naire des  chemins  de  fer),  corporalité,  corrélativité,  cristal litii té 
(Littré,   supplém.),   décimalité    (ibid.),    endémicité    (d'Avril, 

1.  Page  236. 

2.  Concevabilité  et  inconcev abilité  ont  été  employés  par  M.  Littré  dans  des  ar- 
ticles de  la  Revue  des  Deux-Mondes,  15  août  1866,  p.  837;  M.  Littré  a  omis  le 
premier  dans  son  dictionnaire. 


—  205  — 

dans  les  Archives  de  Herrig,  XLII,  p.  120),  étanchéité  (Hudry- 
Ménos,  dans  Schollc,  Programme,  p.  15),  erraticité  :  «  État  des 
esprits  non  incarnés  pendant  les  intervalles  de  leur  incarna- 
tion. »  [Répertoire  du  spiritisme),  fdialité  (Littré,  supplém.), 
fixibilité  (ibid.),  finalité,  fumivoritê,  génialité  (Montégut,  dans 
Scholle,  Programme,  p.  15),  gramliosité,  historicité  (Littré, 
supplém.),  honorabilité,  idéalité  :  «  Le  jeune  Raphaël  devait 
tomber  dans  cette  contemplation  extatique,  lorsque  Dieu  lui 
faisait  apparaître  une  virginale  idéalité  de  femme.  »  (G.  Sand, 
Lélia,  éd.  de  1833,  I,  p.  103;  ch.  xiv),  impalpabilité,  impres- 
sionabilité  :  «  Son  impressionnabilité  datait  certes  du  jour  de 
sa  naissance.  »  (G.  Sand,  Un  dernier  amour,  III),  impraticabi- 
lité, inaccessibilité,  inamovibilité,  incompréhe7isibilité,  inconce- 
vabilité,  indiscutabilité,  indispensabilité,  individualité  :  «  Il  ne 
croit  pas  que  son  individualiié,  comme  on  dit  aujourd'hui 
en  assez  mauvais  style,  vaille  la  peine  d'être  autrement  étu- 
diée. »  (V.  Hugo,  Chants  du  crépusc. ,  préf.);  inéligibilité, 
inévitabilité ,  inexorabilité  (proposé  par  Mercier),  inextin- 
guibilité,  inextncabilité  (Mercier),  infatigabilité  (Mercier), 
infernalité,  ingéniosité  (Mercier),  innumérabilité,  insociabilité, 
instinctivité,  intermédiarité,  inviolabilité  (Littré,  supplém.,  mot 
que  Mercier  autorise  d'un  exemple  de  Mirabeau),  irraisonna- 
bilité,  irréformabilité,  irrecevabilité,  libidinosité,  marsupialité 
(Littré,  suppl.),  messianité  (Réville,  dans  Scholle,  Programme, 
p.  15),  motricité  (Cl.  Bernard,  ibid.),  médiumnité  (ou  mé- 
diumnat)  «  faculté  des  médiums  »  [Répertoire  du  spiritisme), 
notabilité,  nervosité  (Michelet,  Bible  de  l'Hum.,  p.  72),  officiosité, 
parabolicité  (Littré,  supplém.),  pondérosité  (ibid.),  portabilité 
(ibid.),  priorité,  respectabilité,  réversibilité,  révocabilité,  sali- 
nité, siliginosité,  squalidité,  spécialité,  sporadicité,  subalternéité 
(créé  par  Lamartine,  selon  M.  Fr.  Wey,  Remarques  sur  la  lan- 
gue française  au  xix"  siècle,  II,  94),  super fîcialité,  tardivité 
(Chateaubriand,  Mémoires,  III,  p.  47),  tonalité,  verbosité  (Mer- 
cier), véridicité  (Mercier),  etc.,  etc. 

V. 

IVUS  qui,  dans  la  langue  populaire,  était  devenu  if  ive 
{nativu/ni,  naïf),  n'a  pas  changé  quand  il  a  été  repris  par  la 
langue  savante.  Il  se  joint  au  thème  des  participes  passés  et 
forme  un  grand  nombre  d'adjectifs  qui  appartiennent  pour  la 
plupart  aux  nomenclatures  spéciales. 


—  206  — 

Voici  quelques  formations  nouvelles  : 

amplificatif,  annulatif,  certificatif,  contractif,  coopératif,  dis- 
persify  exportatif,  extensif  (Littré,  supplém.),  exterminatif,  ex- 
tincli f  [Litiré,  supplém.),  explosif  [consonnes  explosives)  {\hid.)  , 
fricatif  [consonnes  fricatives)  (ibid.),  liquidatif,  normatif,  quid- 
ditatif  (Th.  Gautier,  le  Cap.  Fracasse,  xii),  sélectif,  suggestif 
(Montégut,  dans  SchoUe,  Programme,  p.  17). 

^  3.  Suffixes  nominaux  formés  de  consonnes  combinées. 

LL. 

Le  diminutif  ellus  (qui  est  devenu  dans  la  langue  populaire 
el  eau)  et  le  diminutif  illus  peuvent  se  fixer  à  des  radicaux 
latins  et  former  de  nouveaux  dérivés  :  spongia  *  spongilla, 
spongille:  «  De  petites  sphères  échappent  de  la  mère-éponge,... 
bientôt  fixées,  elles  se  montrent  des  spongilles  délicates  qui 
vont  à  leur  tour  grandir.  »  (Michelet,  la  Mer,  p.  136).  —  Nux 
* nucella,  nucelle,  t.  de  botanique;  —  vitellus  * vitella,  vitelle, 
nom  d'un  mollusque. 

ND. 

ANDUS,  ENDUS.  Le  participe  futur  passif  latin  a  donné  des 
mots  nouveaux  en  ande,  ende,  qui,  le  plus  souvent,  sont  mas- 
culins :  bizarre  caprice  de  la  formation  savante  qui,  pour  ser- 
rer de  plus  près  l'orthographe  étymologique,  porte  le  trouble 
dans  la  langue.  On  dit  le  multiplicande  et  la.  propagande. 
C'est  ainsi  que  orium,  devenu  oir  dans  la  formation  populaire, 
s'est  enrichi  d'un  e  muet  sous  la  plume  des  lettrés  :  un  versoir, 
UN  compulsoire. 

Gomme  mots  nouveaux,  je  ne  vois  guère  que  dividende^ 
terme  de  banque. 

B-ONDUS.  ^\xYWnd\og\eAemoribundus,populabundus,  erra- 
bundus,  on  a  créé  floribond  (Littré,  suppléxn.).  Mercier  propo- 
sait l'introduction  des  adjectifs  masculins  :  négabonde,  nauséa- 
bonde. Si  on  écrit  un  dividende,  il  n'y  a  pas  de  raison,  en  effet, 
de  ne  pas  écrire  «un  personnage  nauséabonde».  Tel  est  l'avis 
de  Barthélémy  qui  a,  peut-être  pour  le  besoin  de  la  rime, 
admis  le  masculin  nauséabonde  : 

Mais  s'il  existe  un  jeu  flasque,  nauséabonde, 

{Némésis,  le  Jeu  de  la  Bourse) 


—  207 


NT. 


ANT(EM)  ANT(IAM),  ENT(EM)  ENT(IAM),  ESG-ENT(EM) 
ESC-ENT(IAM).  Ces  suffixes  donnent  naissance  à  des  adjectifs 
verbaux  et  à  dos  noms  abstraits  d'action  ;  ant  ance  sont  des 
suffixes  de  la  langue  populaire  ;  ils  peuvent  être  revendiqués 
par  la  langue  savante  quand  ils  se  fixent  à  des  radicaux  latins. 
Les  autres  appartiennent  à  la  formation  savante.  Escent, 
escence,  donnent  des  inchoatifs. 


^> 


esculence  [esculentiis]  :  «  C'est  la  gastronomie  qui  fixe  le 
point  d'esculence  de  chaque  substance  alimentaire.  »  (Brillât- 
Savarin,  Physiologie  du  goût,  1,  19). 

effîuence  :  «Elles  vivaient  dans  une  atmosphère  de  parfums 
émanés  d'elle,  comme  des  orangers  et  des  fleurs  dans  les  pures 
effluences  de  leur  feuille  et  de  leur  calice.  «  (Chateaubriand, 
Mémoires,  t.  II,  p.  291).  Le  mot  est  fait  d'après  influence. 

insurgence  [insurgens],  rutilance  [rutilanL] ,  tonitruant 
[tonitru]  ; 

acescent,  azurescent,  dégénérescent,  iridescent,  lapidescent  ; 

o/)aiescen<;«  Des  solutions  légèrement  ojsa/escenfes.»  (Radau, 
Revue  des  Deux  Mondes,  l"  nov.  1866,  p.  773,  dans  SchoUe, 
Archives  de  Herrig,  XLII,  p.  435). 

rubescent  ; 

arborescence,  coalescence,  détumescence,  turgescence. 

M-ENTUM.  Le  suffixe  mentum,  que  nous  avons  étudié  sous 
la  forme  populaire  ement\  peut  servir  à  des  dérivations  savan- 
tes, comme  dans  le  mot  susurrement  créé  par  Chateaubriand  ; 
ce  mot  ne  se  rattache  qu'à  un  radical  latin,  puisque  susurrer 
n'est  pas  français. 

se. 

ISCUS.  Iscus,  devenu  l'italien  esco,  a  passé  les  Alpes  sous 
la  forme  esque,  avec  les  mots  arabesque,  barbaresque,  burlesque, 
charlatanesque,  chevaleresque,  gigantesque,  grotesque,  pédan- 
tesque,  pittoresque*,  romanesque,  soldatesque,  mots  venus  d'Italie 

1.  Page  95. 

2.  Grotesque  et  pittaresque  ont  été  remis  à  la  mode  à  l'époque  romantique. 
Voir  Miissct,  Preinlrre  lellm  de.  Dufuds  et  CotonneL 


—  208  — 

à  des  dalCvS  différentes.  Les  suivants  sont  des  emprunts  con- 
temporains : 

dantesque,  raphaëlesque^ . 

carnavalesque  :  «  Une  fantaisie  un  peu  trop  carnavalesque, 
jouée  à  rOpéra-Gomique.  »(Lagenevais,  Revue  des  Deux  Mondes, 
dans  Scholle,  Programme,  p.  13). 

cardinalesque  :  «  La  pourpre  cardinalesque  de  son  nez.  » 
(Th.  Gautier,  le  Capit.  Fracasse,  XII). 

michel-angelesque  (Arsène  Houssaye  ,  Revue  des  Deux 
Mondes,  15  octobre  1866,  p.  1025,  dans  Scliolle,  Archives  de 
Herrig,  XXXIX,  p.  433). 

Sur  le  modèle  des  adjectifs  tirés  des  noms  communs,  on 
a  créé  de  nos  jours  : 

caricaturesque,  charivaresque  (Scholle,  Programme,  p.  14), 
chevalesque  (ibid.),  funambulesque,  paysanesque. 

simiesque:  aDes  grimaces  plus  simiesques  qu'humaines.  » 
(Th.  Gautier,  le  Capit.  Fracasse,  VII).  «  Mettant  en  relief  tous 
les  défauts  de  cette  tête  simiesque.  »  (Daudet,  Jack,  I,  S  3). 

Sur  le  modèle  de  dantesque,  raphaëlesque,  etc.,  on  a  créé 
moliéresque,  aristophanesque.  Pourquoi  aristophanesquc  plutôt 
qu'aristophanien,  comme  on  dit  shakespearien,  ou  qu'aristo- 
phanique,  comme  on  dit  homérique? 

iscus,  qui  est  au  fond  de  esque,  est  le  même  suffixe  que  le 
grec  tffxoç  auquel  on  doit  méfiisque,  obélisque,  astérisque. 
Isque  a  agi  sur  le  mot  odalique  (turc  odalik),  qu'il  a  trans- 
formé indûment  en  odalisque  :  par  un  retour  assez  curieux, 
ce  suffixe  grec,  qui  se  substitue  dans  un  mot  à  ique,  est  dans 
d'autres  précisément  réduit  à  ique  par  la  prononciation  popu- 
laire, qui  change  les  astérisques  en  astériques,  et  fait  de  l'o- 
bélisque  un  obélique,  à  moins  qu'elle  ne  le  renverse  en  o6é/ia;e. 

SM,  ST. 

ISMUS  et  ISTA  sont  d'origine  grecque  :  ifffjioç  et  kit^.  Mais 
les  suffixes  grecs  ont  de  bonne  heure  passé  en  latin,  et  ils  s'y 
sont  si  complètement  naturalisés,  qu'on  peut  à  bon  droit  ou- 
blier leur  origine  grecque.  Favorisée  par  les  Pères  de  l'Église 

1.  Voir  sur  ces  deux  mots  Fr.  Wey,  Remarquen  sw^  la  langue  française  au 
dix-neuvième  siècle,  t.  I,  p.  311. 


—  209  — 

latine,  cette  dérivation  a  reçu  une  grande  extension  au  moyen 
âge  dans  le  latin  de  la  scolastique  ;  c'est  de  là  qu'elle  a  passé 
dans  les  idiomes  vulgaires.  Dans  la  langue  moderne,  isme  a 
d'abord  servi  à  donner  des  noms  aux  systèmes,  auxdoctrines: 
calvinisme,  lulhérianisme,  cartésianisme,  spinozisme,  etc.;  iste 
aux  partisans  de  ces  systèmes,  de  ces  doctrines,  calvinistes,  etc.; 
puis  la  signification  de  ces  suffixes  s'est  étendue,  sans  perdre 
toutefois  la  notion  de  chose  intellectuelle  qui  y  est  renfermée  : 
césarisme,  favoritisme,  dandisme,  vocalisme.  Que  l'on  compare 
journaliste  et  journalier,  on  sentira  la  différence  de  la  valeur 
des  deux  suffixes.  Iste  pénètre  dans  la  classe  ouvrière,  et  sert 
à  désigner  des  corps  d'état  :  bandagiste,  fleuriste,  jardiniste, 
figuriste,  pierriste,  ébéniste,  etc.:  il  semble  que  les  ouvriers,  en 
affectant  cette  terminaison,  veuillent  relever  leur  profession, 
et  montrer  que  le  goût  et  l'intelligence  y  sont  des  éléments 
plus  essentiels  que  le  travail  manuel.  Le  jardiniste  n'est  plus 
\xn  jardinier;  celui-ci  entretient  les  jardins,  celui-là  les  des- 
sine. 

Le  nombre  des  dérivés  en  isme  et  en  isfeest  fort  considérable. 
Le  dictionnaire  des  rimes  de  Landais  et  Barré  contient  deux 
cent  seize  mots  en  isyne  et  cent  soixante  seize  en  iste,  et  il  y 
manque  les  neuf  dixièmes  des  mots  suivants,  créés  de  nos 
jours  : 


abolitionniste. 

absolutiste, 

abstentionniste (Littré,  suppL] 

alarmiste  (Mercier,  Littré,  id. 


altruiste, 


annexionniste  (Ch.  de  Mazade, 
dans  Scholle,  Progr.,  p.  13). 
anthropologisto. 
anthropomorpliistej 


absinthism,e, 
absolutisme. 


alcoolisme. 

alphabétisme, 

altruisme,  mots  créés  par  A. 

Comte. 
américanisme  (  De  Lagenevais, 

dans  Scholle,  Archives,  XLII, 

115). 
anglicisme, 
animalisine. 


[anthroponiorphismee»tdincieï\\ 
14 


-   210 


aquafortiste, 
aquarelliste, 
arbitragiste. 

arrêtiste. 

autonomiste  (Littré,  supplém.). 

badinguiste, 
bandagiste, 

banqmste, 

bombagiste  (Littré,  supplém.). 

bonapartiste^ 

Borrussianiste  (  Laveleye,  Rev. 
des  Deux  Mondes^  1"  nov. 
1867,  dans  Scholle,  Archives 
de  Herrig,  XLlI,  116). 

bouddhiste, 

calembouriste. 


caricaturiste. 

centraliste  (Littré,  supplém.). 


archaïsme  (Mercier) 
atavisme. 


champignonniste. 


collectiviste  (Littré,  supplém.)^ 

communaliste, 

communiste, 

compensationniste  {Liii., suppl. 

congréganiste, 
congrégationnaiiste^ 


banditisme  (Littré,  supplém. 
bonapartisme. 


bouddhisme, 
boursicotiérisme  (L.  Larchey). 

cannibalismx. 

cantonalisme  (Littré,  suppl.). 

caporalisme. 


cesarisme. 

chauvinisme. 

civisme. 

cléricalisme. 

collectivisme  (Littré,  supplém.). 

communalisme. 

communisme. 

compatrio  tisme . 

confessionnatisme  (Litt., suppl.) 
congréganisme, 
tongrégationnalisme     (  Littré  ^ 

supplém.). 
conservatisme  (Littré,   suppl.). 
consonnantisme  (Litt.,  suppl.). 


darwinistey 

détailliste. 
déterministe, 


211  — 

constitutionnalisme. 
cosmopolisme  (Mercier),  rem- 
placé par 

cosmopolitisme. 

dandisme. 

darwinisme. 

démagogisme. 

déterminism,e. 
dilettantisme. 


équilihriste. 
esclavagiste, 

excursionniste. 

fantaisiste. 


fédéraliste  (de  la  révolution). 

feuilletonniste. 

figuriste  (Bottin,  1875,  p.  1220). 

filigraniste. 

fourriériste, 

gambettiste^ 

germaniste 

gouvemementaliste  (Littré,  sup- 

plém.). 
gréviste  (Littré,  supplém.). 

hautboïste. 

Henriquinquiste  ( L.  Larchey )  ; 


égotisme. 
électrotonisme, 

esclavagisme, 
exclusivisme. 


fatuilisme  (voir  plus  haut,  p.  98, 

au  mot  désœuvrerie) . 
favoritisme, 
fédéralisme  (de  la  révolution). 

fénianisme. 


fonctionnarisme . 
fourriérisme. 

germanisme. 


Héraclitéisme  (Caro,  Revue  des 
Deux  Mondes,  15  nov.  1865, 
p.  333,  dans  Scholle,  Archi- 
ves de  Herrig,  XLII,  p.  123)- 


humoriste. 


—  212  — 

huïaanïlarismc  :  «  Son  cœur 
s'enflait  de  ce  stupide  amour 
collectif  qu'il  faut  nommer 
humanitarisme  [souligné  dans 
le  texte),  fils  aîné  de  défunte 
philanthropie.  »  (  Balzac,  les 
Employés,  1856,  p.  274.) 


idémiste :  «  Poiret  \'idémiste[(\m 
est  toujours  de  l'avis  des  au- 
tres). »  (Balz.,  le  Père  Goriot.) 


immobiliste, 
impérialiste, 

indianiste. 
instrum,entaliste. 


idéo  graphisme. 

ignorantisme, 

imtnobilisme. 

impérialisme. 

incivisme. 


jardiniste- 


jacobinisme. 

jésuitistne  ' . 

joachimisme     (Renan,      dans 
Scholle,  Archives,  XLII,  123)- 


juurnaliste  (date  du  siècle  der-  journalisme. 
nier). 


libre-échangiste  {Liiiré,  suppl.) 

librettiste. 

lithochromiste. 


laryngisme. 

légalisme  (Réville,  dans  Scholle, 

ibid.,  123). 
libéralism,e. 


littéralisme. 


1.  Pasquier  disait  jésuis^e  el  jésuisme.  Jésuîste  a  été  remplacé,  dès  le  dix-scp- 
lième  siècle,  par  Vilailian  jésuite.  Jésuisme.  qui  semble  avoir  été  créé  par  l'asquicr 
et  auquel  le  vieux  gallican  attachait  le  sens  que  nous  donnons  à  jésuitisme,  dis- 
parut au  dix-septième  siècle.  Jésuitisme,  dérivé  de  jésuite,  est  moderne,  et  date 
de  la  Restauration.  Jésuitisme  est  plus  logique  que  jésuisme. 


—  213  — 
Umdtste  (Littré,  suppléDi.).  — 

machiniate.  

manieriste,  maniérisme, 

médiéviste  (mot  récent,  qui  a        — 

remplacé  moyenâgiste,  usité 

de  1840  à  1850). 

mercantilism,e. 
"~  m,étamorphisme. 

m,ililarisme. 


millénariste. 

monogéniste, 
monogrammatiste. 

monothéiste. 


mythologiste. 


nihiliste  (créé  par  Mercier). 

nordiste. 

nosologîste. 


modérantisme. 
monogénisme. 

monosyllabisme. 

monothéisme. 

mormonisme. 

municipalisme  (Littré,  suppl.]. 

mythisme. 
mysticisme. 

nationalisme. 

naturalisme. 

nihilisTne. 


obscurantiste^  obscurantisme. 

oculiste.  

oculariste  (fabricant  d'yeux  ar-        — 

tificiels,Bottin,  1875,p.  1240). 

{non]-opportuniste,  {non)-opportunisme. 

organiciste.  

Orléaniste^  Orléamsme. 

ornemaniste.  

orphéoniste.  

orthopédiste.  — 


ossiamsme. 


ovaliste. 
parlementariste. 


'parlementarisme. 


—  214  — 


particulariste, 

pastelliste  (Littré,  supplém.). 

pessimiste, 

pierns^e (voir  plus  haut,  p.  152] 

polémiste. 


parsisme. 
particularisme. 

paupérisme, 
pessimisme. 


polonisme  (  Klaczko,  Revue  des 
Deux  Mondes,  dans  Scholle, 
Archives,  XLII,  126). 

popularisme. 


portraitiste.  — 

portraituriste    (  Duvergier    de        — 

Hauranne,     dans    Scholle, 

Progr.,  16). 
positiviste, 
posthétomiste. 


primeuriste  (Littré,  supplém.), 
progressiste. 

prohibitionniste  (Littré,  suppl.) 
propagandiste  (Littré,  suppl.) . 


positivisme, 
prâcritisme. 


prosaïsme. 

proxénétisme. 

psychisme. 

pugilisme  (Littré,  supplém.). 

puritanisme. 


quatre-vingt-neuviste  (Mercier).         — 


rampiste{\oïr  yAus  haut,  p.  152) 
récidiviste. 

réserviste. 

révisionniste  (Littré,  supplém.) 


réglementarisme. 


romantisme. 


sanscritiste, 
sécessionniste, 
sémitiste, 
sentimentaliste. 


sacerdotalisme. 
sanscritisme. 

sémitisme. 
sentimentalisme. 


—  215  - 


socialiste^ 

soliste.  — 

sonnettiste.  — 

spécialiste.  — 
spintiste,  peu  usité,  remplacé  spiritisme. 

par  spirile,  qui  est  d'origine 

anglaise. 

spontépariste.  — 

styliste.  — 

sudiste.  — 


servantisme  :  «  H  tomba  dans 
le  servantisme  le  plus  minu- 
tieux et  le  plus  astringent.  ji 
(Balzac,  Maison  Nucingen). 

servilisme  :  «  Cet  état  de  choses 
amenait  le  servilisme  de  l'em- 
ployé. »  (Balzac,  les  Em- 
ployés, 1856,  p.  172.) 

socialisme. 


thiériste. 

télégraphiste. 

terroriste  (Littré,  supplém. 

traditionnaliste. 

transformiste, 

unitariste, 


vélocipédiste. 


supranaturalisme. 

terrorisme. 

transformisme. 

unitarisme. 

vandalisme.  Cf.  sur  ce  mot  le 
Bulletin  du  bibliophile,  1845, 
p.  494. 

védism,e. 

voltairianisme. 


En  jetant  un  coup  d'œil  sur  deux  séries  parallèles,  on  re- 
connaît qu'une  infime  minorité  de  radicaux  seulement  possède 
les  deux  dérivés  en  isme  et  en  iste.  Le  plus  souvent,  les  mots 
en  iste  n'ont  pas  de  corrélatifs  en  isrne  et  réciproquement; ou, 
si  les  deux  formes  se  rencontrent,  elles  ne  se  correspondent 
pas  :  le  naturaliste  n'a  rien  de  commun  avec  le  naturalisme. 

A  quoi  tient  ce  fait  singulier?  A  ce  que  les  substantifs  abs- 


—  216  — 

traits  en  îs-we  sont  d'ordinaire  formés  après  les  adjectifs  con- 
crets auxquels  ils  correspondent ^  Il  arrive  donc,  ou  que  les 
adjectifs  concrets  en  isle  n'ont  pas  encore  développé  l'idée  abs- 
traite qui  doit  fournir  un  correspondant  en  isnie  :  ainsi  son- 
netliste,  spécialiste,  styliste,  figuriste,  etc.  ;  ou  bien  que  les  mots 
abstraits  en  iswe  ont  été  tirés  d'adjectifs  correspondants  pré- 
sentant, non  le  suffixe  isfe,  mais  une  autre  terminaison  :  ainsi 
romantisme  -  romantique  ;  puritanisme  -puritain  ;  mysticism  e  - 
mystique;  exclusivisme-exclusif;  cosmopolisme-cosmopolite ,  etc. 


§  4.   Suffixes  verbaux. 

'    Il  n'existe  dans  la  formation  savante  que  deux  suffixes  ver- 
baux :  er  et  iser. 

Er,  suffixe  verbal  de  la  formation  française,  appartient  à 
la  formation  latine  quand  il  se  joint  aux  thèmes,  non  des 
mots  français,  mais  des  mots  latins  (réels  ou  fictifs)  :  injecter 
suppose  injectare  de  injectus;  conférencier  \ient,  non  deconfé- 
rence,  qui  aurait  donné  conférencer,  comme  balance  a  donné 
balancer,  mais  de  *  conferentia. 

Les  dérivés  nouveaux  sont,  à  notre  connaissance,  peu  nom- 
breux. 

convulser,  de  convulsus  (proposé  par  Mercier  et  aujour- 
d'hui mis  en  usage  par  Th.  Gautier  et  son  école  *)  ; 

contagier,  de  contagium. 

conférencier,  faire  une  conférence  :  «  S'il  doit  conférencier 
jeudi,  il  ne  dort  plus  depuis  dimanche.  »  (Vallès,  la  Rue,  Pre- 
mier début). 

inventorier  :  «  L'arrivée  entraîne  des  frais  de  toute  nature 
qu'il  est  peu  convenable  d'inventorier,  »  (Balzac,  les  Employés, 
éd.  de  1856,  p.  200). 


1 .  Journaliste  date  du  siècle  dernier,  journalisme  est  de  formation  contempo- 
raine. 

2.  «  L'homme  pâle,  crispé,  tordu,  convulsé  par  lesp"^ssions  factices.  »  (Th.  Gau- 
tier, Etude  sur  Baudelaire.) 

Et  tes  doigts  convulsés  d'une  infernale  fièvre. 

(Baudelaire,  Fleurs  du  mal,  cxx.) 

Te  convulsant  quand  l'heure  tinte. 

(Baudelaire,  Fleurs  du  mal,  xc.) 

«  Elle  ouvrait  sa  bouche  en  0,  la  tordait,  l'allongeait,  la  convulsait.  »  (Daudet, 
Jack,  I,  §  4.) 


—  217  — 

transfuser,  de  transfusas. 

plagier,  proposé  par  Mercier,  néologisme  assez  usité  aujour- 
d'hui, mais  qui  manque  encore  au  dictionnaire  de  M.  Littré;  il 
est  formé  de  plagiat,  dont  la  forme  latine  * plagiatus  suppose 
un  verbe  *  plagiare. 

tintinnabuler  {*tintinnabulare de  tintinnabulum;  tintinnabu- 
latus  est  latin.)  «  Ornés  de  clochettes  qui  tintinnabulaient 
sans  cesse.  »  (Th.  Gautier,  Étude  sur  Baudelaire).  Tintin- 
nabuler se  trouve  encore  dans  le  Capitaine  Fracasse  (VII 
et  IX). 

L'emploi  de  er  devient  plus  rare,  parce  que  son  domaine  se 
restreint  de  plus  en  plus  devant  les  envahissements  du  suffixe 
iser  :  nouvel  exemple  des  empiétements  de  la  formation  sa- 
vante sur  la  formation  populaire.  Iser,  en  effet,  a  si  profon- 
dément pénétré  dans  la  langue  commune  qu'il  se  joint  non- 
seulement  à  des  thèmes  latins,  mais  encore  à  des  substantifs 
ou  à  des  adjectifs  français  :  cette  dérivation  est  désormais 
devenue  organique  ^ 

La  langue  contemporaine  est  riche  en  dérivés  nouveaux. 

1.  Dérivés  de  types  non  français  : 

actualiser  (Littré,  supplém.),  américaniser  [ibid.],  botaniser 
[ibid.),  européaniser  (d'Alaux,  Revue  des  Deux  Mondes,  dans 
Scholle,  Programme,  p.  15),  dramatiser  (Mercier),  dynami- 
ser (se)  (Littré,  supplém.),  électriser,  extérioriser  [ibid.), 
germaniser,  hypnotiser,  mnémoniser,  sensibiliser,  sociabiliser, 
terroriser,  romaniser,  spiritualiser,  vulgariser,  etc. 

2.  Dérivés  de  mots  français  : 

anecdotiser  (Littré,  supplém.),  amwa/zser  (Brillât-Savarin, 
1,26;  Michelet,  voir  plus  haut,  p.  79),  champagniser  (Littré, 
supplém.),  coltariser  [ibid.),  connmercialiser  [ibid.),  centraliser, 
charivariser,  (se)  décadiser  :  on  disait  autrefois  s'endimancher 
(Mercier),  fossiliser,  fédéraliser,  galvaniser,  harmoniser  (André 
Theuriet,  Lucile  Désenclos,  i),  idéaliser,  localiser,  militariser, 
monopoliser,  municipaliser,  naturaliser,  opaliser  :  «  globes  opa- 

1 .  Que  l"on  compare,  entre  autres,  l'archaïque  déchristianer  au  moderne  déchri- 
stianiser, le  verbe  harmonier,  encore  employé  par  bernardin  de  Saint-Pierre,  au 
néologisme  harmoniser,  l'on  verra  comment  le  sufllxe  latin  iser  empiète  sur 
le  suffixe  français  er. 


—  218  — 

Usés  »  (Daudet,  Jack,  i,  §  5),  organiser,  ossianiser  :  «  Dans  ce 
temps-là,  on  ossianisait  tout.  »  (Balzac,  La  maison  Nucingen)^ 
philosophiser  (Montégut,  dans  Scholle,  Programme,  p.  16), 
ronsardiser  :  «  La  politique  a  ronsardisé.  «  (Chateaubriand, 
Mémoires,  l,  368),  sataniser  :  «  L'ardente  ambition  satanisa 
mon  âme»  (Barthélémy,  Némésis,  Liberté  de  la  Presse),  so- 
cialiser, solidariser,  utiliser,  motionner,  mot  contemporain  de 
lanterner  (mettre  à  la  lanterne),  municipaliser  (Mercier), 
paraboliser  (Littré,  suppléin.),  rabbiniser  (Réville,  Revue  des 
Deux  Mondes,  l"nov.  1867,  p.  121;  dansScholle,  ^rcMves,  XLII, 
p.  126),  romantiser  (Lagenevais,  ibid.,  1"  avril  1867,  p.  793; 
dans  Scholle,  ibid.,  p.  127),  sèptembriser ,  stériliser:  «Nous  di- 
sons fertile,  fertiliser;  pourquoi,  disant Sifén7e,  ne  dirions-nous 
pas  stériliser?  »  (Mercier)  ',  voltairianiser  (  Veuillot,  Odeurs  de 
Paris,  11,  4). 

On  ajoute  volontiers  au  radical  le  suffixe  iser  sous  la  forme 
du  participe  présent  ou  de  l'adjectif  verbal  en  isant,  sans 
que  l'on  ait  besoin  de  créer  le  verbe  aux  autres  temps  :  un 
indianisant,  un  sanscritisant,  un  iranisant,  un  scandinavisant  ; 
une  forme  prâcritisante ;  l'action  épileptisante  de  l'absinthe. 
Cette  dérivation  est  fort  usuelle  dans  la  terminologie  scien- 
tifique. 


CHAPITRE    XIV. 

COMPOSITION    LATINE. 

Comme  la  formation  savante  reprend  au  latin  non-seule- 
ment ses  mots  dérivés,  mais  encore  ses  composés,  toutes  les 
formes  qu'affecte  la  composition  latine  peuvent  reparaître 
dans  notre  langue,  suivant  les  caprices  des  lettrés.  Nous 
n'avons  donc  qu'à  passer  en  revue  les  divers  procédés  que 
met  en  usage  le  latin,  et  voir  s'ils  sont  représentés  en  français. 

Composés  syntactiques  :  je  ne  vois  à  citer  que  similor 
[simile  auro). 

Composés  asyntactiques  :  Le  nombre  des  composés  nou- 
veaux est  considérable;  ils  se  classent  d'après  la  nature  des 
éléments  composants. 

1.  On  le  dit  maintenant. 


—  219  — 

1.  Adjectif  et  adjectif  ou  substantif,  donnant  naissance  à 
des  adjectifs  ou  à  des  substantifs. 

médianimique  :  «  Faculté  médianimique,  relative  à  la  mé- 
dianimité.  »  [Répertoire  du  spiritisme.) 

médianimité  :  «  faculté  des  médiums.  >>  [ibid.). 

omniscience,  omniconvenance  :  «  L'on  n'admirera  que  ce 
que  le  septicisme  adopte  :  l'omnipotence,  V omniscience,  l'ow- 
niconvenance  de  l'argent.  »  (Balzac,  Maison  Nucingen). 

multifide^  multicolore,  multiforme  et  multiformité  (Br.- 
Savarin,  Physiol.  du  goût,  I,  89),  etc.  ;  primidi,  duodi,  tridi, 
quartidi,  quintidi,  sextidi,  septidi,  octidi,  nonidi,  (décadi).  Les 
subdivisions  du  système  métrique,  déci-,  centi-,  milli-  [mètre, 
gramme,  litre,  are,  stère),  contiennent  les  thèmes  des  adjec- 
tifs cardinaux  decem,  centum,  mille,  qui  ne  signifient  nulle- 
ment dixième,  centième,  millième. 

Les  adjectifs  ou  adverbes  uni-,  bis,  tri-,quadri-,  quinti-,  etc., 
sont  utilisés  parles  nomenclatures  spéciales  des  sciences  na- 
turelles :  uniloculaire,  uniréfringent,  unipare,  etc.,  bi-basique, 
bi-carboné,  bi-colore,  bi-^êtalé,  etc.,  triatomique,  triaurique, 
tricapsulaire,  tricobaltique,  tricorne,  tricosté,  trifolié,  tri  forme, 
etc.  ;  voir  le  Dictionnaire  de  M.  Littré. 

Citons  encore  bivoie,  bifurcation  de  la  voie  d'un  chemin  de 
fer;  bicorporéité,  qualité  de  l'esprit  qui  «  pendant  le  sommeil 
peut  s'isoler  du  corps;  son  esprit  peut  acquérir  la  visibilité 
et  même  la  tangibilité.  »  [Répertoire  du  spiritisme);  bi-mensuel, 
barbarisme  pour  semi-mensuel,  ^nc?/c/e  (mot  hybride)  :  «  herse 
à  trois  roues,  dite  herse  tricycle.  »  [Descrip,  des  brevets,  1831, 
1'-  série,  XXXII,  p.  93). 

2.  Substantif  et  substantif,  donnant  naissance  à  des  adjec- 
tifs (composés  possessifs)  :  acinaciforme,  aculéiforme,  cauliflore, 
fraxinifolié,  granuliforme,  lamellibr anche,  lamellicorne,  lamel- 
lipède,  lamellirostre ,  piri forme  (ventre  piri forme;  Balzac,  le 
Père  Goriot),  vélocipède' ,  crédirentier,  débirentier,  etc. 

1.  Vélocipède  date  de  1818,  «  machine  dite  vélocipède.  »  (Descript.  des  brev. 
1'°  série,  t.  X,  p.  114.)  Ce  mot,  appliqué  à  un  autre  appareil,  a  reparu  dans  ces 
dernières  années  et  a  fait  fortune;  il  a  mémo  sa  petite  famille  :  vélocipédiste, 
véln-fiport.  Le  mot  pourtant  est  mal  fait  :  il  faudrait  vêlocifère  ou  quelque  chose 
d'analogue  :  vélocipède  veut  dire  qui  a  les  pieds  rapides,  et  ne  peut  s'appliquer 
par  suite  qu'au  cavalier.  Celui  qui  monte  le  vêlocifère  est  un  vélocipède.  Pède, 
d'ailleurs,  dans  ces  sortes  de  composition,  désigne  l'individu  :  bipède,  quadru- 
pède. 


—  220  — 

3.  Substantif  et  substantif  donnant  naissance  à  des  sub- 
stantifs :  caulobulbe,  liarmonicorde,  clavicorde,  fulmicoton  pour 
fulminicoton  (le  nom  et  la  chose  datent  de  1846;  Descripl.  des 
brev.,  2'  série,  XII,  p.  189),  viaduc,  etc. 

4.  Substantif  et  adjectif  ou  substantif  dérivé  de  verbe  et 
ayant  valeur  verbale;  résultat  de  la  composilion  :  adjectif: 

-GIDE  :  insecticide,  liberticide,  loculicide  (t.  de  botanique), 
raticide  [raticide Burnichon,  Bottin,  1875,  p.  924),  tyrannicide. 

-COLE  :  favicole  (Littré,  supplém.)  ;  vignicole  (Barthél.,  Né- 
mésis,  Aux  électeurs  du  juste  -  milieu) ,  sourisicole  (Vallès, 
la  Rue,  AU  right!)  etc. 

-cuLTEUR  et  -CULTURE  :  agriculteur  (créé  par  Delille);  hirudi- 
niculture,  -leur;  pisciculture,  pisciculteur,  qui  ont  remplacé  les 
vieux  et  excellents  mots  français  alevinage,  alevinier;  ostréicul- 
ture, -leur,  puériculture  ou  l'Art  d'élever  hygiéniquement  et 
physiologiquement  les  enfants  (par  A.  Garon,  2"  édit.,  1865); 
sylviculture,  etc. 

FÈRE  :  aérifère  :  «  chapeaux  de  soie  aérifères  »  (prospectus 
d'un  marchand  ) ,  célérifères  :  «  voitures  dites  célérifères.  » 
{Descript.  des  brev.,  1817,  1"  série,  XIV,  p.  337),  casquettifère  : 
«  L'abus  des  plaisirs  en  faisait  un  mollusque  anthropomorphe 
à  classer  dans  les  casquettifères.  »  (Balzac ,  le  Père  Goriot)  ; 
corollifère  (t.  de  hot.) ',filifère  :  «  Outil  propre  à  enfiler  les  ai- 
guilles, dit  filif  ère.  n  [Descript.  des  brev.,  1829,  l"""*  série,  XXVIII, 
p.  74),  foraminifères  (genre  de  coquillages);  rotifères  (sorte 
d'infusoires)  ;  vélocifères  :  «  voitures  dites  vélocifères.  »  {Des- 
cript. des  brev.,  1803,  VII,  p.  258),  etc. 

-FiQUE  :  calorifique,  frigorifique,  lactifique,  etc. 

-FUGE  :  «  appareil  dit  fumifuge.  »  [Descript.  des  brev.,  1817, 
IX,  p.  335). 

-LUVE  :  maniluve,  pédiluve. 

-MOTivE  :  locomotive,  et  avec  d'autres  dérivés  de  rnoveo  : 
locoinoteur  [électro-moteur,  etc.),  locomobile_. 

-PARE  :  fîssipare,  foliipare,  gemmipare,  multipare,  ovivivipare, 
spontépar  -ité,  etc. 

-voRE  :  budgétivore,  fumivore,  insectivore,  etc. 

Ajoutons  vélocipiqueuse,  nom  d'une  machine  à  coudre,  falsi- 
frage,  «  papier  destiné  à  mettre  les  papiers  de  commerce,  de 
banque,  etc.,  à  l'abri  des  faux.  »  [Descript.  des  brevets,  1828, 
1"  série,  XXVI,  p.  310,  etc.). 


—  221  — 

4.  Attribut  et  verbe  :  c'est  ici  que  peuvent  prendre  place  les 
verbes  en  ifier  [i-ficare)  et  en  éfier  [e-facere).  On  peut  les  placer 
également,  dans  le  chapitre  de  la  composition  proprement  dite, 
à  côté  de  composés  formés  d'un  fégime  et  d'un  verbe,  comme 
nous  l'avons  fait  dans  notre  Traité  de  la  formation  des  mots 
composés'.  Nous  avons  montré  comment  cette  composition  d'o- 
rigine savante  a  pénétré  dans  la  langue  commune  et  est  de- 
venue organique.  Voici  quelques  exemples  contemporains  : 
baronifier  :  «  D'Aldrigger  fut  alors  baronifié  par  S.  M.  l'Empe- 
reur et  Roi.  »  (Balzac,  la  Maison  Nucingen),  bondieusardifier 
(la  jeunesse)  (le  journal  les  Droits  de  l'Homme,  cité  par  le  Cor- 
respondant du  25  oct.  1876,  p.  247),  mot  tiré  de  bondieusard, 
cité  plus  haut,  p.  89;  momifier,  noblifier,  prussifier,  russifier, 
terrifier^,  —  stupéfier. 

Les  verbes  en  ifier  donnent  des  dérivés  en  i-fîcateur,  i-fica- 
tion;  les  verbes  en  éfier;  des  dérivés  en  é- facteur,  é-faction. 

Nous  arrivons  aux  composés  par  particules. 

Nous  avons  à  examiner  ab,  ad,  ante,  circum,  cis,  cum,  con- 
tra, de,  dis  [di),  e  [ex],  extra,  in  (prépos.),  in  (négation),  inter, 
intra,  intro,  ob,  psene,  per,  post,  prse,  prseter,  pro,  quasi,  re, 
rétro,  satis,  se,  sub,  super,  trans,  ultra.  Ces  particules  présen- 
tent les  mêmes  combinaisons  que  les  particules  françaises  que 
nous  avons  étudiées  dans  la  formation  populaire*. 

AB,  AD.  Nous  ne  voyons  pas  que  ces  particules  aient  donné 
naissance  de  nos  jours  à  de  nouveaux  composés. 

ANTE  :  composés  parasynthétiques  :  anté-diluvien  (*  ante- 
diluvi-anus  =  qui  est  (-anus)  avant  (ante)  le  déluge  (diluvi-um), 
cf.  plus  haut,  p.  131);  anté-historique  {=  qui  est  (-ique)  avant 
(ante)  ['histoire). 

CIRCUM  :  composés  parasynthétiques  :  circumméridien,  cir- 
cumaxile ,  circwmzénithal  :  dans  circumnavigateur  on  a  un 
composé  syntactique,  c'est-à-dire  un  juxtaposé. 

GIS  :  composés  parasynthétiques  :  cismontain,  cispadan,  cis- 
rhénan;  cisleithaîi  ou  cisleithanien,  cisg  ange  tique. 

1.  Page  143. 

2  Suppose  un  type  terrificare;  le  latin  a  terrefacere,  qui  aurait  donné  terre- 
fier,  comme  torrefacere  a  donné  torréfier.  —  Ajoutons  pontifier  qui,  logique- 
mont,  devrait  être  pontififier,  mais  qui  représente  un  type  latin  pontificare: 
«  Le  beau  d'Argenton,  coiffé  en  archange,  frisé,  pommade,  ganté  de  clair,  génial, 
luislève,  pontifiant.  »   (Daudet,  Jack,  I,  §  4.) 

3.  Voir  plus  haut,  p.  128  et  suiv. 


—  222  — 

cuM  (cM'/n,  con,  co)  :  Formations  nouvelles:  condupliquer 
[cmn  et  duplicare),  conduplicatif,  cunduplicable,  termes  de  bo- 
tanique; connotation,  connotatif; —  coaptation,  coarctant, 
coauteur,  co-bourgeois,  co-dêputé,  co-éducation,  co-détenu,  co~ 
électeur,  co-occupant  {droit  de  co-occupant,  Lasteyrie,  Revue 
des  Deux  Mondes,  dans  Scholle,  Programme,  p.  14). 

Cette  formation  à  l'aide  de  co  devient  d'un  usage  général; 
elle  est  commode,  et  ici  la  formation  savante  apporte  un  en- 
richissement à  la  langue. 

CONTRA  ni  DE  u'out  douué  dc  compositions  nouvelles. 

Dis  :  discontinuité,  disqualifier  :  «  C'était  forfaire  à  l'honneur 
et  se  disqualifier.  »  (0.  Feuillet,  M.  de  Camors,  Revue  des 
Deux  Mondes,  15  mai  1867,  p.  273). 

EX.  Nous  ne  citerons  pas  les  formes  latines  telles  que  excurvé, 
exfétation,  etc.,  mais  les  formes  de  la  langue  commune  où 
ex  a  pris  le  sens  de  l'archaïque  ci-devant  :  ex-préfet,  ex- 
instituteur, ex-député.  «  Deslandes  prit  son  chapeau ,  salua 
son  ex-protecteur  d'un  air  de  dignité  blessée,  et  sortit  du  ca- 
binet. »  (Ch.  de  Bernard,  Les  ailes  d'Icare,  I,  12).  «  Par  la 
grâce  de  madame  Peard,  ex-femme  vertueuse.  »  [Ibid.,  II,  11.) 
«  Cette  résolution  avait  coûté  à  Audebert;  son  orgueil  d'ex- 
propriétah^e  et  d'homme  à  projets  ne  se  plaisait  guère  à  l'aus- 
térité du  simple  compagnonnage.  »  (6.  Sand,  La  Ville  noire, 
ix).  «  Il  y  avait  bien  là-dedans  un  peu  de  vengeance  contre 
son  ex-hôtesse,  avec  laquelle  il  s'était  fâché.  »  {Ibid.,  viii). 

Ici  encore  la  langue  commune  tire  un  heureux  parti  de  ce 
procédé  de  composition;  il  est  simple,  commode,  et,  depuis  la 
Révolution,  qui  l'a  introduit,  il  a  pénétré  assez  profondément 
dans  la  langue  pour  devenir  organique  ^ 

EXTRA  se  combine  comme  préposition  dans  des  parasyn- 
thétiques  :  extra-axillaire,  -budgétaire^  ^conjugal,  -européen, 
-folié,  -foliacé,  -humain,  -légal,  -natureP,  -oculaire,  -organi- 
que, -personnel,  -réglementaire,  -statutaire,  -utérin,  -verté- 
bré, etc.  Il  se  combine  comme  adverbe  dans  extror-blanc, 
«  métal  extra-blanc  argenté  »,  extra-réfi'actaire,  extra-lucide^, 
extra-fin,  extra-fort,  «  toile  de  coton  écru,  extra- forte  »  (Gâ- 
tai, d'un  mag.  de  nouveauté);  «  (Un  surtout  de  table)  plaqué 

1.  Cf.  Courrier  de  Vaugelas,  1872,  n"'  8  et  12. 

2.  «  Figurez- vous  un  paysage  extra-naturel.  »  (Th.  Gautier,  Étude  sur  Ch.  Bau- 
delaire.) 

3.  «  Mais  non,  allez,  je  n'étais  pas  fou,  j'étais  surexcité,  extrorlucide  peut-être.  » 
(G.  Sand,  Le  dernier  amour,  III.) 


—  223  — 

extra-super  fin  j  plus  beau  que  l'argent.  »  (Ch.  de  Bernard  ,  Les 
ailes  d'Icare^  I,  4). 

Extra  s'emploie  absolument  comme  adjectif  et  substantif 
avec  le  sens  de  extraordinaire,  sur  quoi  Von  ne  comptait  pas  : 
«  Tous  ces  articles  ecc^ra  avaient  l'air  d'être  autant  de  gracieu- 
setés de  sa  part.  »  (Brillât-Savarin.  Physiologie  du  goût,  i, 
144).  ce  Aux  tables  d'officiers  un  ex-^ra  est  un  invité.  Au  café 
ou  au  restaurant  à  prix  fixe  on  appelle  extra,  soit  un  plat  de- 
mandé en  dehors  de  la  carte,  soit  un  garçon  supplémentaire 
venant  aider  au  service.  »  (L.  Larchey).  «  Vin  d'extra,  bouteille 
de  vin  fin.  »  (ïd.).  Extra  signifie  également  repas  plus  soigné 
qu'à  l'ordinaire  :  «  se  permettre  un  extra.  »  —  Cf.  plus  bas 
ultra. 

IN,  préposition,  donne  quelques  parasynthétiques:  incurva^ 
tion,  inalpage  (ascension  dans  les  Alpes) ,  inalper. 

IN  négation.  De  fort  bonne  heure  cette  particule  s'est  peu  à 
peu  substituée  aux  composés  que  le  vieux  français  formait 
avec  non'.  Depuis  le  dix-septième  siècle  surtout  elle  a  reçu  une 
extension  considérable,  et  a  pénétré  si  profondément  dans  la 
langue  que  son  emploi  est  devenu  aujourd'hui  familier  et 
presque  populaire.  Elle  se  combine  avec  les  adjectifs  ou  par- 
ticipes [juste  injuste,  consolé  inconsolé),  et  avec  les  substantifs 
[conscience  inconscience],  rarement  avec  les  verbes.  Elle  forme 
de  faux  parasynthétiques  qui  méritent  d'être  examinés. 

Dans  ses  Commentaires  sur  Corneille,  Voltaire,  citant  le  vers 
de  Cinna  (III,  3)  : 

Rendez-la,  comme  à  vous,  à  mes  vœux  exorable, 

fait  remarquer  qu'il  est  bien  étrange  qu'on  dise  implacable,  et 
non  placahle,  âme  inaltérable,  et  non  pas  âme  altérable;  héros 
indomptable,  et  non  héros  domptable.  La  remarque  est  juste  ; 
beaucoup  d'adjectifs  en  able,  ible,  n'existent  d'abord  que  sous 
la  forme  de  composés  négatifs  :  inusable,  indéracinable,  inovr 
bliable,  inextlrpable,  indéniable,  inextinguible,  indestructible, 
etc.  A  quoi  tient  ce  fait?  C'est  sans  doute  que  l'affirmation 
d'une  impossibilité  est  toujours  plus  catégorique,  plus 
péremptoire  que  l'affirmation  d'une  possibilité.  Pour  dire 
qu'un  feu  peut  s'éteindre,  il  n'est  pas  nécessaire  de  recourir 
à  une  forme  spéciale  :  «  ce  feu  est  extinguible;  »  la  con- 
struction ordinaire  suffit  pour  exprimer  un  fait  ordinaire. 

1.  Cf.  plus  haut,  p.  140. 


—  224  — 

Mais  si  l'on  veut  dire  que  le  feu  ne  peut  s'éteindre,  que  rien 
n'est  capable  de  l'étouffer,  on  préférera  à  une  périphrase  qui 
étend  et  affaiblit  l'idée  une  expression  synthétique  qui  la 
condense  et  lui  donne  une  forme  absolue  :  «  Ce  feu  est  inex- 
tinguible. » 

Il  résulte  de  ce  fait  que  la  langue,  avec  in,  tire  directement 
des  composés  en  able,  ible,  des  verbes,  sans  passer  par  les  ad- 
jectifs simples  :  user  donnera  immédiatement  inusable;  surmon- 
ter, insurmontable  :  ce  sont  là  des  parasynthétiques  d'une 
nature  particulière,  différents  de  ceux  qu'on  rencontre  dans 
emplacement,  embarquer,  etc.  Ceux-ci  sont  des  parasynthé- 
tiques de  langage,  ceux-là  d'idées;  les  uns  sont  régis  par  des 
lois  philologiques,  les  autres  par  une  loi  intellectuelle. 

Les  formations  nouvelles  avec  in  sont  très-nombreuses  ;  on 
en  jugera  par  la  liste  suivante*  : 

inimitable,  illitérature,  illogique,  imbrûlable,  immérité  (pro- 
posé par  Pougens  dans  son  Vocabulaire  des -privatifs'^),  imme- 
suré, imméthodique,  immiséricordieux,  imm^odulé,  impa/rdonné^ 
impartageable,  impatriote*,  imperfectible,  impermanence,  im- 
permutable, impersévérance,  impesé,  impeuplé,  impleuré  (Pou- 
gens,  Vocah.),  im,pliable,  impondérable,  impopulaire,  -arité, 
impotable,  impratiqué,  improductif,  improduit,  improfitable, 
improtégé,  impudeur  (Pougens,  Vocab.  ;  le  mot  n'est  dans 
le  Dict.  de  l'Académie  qu'à  partir  de  l'édition  de  1835),  impu- 
rifié'*, imputrescible,  inabrité,  inabrogé,  inacclionatable,  in- 
accompagné, inaccord,  inacheté,  inachèvement  (Balzac,  Facino 

1.  Les  mots  qui  sont  donnés  ci-après  sans  indication  spéciale  sont  pris  au  Dic- 
tionnaire de  M.  Littré,  qui  les  cite  sans  exemples  anciens  ou  modernes  ;  et  comme 
ils  manquent  au  Dictionnaire  de  l'Académiej  il  y  a  tout  lieu  de  croire  qu'ils  sont 
de  formation  récente;  la  plupart  d'ailleurs  ne  sont  pas  encore  consacrés  par  l'u- 
sage. 

2.  Cf.  plus  haut,  p.  25,  n.  2. 

3.  «  On  a  demandé  en  ma  présence  à  un  sourd  et  muet  la  définition  du  patrio- 
lisme.  Comm»  ce  mot  est  très-composé,  l'habile  instituteur  a  fixé  l'attention  de 
son  élève,  d'abord  sur  le  mot  père,  pater  palris,  ensuite  sur  le  mot  patrie,  puis 
sur  le  mot  patriote,  et  enfin  sur  la  force  de  la  terminaison  isme.  De  la  définition 
de  chaque  mot  est  sortie  une  définition  très-logique  du  mot  composé.  Passant 
après  du  patriotisme  en  général  au  patriotisme  françois,  on  a  demandé  à  l'inté- 
ressant élève  quels  sont  les  ennemis  des  François;  il  a  répondu  les  impatriotes; 
mille  applaudissements  ont  annoncé  la  fortune  que  fera  ce  mot  dont  notre  langue 
aura  été  redevable  à  un  sourd  et  muet.  »  (Journal  de  la  langue  française,  par 
Urbain  Domergue,  1791,  deuxième  année  de  la  liberté,  t.  IV,  p.  lUl.)  L'usage 
brutal  devait  tromper  l'espérance  de  ces  braves  patriotes.  Serait-ce  que  les  «  im- 
|)atriotes»,  à  l'honneur  du  pays,  étaient  trop  peu  nombreux  pour  mériter  une 
épithète  spéciale? 

4.  Voir  plus  bas,  à  inflétrissable. 


—  225  — 

Cane),  inactif,  inadhêvenl,  inadmis,  -sion,  ina/feclé,  inafftigé, 
inajournable,  inaltéralion,  inaltéré,  inamical,  inapaisable,  in- 
aperçu (Pougens,  Vocab.),  inapparent,  inappauvri,  inapprécié, 
inapprouvé,  inapte,  inassiduité,  hiassignable ,  inassimilable, 
inassociation,  inassorti,  inassoupi  (proposé  par  La  Harpe  dans 
Mercier),  inassouvi  {Pougens,  Vocab.),  inauriculé,  inauthenti- 
cité, inautorisé,  inavouable,  incalcinable,  incalculé,  incalom- 
niable,  incandeur,  incassable,  incélébré,  inchangé,  inchavirahle, 
inchrétien,  incivilisable,  inclassable,  incoagulable,  incoction,  in- 
coercition, incomrnençable,  incommisération,  inconipacité,  in- 
cornpassion,  incotnpatissant,  incompensable,  incomprim,é,  incon- 
ciliant, inconcluant,  inconcrescible,  inconçu,  inconditionné, 
inconditionnel,  inconducteur,  inconfessé,  inconfiant,  incongelé, 
inconjugal,  inconnaissable,  inconnexité,  inconquis,  inconscience, 
inconservable,  inconsistance  (proposé  par  La  Harpe,  Mercier  et 
Pougens),  inconsolé,  inconsommable,  inconstitutionnel,  incon- 
sumé, incontinuité,  incontractile  ^,  incontrit,  incontrôlable,  in- 
controversé,  inconvaincu,  inconversible,  inconviction,  inconvié, 
incoordination ,  incourbé,  incriminel,  incritiquable,  incroche- 
table, incroyant,  incuit,  incultiwe'^,  indébrouillable^,  indé- 
brouillé, indécachetable,  indéchiré,  indécisif,  indécliné,  indé- 
composé, indécousable,  indécrit'',  indéfié,  indéfiguré,  indéfri- 
chable, indégonftable  (Littré,  supplém.),  indéguisé,  indéhiscent, 
indélégable ,  indélégation ,  indélicat  (Pougens,  Vocab.),  inde- 
mandé, indémontré,  indéniable,  indénoncé,  indénouable,  indenté, 
indépouillé,  indéracinable,  indesci'iptible,  indigérer ^,  indirec- 
tion, indiscutable,  indispersé,  indisputé,  indistinction,  inéclairci, 
ineffacé,  inemployé,  inenvié,  inépanoui,  inéprouvé,  inépuisé. 


1.  «  Flanelle  incontraclile»se  lit  dans  les  prospectus  et  les  annonces  d'un  che- 
misier de  Paris.  Incontractile  est  mal  fait  :  il  faudrait  incontractible. 

2.  «  Ces  ci-devant  hurleurs  de  démagogie  et  de  socialisme,  la  plupart  sans  let- 
tres, trop  souvent  môme  remarquables  par  leur  inculture.  »  (Veuillot,  Odeurs  de 
Paris,  I,  2.) 

3.  «  Que  sais-je?  un  fouillis,  un  chaos  indébrouillable  à  faire  tomber  la  plume 
de  lassitude  au  nomenclateur  le  plus  intrépide.  »  (Th.  Gautier,  Les  Jeune  France, 
éd.  de  1833,  p.  309.) 

4.  «  Les  torrents  qui  pleurent  et  sanglotent  comme  des  âmes  malheureuses,  les 
cerfs  qui  brament  d'une  voix  plaintive  et  passionnée,  la  brise  qui  chante  et  rit 
dans  les  bruyères,  les  vautours  qui  crient  comme  des  femmes  effrayées;  et  ces  au- 
tres bruits  étranges,  mystérieux,  indécrils,  qui  grondent  sourdement  dans  les 
montagnes,  ces  glaces  colossales  qui  craquent  dans  le  cœur  des  rocs.  »  (G.  Sand, 
Lclia,  xxvin).  Indécrits  est  en  italique  dans  le  texte. 

.^.  «  Le  docteur  Malouet  qui  en  absorbait  des  quantités  {de  truffes)  à  indigérer 
un  éléphant.  »  (Brillât-Savarin,  Physiol.  du  (joût.  1,44).  Indigérer  se  construit 
autrement  que  digérer.  On  dira  :  il  ne  digère  pas  ce  plat,  et  ce  plat  Vindigère. 

15 


—  226  — 

inéquitable,  inérudition,  inescomptable  (Littré,  supplém.),  in- 
essayé, inestimé,  inétudié,  inévité,  inexaucé,  inexcusé,  inexigé, 
inexploité,  inexploré,  ùiexplosible,  un  inexpressible,  inexpri- 
mé ^j  infertilisable ,  inflétrissable^ ,  infutnable  (Littré,  sup- 
plém.), ingagnable^,  ingaranti,  inglorifié,  ihharmonie,  -ieux, 
inhumecté,  inimité,  inimprimable,  inindustrieux,  ininflammable, 
iniiitelligent,  -etice,  -emment'',  ininterruption,  injustifiable,  in- 
négociable, inofficiel,  inopérable,  inopportun  (proposé  par  Pou- 
gens,  Foc),  inopportuniste  (Littré,  supplém.),  inorganisable, 
inorné,  inoubliable,  inovulé,  inoxydable,  inqualifiable,  inra- 
contable^,  insapide,  insaponifiable ,  insaturable  ,  insécurité 
(Pougens,  Foc),  insermenté,  inservilité,  insincérité  ^ ,  insoli- 
darité, insouci,  -deux,  insoupçonnable  (Littré,  supplém.),  in- 
submersible'', insuccès  (proposé  par  Pougens,  Vocab.},  in- 
suivi, intransférable,  intransparenl,  intransportable,  (couverts) 
inusables  (Bottin,  1875,  p.  1170),  inversable,  invérification\  ir- 
raisonné'^, irraisoniiable,  irrassasié,  irratifiable,  irrechercliable, 
irréfuté,  irrégénérable,  irrelatif,  irremboursable,  irreproductif, 
irrespirable,  irrespect^\  irresponsable,  irrévérencieux  (Pougens, 
Vocab.),  etc.,  etc. 

iNFRÀ  donne  un  adjectif  parasynthétique  :  (terrains)  infra- 
jurassiques. 

iNTER  est  riche  en  formations  nouvelles  :  il  joue  le  même 


1.  «  Tant  d'idées  inexprimées,  inexprimables  plutôt.  »  (Daudet,  Jack,  I,  §  4.) 
2»  «  Je  trouve  ailleurs  quelques  traces  dun  néologisme  moins  véniel  :  inflêtris- 

sabie,  inipurifié.  »  (Cuvilier-Fleury,  Journal  des  Débats,  16  sept.  1876,  p.  3,  col.  5, 

sur  Mlle  Louise  Berlin.) 

3.  «  L'aristocratie,  de  sa  nature,  ingrate  et  ingagnable.  »  (Chateaubriand,  Mé- 
moires, t.  II,  p.  83.) 

4.  «Les  quatre-vingt-dix  mille  francs  amassés  sou  à  sou  provenaient  donc  d'é- 
conomies sordides  et  fort  inintelligemment  employées.  »  (Balzac,  les  Employés, 
éd.  de  1856,  p.  206.) 

5.  «  Le  bonheur  fait  d'une  foule  de  joies  menues  et  inracontables.  »  (Daudet, 
Jack,  I,  §  7.) 

6.  Ce  mot  aurait  été  créé  par  M.  de  Tocqueville  à  la  tribune,  selon  M.  Fr.  Wey, 
Remarques  sur  la  langue  française,  II,  p.  93. 

7.  «  Celle-ci  (la  physalie)  n'a  au-dessus  do  l'eau  qu'un  petit  balloUj  une  vessie 
insubmersible.  »  (Michelet,  la  Mer,  p.  169.) 

8.  «  Ce  qui  a  graduellement  ébranlé  dans  l'esprit  des  hommes  les  philosophies, 
théologique  et  métaphysique,  c'est  d'une  part  leur  invérification  (il  a  toujours  été 
impossible  de  vérifier  à  posteriori  leur  dire),  etc.  (Littré,  Revue  des  Deux  Mon- 
des, 15  août  1866,  p.  838,  dans  Scholle,  Archives  de  Herrig^  xxxix,  p.  432).— Ce 
mot,  dû  à  M.  Littré,  ne  se  trouve  pas  dans  son  dictionnaire. 

9.  «  Un  malaise  irraisonné,  accru  du  grand  silence  et  de  la  solitude.  »  (Daudet, 
Jack,  I,  §  7.) 

10.  «  Cette  jjersécution  mélangée  de  pitié,  cet  irrespect  du  malheur.  »  (Balzac, 
Le  Père  Gwiot,  1835,  1. 1,  p.  58.) 


—  227  — 

rôle  que  le  français  entre,  en  combinaison  avec  des  noms  et 
des  adjectifs  ;  et  dans  la  plupart  des  composés  il  a  pris  une 
place  qui  revenait  de  préférence  à  entre.  Il  est  d'un  grand  em- 
ploi dans  la  terminologie  scientifique  : 

inter-ambulncral ,  -antennaire,  -cellulaire,  -claviculaire,  -co- 
lumnaire,  -continental,  -cutané,  -digital,  -épineux,  -fibrillaire, 
-foliacé,  -frontal,  -maxillaire,  -national  [C internationale). 

interocéanique:  «  Le  chemin  de  fer  interocéanique.  »  (Simo- 
nin, Rev.  des  Deux  Mondes,  l«'août  1867,  p.  719;  dac.s  Scholle, 
Archives  de  Herrig,  XLII,  p.  123.) 

intefr oculaire,  -pariétal,  -pétiolaire. 

interplanétaire  :  «  Le  vide  interplanétaire.  «  {Radau,/îev.  des 
Deux  Mondes,  1"  sept.  1867",  p.  254;  Scholle,  ihid.) 

Ces  composés  sont  des  parasynthétiques,  dans  lesquels  in- 
ter  est  une  préposition  régissant  le  substantif,  thème  de  l'ad- 
jectif. 

/nier  est  préposition  dans  interars,  terme  d'hippiatrique,  qui 
peut  être  ancien,  et  dans  le  mot  tout  nouveau  de  intersession^, 
créé  par  l'administration  du  chemin  de  fer  de  Paris  à  Ver- 
sailles :  «  Trains  supprimés  pendant  les  intersessions.  »  {Rè- 
glement du  départ  des  trains  de  Paris  à  Versailles.) 

Il  est  adverbe  dans  intercommunication,  intercourse,  interdé- 
pendance. 

iNTRA  se  trouve  dans  un  grand  nombre  d'adjectifs  parasyn- 
thétiques appartenant  à  la  nomenclature  moderne  des  sciences: 
inlra-crânien ,  -dermique,  -foliacé,  -marginal,  -médullaire, 
"mercuriel  {jpldinëie  intramercurielle) ,  -pétiolaire,  -pulmonaire, 
-tropical,  -tubaire,  -utérin,  -vasculaire,  -vertébré. 

iNTRO.  On  a  créé  le  mot  intropelvimètre. 

OB,  p^NE  et  PER  n'ont  pas,  à  notre  connaissance,  donné  de 
compositions  nouvelles. 

PARUM  :  citons  paraffine. 

PosT,  abverbe  :  postabdomen  (Latreille),  postface  (date  de 
la  fin  du  dix-huitième  siècle),  postfloraison,  postposition; 
préposition,  dans  les  parasynthétiques  :  post-oculaire,  -pecto- 
ral, -pliocène,  -positif. 

PRAE  est  adverbe  dans  préabdomen  (Latreille),  préachat, 
préaddition  (Lemare)^  prébalancier  (Latreille),  précompte,  pré- 
denté,  prêdénommé,  prédigestion,  prédisposer  [-^sant,  -sition), 
préfloraison,  préfoliationi 

1.  Comparez  tnfcrrc^ne. 


—  228  — 

Il  est  préposition  dans  les  parasyntliétiqucs  :  pré-aryen, 
-buccal,  -caudal,  -celtique,  -hanchial,  -lombaire,  -oculaire, 
-romain,  -tibial. 

PRETER,  PRO  :  nous  ne  voyons  pas  que  ces  prépositions 
aient  donné  lieu  à  des  formations  nouvelles. 

QUASI  présente  le  même  emploi  que  presque  :  il  s'en  dis- 
tingue cependant,  dans  l'usage  commun,  par  un  caractère 
de  familiarité  qu'il  donne  à  l'expression,  et  que  n'a  point 
presque,  chose  curieuse,  presque  appartenant  à  la  langue 
commune,  et  quasi  étant  latin.  Les  gens  du  peuple  diront  :  «  il 
est  quasi  fou,  »  plus  volontiers  que  :  «il  est  j^resque  fou.  » 

«  Ce  fut  ainsi  que  Clément  Chardin  des  Supeaulx,  dont  le 
père,  anobli  sous  Louis  XV,  portait  écartelé  au  premier 
d'argent,  un  loup  ravissant  de  sable  emportant  un  agneau  de 
gueules  ;...  avec  En  Lupus  in  hisioria  pour  devise,  put  surmon- 
ter cet  écusson  quasi  railleur  d'une  couronne  comtale.  » 
(Balzac,  les  Employés,  p.  434,  édit.  1856.) 

«  Quasi-évidence  »  (Montégut  dans  Scholle,  Programme, 
p.  16);  ce  quasi-insoumission  ii  (d'Alaux,  ibid.). 

«  C'est  un  quasi-droit  que  nous  avons  sur  eux.  »  (Michelet, 
La  Mer,  2«édit.,  p.  338.) 

«  Les  uns  ont  la  solidité,  la  quasi-éternité  de  l'arbre.  » 
[Ibid.,  p.  140.) 

«  (La  Bruyère)  peint  le  paysan  de  l'ancien  régime  comme 
une  bête,  non-seulement  noire  et  affreuse,  et  misérable,  mais 
quasi-sauvage,  et  qui  possède  à  peine  les  rudiments  du  lan- 
gage humain.  »  (Veuillot,  Odeurs  de  Paris,  VI,  2.) 

re;  voir  plus  haut,  p.  141. 

SINE  :  sinombre  :  «  Nouvelle  lampe  astrale,  dite  sinombre.  » 
[Descript.  des  brevets,  1810,  1"  série,  t.  XIII,  p.  22.) 

suB,  préfixe  «qui,  dans  le  langage  didactique,  exprime  soit 
la  position  en  dessous,  soit  une  espèce  de  diminutif  ou  d'ap- 
proximatif." (Littré).  11  exprime  «la  position  en  dessous,  » 
quand  il  est  préposition;  il  forme  alors  des  parasynthéti- 
ques  :  sub-abdominal, -alpin, -apemiin,  -apiculaire,  -aquatique, 
-brachien,  -caudal,  -cortical,  -tropical,  -oculaire,  etc.  Il  exprime 
ce  une  espèce  de  diminutif,  «  quand  il  est  adverbe  :  sub-acicu- 
laire,  -agrégé,  -calcaire,  -caréné,  -comprimé,  -conique,  -cor- 
di forme ,  -  cylindi'ique  ,  -  décurrent ,  -  déprimé  ,  -  fossile  , 
-fusiforme,  -globuleux,  -imbriqué,  -inflammation,  -lobé,  -luxa- 
tion, -lyre,  -ombiliqué,  -ostracé,  -ovale,  -parasite,  -jjentamère, 
-pétiole,  -sessile,  -sphérique. 


—  229  — 

SUPER,  préposition,  fournit  des  parasyntliétiques  :  superaxil- 
laire,  super  crétacé,  superéqiiatorial,  superovarié;  supernatura- 
lismc. 

super  est  aussi  adverbe  :  «  C'est  qu'elle  [la  roule  d'Aigle) 
nous  est  archi  et  super  -connue.  »  (Tôpfer,  Voyages  en  zigzag, 
II,  l'ajournée);  superftn;  superstructure,  «terme  d'administra- 
tion qui  ne  s'est  pas  encore  vulgarisé.  On  entend  par  là  le 
ballast  et  la  voie  de  fer  proprement  dite,  c'est-à-dire  les  tra- 
vaux exécutés  par-dessus  les  travaux  de  maçonnerie  et  de  ter- 
rassement. »  (C.  de  FageoUes,  Dict.  des  cJiem.  de  fer). 

SUPRA  fournit  quelques  parasynthétiques  :  supra-axillaire, 
suprajurassique,  supramondain,  suprasensible,  etc. 

TRANS  donne  des  adjectifs  parasynthétiques  :  transandin, 
-atlantique,  -continental^- danubien, -gangélique,  -^narin,  -océa- 
nien {-ique),  -pacifique,  -padan,  -pontin,  -uranien.  —  Dans 
transvider,  il  est  adverbe. 

ULTRA,  préposition,  donne  des  parasynthétiques:  ultror-pon- 
tin,  -réglementaire,  -zodiacal,  (les  rayons  du  spectre  solaire) 
ultra-chimiques,  ultra-violets.  «  Cette  graine  ultra-naturelle 
est  aussi  délicieuse.  »  (Brillât-Savarin,  Physiol.  du  goût, 
I,  32).  Il  est  adverbe  dans  ultra-libéral,  ultra-révolutionnaire, 
ultra-royaliste,  ultra-radical.  «  Jeunes  gens  à  tournure  ultra- 
cavalière.  »  (Ch.  de  Sernard,  les  Ailes  d'Icare,  I,  13).  C'est  de 
la  valeur  adverbiale  que  sort  le  substantif  un  ultra',  homme 
qui  pousse  les  opinions  de  son  parti  à  l'extrême  :  <-  Je  suis 
un  vieil  ultra...  entêté,  incorrigible,  fossile,  tout  ce  qu'il  y  a 
de  plus  momie.  »  (Ch.  de  Bernard,  ibid.,  II,  3.) 


1.  L'italien  nous  montre  quelque  chose  d'analogue,  non  plus  pour  un  préfixe, 
mais  pour  un  suffixe.  Le  suffixe  accio,  qui  a  un  sens  péjoratif,  s'est  détaché  des 
thèmes  auxquels  il  se  joint,  pour  devenir  une  sorte  d'adjectif  ou  de  substantif  si- 
gnifiant mauvais  :  «  Quanto  sicte  accio!  —  Comme  vous  êtes  désagréable!  »  On 
va  jusqu'à  dire,  avec  redoublement  du  suffixe ,  egli  è  acciaccio.  Voir  Blanc, 
Grnmmalik  der  ilulianische  Sprachc,  Halle,  Î844,  p.  159. 

Parmi  les  diverses  particules  que  nous  venons  d'examiner,  ultra,  super, 
extra,  prennent  un  développement  de  plus  en  plus  marqué  dans  la  langue  com- 
mune. Il  y  a  là  un  fait  qui  n'est  plus  d'ordre  linguistique,  mais  qui  relève  de  l'iiis- 
toire  sociale  de  notre  époque.  L'usage  des  adverbes  de  superlatif  doit  en  effet 
grandir  dans  cette  époque  de  concurrence  à  outrance  qui  a  vu  naître  la  réclame 
et  le  pu/f.  Voir  plus  haut,  p.  52. 


-   230  — 


DEUXIÈME    SECTION. 

FORMATION  GRECQUE. 


CHAPITRE    XV. 

VUES  GÉNÉRALES  SUR  LA  FORMATION  GRECQUE 

DÉRIVATION,    COMPOSITION. 


I 

.Jusqu'au  milieu  du  quatorzième  siècle  le  français  ne  con 
tenait  que  fort  peu  d'éléments  grecs.  C'étaient  des  mots  qui 
avaient  passé  dans  le  latin  populaire  ou  dans  le  latin  ecclé- 
siastique et  avaient  perdu  la  trace  de  leur  origine  première  : 
episcopus,  apostolus,  ecclesia,  diaconus,  epistola,  monacJnis, 
canonicus,  etc.  ;  ou  bien  c'étaient  des  termes  du  has-grec  que 
les  Croisés,  au  onzième  et  au  douzième  siècle,  avaient  rap- 
portés de  Constantinople  :  dromond^  bezant,  [ac)cabl[er)^  man- 
gonneau^  chaland ^  etc.         / 

Au  quatorzième  siècle,  le  grec  commence  à  pénétrer  dans 
la  langue.  Il  est  introduit  par  Nicole  Oresme*,  le  traducteur 
d'Aristote.  Bien  que  sa  version  des  Éthiques,  des  Politiques, 
des  Économiques  et  du  traite  dii  Ciel  et  du  Monde,  fût  faite  non 
sur  l'original,  mais  sur  des  traductions  latines  ;  néanmoins 
un  nombre  relativement  considérable  de  mots  grecs  passa 
dans  le  texte  française  Les  œuvres  d'Oresme  cependant,  bien 

1.  Fr.  Meunier,  Essai  sur  la  vie  et  les  œuvres  de  Nicole  Oresme,  p.  84  el 
suiv. 

2.  Oresme  a  dressé  lui-même  des  Tables  des  mots  estranges  (grecs  et  latins) 
ou  des  fors  mots,  qu'il  a  employés  dans  sa  traduction  dos  Ethiques  et  dans  sa 
traduction  dos  Politiques  d'Aristote.  Feu  M.  Meunier  avait  transcrit  ces  tables 
d'après  le  texte  original  ;  dans  son  manuscrit  que  j'ai  sous  les  yeux,  je  note  les 
mots  grecs  suivants  :  architectonique,  aristocratie,  bomolothos,  chaymes,  dé- 
mocratie, démos,  demotique,  discales,  epiekeye,  eubulie,  eutrapeles,  gnonie, 
économie,  m.onarchie,  oligarchie,  phylautos,  policie,  synesie,  tymocratie,  — 
agonie,  -isacion,  -iquement,  -izer,  agronome,  -mie,  akmes,  anarchie,  andries, 
androkalgachie,  aulharchie,  autharkes,  architectonique,  aristocratie,  -tique, 
-tizer.  arm^onie,  astynomie,  hannause,  -ausie.  -nusiqne.  delphiqtie,  dèmogo- 


—  231  — 

que  fort  appréciées  en  leur  temps,  furent  de  bonne  heure 
oubliées;  aussi  la  plupart  des  termes  grecs  employés  par  le 
vieux  traducteur,  n'entrèrent  que  plus  tard  dans  la  langue  et 
furent  repris  à  la  source  grecque/  Au  seizième  siècle,  les 
traducteurs  furent  sobres  d'emprunts  à  Ta  Tangué  hellénique  ; 
c'est  par  ]a  science  beaucoup  plus  que  par  la  littérature  que 
la  terminologie  grecque  pénétra  chez  nous.  D'ailleurs  elle  ne 
s'y Tristalla  pas  brusquement,  mais  fit  une  sorte  de  stage  en 
passant  par  la  forme  latine.  Les  dictionnaires  de  médecine  du 
seizième  et  du  dix-septièmè  siècle  sont  rédigés  enTâlîrfëfpré- 
sefttentTïhe  terminologie  mi-partie  latine,  mi-partie  grecque. 
Ambroise  Paré,  au  seizième  siècle,  fait  seul  exception;  ses 
œuvres,  écrites  en  français,  contiennent  un  grand  nombre  de 
mots  grecs  ;  mais  encore  quelques-uns  sont-ils  reproduits 
sous  la  forme  purement  latine'  et  donnés  comme  mots  latins. 
Le  premier  dictionnaire  qui,  à  notre  connaissance,  donne  un 
commencement  de  terminologie  française  est  le  dictionnaire 
qui  accompagne  les  œuvres  de  M"  Fr.  Thévenin,  publié  en 
1658  ^ 


Oue,  -ogiseVj  démocratie,  -tique,  -tizer,  demiurgique,  despotes,  -tie,  -tique, 
-tizier,  dyonisvdz,  dorii'  ou  doriste  (dorien),  effores,  -rie,  église  «  assembloo 
OH  congreifacion  faite  pour  avoir  aucune  deliberacion.  Et  en  ceste  meesme  ma- 
nière en  use  la  sainte  Escripture  aucune  foiz  »,  ephehe,  -ebie,  equiarches,  eva- 
gogues,  eusynagugae,  fvigie  ou  frigisf.e  (plirygion),  gernsie.  g\fm.nasie,  gymna- 
stique, gymnolhoeratique,  gymnochonomos.  yconomr,  yconnmie,  -inique,  ydios, 
ieronomes,  ylores,  kalogagathon,  kosmoz,  lydie  ou  lydisle  (lydien),  mélodie, 
monarche,  -chie,  navarches,  obeliscoklism.e,  obolostatiquc.  olygarchie,  -iquc, 
-iser,  ohjmjnade,  -ique,  pedonomes,  -mie,  pentarchie,  peryode,  philaucie. 
phylauton,  phylantropos,  phylarches,  poèmes,  poetizier,  policeme,  policie, 
politique,  -izer,  pomptopliylon,  potagogides,  syngoves,  sophisme,  trierar- 
ches.  —  Cf.  Egger,  L'hellénisme  en  France,  t.  I.  p.  129. 

1.  Ou  même  grecque.  Des  mots  tels  que  acrocordon,  amphémérinos,  anasa- 
riia,  ancyloblépharon,  aporrexis,  etc.,  pour  être  écrits  en  lettres  françaises, 
peuvent-ils  èlre  considérés  comme  des  mots  français?  Voir  le  lexique  qui  se 
trouve  à  la  fin  de  l'édition  des  œuvres  de  A.  Parc,  publiée  par  M.  Malgaigne. 

2.  Les  Œuvres  de  M'  Fr.  Thévenin,  chirurgien  ordinaire  du  roy,  etc.  Paris, 
ii>-fol.,  M.DC.LViii.  A  la  suite  des  œuvres  de  Thévenin,  se  trouve  un  Dictionnaire 
étymologique  dr.  mots  grecs  servant  à  la  mMecine,  avec  leur  Iranscriptimi  en 
lettres  Rom,aines,  leur  explication  en  François  et  quelqttcs  définitions  tirées  et 
traduites  de  celles  de  M"  Degorris.  Dans  ce  dictionnaire,  on  voit  des  mots  grecs 
traduits  ou  plutôt  transcrits  en  latin,  et  quelquefois  accompagnés  de  la  traduction 
en  langue  française  vulgaire,  lorsqu'il  s'agit  d'allections,  de  lésions  de  parties 
du  corps,  de  remèdes  qui  ont  un  nom  dans  la  langue  populaire.  Cette  terminolo- 
gie n'a  pas  encore  franchi  le  cercle  d'un  petit  nombre  d'initiés.  Le  Lexicon  me- 
dicum,  elymologicum  (sive  tria  Etymologiarum  millia  quas  in  scholis  publicis 
Medicinee  alumnos  ita  postulantes  edocuit  M.  J.  B.  Callard  de  la  Duquerie), 
publié  à  Caen  et  à  Paris  en  1692,  contient  des  mots  latins  et  des  mots  grecs,  ceux- 
ci  écrits  soit  en  latin,  soit  en  grec.  Le  dictionnaire  français-latin  des  termes  de 
médecine  et  de  chirurgie,  publié  soixante-dix  ans  plus  tard  (1760),  |)ar  Élie  Cal 


—  232  — 

Au  dix-huitième  siècle,  notre  langue  est  décidément  con- 
quise par  le  grec.  Jusqu'alors  elle  n'avait  reçu  qu'un  certain 
nombre  de  termes  de  médecine  et  de  chirurgie,  et  quelques 
termes  de  philosophie,  ceux-ci  venus  directement  de  la  sco- 
lastique.  Mais  l'immense  développement  que  prennent   dès 
lors  et  les  sciences  naturelles  et  leurs  nomenclatures  charge 
le  lexique  scientifique  d'un  nombre  presque  infini  de  mots 
nouveaux.    C'est   la   botanique    avec    la    nomenclature    de 
Linné  et  la  classification  de  Jussieu   qui   ouvre  la  route  : 
puis  viennent  la  physique,  la  chimie,  la  minéralogie,  l'histoire 
naturelle,  la  géologie.  Des  espèces  innombrables  d'insectes, 
de  plantes,  de  minéraux,  de  fossiles,  sont  découvertes  et  clas- 
sées; il  faut  les  dénommer  :  où  trouver  assez  de  noms,  clairs, 
précis,  bien  faits?  Heureuses  les  sciences  qui,  comme  la  chimie, 
s'enrichissent  dès   le  début  d'une  nomenclature   simple  et 
féconde;  mais  toutes  n'ont  pas  le  bonheur  d'avoir  à  leur 
berceau  un  Guyton  de  Morveau  et  un  Lavoisier.  Aussi  chaque 
savant  se  crée  d'ordinaire  sa   terminologie   qui  varie  avec 
l'idée  maîtresse  qui  le  guide  dans  sa  classification.  Toutefois, 
avec  le  progrès  des  sciences,  l'ordre  arrive  à  se  faire  au  milieu 
de  ce  chaos,  quoique  telle  science,  la  minéralogie,  par  exem- 
ple, de  nos  jours  encore,  offre  le   spectacle  d'un  désordre 
absolu*.  Le  minéi'alogiste,  avec  des  milliers  de  corps  à  dénom- 
mer, n'ayant  aucun  principe  scientifique  de  nomenclature, 
prend  occasion  de  toute  circonstance  :  tantôt  c'est  le   nom 
du   voyageur  qui  l'a  découvert  qui   désignera   le   minéral. 
Karsten  nomme  reussine  un  sulfate  de  soude  et  de  magnésie 
découvert  par  Reuss ,  Vernes  appelle  withérile  le  carbonate  de 
baryte  trouvé  par  Wittering;  tantôt  le  minéral  fait  la  coui'  à 
quelque  personnage  plus  ou  moins  fameux  en  son  temps  : 
la  zurlite  doit  éterniser  le  nom  d'un  certain  Zurlo,  ministre 
plénipotentiaire;  lajohannite,  d'un  archiduc  Jean  d'Autriche; 
le  prince  Mislosch,  et  le  ministre  russe  Cancrin,  oubliés  du 
reste  de  l'univers,  trouveront  un  souvenir  dans  la  mémoire  du 
minéralogiste,  grâce  à  la  misloschine  et  la  cancrinite.  Mais 
qu'avait  besoin  Herder  de  laisser  donner  son  nom  à  la  herdé- 
rite?  Des  hommes,  on  passe  aux  héros  anciens,  aux  demi- 
dieux,  aux  dieux  même.    Klaproth   consacre   le  titane  aux 

de  Vilan,  présente  les  mots  grecs  sous  la  forme  française  ;  c'est  déj^  notre  no- 
menclature moderne. 

1.  Pour  les  détails  qui  suivent,  voy.  Landrin,  Dictionnaire  de  minéralogie,  de 
rhéologie  et  de  métalluryie  (Farii    Didot,  18;)2,  in-12);  Préface. 


—  233  — 

Géants  ;  Rose,  le  niobeum  à  Niobé  ;  Breithaupt,  deux  miné- 
raux trouvés  ensemble  dans  une  granité  aux  deux  frères  my- 
thiques Castor  et  Pullux;  Berzélius  place  la //ton7e  sous  l'invo- 
cation du  dieu  Thor.  La  géographie  n'est  pas  oubliée  :  le  nom 
dira  la  patrie.  La  bavalite  vient  de  Bavalon  (Côtes-du-Nord), 
la  wichl'me  de    Wichty    (Finlande),    la   klllenite    de   KiUeney 
(Irlande).  Mais  le  nom  moderne  est  trop  banal  :  il  ne  donne 
pas  cette  teinte  de  mystère  qui  ne  déplaît  pas  à  la  science,  ou, 
pour  être  plus  juste,  aux  savants  :  on  fait  appel  à  la  géogra- 
phie ancienne  :  de  là  la  ligurite,  trouvée  dans  les  Apennins, 
dans  l'ancienne  Ligurie  ;  la  œuziranite  trouvée  dans  une  par- 
tie de  la  chaîne  pyrénéenne  qui  portait  jadis  le  nom  de  Cou- 
ziran.  Souvent  bien  entendu,  et  c'est  le  cas  le  plus  fréquent, 
ces  minéraux  se  trouvent  dans  plusieurs  localités  ;  la  labra- 
dorite  existe  en  Finlande,  comme  dans  le  Labrador;  Vepso- 
mite  existe  à  Epsom,  il  est  vrai,  mais  encore  à  Saint-Etienne, 
dans  le  Tyrol,  à  Saltzburg,  et  ailleurs.  Enfin  des  noms  propres 
on  passe  aux  qualificatifs,   et  ici  viennent  à  la  rescousse  le 
latin  et  le  grec,  le  grec  surtout;  le  choix  du  qualificatif  sera 
d'ailleurs  le  plus  bizarre  qu'il  se  pourra  et  de  nature  à  dé- 
router le  profane.  Que  peuvent  bien  avoir  de  spécifique  des 
noms  de  minéraux  comme  acerdèze  «  sans  utilité  »,    allo- 
morphite  «  qui  a  une  autre  forme  ",  péristérite  «  presque  so- 
lide »?  L'euxénite  «  l'hospitalière  »  est  un  tantalate  d'yttria 
uranifère  qui  admet  volontiers,  outre  ses  trois  principes  con- 
stituants, une  demi-douzaine  de  substances  étrangères.  «  Le 
nom  de  xénotime  a   été    appliqué  à  un  phosphate  d'yttria 
à  qui  on  avait  fait  l'honneur  de  le  prendre  pour  un  autre^ 
pour  un  oxyde  de  thorium.  »  L'hydro-phosphate  alumineux 
de  fer  a  reçu  le  nom  de  cacoxène  «  ou  mauvais  étranger  » 
parce  qu'il  renferme  de  l'acide  phosphorique,  qui  j^eut  nuire 
à  la  qualité  du  fer  que  ce  minerai  fournit.  Enfin  un  même 
minéral  reçoit  souvent  plusieurs  noms ,  chaque  savant  lui 
donnant  le  sien  ;  en  revanche,  plusieurs  minéraux  sont  dé- 
signés par  un  seul  et  même   nom.   Ainsi  la  ylairine  porte 
encore  les  noms  de  glairidine,  daxine,  ihermaline,  sulfm'ose, 
sulfurine,  hydrose,   etc.  ;  et  la  phillppite   désigne  du    cuivre 
panaché  et  un  hydro-silicate  d'alumine.  C'est  le  triomphe  de 
l'anarchie. 

La  plupart  des  sciences  présenteraient  des  faits  analogues  ; 
bien  plus,  chaque  ordre  de  sciences.  En  botanique,  les  noms 
des  classes,  des  familles  et  des  genres,  et  les  noms  des  parties 


—  234  — 

de  la  plante,  dans  l'ordre  des  phanérogames,  sont  à  peu  près 
fixés  :  mais  les  noms  des  espèces  et  des  individus  sont  encore 
livrés  à  l'arbitraire.  Quant  aux  cryptogames,  la  nomenclature 
des  parties  de  la  plante  et  à  plus  forte  raison  celle  des  plantes 
varient  avec  chaque  auteur. 

Cette  incertitude  de  la  terminologie  vient  augmenter  dans 
une  singulière  mesure  le  nombre  des  mots  spéciaux.  Ajoutez 
que  chaque  science  se  subdivise  en  sous -sciences,  en  bran- 
ches qui  se  développent,  et  poussent  à  leur  tour  des  rejetons. 
Des  sciences  nouvelles  sont  en  même  temps  créées;  notre 
siècle  a  vu  fonder  la  géologie,  l'anthropologie,  la  philologie, 
la  sociologie,  pour  ne  citer  que  les  plus  importantes  ;  et  cha- 
cune d'elles  apporte  ses  termes  techniques.  Le  mouvement 
industriel  suit  le  mouvement  scientifique  :  les  chemins  de  fer, 
la  télégraphie,  la  photographie,  la  galvanoplastie,  ont  besoin 
de  termes  spéciaux.  Ainsi  grandit  à  l'infini  cette  nomencla- 
ture spéciale  qui  vient  s'ajouter  à  la  langue  commune. 

Cette  langue  artificielle  est  prise  d'un  peu  partout,  comme 
nous  l'avons  vu  pour  la  minéralogie.  Mais  c'est  le  grec  qui 
a  l'honneur  de  lui  fournir  les  éléments  les  plus  importants. 
La  richesse  du  grec,  ses  remarquables  qualités„iie_préci- 
^îjon  et  de  netteté,  son  égale  puissance  de  composition__£t_de^ 
dérivatif,  le  désignaient  naturellement  aux  savants  du  siècle 
derhîei'et  de  nos  jours  qui  y  puisaient  et  qûTy  puisent  tou- 
jours à  pleines  mains. 

Tantôt  on  prend  simplement  des  mots  grecs  qu'on  habille 
à  la  française,  tels  sont  par  exemple  ces  termes  de  médecine 
et  de  sciences  naturelles  *  :  agalactie,  againc,  angiologie,  agérat, 
ankyloglosse,  ankylose,  ancyroïde,  anchilops,  adiante,  adyna- 
mie,  aéropliobie,  azygos,  athéromey  égilops,  étiier,  hématite, 
hématose,  hém,orrhagie,  étiologie,  acalèphe,  acarus  (axapi),  acé- 
phale, acrism,ie,  acrisie,  açrochordon,  achromion,  alexétère, 
alexipharmaque,  allantoïde,  aloès,  haltères,  alphos,  alopécie, 
amaurose,  amblyopie,  amiante,  amnésie,  am,nios,  am,orphe, 
amphibie,  amphiblestroïde,  anabrochismé,  anadrome,  anémie, 
analeptique,  analyse,  anaplérose,  aphonie,  anaphrodisie,  andro- 
gyne,  anévrysme,  anthélix,  anthère,  anthrax,  anthropophage, 
anorexie,  aorte,  apozème,  aponévrose,  apoplexie,  apospastique, 

1.  Nous  suivons  l'ordre  alphabétique  des  mots  grecs  qu'il  est  inutile  de  repro- 
duire, tant  le  français  les  calque  fidèlement  :  nous  ne  prenons  nos  exemples  que 
dans  la  lettre  A.  . 


•     —  235  — 

apostème,  apophyse,  aptère,  apyrexie,  arachnoïde,  arthrile^ 
aristoloche,  artère,  aryténoïde,  asthénie,  asthme,  ascaride,  ascite, 
asphalte,  atocie,  atonie,  atrophie,  aphérèse,  aphthe,  aphylle, 
aphonie,  achore,  etc.,  etc. 

Tantôt  de  radicaux  grecs  et  même  latins  ou  français  on  tire 
des  dérivés  nouveaux  à  l'aide  de  suffixes  grecs.  Tantôt  enfin 
on  combine  des  mots  grecs,  suivant  les  principes  de  la  com- 
position grecque. 

II 

Les  principaux  suffixes  utilisés  par  la  nomenclature  scien- 
tifique sont  «e  (la),  ose  (ojortç),  ite  (îtiç),  ite  (t'-niç). 

le,  qui  se  confond  avec  le  suffixe  latin  ie  (voy.  plus  haut, 
p.  186),  n'a  pas  de  signification  déterminée;  il  sert  surtout  à 
former  des  dérivés  de  composés  (  apétalie ,  etc.  ).  Il  n'en  est 
pas  de  même  des  suivants,  qui  méritent  de  nous  arrêter. 

ose.  Sur  le  modèle  du  grec  atjxaTtoat;  [hématose]  àuaupwd'.ç 
amaurose,  apOpwtrtç  [amphi-)arthrose,  Y«^*>'-'w(Tt^  galactose,  i'C/y- 
(xwfftç  enchymose,  etc.,  le  langage  de  la  médecine  crée  des 
dérivés  tels  que  dermatose,  gastrose,  névrose,  etc.,  dans 
lesquels  ose  indique  l'ensemble  des  affections  qui  peuvent 
atTefndre  la  partie  du  corps  indiquée  par  le  radical.  Dans  chlo- 
rosè~te  suffixe  change  légèrement  de  signification  :  il  indique 
d'une  manière  générale  une  affection  caractérisée  par  les 
pâles  couleurs. 

ite,  de  Itu.  Le  point  de  départ  est  donné  par  des  mots  tels 
que  vecppîTic  néphrite ,  àpOpîxtç  artlirite ,  inflammation  des 
reins,  des  articulations.  De  là  l'emploi  de  ite  pour  former, 
avec  les  radicaux  des  noms  latins  ou  grecs  de  quelque  partie 
du  corps,  des  substantifs  féminins  qui  désignent  l'inflamma- 
tion de  ces  parties  :  adénite,  bronchite,  colite,  conjonctivite, 
cystite,  dermatite,  diorite,  dorchite,  duodênite,  élytrite^  entérite, 
hépatite,  iléite,  laryngite,  méningite,  mésentérite,  niélrite,  pala- 
tite,  péritonite,  pharyngite,  etc.  Ce  suffixe  est  d'un  emploi  plus 
étendu  que  ose,  parce  qu'il  a  une  signification  beaucoup  plus 
précise. 

ite,  de  ivr\q,  se  trouve  dans  aiaa-riV/;;  hématite,  peXsuvinriç 
héléinnite,  [ioLloiyi-:rtÇ  malachite,  Tzjpîxr^i  pyrite.  he\&ng&ge  de  la 
jTiinéralogie  a  formé  sur  l'analogie  de  ces  types  :  ampélitê, 
a7ithrdcîréjàzurite,  chaldte,  cimolite,  crespite,  cténite,  draconite, 
hélicite,  hy alite,  franklinile,  fiilgurite,  granité,  graphite,  hum- 
holdtite,    labradorite,    lignite,    mélanite,    onychile,    rhédonite. 


—  236  — 

sélénite,  uranite,  vauquelinite,  etc.,  etc.  Ici  encore  le  radical  est 
indifféremment  un  mot  grec,  latin,  français,  un  nom  propre 
de  personne  ou  de  lieu. 

Ce  suffixe  sert  à  désigner  des  minéraux  qui  se  rencontrent 
souvent  à  l'état  de  cristaux;  de  là  à  l'utiliser  pour  désigner 
des  sels,  il  n'y  a  pas  loin.  Telle  est,  ce  nous  semble,  l'origine 
de  l'affectation  qui  lui  a  été  donnée  dans  la  nomenclature 
chimique. 

Nous  arrivons  à  cette  nomenclature  à  laquelle  les  immenses 
progrès  accomplis  durant  notre  siècle  par  la  chimie  donnent 
une  importance  sans  cesse  grandissante. 

En  1782,  Guyton  de  Morveau  publiait  un  Mémoire  sur  les 
dénominations  chimiques,  la  nécessité  d'en  perfectionner  le 
système  et  les  règles  jtour  ■  y  parvenir^.  Après  avoir  montré  les 
abus  de  la  nomenclature  chimique  telle  qu'elle  existait  alors, 
comment  elle  était  fondée  presque  entièrement  sur  de  fausses 
analogies,  comment  des  objets  différents  étaient  souvent  dési- 
gnés par  un  seul  et  même  nom,  des  corps  simples  par  des 
périphrases  obscures  et  compliquées,  il  établit  quatre  prin- 
cipes généraux  qui  conduisaient  à  cette  conséquence  de  donner 
à  chaque  corps  un  nom  simple  d'où  se  dérivât  aisément  un  ad- 
ieclif  :  quartz  quartzeux,  alumine  alumineux,  barote  (aujourd'hui 
baryte)  barotyque,  soude  soudite,  etc.  L'idée  émise  par  Guyton 
de  Morveau  fit  son  chemin,  et,  le  18  avril  1787,  Lavoisier  lut 
en  séance  publique  à  l'Académie  des  sciences  un  Mémoire  sur 
la  nécessité  de  réformer  et  de  perfectionner  la  nomenclature  de 
la  chimie,  mémoire  pénétré  des  doctrines  de  Condillac  sur 
le  caractère  des  langues  bien  faites;  il  y  reprenait,  en  les  déve- 
loppant, les  théories  du  jeune  chimiste  dijonnais.  Quinze 
jours  après,  le  2  mai,  Guyton  de  Morveau  lisait  son  mé- 
moire sur  les  principes  de  la  nomenclature;  on  y  voyait 
pour  la  première  fois  les  noms  depuis  devenus  si  familiers, 
d'oxygène  et  d'hydrogène  et  les  règles  de  la  nomenclature  qui 
établissait  la  signification  et  l'emploi  des  suffixes  ite,  ate; 
eux,  ique;  ure"^.  Un  second  mémoire  de  Fourcroy  faisait  l'ap- 
plication de  ces  principes  à  la  plupart  des  corps  étudiés  alors 


1.  Public  dans  le  recueil  des  Observations  et  mémoires  sur  la  physique,  sur 
Vhistoire  naturelle,  et  sur  les  arts,  t.  XIX  (année  1782),  p.  370-382. 

2.  Ile  est  sans  doute  le  ile  de  la  minéralogie,  avec  changement  de  genre  ;  ate 
est  le  latin  atum  :  il  était  indiqué  par  muriale  [muriatum  sal);  eux  et  ique 

.  sont  les  suflixes  français.  Nous  ne  voyons  pas  ce  qui  a  pu  déterminer  l'emploi  de 
ure. 


—  237  — 

par  la  chimie*.  L'Académie  des  sciences  ne  parut  pas  montrer 
un  vif  enthousiasme  pour  cette  nouveauté  ;  elle  fit  preuve  du 
moins  d'une  prudente  réserve,  et,  par  l'organe  de  sa  commis- 
sion, elle  décida  de  rester  neutre,  attendant  impartialement 
pour  donner  sa  sanction  que  l'usage  eût  décidé  entre  l'an- 
cienne nomenclature  et  la  nouvelle*.  Elle  put  bientôt  donner 
son  adhésion  sans  se  compromettre  ;  car  la  nouvelle  nomen- 
clature triompha  sans  grande  résistance.  Les  progrès  de  la 
chimie  la  popularisèrent  rapidement;  aujourd'hui  les  suffixes 
en  ite  et  en  ate  ont  pénétré  dans  la  langue  commune,  sinon 
dans  la  langue  du  peuple.  Nos  cuisinières  transforment  le 
carbonate  de  soude  en  la  carbonade^  ;  quel  sens  en  effet  peu- 
vent leur  offrir  ces  grands  mots  pédants?  Mais  quand  un 
pamphlétaire,  naguère  fameux,  analysant  le  second  empire, 
ne  trouvait  dans  son  creuset  qu'«un  verminate  d'infamie  et 
un  crapulate  de  despotisme,  »  il  était  sûr  d'être  compris  de  ses 
lecteurs  bourgeois. 

La  nomenclature  nouvelle  fit  faire  à  la  chimie  des  progrès 
rapides;  mais  ces  progrès  mêmes  la  rendirent  bientôt  insuffi- 
sante. Les  deux  séries  de  suffixes  ique  eux,  ate  ite,  ne  répon- 
daient plus  aux  multiples  combinaisons  des  acides  et  des  sels; 
de  là  l'emploi  de  particules  augmentcitives  et  diminutives 
hyper,  per,  hypo  dont  nous  parlerons  plus  bas. 

De  nos  jours  la  création  de  la  chimie  organique  a  amené  la 
création  d'une  nomenclature  correspondante  où  paraissent  de 
nouveaux  suffixes.  Nous  avons  parlé  déjà  du  suffixe  ine  ser- 
vant à  désigner  certains  principes  essentiels  de  corps  organi- 
ques. Si  l'on  considère  la  série  suivante  :  amylène,  butylène^ 
caprilène,   camphène,   citrène,   étkylène,  pélrolène,  propylène, 


1 .  Toutes  les  pièces  relatives  à  l'histoire  de  la  nomenclature  furent  publiées  en 
1787;  sous  le  titre  suivant  :  Méthode  de  numenclalure  chimique  proposée  par 
MM.  de  Morveau,  Lavoisicr,  Berthollet  et  Fourcroy.  On  y  a  joint  un  nouveau 
système  des  caractères  chimiques  adaptés  à  cette  nomenclature  par  MM,  Has- 
senfralz  et  Adct;  Paris,  1787,  sous  le  privilège  de  V Académie  des  sciences,  in-8°, 
312  pages. 

2.  Le  rapport  de  la  commission,  en  date  du  13  juin  1787,  est  signé  Baume, 
Cadet,  Darcet  et  Sage;  il  est  certifié  conforme,  en  date  du  23  juin  1787,  par  le 
marquis  de  Condorcet. 

3.  Il  est  curieux  de  voir  comme  la  plupart  des  composés  grecs,  entrés  dans  la 
langue  populaire,  se  raccourcissent  et  se  siinplilient;  ils  perdent,  en  général,  leur 
second  élément:  un  arislo,  un  typo  (typographe;  cf.  plus  haut,  p.  46),  un  topo 
(dans  l'armée,  pour  un  topographe),  un  photo,  un  kilo  (kilogramme  dans  le  peu- 
ple, litre  dans  l'armée),  un  clyso  {clyso-pompe)  (voir  Dcscrip.  des  brev., 
IHkh  ;  2'=  série,  t.  IV.  p.  14).  Cf.  p.  176. 


—  238  — 

^tijralène.  twalène,  etc.,  il  faut  reconnaître  une  formation 
toute  nouvelle  de  dérivés.  Ces  mots  désignent  des  carbures 
d'hydrogène,  et  vraisemblablement  le  suffixe  ène  n'est  autre 
chose  que  la  finale  de  hydrogène.  Il  existe  également  des  dé- 
rivés en  ose  :  cellulose,  galactose,  glycose,  lévulose,  mélitose,  etc. 
en  ide  :  lactide,  saccharide,  glycéride,-  uréide,  etc.  ;  en  ane  : 
glucosane,  lévulosane,  caramélane,  etc.  Mais  la  prudence  nous 
défend  de  nous  aventurer  sur  un  terrain  qui  n'est  pas  le  nô- 
tre :  ces  dérivations  nouvelles  d'ailleurs  n'appartiennent  plus 
à  la  langue,  ou  du  moins  ne  lui  appartiennent  pas  encore. 
C'est  une  langue  de  convention  qui  n'est  pas  encore  fixée  et 
consacrée  comme  la  première  nomenclature  chimique  ;  comme 
tout  ce  qui  est  artificiel,  elle  échappe  à  la  science. 

III 

La  composition  est  une  source  inépuisable  de  formations 
nouvelles.  Certains  mots  servent  de  radicaux  ou  de  premiers 
éléments  à  des  composés  dont  le  second  varie  de  diverses  ma- 
nières; ou.  au  contraire  certains  mots  remplissent  le  rôle  de 
suffixes  communs  à  divers  radicaux. 

Voici  une  liste  qui,  quelque  longue  qu'elle  soit,  ne  donne 
qu'une  faible  idée  de  la  richesse  infinie  de  cette  composition. 
Nous  n'y  réunissons  —  sauf  erreur  —  que  des  mots  créés  au 
plus  tôt  vers  la  fin  du  siècle  dernier. 

1.  ANTHROPO-^rap/iie,  -latrie,  -lithe,  -logie^,  -morphe, 

\UTO-biographie,  -clave^,  -clinique,  -plastie. 

BARO-logie,  -scope,  barymétrie. 

Bio-graphie,  -logie,  -nomie. 

CHROUO-Iithe,  -lithographie,  -phore;  chromurgie. 

CHBONO-mètre,  -métrie,  -métrique,  -scope. 

CHRYSO-carpe,  -céphale,  -chlore,  -gastre,  -logie,  -mêle,  -ptère, 
chrys-ophthaltne. 

cosMO-cratie,  -nomie,  -sophie,  cosm-ofwma. 

CRÉo  (xpéa;)  -génie,  -graphie,  -phage,  -phagie,  -phile,  -soie. 

CRYPTO-hrancJie ,  -carpe,  -céphale,  -cère,  -game,  -gastre, 
"grarmne,  -logique,  -pode,  -pore,  -stémone;  crypt-orchide. 

1.  Anthropologie,  existait  au  dix-septième  siècle,  au  sens  de  anlhrupomor- 
phisme  ;  au  sens  actuel,  il  a  été  refait  de  nos  jours. 

2.  (Marmite)  autoclave,  mot  hybride  qui  date  de  1820  (Descript.  des  brev., 
l''»  série,  t.  XI,  p.  127). 


—  239  — 

CYAHO-carpe,  -céphale,  -dermie,  -gastre^  -gène,  -ggne,  -leuque, 
-mêle,  -mètre,  -^athie,  -phosphore,  -pode,  -plère,  -^yge,  cyan- 
ophlhalme,  -ure. 

CYCLO-hr anche,  -carpe,  -céphale,  -céplialie,  -graplie,  -lithe, 
-morphe,  -note,  -phare,  -phylle,  -ptère,  -sperme,  -thèle,  -zoaire. 

CYST-algie,  -hépatique,  -odynie;  CYSTi-pathie,  -rrhagie,  -rrhée, 
-tomie;  CYSTOcè/e*,  -lithique,  -plastie,  -plégie,  -ptôse,  -spastique, 
-stomie. 

DACWï-oïde;  DACRYO-ciste,  -pée. 

DACTYL-oïde  ;  dacty LO-g rajjhe  [-ie,  -ique],  -lalie,  -nomie,  -ptère, 
-thèque. 

HASY-anlhe  (Sâau;,  garni  de  poils),  -carpe,  -caule,  -céphale, 
-gastre,  -pe,  -pleure,  -stachyé,  -stémone,  -lire. 

DERMA-^tère ;  JiERUAT-algie,  -odonte,  -odynie,  -oïde,  -ophide; 
DERMATO-branche,  -gastre,  -graphe  [-ié],  -logie,  -lysie,  -pathie, 
-pathologie,  -phile,  -pnonte,  -squelette,  -tomie;  DERMO-chelyde, 
-phage,  -ptère,  -rrhynque. 

DEUTERO  (voy.  proto). 

ÉLECTRO-aimant,  -chimique,  -dyna/mique  {-isme),  -galvanique 
{-isme),  -gène,  -genèse,  -graphe,  -logie,  -lyse  [-ser,  -sable), -ly te 
{-ique),  -magnétique  [-isme),  -^nètre  {-ie,  -ique),  -moteur,  -Méga- 
tif,  -positif,  -phore,  -physiologique,  -polaire,  -puncture,  -scope, 
-statique,  -thérapeutique,  -thérapie,  -type  {-ie),  -^ital  {-isme). 

ÉLYTR-oïrfe;  ÉLYTRO-cè/e,  -plastie,  -qHose,  -rrhagie,  -rrhapie. 

ENTOM-oide,  -ostracé;  ENXOMO-^ène,  -graphe  {-ie), -lithe,  -logie^ 
{-iste),  -phage  (ou  insectivore),  -phile,  -phore,  -stome,  -zoaire. 

ÈR\o-calicé  (éptov,  toison),  -carpe,  -caule,  -céphale,  -mètre, 
-pétale,  -phore,  -sperme,  -stémone,  -stome,  -style. 

ÉRYTHRO-cfl^rpe,  -céphale,  -cère,  -dactyle,  -derme,  -gastre, 
-lophe,  -pe,  -phylle,  -ptère,  -sperme,  -stome,  -thorax,  -xyle^ 

GALACT'-agogue,  -^urie;  GALACio-cèle,  -graphie,  -logie,  -mètre, 
"péèse,  -péétique,  -phage,  -^hore,  -phlhisie,  -posie,  -rrhée, 
-scope. 

GASTÉRO-po^e,  -ptérygien,  -zodire. 

GASTR-atgie,  -odynie;  GAStRO-adynamique,  -bronchite,  -cèle, 
-colique,  -colite,  -conjonctivite,  -duodénal,  -duodénite,  -en- 
céphalite, -entérite,  -épiploïque,  -hépatique,  -hépatite,  -hys- 
térotomie,  -intestinal,  -laryngite,  -logie,  -^malacie,  -mêle,  -^mé-^ 

1.  Les  composés  en  cyslo-  sont  incorrects,  le  mot  grec  étant  x,U(iti;  et  non 

2.  Hounct  n'a  pas  osé  créer  ce  mol; 


—  240  — 

ningite,  -métrite,  -muqueuse,  -necte,  -nome  (-îc*),  -néphrite, 
-péritonite,  -pharyngite,  -pylorique,  -iThapie,  -rrhée,  -splénique, 
-sténose,  -thèque,  -thoracique,  -tome  (-ie),  -vasculaire. 

GÈo-logie,  -logue,  -saure,  gé-orama. 

GLYCO-colle,  -gène  [-ie],  -mètre;  GhYCY-mètre,  -rrhize  {-zine). 

HÈLïC-oïde;  hélico  -stègue,  -trême. 

uÈLio-chi'omie  {-ique),  -comète,  -graphe  [-ie], -mètre,  -scopie, 
-scopique,  -stat  {-ique),  -tropie  [-ique,  -isme). 

HELMiNTH-ow/e;  HELMiNTH0-/?7/ie,  -logie  [-ique,  -iste). 

nÈM-agogue,  -ophthalmie ;  iiÈUA-statique. 

HÉMAT-oïc/e,  -omphale. 

HÉMAT-ttrie,  -idrose;  HÈUATO-carpe,  -cèle,  -céphale,  -graphe, 
-logie  [-ique],  -phylle,  -rrhachis,  -zoaire. 

uÈMO-phobie,  -planie,  -plastique,  -rrhée,  -rrhinie,  -spasis,  -stase. 

uÊMi-carde,  -carpe,  -chorée,  -crânie,  -cylindrique,  -dactyle, 
-èdre  [-ie,  -ique),  -encéphale,  -garnie,  -goriiaire,  -mêle,  -niéro- 
ptère,  -opie,  -page,  -palmé,  -plégie,  -pomatostome,  -ptéronote, 
-sphéroïde,  -térie,  -tome. 

HYDR-ophthalmie;  nYono-bie,  -branche,  -carbure,  -cirsocèle, 
-électrique,  -mètre,  -pathe,  -phane,  -phyte,  -pote,  -rachis,  -rrhée, 
-thérapie  [-eutique),  -thorax,  -tomie. 

iiYGRO-logie,  -phobie,  -scope  [-ie,  -ique). 

HYMÉNO-carpe,  -graphie,  -lépidoptère,  -logie,  -phore,  -phyllics, 
-pode,  -rrhize,  -tomie. 

iCHTHY-ot/on^e;  iCHTHYO-co//e,  -dorylithe,  -graphe,  -morphe, 
-phage  [-ie],  -saure. 

wÈo-génie,  -gramtne,  -graphie,  -logue,  -logie. 

iDio-électrique,  -gyne,  -métallique,  -morphe,  -pathie,  -syn- 
crasie. 

iniDO-cèle,  -colobome,  -dialyse,  -ptôse,  -scope,  -tomie. 

iso-bare,  -trope,  -therme. 

hARYNG-algie ;  LkïiY^GO-graphie ,  -scope  [-ie),  -stome,  -tomie, 
-typhus. 

LiTH-oïde;  LiTHO-carpe,  -chromie  [-ique,  iste),  -claste  [-ie), 
-dialyse,  -glyphe  [-ie,  -ique),  -labe,  -lysic,  -phanie,  -phylle, 
-sperme,  -tritie,  -triteur  (mots  hybrides),  -typographie. 

HAkCRO-céphale,  -cère,  -cerque,  -chire,  -dactyle,  -glosse,  -pétale, 
-phylle,  -pode,  -^itère,  -rrhize,  -scélide;  macroure. 


1.  Ce  mot  a  été  créé  par  Berchoux,  l'auteur  de  la  Gastronomie  (1801).  «  On  a 
ressuscité  du  grec  le  mot  de  gastronome  ;  il  a  paru  doux  aux  oreilles  françaises.  » 
(Hrillat-Savarin,  Physiol.  du  ijoûl,  I,  136.) 


—  ikl  — 

MÈs-omphale  ;  uÈso-carpe,  -colon,  -crâne,  -discal,  -(jaatrc, 
-lobe,  -mérie,  -phragme,  -phryon,  -phylle,  -phyte,  -recluin, 
-^•rhynien,  -sperme,  -thorax,  -zoïque. 

Mou-odonte;  uoNO-atomique ,   -base,  -carpe,  -céphale   {-ien), 
-cère  {-os),  -chire,  -cline,  -dactyle,  -delphe,  -dyname,  -genèse, 
-génisme,   -génîste,    -graphie,    -gyne,   -podie,  -rime,  -sperme, 
'Style,  -syllabisme,  -théisme,  -trème,  -xyle. 
MYTHO-graphe  {-ie),  -logie  {-iste). 

nto-catholique  [-icisme],  -chrétien,  -christianisme,  -grapltie, 
-latin,  -lithique  (l'âge),  -membrane,  -plasme,  -plastie,  -zoïque. 
THÈVR-agmie,  -axe,  -ilème;  NÊVRO-graphie,  -^athie,  -sthénie, 
-tome, 
^os-encéphale;  Noso-génie,  -graphie  {-ique). 
NYCT-anthe,  -éribies;  N\CTO-bate,  -graphe,  -typhlose. 
oDONT-algie,  -orthosie;  ODONTO-dermes,  -génie,  -gnathe,  -gra- 
phie, -lithe,  -logiste,  -style,  -technie,  -thèque. 
OENO-métrie,  -phile,  -thère. 

OPHi-odonte ;  opmo-glosse,  -graphie  [-ique],  -lithe  {-ique), 
-logie,  -phage,  -stome;  opiiios-wre. 

OPiniiALU-odynie ;  opHTiiALUo-blénorrhée,  -cèle,  -copée,  -gra- 
phie, -lithe,  -logie,  -mètre,  -rrhagie,  -scope,  -thèque,  -tomie. 
omiVïVLO-glosse,  -lithe,  -myze,  -scopie,  -trophie. 
ORTa-odonte;  omHO-basique,  -cère,  -dactyle,  -dromie,  -épie, 
-gnathe,  -lexie,  -logie,  -morphie,  -pnoïque,  -ptère,  -rrhombique, 
-rrhynque,  -sperme,  -trope. 

ORYCTO-géologie,  -gnosie,  -graphie  {-ie,  -ique),  -logique  {-iste), 
-technie, 

osTÉo-gène,  -graphe,  -graphie,  -logie,  -lyse,  -malade,  -plasle, 
-plastie,  -porose,  -sarcome,  -sclérose,  -stéatome,  -tome  {-ie,  -iste), 
-zoaire. 

PXLÊONTO-graphie,  -logie  {-ique,  -gue). 
vwÂo-graphe  {-ie),  -thérien,  -thérium,  -zoïque,  -zoologie. 
vxN-iconographie    (Boltin,     1875,    p.    1052),    -triteur    (ou 
broyeur  universel,  1831,  Descript.  des  brevets,  1"  série,  XXX, 
326^,  -germanisme,  -sluvisme,  -lexique  (de  Boiste). 

PHiLO-come  (huile,  1817,  Descript.  des  brevets,  t.  IX,  337  ;  Xill, 
14),  -7nathique,  -technique. 
PHLÉBO-yraphie,  -lithe,  -malade,  -ptère,  -rrhagie. 
piiQT-opsie;  piiOTO-chromatique  {-ment),  -électrique,  -gène^ 
-graphe,  -graphie,  -graphiquement,  -gravure,  -sculpture,  -niel- 
lure,  -lithographie,  -logie,  -mètre,  -métrie,  -phobe.  -phobie, 
-scopique,  -sphère. 

16 


—  242  ■— 

pOD-uphthahnah'e ,  -ure;  PODO-branche ,  -carpe,  -gyne, 
-lachnite,  -logie,  -mètre,  -phy lieux,  -sperme. 

poLY-atomique,  -basique,  -carpien,  -céphale,  -cholie,  -chroïsme, 
-cladie,  -cotylaire,  -dactyle,  -dipsie,  -galactie,  -gamique,  -gin- 
glyme,  -gnathien,  -graphique,  -lymphie,  -mathique,  -mélien, 
-mère,  -morphe,  -morphisme,  -orama,  -pétalie,  -phonie,  -pore, 
-rrhize,  -sarcie,  -scope,  -stome,  -style. 

PRO  TO-bromure,  -carbure,  -chlorure,  -cyanure,  -fluorure, 
-iodure,  -phosphure,  -séléniure,  -sulfure,  -sel,  protoxyde  (de 
même  deutero-)  ;  proto  -pathie,  -phy te,  -plasma. 

PSEUB-encéphale,  -épigraphique,  -érythrine,  -esthésie,  -opsie, 
-orexie;  psY.\2D0-agate,  -alcool,  -améthyste,  -asbeste,  -basalte, 
-béryl,  -blipsie,  -carpe,  -chrysolithe,  -cobalt,  -continu,  conti- 
-nuité,  -cristal,  -émeraude,  -grenat,  -iris,  -kinique,  -malachite, 
-martyr,  -médecin,  -membrane  [-eux],  -morphique  {-isme,-ose, 
-osé),  -néphéline,  -pérlptère,  -plasme,  -pleurésie,  -révolution- 
naire, -rubis,  -saphir,  -science,  -scope,  -sperme,  -topaze, 
-volcanique. 

pYR-oïde;  PYRO-électrique ,  -gène,  -genèse,  -nomie,  -phagie, 
-phosphate,  -phyllite,  -scaphe,  -scope,  -sphère  -stat,  -stéarine, 
-xanthine,  -xyle. 

RniN-algie,  -optie;  Rumo-plastie,  -rrhagie,  ^rrhée,  -thè- 
que. 

Rmi~anthe,  -onychion;  Rnizo-blaste,  -carpe,  -graphie,  -lithe, 
^phage,  -phore,  -pode,  -tome. 

swÈRO-graphie  («riSyipo;,  fer),  -lithique,  -technie. 

TÈLÈ-gramme,  -graphe  [-ie,  -ique) ,  -iconographie,  -mètre  {-ie, 
-ique),  -phonie. 

THERMO-c/i^m^e,  -chrose,  -dyna/mique,  -électrique  {-icité), 
-graphe,  -magnétique,  -mécanique,  -neutralité,  -pathologique, 
-scope. 

TRACUÈu-pode;  TRACUÉLO-branche,  -diaphragmatique,  -dorsal; 
TRACHÉo-cè^e,  -sténose. 

TYPO-chromie,  -lithe,  -lithographie,  -phonie,  •-tone. 

zoo-bie,  -biologie,  -chimie,  -glyphite,  -magnétisme,  -mor- 
phisme, -nomie,  -nosologie,  -phage,  -phurique,  -phyte,  -^phy tique, 
-phyto graphie j  -sperme,  -spore,  -taxie,  -tomie. 

2.  ALGIE,  cardi-algie,  cephal-,  dermat-,  gastr-,  lannjng-,  névr-f 
odont-,  ophthatm-,  rhî/n-. 
BRANCHE,  crypto-bfdnche,  cyclo-,  hydro-,  podo-,  trachélo-. 
CARPE,  chfyso-catpef  crypto-,  cgano-,  cyèlo-,  dctsy-,  ério-. 


—  243  — 

érythro-,  hémato-,  hémi-,  Iiymcno-,  lillio-,  tncso-,  mono-,  podo- 
rhyzo-. 

CÈLE,  brancho-cèle,  bubono-,  crypto-,  encéphalo-,  gastro-, 
hydro-,  hystéro-,  ischio-,  liparo-,  niéyulo-,  ophthalmo-, 
ostéo-,  pneumalo-,  sarco-,  scroto-,  spermato-,  strato-, 
varico-. 

cÉPHALE,  brachy-céphale,  cyano-,  cyclo-,  dolicho-,  hydro-^ 
macro-. 

CRATiE,  aristocratie^  démocratie,  bureaucratie,  pédantocratie, 
voyoucratie  (trivial). 

GÈNE*,  GENÈSE,  chryso-gènc,  cyano-,  électro-génèse,  entomo-, 
glyco-,  hystéro-,  méta-génèse,  mono-,  noso-,  odonto-,  parlhéno-, 
photo-gène,  pyro-génèse. 

GRAPHIE,  GRAPHE,  GRAPHIQUE,  bibUo- ,  anthropo- ,  auto-, 
catalo-,  chalco-,  crypto-,  épi-,  épistolo-,  glosso-,  hélio- , 
hématu-,  holo-,  hydro-,  hyméno-,  ichthyo-,  mimo-,  néo-, 
orycto-,  paléonto-,  panto-,  photo-,  pneumato-,  psycho-  *,  rhyzo-, 
stégano-,  tachy-,  télé-,  topo-,  etc. 

LATRE,  LATRIE,  hugo-lâtre^,  anthropo-lâtric. 

LOGUE,  LOGiE,  LOGIQUE,  adéuo-logic,  algo-,  anthropo-,  assyrio-, 
baro-j  bio-,  citol-,  cranio-,  dactylo-,  dermato-,  égyplo-,  éleclro-, 
entomo-,  eschato-,  hyméno-,  idéo-,  méso-  (Berlillon,  Dict.  des 
se.  médicales),  morpho-,  onomato-,  ophio-,  ophthalmo-,  organo-, 
orycto-,  patho-,  photo-,  phono-,  podo-,  sépulcro-  '',  téléo-,  toxico-, 
typto-^. 

MANIE,  MANE,  anglo-manic,  danso-,  décalco-  (Bottin,  1875, 
p.  913),  mélo-,  théâtro-,  lypé-. 

MÈTRE,  -lE,  -IQUE,  acéti-mètrc  (Littré,  supplém.),  actino  -{id.), 


1.  Le  premier  composé  en  gène  est  oxygène,  dû  à  Lavoisier;  mot  compose,  dit- 
il,  «  du  grec  ôÇu;,  acide,  et  yeivoixai  (sic),  j'engendre.  »  On  peut  pardonner  à  La- 
voisier d'avoir  ignoré  le  grec,  et  d'avoir  confondu  yiy\o\i.an  avec  y^waM;  il  est 
regrettable  toutefois  que  oxygène  ait  amené  à  sa  suite  un  nombre  considérable  de 
mots  en  gène,  où  gène  a  la  valeur  d'un  suffixe  signifiant  producteur.  Il  aurait 
fallu  -génète. 

2.  Psychographie,  «  écriture  des  esprits  par  la  main  du  médium  »  {Répertoire 
du  spiritisme).  Pneuniatographie,  «  écriture  directe  des  esprits  sans  le  secours  de 
la  main  du  médium  »  {ibid,}. 

3.  «  Les  Janinphiles,  les  Janinlâtres  ou  les  Janiciens  ;  car  ces  trois  mots  sont 
d'une  composition  également  régulière,  allèrent  se  placer  auprès  des  Balzaciens.  » 
(Th.  Gautier,  Les  Jeune  France,  p.  520  de  l'éd.  de  1833).  Réclamons  en  passant 
contre  cette  dérivation,  barbare,  quoi  qu'en  dise  Th.  Gautier,  des  Janiciens  ;  il 
fallait  Janiniens. 

4.  Sépulcrologie  française,  titre  d'une  étude  dé  M.  Caraven-Cachin  sur  des 
sépultures  gauloises,  romaines,  etc.  Castres,  Hue,  1873,  in-8°. 

h.  Langage  par  coups  frappés  {Rép.  du  spirUisme),  etc. 


—  244  — 

alcooli-j  arco-métrie ,  atmido-  [id.) ,  barathru-  [id.),  bathy-, 
bio-  [id.],  calori-,  crystallo-,  cyclo-,  ério-,  galacto-,  ophthaimn-, 
planir-,  photo-,  podo-,  radio-,  stéréo-métrie,  télé-mètre,  déca- 
mètre, hecto-,  kilo-,  myrior-, 

MORPHE,  -iSME,  acténi-morphe,  antropo-,  idio-,  poly-,  zoo-. 

NOME,  NOMIE,  bio-ïiomie,  dactylo-,  gastro-,  métro-nome. 

oïDE,  alcaloïde-,  cist-,  coll-,  dermat-,  granit-,  hélic-,  métall-, 
sipJi-,  solén-. 

ORAMA,  panorama  (inventé  en  1799  ;  Descript.  des  brev.,  t.  III, 
p.  44),  géorama  (inventé  en  1822;  ibid.,  XI,  145),  diorama, 
cosmorama*  (1823;  ibid.,  XVI,  201),  hydrorama  (1829;  ibid., 
XXYII,  206),  néorama,  polyorama. 

PATHiE,  PATHiQUE,  cyauo-pathie,  idio-,  anthropo-. 

PÉDIE,  PÉDIQUE,  ortho-pédie,  gymno-. 

PHAGiE,  PHAGE,  hippo-phagic,  ichthyo-,  rhyzo-,  zoo-. 

PHANE,  IWio-phane,  chromo-duro-phane  (Bottin,  1875,  p.  880), 
sapo-. 

pniLE,  ichthyo-phile  (Brillât-Savarin,  I,  41),  dindono-  [ibid., 
36),  négro-,  œno-,  russo-. 

PROBE,  PHOBIE,  anglo-p)hobe,  franco-,  prétro-phobe  (Th.  Gau- 
tier, Daniel  Jovard). 

PLASTiE,  PLASTIQUE,  galvano-,  rhyno-. 

PLÉGiE,  héini-plégie,  para-. 

PODE,  a-pode,  cyano-,  céphalo-,  crypto-,  hémino-,  macro-, 
riiyria-,  rhyzo-. 

PTÈRE,  chryso-ptère ,  aplo-,  dactylo-,  derma-,  di-,  érythro-, 
hémi-,  héminéro-,  hexa-,  lépido-,  macro-,  ortho-. 

PTÉRYGIEN,  acantho-ptérigien,  gastéro-,  malaco-. 

RRiiÉE  et  RRHAGiE,  blcnno-rrhée,  -rrhagie,  cisti-rrhée,  galacto-, 
hépati-,  logo-  (Boiste),  otor-,  spermato-. 

SAURE,  ichtJbyo-saure,  plésiau-. 

scoPE,  scopiE,  anémo-scope,  baro-,  ébullio-  (mol  hybride) 
(Bottin,  1875,  p.  951),  électro-,  endo-,  hélio-scopie,  hygro-scope, 


1.  Vois  18'2'2-23,  les  panoramas,  les  dioranias,  les  géoramas  faisaient  fureur  : 
la  terminaison  orama  devint  une  sorte  de  suffixe  qui,  flans  l'argot  parisien  d'alors, 
s'ajoutait  à  tous  les  mots.  Balzac  nous  a  conserve  un  souvenir  de  cette  mode  dans 
son  P(''re  Goriot.  Il  nous  fait  assister  à  la  conversation  des  pensionnaires  de  ma- 
dame Vau(|uer  :  «  Hé  bien!  monsieurre  Poiret,  dit  l'employé  du  Muséum,  com- 
ment va  (;ette  santérama?...  —  Il  fait  un  froitorama,  dit  M.  Vautrin....  —  Il- 
lustre monsieur  Vautrin,  dit  Bianchon,  pourquoi  dites-vous  froilorama;  il  y  a  une 
faute.  c'oM  froidorama....  —  lia!  lia!  voici  une  fameuse  soupeaurama....  »  (l.  I, 
p.  137  et  suiv.  de  l'édition  princeps  de  1835). 


# 


—  245  — 

iriiio-,  kali'ido-  [Descrip.  des  brev.,  1818;  t.  X,  p.  218),  laryngo-, 
ophthalnio-,  poly-,  pyro-,  thermo-,  stéréo-. 

THÉRIUM,  dino-théi'ium ,  mega-y  méso-,  paléo-. 

TOMiE,  andro-lomie,  artério-,  cardio-,  cysti-,  dermato-,  enléro-, 
gastro-,  glosso-,  hydro-,  hystéro-,  irido-,  laryngo-,  néphro-, 
parthé-, 

URiE,  albumin-urie,  chyl-,  iscli-,  py-,  strang-, 

A  ces  listes  ajoutons  les  mots  composés  à  l'aide  de  parti- 
cules; celles-ci  sont  nombreuses  : 

o  privatif,  «n-cpî,  «vâ^  àvti',  âp/î,  Siol,  St'ç,  Sûç,  eîç  (s;),  è$  (ex),  IvSov, 
Hm,    ini,   xarâ,  (Aetot,    ita^iv,   ira  pot ,   Trepî,    irpô ,    Trpôç,  auv,  Sirep,   oito. 

Chacune  d'elles  apporte  son  contingent  de  composés.  Quel- 
ques-unes ont  pénétré  dans  la  langue  commune,  «vTt,  anti, 
à^lj,  archi;  Va  privatif  commence  à  y  entrera 

anti  forme,  avec  des  mots  français,  de  nombreux  compo- 
sés. Tantôt  il  joue  le  rôle  d'adverbe  :  «  Il  consent  à  la  de- 
mande de  son  anti-partenaire.  »  (Brillât-Savarin,  Physiol.  du 
goiU,  1,  25).  «  Par-dessus  tout  cela,  il  a  l'art  épouvantable  de 
faire  par  la  magie  une  anti-nature  qui  trompe,  des  êtres 
éphémères,  charmants,  terribles  à  volonté.  »  iMichelet,  Bible 
de  rHuman.,  p.  74).  Tantôt  il  joue  le  rôle  de  préposition; 
dans  ce  dernier  cas,  il  régit  des  substantifs  :  «  Dentifrice  anti- 
carie. »  (Catalogue  de  la  maison  Pivert).  «  Chaussure  dite  anti- 
crolte.  »  (1823;  Brevets,  t.  XYI,  p.  309;  au  tome  XXIV,  p.  289, 
on  in  OMS  Q  par  acrotte  (1827),  qui  est  préférable).  «  Chapeaux 
en  bois  et  en  soie,  dits  anti-feutres.  »  (1824,  t.  XXVIII,  p.  100). 
Le  plus  souvent  il  se  combine  avec  des  adjectifs  pour  former 
des  parasynthétiques. 

anti-divin  ^  Réville  ,  Revue  des  Deux  Mondes;  Scholle, 
Programme,  p.  13). 

anti-gluant  :  «  Composition  dite  anti-gluante,   propre  à 


1.  Voy.  notre  Traité  de  la  formation  des  inuls  composés  en  français,  p.  224- 
229.  Aux  exemples  cités  ajoutez,  pour  à  privatif,  anarien  (lanfîues  anariennes), 
aneslhésie.  nnurie,  apélaUe,  apode,  atliennane,  atone.  Remplacez  l'étjmologie 
de  anéroïde  par  la  suivante:  à  elvripo:,  humide;  voj.  Litlré,  Supplétn.,  subvoce. 
Pour  àîto,  ajoutez  apophonie,  terme  de  grammaire,  qui  traduit  l'allemand  ablaut. 
A  ïtapà  ajoutez  paramagnétisme,  -ique,  où  })ara  signifie  parallèle.  A  ttept  ajou- 
te/, périspril,  mot  hybride  qui,  dans  les  rêveries  des  spiriles,  désigne  «  l'enveloppe 
matérielle  de  l'esprit.  "  {Réperl.  du  spirit.).  Jltjper  et  surtout /ti//>o  ont  reçu  en 
chimie  un  emploi  spécial  :  hyper  est  souvent  remplacé  par  per  :  peroxyde  de 
manganèse,  perchlorure  (et  aussi  hyper  chlorure),  etc. 


—  246  — 

graisser  les  roues  des  métiers,  des  machines,  etc.  »  (1832, 
Descrîpt.  des  brev.,  XXXIII,  p.  251.) 

anti-goutteux,  anti-humain  (Schérer,  dans  Scholle,  ibid., 
p.  13)  ;  anti-méphitique  :  «  vinaigre  anti-inéphitique  de  BuUy.  « 
(1809,  Descript.  des  brev.,  t.  V,  p.  97)  ;  anti-obésique  :  «  ceinture 
anti-obésique  »  (Brillât-Savarin,  Physiol.  du  goût,  I,  40);  anti- 
naturel  :  «  goût  excessif,  baroque,  anti-naturel,  presque  tou- 
jours contraire  au  beau  classique.  »  (Th.  Gautier,  Étude  sur 
Baudelaire)  ;  anti-parlementaire,  anti-patriote. 

anti-rationnel  :  v  Peut-être  à  la  folie  faudrait-il  un  traite- 
ment anti-rationnel.  »  (G.  Sand,  Un  dernier  amour,  III.) 

anti-républicain,  anti-scientifique  (Claude  Bernard,  dans 
Scholle,  Progr.,  p.  13);  anti-systématique  [id.,  ibid.). 

anti-social  :  «  l'œuvre  est  immorale,  anti-sociale  au  possi- 
ble. «  (Veuillot,  Odeurs  de  Paris,  III,  2.) 

antidraonatique,  antiévangélique. 
Archi  a  pénétré  dans  la  langue  commune.  Il  s'emploie 
avec  des  adjectifs.  «  Je  ne  sais  quoi  d'antique  et  à'archi-grec 
(A.  de  Musset,  4«  lettre  de  Dupuis  et  Cotonnet).  «  Il  passe  pour 
un  critique  archi-compétent,  infaillible.  »  (J.  Vallès,  la  Rue, 
Courbet).  «  Ils  sont  crétins,  archi-crétins.  »  (L.  Desnoyers,  les 
Béotiens  de  Paris).  «  Là  dedans  vivait  une  vieille  femme  archi- 
vieille,  prétentieuse  et  malpropre.  »  (Daudet,  Jack,  III,  §  7). 
«  Elle  proclamait  une  triste  vérité.  —  Et  morale?  —  Archi- 
morale.  »  (Balzac,  la  Maison  Nucingen).  —  On  l'emploie 
même  avec  des  participes  :  «  Je  suis  décidé  et  archi-décidé  à 
trouver  bon  le  parti  que  tu  prendras.  «  (G.  Sand,  dans  Scholle, 
Programme,  p.  13.)  «  C'est  qu'elle  {la  route)  nous  est  archi  et 
super -connwe.  »  (Tôpfer,  Voyages  en  zigzag,  II,  1''' journée.) 

IV 

Les  exemples  qui  précèdent  montrjent  comment  se  forme  et 
grandit  sans  fin  cette  masse  de  mots  étrangers  qui  composent 
le  vocabulaire  scientifique.  Ils  montrent  aussi  que  ces  mots 
ne  restent  pas  confinés  dans  le  domaine  restreint  de  la  science , 
mais  envahissent  de  tous  côtés  la  langue  commune,  la  pénè- 
trent, et  menacent  de  la  désorganiser.  L'extension,  le  pro- 
grès des  sciences,  la  vulgarisation,  pour  employer  le  terme 
consacré,  l'action  incessante  de  la  presse,  le  développement 
de  l'industrie,  répandent  dans  l'usage  général  de  ces  termes 
qui  n'auraient  pas  dû  sortir  du  laboratoire  du  chimiste,  ni  du 


—  247  — 

cabinet  des  philosophes.  Ouvrez  à  certaines  pages  le  diction- 
naire de  M.  Littré,  vous  trouverez  des  séries  de  colonnes  de 
mots  grecs  que  l'auteur  a  crus  assez  autorisés  par  l'usage 
pour  leur  donner  droit  de  cité  dans  son  trésor  de  la  langue 
française.  Or,  ce  n'est  pas  impunément  que  ces  termes,  formés 
en  vertu  de  lois  inconnues  à  notre  idiome,  s'installent  au 
milieu  des  termes  français  :  c'est  une  plantation  exotique  qui 
vient  se  greffer  sur  les  végétations  indigènes,  s'y  développer, 
et  peut-être  les  étouffer.  Nous  avons  vu  que  des  suffixes,  des 
particules  grecques  sont  devenues  usuelles  :  ose,  ite,  archi, 
anti;  bientôt  hypo  et  hyper  jouiront  des  mômes  avantages. 
Pseudo,  graphie,  phile,  logie,  métrie,  nomie,  néu,  Mo,  auto, 
gène,  et  bien  d'autres,  sont  devenus  des  mots  de  la  langue,  et 
il  n'est  petit  négociant,  il  n'est  petit  fabricant  qui  ne  combine 
ces  éléments  de  quelque  façon  originale  qui  brave  audacieu- 
sement  et  les  lois  du  grec  et  celles  du  français.  Un  prospectus 
et  la  quatrième  page  des  journaux  vantaient  récemment  les 
qualités  d'un  certain  appareil  néogène  :  l'inventeur  voulait 
sans  doute  dire  :  d'un  genre  nouveau  ! 

Plus  d'un  savant  s'est  récrié  déjà  contre  l'abus  de  l'imi- 
tation grecque.  Le  docteur  Néophobus  surtout  s'est  livré  à 
une  guerre  acharnée  contre  cette  création  de  vocables  chers  à 
Philaminthe^  Il  a  dénoncé  ces  formations  hybrides,  barbares, 
qu'on  rencontre  dans  plus  d'un  de  nos  composés  modernes  : 
telle  est  la  nomenclature  de  notre  système  métrique  qui  défie 
toutes  les  lois  de  l'analogie  et  du  bon  sens  :  un  kilomètre  est- 
ce  dix  mille  mètres?  non  :  avec  la  meilleure  volonté  du 
monde,  ce  ne  peut  être  que  la  mesure  d'un  âne  (xiXXoç,  bourrique). 
Corrigeons-nous  khilomètre,  la  mesure  d'un  âne  deviendra 
une  mesure  de  fourrage,  de  foin  (x'^oç,  fourrage);  nous  n'en 
serons  guère  plus  avancés.  M.  Egger  a  lu  dans  une  séance  de 
l'Académie  des  sciences*  d'excellentes  observations  sur  la 
nécessité  d'apporter  plus  de  mesure,  de  prudence  et  de  ré- 
serve dans  la  formation  des  mots  grecs,  et  il  nous  apprend 
cette  particularité  curieuse  et  vraiment  typique  que  les  Hel- 
lènes nous  ont  emprunté  notre  système  métrique,  mais  non 


1.  Voyez  entre  autres  la  Diatribe  du  docteur  Néophobus  (Ch.  Nodier)  sur  la  fa- 
brication des  mots  {Revue  de  Paris,  1841,  n°  12;  Bullelin  du  Bibliophile,  1840- 
1841,  p.  897-911);  la  lettre  de  Nodier  (1837)  aux  éditeurs  du  dictionnaire  de  Gattel 
(en  tète  de  l'édition  de  18ô4).  —  Cf.  les  observations  de  M.  F.  Wey  sur  notre  sys- 
tème métrique  dans  ses  Remarques  sur  la  langue  française. 

2.  Comptes  rendus  de  l'Académie  des  sciences,  année  1873, 


—  248  — 
la  nomenclature  de  ce  système:  ils  ne  la  comprendraient  pas! 
Mais  les  formations  incorrectes,  les  compositions  hybrides* 
ne  sont  qu'un  demi-mal  auquel  seuls  les  savants  sont  sensi- 
bles. Qu'importe,  après  tout,  que  gène  ait  reçu  la  consécration 
de  l'usage  au  lieu  de  génète,  une  fois  qu'on  y  attache  une  si- 
gnification et  un  emploi  déterminés.  Ce  qui  est  plus  grave, 
c'est  que  les  formations  purement  grecques  pénètrent  à  ce 
point  dans  la  langue  qu'elles  deviennent  organiques.  L'usage 
est  plus  terrible  que  l'abus,  car  il  fait  loi.  La  plupart  des  élé- 
ments composants  que  nous  venons  de  citer  sont  devenus  fran- 
çais et  se  combinent  avec  des  mots  français  :  néo-chrétien^ 
pseudo-grec,  bureaucratie,  braillarclocratie,  voyoucratie,  prus- 
sophile,  turcophile,  anglophobe,  décalcomanie,  potichomanie, 
dansomanie,  soulo graphie"^,  etc.  Photographie  amène  photo- 
sculpture, photogravure,  photoniellure ,  photoglyptique.  Bien 
plus,  on  transporte  la  composition  grecque  en  latin  :  aéronef, 
aéromotion^,  citolégie'',  crino-gaze^,  vélovoile^,  ogivo-cylin- 
drique,  cérébro-spinal,  cervico-scapulaire,  costo-pubien ,  fibro- 
cellulaire,  génito-urinaire,  lacto-pr oléine,  lulo-gallique,  muco- 
pus,  mucoso-sucré,    oculo-palpébral,    pubio-caverneux,    séro— 

1.  On  en  aura  rencontré  plus  d'une  dans  les  listes  précédentes  :  voir  spécialement 
dans  les  composés  avec  graphie,  logue,  logie,  mètre,  métrie,  manie.  —  tJn  des 
mots  hybrides  les  plus  bizarrement  formés  est  phalanstère,  créé  par  Fourier: 
phalanstère  est  phalan-ge ,  affublé  de  la  terminaison  de  «  monastère  »  :  ainsi 
le  phalanstère  est  le  monastère  de  la  phalange.  Le  phalanstère  a  amené  le  fami- 
listère, ou  le  monastère  de  la  famille  (cité  ouvrière  fondée  par  M.  Godin-Lemaire, 
à  Guise,  prés  de  Saint-Quentin,  d'après  les  principes  de  Fourier.)  Cette  bizarre 
formation^  qui  consiste  à  accoupler  des  membres  de  mots  entre  eux,  est  assez 
goûtée  de  nos  chimistes,  qui  ont  ainsi  inventé  le  phèn-ol  (acide  phémqym,  alcoo/), 
le  chloroforma  (acide  c/iiorique  et  acide  /brmique)  ;  le  chloral  (chlore  et  al- 
cool), etc.  A  l'époque,  qui  n'est  pas  déjà  si  loin  de  nous,  où  florissait  la  théoso- 
phomanie,  on  vit  de  la  combinaison  de  mater  elpater  sortir  le  mystérieux  mapa, 
chef  d'une  religion  nouvelle  fondée  sur  le  principe  de  la  famille. 

2.  Braillardocratie ,  nom  appliqué  par  certains  journalistes  aux  décembrail- 
lards  (voir  plus  haut,  p.  90)  ;  soulographie,  terme  populaire  :  «  Cuvant  sa  sou- 
lographie  sur  deux  bons  matelas.  »  (E.  Zola,  V Assommoir  p.  189.)  «  Une  nuit, 
rentré  ivre,  il  a  roulé  dans  les  escaliers.  Le  propriétaire  m'a  ordonné  de  le  ren- 
voyer à  cause  de  sa  soulographie.  »  (  Déposition  de  madame  Copeau,  concierge  ; 
affaire  Billoir,  audience  du  14  mars  1877.) 

3.  Aéroscaphe  peut  être  considéré  comme  régulièrement  formé  de  deux  mots 
grecs. 

4.  Qui  croirait  que  ce  mot,  barbare  s'il  en  fut,  est  le  nom  d'une  méthode  pour 
apprendre  rapidement  à  lire?  Il  date  de  1828  [Descrip.  des  brev.,  XXXIX,  p.  443), 
et  il  est  d'un  certain  usage. 

5.  «  Étoffe  de  crin  que  l'inventeur  nomme  crino-gaze.  »  {ibid.,  1840;  1"  série, 
LVI,  127). 

6.  «  Moyen  mécanique  dit  vélovoile,  agissant  à  la  manière  de  voiles  placées  en 
ailes  de  moulin  à  vent  sur  un  axe  horizontal  »  {ibid.,  1819;  XIX,  114). 


—  249  — 

sanguin,  tibio-tnrfiien^,  etc.  Dans  les  composés  de  ce  genre,  la 
voyelle  de  liaison  du  premier  terme  est  un  o  comme  en  grec^. 
De  là  les  composés  tels  que  Anglo- français,  Franco-allemand, 
PrusHo-slave,  etc.  C'est  ainsi  que  nous  arrivons  à  parler  grec 
en  français*. 


1 .  Je  trouve  dans  la  Description  des  brevets  des  composés  tels  que  :  écriture 
arcanopapyvographique  (l"  série,  t.  LXIX,  p.  468),  pulisso-séri-tisseur  (2"  sé- 
rie, XI,  p.  201).  Le  chromo-duro-phane  s'étale  en  grandes  lettres  sur  tous  les 
murs  de  Paris. 

2.  Pourquoi  les  composés  grecs  (et  par  suite  français)  de  xâXXo;,  beauté,  ont-ils 
en  général  la  voyelle  de  liaison  i:  xa).>.tYpâopoç,  xa)vXiitatc,  etc.? 

.J.  Récemment  on  a  créé  le  mot  vélo-sport,  c'est-à-dire  sport  des  vélocipèdes 
vélncipédo-sporl  était  trop  long,  on  a  bravement  supprimé  les  éléments  signifi- 
catifs du  premier  terme  composant  ;  on  s'est  arrêté  à  vélo,  parce  qu'il  finit  par 
un  0  qu'on  a  utilisé  comme  voyelle  de  liaison. 


TROISIEME  PARTIE. 

EMPRUNTS   AUX    LANGUES    MODERNES 


CHAPITRE  XVI  ET  DERNIER. 


Des  langues  cultivées  ne  peuvent  vivre  les  unes  à  côté  des 
autres  sans  se  faire  de  mutuels  emprunts.  Les  rapports  paci- 
fiques entre  peuples  civilisés  ne  consistent  pas  seulement  en 
échange  d'idées  et  de  produits  :  il  y  a  aussi  une  importa- 
tion et  une  exportation  des  mots,  lesquelles  ont  cet  avantage 
sur  les  autres,  de  ne  pas  appauvrir  la  nation  qui  donne.  Le 
développement  du  commerce  et  de  l'industrie  a  ainsi  fait 
passer  de  peuple  à  peuple,  avec  mille  objets  nouveaux,  avec 
mille  idées  nouvelles,  les  termes  qui  les  désignent;  et  ceux- 
ci,  franchissant  les  barrières,  méprisant  les  douanes,  viennent 
s'établir  et  s'acclimater,  qui  en  France,  qui  en  Angleterre, 
qui  en  Allemagne,  qui  en  Italie,  en  Espagne  ;  quelques-uns 
partout  à  la  fois.  Il  est  de  ces  mots  cosmopolites  qui  s'in- 
stallent chez  tous  les  peuples  et  ont  le  don  de  l'ubiquité.  "^^ 

Il  y  aurait  un  curieux  livre  à  écrire  sur  ces  emprunts.  Der- 
rière l'histoire  des  mots  se  cache  celle  des  idées,  et  le  tableau 
de  ces  pérégrinations  serait  en  fait  le  tableau  du  mouvement 
commercial,  industriel,  intellectuel,  philosophique  du  monde 
civilisé.  Sans  embrasser  un  aussi  vaste  sujet,  on  pourrait  se 
borner  à  une  étude  plus  spéciale,  l'histoire  des  mots  français 
à  l'étranger,  par  exemple  ;  étude  intéressante  aussi ,  car  c'est 
l'étude  de  l'influence  que  la  France  a  exercée  ou  exerce  encore 
sur  le  reste  du  monde. 

Nous  n'avons  pas  à  examiner  ici  ce  que  notre  langue  a 
donné  de  nos  jours  aux  autres  idiomes,  mais  ce  qu'elle  en  a 
reçu.  Ces  emprunts  constituent  un  enrichissement  du  lexique 


—   252  — 

qui  ne  laisse  pas  que  d'être  assez  considérable.  On  n'y  peut 
voir  toutefois  un  procédé  normal  et  organique  de  formation 
de  mots ,  puisqu'ils  ne  sont  pas  plus  propres  au  français 
qu'aux  autres  idiomes. 

Le  français  a  subi  plusieurs  fois  l'action  des  langues  étran- 
gères. Dès  l'origine,  il  reçut  une  forte  empreinte  germanique 
qui  laissa  dans  son  vocabulaire  plusieurs  centaines  de  mots 
allemands.  Au  seizième  siècle  et  dans  la  première  moitié  du 
dix-septième,  il  fut  envahi  par  l'italien  et  l'espagnol.  A  la  cour 
de  Catherine  de  Médicis,  les  seigneurs  parlaient  un  jargon  où 
le  français  et  l'italien  se  mêlaient  en  égales  proportions.  Des 
écrivains  patriotes,  Henri  Estienne  entre  autres,  poussèrent  un 
cri  d'alarme.  Mais  il  n'y  avait  pas  à  s'effrayer  de  cette  invasion 
qui  ne  pouvait  porter  à  la  langue  aucune  atteinte" sérieuse,  Si 
l'invasion  des  idiomes  germaniques^  se  poursuivant  sans  re- 
lâche pendant  près  de  cinq  siècles,  fut  impuissante  à^  déformer 
le  français  à  sa  naissance,  quel  danger  pouvait  faire  courir 
l'importation  d'une  centaine  de  mots  italiens  et  espagnols, 
alors  que  la  langue  s'épanouissait  dans  sa  robuste  virilité. 
D'ailleurs,  ces  mots  importés  n'ont  pas  tous  été  reçus,  et  le 
petit  nombre  d'élus  est  allé  se  fondre  et  se  perdre  dans  le  reste 
de  la  langue  qui  Ta  absorbé.  La  plupart  de  ces  mots,  d'ori- 
gine étrangère,  quand  ils  vivent  dans  la  langue,  sont  si  bien 
assimilés  aux  termes  indigènes,  qu'ils  ne  sontreconnaissables 
qu'aux  regards  de  la  critique  rigoureuse  et  scientifique. 

De  nos  jours,  presque  tous  les  emprunts  de  notre  langue 
sont  faits  à  l'anglais;  c'est  l'Angleterre  qui  nous  envoie  ses 
inventions,  ses  produits,  ses  modes,  ses  goûts,  sa /as/uo^i.  kux 
ïittes  implacables  du  premier  empire  ont  succédé  des  rela- 
tions amicales,  chaque  jour  plus  étroites.  Londres  et  Paris  se 
donnent  la  main  à  travers  la  Manche  ;  échange  de  bons 
termes,  et  échange  de  termes  où  la  France,  croyons-nous, 
reçoit  beaucoup  plus  qu'elle  ne  donne.  Il  est  vrai  que,  dans 
les  siècles  antérieurs,  sans  remonter  jusqu'à  la  conquête  nor- 
mande, le  français  avait  fourni  une  quantité  considérable  de 
mots  à  l'anglais.  Quelques  mots  français  même,  ayant  jadis 
passé  le  détroit,  nous  reviennent  aujourd'hui  sous  une  forme 
qui  les  rend  presque  méconnaissables.  Tunnel,  budget,  bill, 
reporter,  square,  mess,  etc.,  sont  autant  de  mots  originaire- 
ment français  :  lonnel,  bougette  (petite  bourse),  bulle,  rappor- 
teur, carré,  mets,  etc.  Mais,  en  changeant  de  forme,  ils  chan- 
gent aussi  de  signification  ;  ils  s'approprient  à  des  fonctions 


—    253   — 

nouvelles,  et  comme  ce  sont  celles-ci  qu'il  s'a^nt  précisément 
de  dénommer,  rien  de  plus  juste  que  de  prendre  avec  la  chose 
le  nom  sous  la  forme  anglaise;  square,  bill,  tunnel,  etc., 
disent  autre  chose  que  carré,  bulle,  tonneau,  etc.  *. 

Dans  les  mots  que  nous  apporte  l'Angleterre,  on  retrouve 
les  divers  éléments  de  la  vie  anglaise  :  ce  sont  des  termes  de 
commerce,  de  sport,  d'industrie  ;  c'est  le  langage  de  la  fashion  ; 
quelques-uns  de  ces  mots  n'ont  qu'une  vie  éphémère  comme 
la  modo  qui  leur  a  donné  naissance  ;  d'autres,  exprimant  des 
faits  plus  durables,  sont  appelés  à  vivre  : 

actuaire^,  mot  entré  depuis  quelques  années  dans  la  lan- 
gue; il  désigne  le  mathématicien  chargé  de  contrôler,  d'après 
le  calcul  des  probabilités,  les  bases  des  contrats  viagers  ou 
d'assurances.  C'est  l'anglais  actuary,  directeur  de  compagnie, 
et  spécialement  d'une  compagnie  d'assurance,  mot  qui  lui- 
même  vient  du  bas-latin  actuarnis  (greffier)  '. 

baby,  pluriel  (français)  babys  ou  (anglais  babies)  :  «  Les 
babies  britanniques  ont  des  teintes  de  crème  et  de  fraise.  » 
(Th.  Gautier,  Les  Beaux-Arts  en  Europe,  I,  v,  14)*. 

banknote  :  «  Billet  de  banque  ayant  cours  en  Angleterre.  » 
(Littré.) 

bar  :  «  Il  n'y  a  pas  (à  New- York)  des  cafés  comme  en 
France;  mais  les  bars,  les  buvettes  sont  partout.  »  (Simonin, 
Rev.  des  Deux  Mondes,  f'janv.  1875;  N.  and.  Q.,  1876,  p.  23.) 

bifteck  :  «  Tranche  de  bœuf  grillé  ».  Le  mot  anglais  est 
beefsteak,  prononcé  bifstek  :  Vs  a  disparu  dans  la  prononciation 


1 .  Ce  qu'on  i)ourrail  peut-être  regretter,  c'est  la  perte  des  mots  français  dé- 
signant exactement  la  môme  chose  que  les  mots  anglais  qui  les  remi)lacent.  La 
voiture  qui  suit  la  locomotive  et  est  chargée  des  approvisionnements  de  charbon 
et  deau  a  reçu,  dans  les  premiers  temps,  le  nom  d'allégé,  qui  était  excellent  ; 
il  a  disparu  devant  tender;  le  Nouvelliste  de  Montesquieu  est  mort,  le  reporter 
la  tué.  —  Voyez  cependant,  plus  haut,  p.  32. 

2.  Dans  cette  liste,  nous  ajoutons  quehjues  mots  américains. 

3.  Voyez,  sur  ce  mot,  la  note  de  M.  H.  Gaidoz,  Bulletin  de  la  Société  de  lin- 
guistique de  Paris,  187.'),  p.  xlvij. 

4.  exemple  pris  du  journal  Notes  and  Queries,  janvier  1876,  p.  23.  Ce  journal 
contient  (n"  106,  109,  111,  113  et  HT),  janvier-mars  1876)  une  série  de  mots  an- 
glais relevés  dans  des  auteurs  français,  et  qui  manquent  au  Dictionnaire  de  Littré. 
A  peine  doux  ou  trois  de  ces  mots  sont  entrés  ou  entrent  dans  la  langue;  les  au- 
tres mots  cités  étant  anglais  n'ont  aucun  droit  à  être  enregistrés  dans  un  diction- 
naire. Peut-on  reprocher  à  M.  Littré  de  n'avoir  pas  inscrit  le  mot  joint- f'amilxj, 

•parce  qu'il  se  trouve  dans  la  phrase  suivante  :  «  L'Inde,  encore  aujourd'hui,  nous 
offre  dans  la  famille  associée,  joùti  familif,  comme  disent  les  Anglais,  l'image 
exacte  du  sept  celtique  de  l'Irlande  ancienne.  »  (E.  de  LaVeleye,  Revue  des  Deux 
Mondes,  15  avril  IST."),  p.  792.) 


—  254  — 

commune;  certaines  personnes,  dans  le  peuplej  prononcent 
bistek;  c'est  1'/"  qu'elles  ont  laissé  tomber.  Cf.  horse-steak. 

blackbouler,  de  l'anglais  blackball  ;  ce  mot  vient  du  Jockey- 
club. 

book  :  «  Terme  de  turf.  Livre  sur  lequel  les  parieurs  in- 
scrivent leurs  paris.  »  (Littré,  supplém.). 

bowl  et  bol  :  «  Un  ample  bowl  de  punch  vint  nous  aider 
à  finir  la  soirée.  »  (Brillât-Savarin,  Physiologie  du  goût,  \,  38.) 
On  écrit  maintenant  bol. 

box  :  «  stalle  d'écurie  ou  compartiment  de  wagon  pour 
un  cheval  seul.»  (Littré,  supplém.). 

boxer,  de  l'anglais  to  box  :  de  là  boxe,  boxeur;  cf.  plus 
haut,  p.  51  et  103. 

break  :  a  voiture  ayant  un  siège  sur  le  devant  et  deux 
autres  derrière,  dans  le  sens  de  la  longueur,  se  faisant  face.  » 
(Littré,  supplém.). 

break fast  : 

Les  cloches  ont  sonné  le  breakfast  dans  la  plaine. 

(E.  d'riervilly,  à  la  Louisiane.) 
budget  : 

Là  {au  Corps  législatif),  pour  le  mot  budget  importé  d'Angleterre , 
J'ai  vu  gronder  trente  ans  une  effroyable  guerre. 

(  Viennet,  Epître  à  Boileau.  ) 

bulldog  est  parfois  écrit  pour  bouledogue  [Notes  and  Que- 
ries,  janvier  1876,  p.  24).  De  même  bull-terrier.  «J'ai  rapporté 
de  Londres  un  bull-terrier  avec  lequel  j'ai  organisé  des  com- 
bats de  rats.  »  (H.  Malot,  l'Auberge  du  monde,  I,  186.) 

canter,  terme  du  turf. 

carrick  :  «  H  adoptait  l'hiver  le  carrick  noisette  à  trois 
collets.  »  (Balzac,  les  Employés,  éd.  de  1856,  p.  259.) 

caviar.  Ce  mot  ainsi  que  punch  a  été  importé  dans  le  pre- 
mier quart  de  ce  siècle;  voir  Brillât-Savarin,  Physiologie  du 
goût,  I,  135; 

châle.  Le  mot  est  d'origine  arabe  ;  mais  il  nous  est  venu 
par  l'anglais,  comme  en  témoigne  l'orthographe  première  du 
tilot  :  shall  (anglais  shawl). 

chèque,  clergymari,  clown. 

club  :  «  Clubs,  associations  qu'a  fait  écldre  la  notivèilô 
constitution,  qiii  ne  veiit  pas  d'associations.  »  (Nouveau  dic- 
tionnaire pour  servir  à  l'intelligence  des  termes  mis  en  vogue  par 


—  255  — 

la  Révolution,  dédié  aux  amis  de  la  Religion,  du  Roi  cl  du  sens 
commun,  1792.)  Cf.  plus  haut,  p.  25,  note  1. 

coaltar^  goudron  de  houille;  on  prononce  généralement 
co-altai\  à  tort. 

co/ciiej/ (anglais  cockney)  : 

...  Ce  cokney  d'Eglinton  et  d'Epsom , 
Qui,  la  main  sur  son  cœur,  dit:  «  Je  mens,  ergo  sum.  » 
(V.  Hugo,  Châtiments,  vi,  5.) 
coke,  cold-cream. 

comfort,  comfortable.  On  écrit  aussi,  avec  une  orthographe 
plus  française,  confort,  confortable.  Ces  mots  anglais  sont  d'o- 
rigine française. 

convict  : 

Le  juge,  au  lieu  d'arrêts,  prononce  ses  verdicts, 
Les  bandits  condamnés  deviennent  des  convicts. 

(Viennet,  Epître  à  Boileau.) 
cottage  : 

Devant  le  frais  cottage  au  gracieux  perron. 

(Fr.  Coppée^  Jeunes  filles,  I,  V Amazone.) 

dandy,  debater,  détective,  derby,  dock,  (voir  plus  haut,  p.  32),  \J 

(/ram  (d'où  drainer,  drainage),  drawback. 

drop  :  «  Machine  employée  pour  le  chargement  des  navires, 
dans  laquelle  l'action  de  la  pesanteur  sur  un  wagon  chargé 
est  utiliséepour  le  remonter  lorsqu'il  est  vide. »(Littré,su7)j)k%i.). 

express,  farwest,  fashion,  fashionable,  fellow^ 

flirter,  flirtation  :  «  La  flirtation  devient  entre  les  mains 
de  cette  fille  avisée  un  puissant  auxiliaire  de  la  politique.  » 
(Th.  Bentzon,  Revue  des  Deux  Mondes,  15  mars  1875,  p.  65. 
N.  and.  Q.).  —  «  Les  plus  avenantes,  les  seules  promenades  sou- 
vent des  grandes  villes  (en  Syrie]  sont  leurs  champs  des  morts. 
On  y  cause,  on  y  mange,  on  y  fume,  on  y  flirte.  »  (E.  de  Yogiié, 
ibid.  1"  février  1875,  p.  557;  N.  and.  Q.). 

gentleman  :  «  En  sa  qualité  de  \}Q.TÎii\i  gentleman.  »  (Th.  Gau- 
tier, Étude  sur  Baudelaire) ,  Notre  époque  de  démocratie  ne 
pouvait  conserver  le  mot  gentilhomme  ;  pour  exprimer  l'idée 
qu'il  renferme,  on  a  été  chercher  au  delà  de  la  Manche  la  tra- 
duction anglaise  de  ce  mot. 

gentry,  gentleman-rider  (voir  p.  32). 

gin, 

Fils  du  genièvre  et  frère  de  la  bière, 
Bacchus  du  Nord,  obscur  empoisonneur, 
Écoute,  ô  Gin,  un  hymne  en  ton  honneur. 

(Barbier,  ïambes  et  Poëmes ,  le  Gin.) 


—  256  — 

grog,  groom,  : 

Et  gros  comme  le  poing,  au  milieu  de  l'allée, 

De  sable  roux  semé  de  tout  petits  galets, 

Le  groom  attend  et  tient  les  deux  chevaux  anglais. 

(Fr.  Coppée,  Jeunes  filles^  1,  V Amazone.) 

gutla  et  gutta-percha,  handicap  (voir  plus  haut,  p.  32), 

high-life  : 

Rivière  du  high-life,  à  travers  un  gazon 
Ratissé  sans  relâche,  eau  flegmatique  et  noire. 
Coule  à  présent  la  source.... 

(E.  d'Hervilly,  The  Park.) 

hisser  (anglais  to  hiss,  siffler)  :  «  Pardon,  voisine,  pardon  : 
certainement  ce  n'est  pas  pour  vous  que  je  me  serais  permis 
de /lisser  comme  cela;  c'est  à  mes  deux  amis  que  je  m'adres- 
sais »  (P.  de  Kock,  la De7noiselle  du  cinquième,  dans  N.  and.  Q.). 

Jiome  :  «  Nous  avons  préféré  le  home  de  notre  campement 
à  l'hospitalité  peu  séduisante  que  le  Lazaret  (d'Hébron)  offre 
d'ordinaire  aux  voyageurs.  »  (Vogué,  Rev.  des  Deux  Mondes, 
1875,  t.  I,  p.  556.) 

horse-steak  :  «  Dès  l'an  de  grâce  1857,  je  disais...  le  horse- 
steakesi  imminent.  Le  horse-steak  esi  aujourd'hui  devenu  une 
réalité;  le  horse-steak  est  fait.  »  (Roqueplan,  Parisine,  p.  274.) 

hunter,  t.  de  chasse. 

husting  :  «  Les  hustings  sont  des  échafauds  du  haut  des- 
quels les  candidats  à  la  députation  parlent  aux  électeurs.  » 
(Barbier,  ïambes  et  poésies,  les  Hustings.) 

inexpressihle,  jockey,  jockey-club,  keepsake,  leader,  lloyd 
(anglais  Lloyd],  mac-farlane. 

milord  (de  my  lord]  et  lord  :  »  Nous  disons  un  mylord, 
c'est  comme  qui  dirait  un  monseigneur;  car  les  Anglais  disent 
a  lord,  un  lord.  Il  n'est  rien  de  pis,  si  ce  n'est  de  dire  comme 
les  journaux  :  un  mylord  anglais,  sans  doute  afin  de  le  distin- 
guer d'un  mylord  turc.  »  (Fr.  Wey,  Remarques  sur  la  langue 
française,  II,  63.) 

lumps  :  «  Pains  de  sucre  d'une  qualité  inférieure.  »  (Littré.) 

lunch,  d'où  luncher:  «  Il  faut  au  sortir  du  stade  (d'Éphèse), 
remonter  dans  l'odieux  wagon  après  avoir  lunché  avec  du 
pale-ale  chez  un  juif  anglais.  »  (Vogué,  Rev.  des  Deux  Mondes, 
1875,  t.  I,  p.  332.) 

match,  mess  des  officiers;  miss,  mistress, 

Rallumer  le  flambeau  du  bonheur  domestique 
Et  changer  en  mistress  quelque  timide  miss. 
(Ph.  Boyer,  Lassitude.) 


—  257  — 

pale-ale  (voir  à  lunch),  pick-pocket. 

policeman  :  «  Les  émeraudes  jouissaient  d'une  réputation 
européenne  depuis  l'exposition  de  Londres,  où  Webster  et 
Samson  les  avaient  étalées  dans  une  vitrine  à  part,  entre 
deux  policemen.  ->■>  (E.  About,  VInfâme,  L) 

pa(f  (voir  Fr.  Sarcey,  Le  Mot  et  la  Chose,  Réclame  et  PulT), 

punch.  (Voir  plus  haut  à  6ou>^  et  à  cauiar).  Le  mot  est  d'ori- 
gine indienne  :  c'est  une  corruption  du  sanscrit panfc/ta,  cinq  : 
cette  boisson  est  formée  de  cinq  ingrédients. 

railway,  rail  : 

On  n'entend  que  des  mots  à  déchirer  le  fer, 
Le  railway,  le  tunnel,  le  ballast,  le  tender, 
Express,  trucks  et  wagons.,.. 

(Viennet,  Epître  à  Boileau.) 

reporter  et  reportage,  revolver,  rifle,  rout,  sandwich, 

scalpe,  peau  du  crâne  enlevée  avec  la  chevelure  sur  la  tète 
de  l'ennemi  abattu  ;  de  là  scalper  :  l'anglais  scalp  signitic 
peau  du  crâne. 

self-government, 

shelling  (anglais  shilling], 

(Il  faut)  Vendre  pour  dix  shellings  nos  lèvres  et  notre  âme. 
(Barbier,  ïambes  et  Poèmes,  le  Minotaure.) 

sherry, 

Fi  du  porto,  du  sherry,  du  madère  ! 

(Barbier,  Ïambes  et  Poèmes,  le  Gin.) 

skating-rink,  d'où  sont  sortis  le  skating-concert,  le  skating- 
palais,  le  skating-bal. 

snob,  snobhisme  ou  snobisme,  de  snob,  snobbism,  mots  mis 
en  vogue  par  l'auteur  du  Livre  des  snobs,  Thackeray. 

speech  :  «  Ce  n'est  pas  tout,  il  a  dit,  car  vous  savez  qu'en 
mourant,  tous  les  hommes  célèbres  font  un  dernier  speech 
(mot  anglais  qui  signifie  tartine  parlementaire),  il  a  dit  :...» 
(Balzac,  les  Employés). 

sport  et  sportsman  {\oir  p.  32),  square,  steamer,  plus  usité 
que  steam-boat,  bateau  à  vapeur,  steeple-chase  (voir  p.  32), 

sterling;  le  vieux  français  disait  esterlin. 

stock,  mot  entièrement  entré  dans  la  langue.  C'est  la  môme 
racine  qu'il  faut  reconnaître  dans  «brin  tVestoc  »,  dans  «  frap- 
per d'estoc  et  de  taille  »,  quoique  ici  estoc  soit  de  provenance 
allemande. 

17 


—   258  — 

stopper  : 

Le  train  stoppa;  c'était  la  station  de  Sèvres. 
(Fr.  Goppée,  Jeunes  filles,  V,  Dans  un  train  de  banlieue.) 

studbook  :  «  Registre  où  l'on  écrit  et  conserve  la  généalogie 
des  chevaux  de  pur  sang.  »  (Littré). 

stuffing-box  :  «  se  dit,  dans  les  machines  à  vapeur,  des 
pièces  destinées  à  intercepter  la  communication  entre  deux 
milieux  dans  lesquels  se  meut  une  tige.  »  (Littré). 

tender,  voir  à  railway. 

ticket  : 

Il  donna  son  ticket  au  vieux  garde-barrière 
Et  se  laissa  par  ses  fillettes  embrasser. 
(Fr.  Goppée,  Jeunes  filles,  V,  Dans  un  train  de  banlieue.) 

tilbury.  L'anglais  tilbury  vient  lui-même  de  Tilbury,  nom 
du  carrossier  qui  a  le  premier  fabriqué  ce  genre  de  voiture 
légère. 

toast  ou  toste,  et  toaster  ou  toster, 

trade-union  et  trade-unioniste  :  «  Joshua  Davidson  (Jésus 
fils  de  David)  est  démocrate,  trade-unioniste.  »  (Odysse  Barrot, 
dans  N.  and.  Q.  1876,  ibid.). 

tramway j  tunnel,  voir  à  railway;  turf  et  truc  (anglais 
truck),  voir  p.  32;  verdict,  voir  à  convict;  wagon,  voir  p.  32. 

ivarrant,  «  certificat  d'emmagasinage  délivré  par  les  com- 
pagnies aux  négociants  qui  leur  déposent  des  marchandises.  » 
(Sévy,  Dict.  des  termes  employés  en  bourse). 

water-closet,  waterproof,  ivork-house,  yankee. 

Après  l'anglais,  vient  l'italien,  longo  sed  proximus  inter- 
vallo.  Il  nous  a  bien  fourni,  depuis  un  siècle  et  demi  ou  deux, 
une  partie  de  notre  terminologie  musicale  ;  mais  de  nos 
jours,  il  n'a  donné  qu'un  nombre  assez  restreint  de  mots  à  la 
langue  générale  : 

agio,  aquarelle,  bravo,  brio,  carbonaro,  désinvolture.  Au 
siècle  dernier,  on  avait  pris  à  l'italien  l'adjectif  t/ésim'o/fe,  qui 
était  aussi  employé  substantivement  au  sens  de  désinvolture  : 
«  Une  facilité  de  parler  admirable  et  un  désinvolte  merveil- 
leux... »  (St- Simon,  Mémoires,  éd.  Ghéruel,  t.  X  ,  p.  385.) 

dilettante,  dispache  et  dispaclieur,  fantasia,  fantoche.  Far- 
niente est  ancien,  Chateaubriand,  dans  ses  Mémoires,  l'a  tra- 
duit par  le  rien- faire. 


~  259  — 

fioriture^  franco^  imprésario,  chef  d'une  entreprise  théâ- 
trale (de  impresa,  entreprise,  vieux  français  emprise). 

lazarone,  lihretto,  qui  a  donné  librettiste,  maestro  (on 
commence  aussi  à  dire  maestria),  malaria,  morbidesse  : 

(Ses  yeux)  avalent  sous  leurs  longues  paupières 
Tant  de  morhidezza. 

(Th.  Gautier,  Premières  poésies,  Albertus,  LXXXIX.) 

....  Cette  morbidesse  et  ce  laisser-aller 
Était  chose  charmante. 

(/d.,  ibid.,  la  Dive.) 

palafitte;  villégiature,  mot  d'introduction  récente,  et  entré 
pleinement  dans  l'usage. 

voltain  dans  bi-voltain  ou  di-voltain.  (Littré,  suppL). 

L'Espagne  et  les  pays  espagnols  de  l'Amérique  nous  ont  donné 
brasero,  platine, placer,  eldorado,  curare,  vomito  negro,  guano. 
Le  souvenir  des  luttes  politiques  delà  péninsule  ibérique  s'est 
conservé  chez  nous  dans  les  mots  guérilla,  guérillero,  pronun- 
ciamento.  Récemment  notre  langage  s'est  enrichi  du  mot  in- 
transigeant, reproduction  du  mot  espagnol  intransigente,  dé- 
signant les  ultras  du  parti  républicain  (1872)  opposés  à  toute 
mesure  de  transaction.  Le  mot  a  passé  les  monts,  et,  grâce  à 
sa  forme  toute  française,  a  été  rapidement  adopté.  Il  a  donné 
le  dérivé  intransigeance. 

Les  cigares  de  la  Havane  jouissent,  auprès  des  amateurs, 
d'une  réputation  méritée  ;  ils  sont  connus  sous  leur  forme 
espagnole  :  des  puros,  des  m,edianitos  ;  la  langue  semi-popu- 
laire, pour  désigner  les  cigares  d'un  sou,  emploie  des  épi- 
thètes  méprisantes  qu'elle  affuble  plaisamment  de  finales  espa- 
gnoles :  des  soutados,  des  crapulados  ou  crapulos,  des  infectados. 

L'allemami  a  fourni  quelques  éléments  à  la  langue  mo- 
derne :  ils  se  divisent  en  deux  classes  bien  distinctes.  Les 
uns  appartiennent  à  la  langue  de  la  philosophie,  et  sont  des 
mots  latins  ou  grecs  empruntés  par  l'allemand,  et  qui  nous 
sont  venus  d'outre-Rhin  avec  la  philosophie  de  Haut;  tels 
sont  subjectif  [subjectivité),  objectif  [objectivité),  transcendantal, 
-isme,  impératif  catégorique,  etc.  Les  autres  sont  proprement 
allemands,  et  appartiennent  en  général  à  la  langue  de  la 
ripaille  : /*nc/i<i  de  frûhstûck  (déjeuner),  kirsch,  quetsche,  bitler^ 


~  260  — 

vermuth,  moss,  qui  fut  à  la  mode  vers  1840,  et  est  détrôné 
aujourd'hui  par  bock\  trink-Iiall,  etc. 

sabretache  paraît  avoir  été  importé  par  les  guerres  du  pre- 
mier empire.  (Brillât-Savarin,  Physiol.  du  yoûl,  I,  124.) 

Un  caprice  de  la  mode  a  fait  de  nos  jours  donner  le  nom  de 
Bismarck  à  une  couleur  fauve  :  c'était  avant  la  guerre  de 
1870-71.  Il  est  curieux  que  cette  guerre  n'a  laissé  aucun 
mot  dans  la  langue;  ni  krup}},  ni  landwehr,  ni  lamlstarm 
ne  se  sont  maintenus  :  peut-être  %Man  a-t-il  eu  une  durée 
plus  longue;  encore  aujourd'hui  est-il  à  peu  près  oublié. 

Par  quelle  étrange  ironie  la  Pologne  ne  nous  a-t-elle  donné 
que  des  danses  joyeuses  :  la  polka,  la  redowa,  la  schottisch, 
la  mazurka  ? 

Il  n'est  pas  besoin  de  demander  d'où  vient  le  mot  d'ukase, 
arrêté  arbitraire  de  l'autorité^  Il  porte  en  lui-même  son  lieu 
d'origine. 

Paris  sur  ses  pavés  voit  neiger  les  ukases. 

(V.  Hugo,  Châtiments,  111,  1.) 

Heyduque,  hetman,  isba^,  kopeck,  pacolet,  rouble,  samo- 
var, starost  \  et  quelques  autres,  se  rencontrent  parfois  sous 
la  plume  d'écrivains  décrivant  des  scènes  russes  ;  mais  ces 
mots  ne  sont  pas  encore  naturalisés  ^ 

A  la  conquête  de  l'Algérie  on  doit  un  certain  nombre  de 
mots  arabes  ou  berbères  que  notre  armée  a  répandus  dans  la 
langue  commune  :  razzia,  fourbi,  gourbi,  smala,  goum,  maza- 


1.  fioc/c  vient  de  l'allemand  bockbier,  bière  de  bouc,  nom  donné  à  une  espèce  de 
bière  de  qualité  supérieure,  à  cause  de  la  marque  de  fabrique  prise  par  l'industriel 
qui  la  confectionne.  Cette  marque  consiste  en  un  tonneau  à  droite  et  à  gauche  du- 
quel se  tiennent  deux  boucs  dressés  sur  les  pattes  de  derrière.  L'expression  bockbier, 
qu'on  lit  ou  lisait  sur  les  brasseries,  les  boutiques  de  marchand  de  vin^  a  été  im- 
portée chez  nous  par  quelque  commis- voyageur  qui  l'expliqua  à  sa  manière,  par' 
verre,  mesure  de  bière.  Et  voilà  comme  un  fcottcaété  changé  en  une  sorte  de  chope. 

2.  Le  mot  russe  signifie  seulement  :  arrêté  de  l'autorité. 

3.  Sorte  d'auberge.  «  En  sortant  de  Visba,  où  elle  avait  passé  la  nuit,  elle 
eut  un  moment  d'effroi  lorsqu'elle  se  vit  seule.  »  (X.  de  Maistre,  La  jeune  Sibé- 
rienne, ch.  XV.) 

4.  «  Le  slarosl  du  village  examina  son  passe-port.  (Id.  ibid.,  ch.  xvii,) 

T),  Voir  la  brochure  (anonyme)  intitulée  :  De  quelques  mots  slaves  passés  en 
français;  avis  aux  éditeurs  de  La  Fontaine,  Alais,  in-8,  1877,  12  pages.  On 
y  trouve  des  additions  et  des  rectifications  intéressantes  au  chapitre  que 
M.  Brachet  a  écrit  dans  la  préface  de  son  Dictionnaire  étymologique  (p.  lix)  sur 
l'élément  slave  dans  le  français. 


—  261  -- 

ynm\  zouave  ou  zonzox,  turco^  n^'^ro. Ces  derniers  mots  nous 
présentent  la  finale  sa6«re 2,  celle  qui  se  trouve  dans  makasch 
bono  (pas  boni,  bono  bezef  (bien  bon).  Cette  finale  a  donné 
dans  la  langue  des  troupiers  :  un  seryo  pour  un  sergent^  un 
invalo  pour  un  invalide^.  On  serait  tenté  d'assimiler  à  sergo, 
invalo,  turco,  les  mots  aristo,  typo,  topo  :  mais  Vo  de  ces 
derniers  est  grec;  celui  des  premiers  est  italien.  Et  c'est  ainsi 
que  des  mois  d'origines  entièrement  difi"érentes,  ei2  passant 
par  des  voies  absolument  opposées,  arrivent  à  prendre  des 
caractères  communs. 

Avant  de  finir  ce  chapitre,  nous  devons  parler  de  l'action 
spéciale  que  des  mots  étrangers  peuvent  exercer  sur  des  mots 
français  qui  présentent  aveceuxquelqueanalogie  de  sensoude 
forme  :  ceux-ci  s'enrichissent  d'une  acception  spéciale  propre 
aux  premiers.  Exhibition,  sous  l'influence  de  l'anglais  exhi- 
bition, prend  le  sens  d'exposition.  C'est  ainsi  encore  que  les 
mots  sélection,  attraction,  exsertion,  incorporer,  adresse  (terme 
politique),  entraîner''  &i entraînement  (termes  de  turf),  ont  pris 
les  acceptions  que  ces  mots  ont  en  anglais.  Contribution,  cul- 
ture, facteur,  s'emploient  maintenant  au  sens  de  l'allemand 
beitrâge,  kultur  et  factor. 

1.  Exemple  curieux  des  caprices  de  la  mode.  Ce  nom,  qui  rappelle  à  l'historien 
des  souvenirs  si  héroïques  et  si  glorieux,  ne  désigne  plus,  pour  l'habitué  des  bou- 
levards, qu'un  verre  de  café  noir  ! 

2.  Le  sabir  ou  langue  franque,  mélange  d'italien,  de  français,  de  provençal  et 
d'arabe,  parlé  par  les  marins  de  la  Méditerranée. 

3.  «  Amusez-vous,  je  reste  de  cœur  avec  les  camaros  {camarades),  vous  sa- 
vez. »  (E.  Zola,  V Assommoir ,  p.  337.) 

4.  «  Carmélita  a  été  élevée,  préparée,  entraînée  pour  faire  un  grand  mariage, 
exactement  comme  vous  entraînez  un  cheval  spécialement  en  vue  de  gagner  un 
prix.  »  (H.  Malot,  V Auberge  du  monde,  t.  II,  p.  300.) 


CONCLUSION. 


Arrivé  au  terme  de  cette  longue  et  minutieuse  statistique, 
nous  pouvons  à  présent,  jetant  nos  regards  en  arrière,  em- 
brasser l'ensemble  des  faits  que  nous  avons  passés  en  revue 
et  nous  demander  quelles  sont  les  conclusions  qui  s'en  déga- 
gent. 

Nous  avons  reconnu  dans  la  langue  une  série  de  formation 
française,  une  série  de  formation  latine,  une  série  de  forma- 
tion grecque,  une  série  d'emprunts  aux  langues  modernes. 
Nous  n'avons  pas  à  tenir  compte  des  emprunts  ;  il  n'y  a  pas  là 
de  formation  organique.  Quelle  est  la  valeur,  l'importance 
relative  des  trois  autres  formations,  française,  latine  et 
grecque? 

Formation  française.  —  Dans  la  dérivation,  si  nous  laissons 
de  côté  les  procédés  d'un  caractère  secondaire,  tels  que  le 
changement  de  noms  propres  en  noms  communs,  de  sub- 
stantifs masculins  en  féminins  et  réciproquement,  etc.,  nous 
constatons  que  les  procédés  suivants  sont  actuellement  en 
vigueur. 

Dérivation  impropre  :  1.  Création  de  substantifs  tirés  d'ad- 
jectifs :  une  balayeuse,  un  batteur.  Cette  formation  est  très- 
vivante  et  en  pleine  activité*. 

2.  Création  de  substantifs  verbaux  :  la  chauffe.  Cette  for- 
mation est  très-vivante  dans  la  langue  populaire;  elle  tend 
à  disparaître  de  la  langue  commune  et  littéraire  devant  la 
dérivation  latine^. 

3.  Création  de  substantifs  participiaux  :  la  retombée.  Cette 
formation  est  très-vivante  dans  la  langue  populaire;  elle  tend 

1.  Voy.  plus  haut,  p.  47. 

2.  Ibidem,  p.  50. 


—  264  — 

h  disparaître  de  la  langue  commune  et  littéraire  devant  la 
dérivation  latine  ^ 

4.  Changement  du  participe  présent  en  adjectif  et  en  sub- 
stantif. Formation  très-vivante  ^. 

Ainsi,  dans  la  dérivation  impropre,  deux  puissants  procé- 
dés de  formation,  ceux  qui  donnent  les  substantifs  verbaux 
et  les  substantifs  participiaux,  reculent  dans  la  langue  com- 
mune devant  la  formation  latine.  Ajoutons  qu'un  procédé  est 
totalement  disparu,  celui  qui  consiste  à  changer  l'infinitif  en 
substantif. 

Dérivation  propre  "* .  Dans  la  dérivation  proprement  dite  des 
substantifs  et  des  adjectifs,  nous  avons  reconnu  trente-cinq 
suffixes  encore  vivants  et  présentant  divers  degrés  de  vita- 
lité :  ce  sont  able,  ade,  âge,  aille,  ais  aise  ou  ois  aise,  al  aie  ou 
el  elle,  ant  mite,  ance,  {and  ande)  andier,  ard  arie,  âtre, 
aud  aude,  é  ée,  ée,  eau  elle  ou  ereau  ei^elle,  ement,  erie,  esse  ise, 
esse,  et  ette  wU  ot  otte,  eur,  eur  euse,  eux  euse,  eux  euse,  ien 
tenue,  ier  ière,  ille,  in  ine,  ine,  oir  oire,  on,  [e)té,  u,  ure. 

Ces  suffixes  peuvent  se  diviser  en  trois  classes,  suivant 
qu'ils  forment  des  noms  de  choses,  des  noms  ou  des  adjectifs 
de  personnes,  des  adjectifs. 

A  la  première  classe  appartiennent  seize  suffixes  : 

ade  (bousculade),  âge  (drainage),  ance  (attirance),  ement 
(déraillement),  om- (aiguisoir),  wre  (crêpelure),  qui  se  joignent 
généralement  à  des  radicaux  de  verbes  ; 

été  (citoyenneté),  ée  (pochetée),  esse  (grandesse)  ou  ise  (van- 
tardise), eur  (verdeur),  erie  (rouerie),  aille  (radicaille),  ille 
(coudrille),  on  (veston),  is  (cailloutis),  ine  (brillantine),  qui  se 
joignent  à  des  thèmes  de  noms  ou  d'adjectifs. 

A  la  seconde  classe  appaHiennent  dix  suffixes  : 

ais  aise  (Yorkais)  ou  ois  oise  (Bcllevillois),  ant  ante  (abraca- 
dabrant), [and  ande)  andier  (dessinandier),  eau  elle  ou  ereau 
erelle  (nuelle,  poétereau),  ard  arde  (communard),  aud  aude 

1.  Voy.  plus  haut,  p,  57. 

2.  Ibidem,  p.  65. 

3.  Ibidem,  p.  54. 

4.  Ibidem,  p.  79-124, 


—  265  — 

(pataud),  eur  euse   (blagueur),  eiix  euse   (bonaparteux),  esse 
(nolairesse),  ienienne  (normalien),  ier  ière  (parolier). 

A  la  troisième  classe  appartiennent  neuf  suffixes  : 

a6/e  (dirigeable),  al  aie  [diuroral)  ou  el  elle  (insurrectionnel), 
âtre  (noirâtre),  é  ée  (vanillé),  et  elle  (mignonnet,  -ette),  eux 
euse  (cireux),  in  ine  (ivoirin),  u  (moustachu). 

Quelques-uns  de  ces  suffixes  peuvent  passer  d'une  classe  à 
l'autre  :  eau  ereau  peut  passer  de  la  deuxième  à  la  première 
[fouteau],  et  ette  de  la  troisième  à  la  seconde  [mohlot)  ou  à  la 
première  [affichette),  ier  de  la  deuxième  à  la  troisième  [bal- 
connier) . 

Dans  la  première  classe,  nre,  esse,  ise,  eur,  is,  se  stérilisent  ; 
ille  se  réduit  à  un  emploi  spécial  et  semble  en  voie  de  dispa- 
rition; été  diparaît  devant  le  latin  ité;  ance  devant  le  latin 
ation;  on  donne  quelques  diminutifs;  ade,  suffixe  de  création 
moderne,  est  assez  populaire  ;  ée  est  encore  très-nettement 
senti  et  est  capable  de  créations  nouvelles;  aille,  ine,  oir, 
ement  sont  très-vivants  ;  erie,  qui  a  pris  la  place  de  te  sans  le 
remplacer,  et  âge,  qui  a  restreint  sa  signification  primitive  à 
celle  de  nom  d'action,  sont  tous  deux,  dans  leurs  formations 
propres,  d'une  grande  richesse. 

Dans  la  seconde  classe,  les  suffixes  les  plus  vivants  sont 
ier,  ien,  eur  euse,  eux  euse,  ard  arde.  Toutefois  ear  euse  est 
fortement  battu  en  brèche  par  le  suffixe  latin  ateur  atrice.  Les 
autres  sont  d'un  emploi  spécial  ou  restreint. 

Dans  la  troisième  classe,  et,  ot,  ant,é  sont  toujours  féconds, 
able  donne  de  nombreux  adjectifs  à  la  langue  populaire,  mais 
dans  la  langue  commune,  le  suffixe  correspondant  de  forma- 
tion savante  ible  lui  fait  une  redoutable  concurrence;  on  en 
peut  dire  autant  de  al  el;  in  u  sont  d'un  emploi  spécial; 
âtre  disparaît,  ce  semble. 

La  dérivation  verbale  et  celle  des  adverbes  en  ment  sont 
d'une  incomparable  richesse. 

En  somme,  nos  trente-cinq  suffixes  nominaux  sont  loin 
d'être  également  vigoureux  et  féconds  ;  un  certain  nombre  n'a 
qu'une  valeur  restreinte,  ais  ois,  ille,  in,  is,  ée,  u,  etc.  Mais  ne 
l'oublions  pas,  cette  délimitation  précise  de  la  signification 
est  un  avantage.  Quand  les  suffixes  sont  aussi  nombreux,  ils 
ne  sauraient  avoir  des  significations  étendues  et  générales 
sans  amener  la  confusion,  l'obscurité  et  le  désordre.  Pour 


—  266  — 

donner  leur  plein  effet,  et  remplir  utilement  leur  rôle,  ils 
doivent  se  restreindre  à  des  fonctions  spéciales,  mais  nette- 
ment déterminées.  En  dérivation  comme  en  économie  poli- 
tique, la  division  du  travail  est  la  condition  de  la  richesse.  Et 
quoique  amoindrie,  privée  de  suffixes  aujourd'hui  totalement 
éteints*,  battue  en  brèche  par  la  dérivation  latine,  la  dériva- 
tion française  est  encore  vigoureuse  et  abondante. 

Composition.  Dans  la  composition,  nous  constatons  l'exis- 
tence de  la  juxtaposition,  simple  ou  avec  synecdoque  et 
métaphore,  qui  est  très-vivante  et  très-populaire  {chemin  de 
fer,  demi-monde^),  la  composition  par  apposition  [café-concert^), 
la  composition  avec  l'impératif  (presse-papiers  '^j,  qui  sont  d'une 
fécondité  inépuisable. 

La  composition  par  préfixes,  à  l'aide  de  particules^,  n'uti- 
lise plus  guère  que  la  moitié  des  vingt-cinq  particules  fran- 
çaises :  à,  arrière,  avant,  contre,  dé{s)-,  en,  entre,  re-,  sans- 
sous,  sur,  sus,  très.  Et  là  même  elle  recule  devant  la  formation 
latine. 

Constatons  en  retour  un  procédé  en  voie  de  formation  :  la 
production  de  composés  de  dépendance  [timbre-poste^). 

Ce  rapide  examen  montre  suffisamment  que  la  formation 
française,  malgré  les  pertes  qu'elle  a  subies,  est  encore  très- 
riche  de  son  propre  fonds.  L'abondance  de  la  dérivation,  la 
faculté,  moins  développée,  mais  fort  remarquable  encore  et 
bien  plus  considérable  qu'on  ne  le  croit,  de  \â  composition, 
forment  un  ensemble  qui  a  une  réelle  valeur  Mais,  il  faut  le 
reconnaître,  la  langue  commune,  la  langue  de  la  bourgeoisie 
et  des  écrivains,  dédaigne  en  partie  la  formation  française 
pour  recourir  à  la  formation  latine  ou  grecque.  De  là,  dans  là 
langue  commune,  l'oblitération  de  certains  suffixes,  de  cer- 
taines compositions  qui  n'ont  pour  refuge  que  la  langue 
populaire  ;  celle-ci  seule  utilise  pleinement  toutes  les  res- 
sources du  français. 

Formation  latine.  —  La  formation  latine  a  introduit  la  plu- 
part des  suffixes  et  préfixes  latins  ;  mais  un  certain  nombre 


1.  Aison,  ail,  eil,  etc. 

2.  Voy.  plus  haut,  p.  124. 

3.  Ibidem,  p.  147. 

4.  Ibidem,  p.  161. 

5.  Ibidem,  p.  128. 

6.  Ibidem,  p.  156. 


—  267  — 

seulement  ont  pénétré  assez  profondément  dans  la  langue 
commune  pour  produire  spontanément  des  formations  nou- 
velles. Ce  sont  les  douze  suffixes  :mVe (commissionnaire),  «fzon 
(généralisation),  ateui-  (moralisateur),  ature  (musculature), 
atoire  (rotatoire),  [ar)iat  (salariat),  cule  (théâtricule),  <''pn 
(marmoréen),  esque  (moliéresque) ,  escen^  (azurescent),  ilé 
(actualité),  {at)if  (commémoratif),  ique  (féerique),  iswe,  iste 
(journalisme,  fleuriste),  tude  (vastitude),  2ser  (fertiliser)',  et  les 
huit  préfixes  :  extra,  ex,  in  (négatif),  inter,  quasi,  sub,  trans. 
ultra^. 

Formation  grecque. — L'imitation  grecque  a  introduit  dans 
la  langue  commune  deux  préfixes  qui  y  sont  aujourd'hui 
très-vivants,  archi  et  an^i,  etdeux  autres  qui  commencent  à  se 
développer,  a  privatif  et  hyper  ou  per^  ;  deux  suffixes  ite,  ose  *, 
et  une  série  de  mots  composés  dont  certains  éléments  com- 
posants font  maintenant  presque  partie  de  la  langue  com- 
mune :  -graphe,  -graphie,  -graphique,  -logue,  -logie,  -logique, 
'mètre,  -métrie,  -métrique,  -phile,  -philie,  -phobe,  -phobie, 
-crate,  -cratie,  -cratique,  -nome,  -nomie,  -nomique,  etc., 
photo-,  hélio-,  pseudo-,  néo-,  etc.  ^  De  là  une  formation  nou- 
velle de  mots  composés  où  deux  des  cléments  latins  ou  fran- 
çais se  combinent  et  se  soudent  à  l'aide  de  la  voyelle  de  liai- 
son o  (cérébro-spinal,  Austro-Hongrois). 

Si  cette  double  formation  latine  et  grecque  fournit  à  l'écri- 
vain des  ressources  d'une  singulière  richesse,  qui  lui  per- 
mettent de  poursuivre  la  pensée  dans  toutes  ses  nuances  et 
ses  replis,  sans  jamais  être  forcé  de  s'arrêter,  trahi  par  la 
langue,  d'autre  part  elle  tend  à  rompre,  elle  rompt  l'unité  de 
la  langue. 

Cette  formation  savante,  la  latine  surtout,  a  introduit  dans 
la  langue  un  nombre  considérable  de  mots  qui  n'ont  aucun 
rapport  avec  les  mots  français  simples  ou  dérivés.  Gomment 
les  gens  du  peuple  reconnaîtront-ils  la  parenté  qui  unit  faire, 
façon  à  facteur,  faction  ;  chanteur  à  cantatrice  ;  sacra/mentel  à 
serment;  lacrymal  à  larmes;  pondérer,  pondération  à  poids, 
pesage;  hôte  à  hospitalier,  hospitalité?  Tous  ces  mots  latins, 

1.  Voyez  plus  haut,  p.  184-218. 

2.  Ibidem,  p.  218-229. 

3.  Ibidem,  p.  245,  246. 

4.  Ibidem,  p.  235. 
o.  Ibidem,  p.  248. 


—  268  — 

réintroduits  artificiellement  au  sein  de  la  langue,  se  trouvent 
comme  égarés,  perdus,  au  milieu  des  mots  français,  sans  lien 
visible  qui  les  rattache  à  ces  derniers  dont  ils  rappellent  ce- 
pendant les  ancêtres.  On  a  fait  remarquer  que  dans  les  lan- 
gues qui  ne  connaissent  pas  cette  formation  savante,  dans 
l'allemand  par  exemple,  des  dérivés  d'un  seul  et  même  radi- 
cal arrivent,  par  le  seul  jeu  des  lois  de  la  phonétique,  à  des 
formes  si  divergentes  que  le  sentiment  de  la  parenté  qui  les 
unit  s'évanouit.  L'observation  est  juste  :  gehen  (aller)  n'a  plus 
de  rapport  bien  visible  avec  abgang  (départ),  oblegenheit  (obli- 
gation) avec  zulage  (addition),  verderbniss  (ruine)  avec  bedurf- 
niss  (besoin),  mâchtig  (puissant)  avec  môglich  (possible);  nuhe 
(proximité),  avec  nachher  (ensuite)  et  gnade  (grâce;  propre- 
ment action  d'approcher,  diCces) ,  sehend  (voyant)  ayec  sichtlich 
(visible),  etc.  Mais  on  oublie  que  tous  ces  mots  sont  compris 
du  peuple,  qu'ils  vivent  dans  la  pensée  populaire.  Il  importe 
peu  que  le  peuple  ne  saisisse  point  la  parenté  d'étymologie 
ou  de  son  des  mots  apparentés  par  l'étymologie  ou  la  signi- 
fication et  entre  lesquels  une  différence  tout  extérieure  de 
formes  met  comme  un  abîme.  Mais  il  importe  beaucoup 
que  ces  mots  parlent  à  l'esprit  de  ceux  qui  les  emploient. 
En  France,  par  exemple,  le  peuple  n'est  pas  embarrassé  des 
divergences  de  formes  que  présente  la  conjugaison  d'aller  et 
d'être.  Il  sait  parfaitement,  et  sans  peine,  passer  de  je  vais 
à  aUe7',  à  j'irai,  de  je  suis  à  tu  es,  à  il  fut,  à  j'étais,  à  je  serai. 
Toutes  ces  formes  sont  claires  pour  lui,  parce  qu'elles  vivent 
dans  sa  pensée.  Or,  dans  l'allemand  tous  ces  mots  cités  ne 
sont  jamais  sortis  de  l'usage  populaire;  c'est  sur  les  lèvres 
du  peuple  qu'ils  se  sont  altérés,  qu'ils  ont  pris  des  formes 
diverses. 

Dans  la  formation  savante,  non-seulement  les  mots  latins 
n'ont  le  plus  souvent  aucun  rapport  visible  avec  les  mots 
français  de  la  même  famille  ;  mais,  chose  plus  grave,  ils  ne 
sont  pas  compris.  La  langue  littéraire  est  une  langue  nouvelle, 
entée  sur  la  langue  française,  qui  la  pénètre,  et  qui  s'y  sub- 
stitue peu  à  peu,  dans  une  classe  de  la  société  K  Le  fait  est 
grave  et  veut  qu'on  y  songe. 

Sur  trente  millions  et  plus  de  Français  parlant  français, 
quelques  centaines  de  mille  ont  reçu  une  éducation  classique, 
comprennent  plus  ou  moins  bien  les  mots  latins,  et  parlent 

l.  Cf.  Marty-Laveaux,  De  renseignement  de  la  langue  française,  p.  71 


—  269  — 

OU  écrivent  la  langue  commune.  Un  quarantième  à  peu  près 
de  la  nation  désapprend  ainsi  le  français  pour  parler  une 
langue  dcmi-riançaiso,  demi-latine  :  cette  minorité,  il  est 
vrai,  est  composé  de  ceux  qui  écrivent  ou  qui  lisent,  c'est-à- 
dire  de  la  partie  la  plus  éclairée  de  la  nation,  de  celle  qui 
exerce  l'influence,  aux  mains  de  qui  est  le  pouvoir  moral , 
intellectuel,  aux  mains  de  qui  est  l'action. 

Ainsi  la  France  est  divisée  en  deux  classes  :  une  immense 
majorité,  le  peuple,  parlant  français;  une  infime  minorité, 
mais  éclairée  et  toute-puissante,  parlant  un  mélange  de  latin 
et  de  français.  La  langue  populaire  vit  à  côté  de  la  langue 
commune  sans  se  laisser  pénétrer  :  tout  au  plus,  par  le  pro- 
grès de  l'éducation  publique,  arrive-t-elle  à  voir  diminuer, 
mais  bien  lentement,  sa  population.  Il  a  fallu  neuf  siècles 
pour  que  le  français^  le  dialecte  de  l'Ile-de-France,  fît  la  con- 
quête de  tous  les  autres  dialectes  parlés  sur  le  territoire  de 
la  Gaule,  le  picard,  le.  normand,  le  bourguignon,  le  lor- 
rain, etc.  A  peine  à  présent  les  a-t-il  encore  conquis,  et,  au 
sud  de  la  Loire,  il  reste  encore  stationnaire.  Même  dans  ce 
siècle  de  la  vapeur  et  de  l'électricité  où  vivants  et  morts  vont 
si  vite,  combien  de  temps  faudra-t-il  à  la  langue  commune 
pour  pénétrer  et  absorber  la  langue  populaire  ?  combien  de 
temps  faudra-t-il  pour  que  le  latin  à  son  tour  fasse  la  con- 
quête du  français  ? 

Quoi  que  nous  réserve  l'avenir,  actuellement  la  langue  des 
gens  du  monde,  la  langue  commune,  le  français  des  livres  et 
de  la  bonne  conversation  est  tellement  imprégné  de  latin  que 
l'organisme  latin  l'a  en  partie  pénétré,  que  l'on  pense  les  mots  en 
latin,  qu'on  les  dérive,  les  compose  d'après  les  lois  de  la  déri- 
vation, de  la  composition  latine  *.  Ouvrez  au  hasard  un  livre 
écrit  dans  la  langue  des  gens  du  monde,  et  comptez  les  mots 
latins  ;  je  devrais  dire  plutôt  :  comptez  les  mots  français.  Je 
prends  sans  choisir  un  article  dans  un  des  derniers  numéros 
de  la  Revue  des  Deux  Mondes.  En  voici  le  début  : 


1.  En  voici  un  exemple  frappant.  «  Comme  de  craie  on  n'a  pas  fait  crayacce 
mais  crétacée,  dit  Guylon  de  Morveau,  jai  cru  (juc  pour  (jualilier  des  substances 
tirées  du  suif,  des  fourmis,  de  V oseille,  etc.,  il  valoit  mieux  aussi  reprendre  la 
racine  étymologique*  ou  synonymiquc.  et  dire  sébacé,  formicien,  oxalien,  etc., 
au  lieu  de  dire  suifacc,  fourmieux,  oseiUi(juc,  ou  autres  dérivés  des  noms  fran- 
(jois,  tout  aussi  malsonnans.  »  {Mémoires  sur  les  dénominations  chimiques, 
cf.  plus  haut,  p.  236.) 

1 .  C'est-à-dire  le  latin. 


—  270  — 

«  Si  la  raison  est  le  privilège  de  l'homme,  par  une  compensa- 
tion douloureuse,  on  en  peut  dire  autant  de  la  Iblie.  Il  ne  sem- 
ble pas,  en  effet,  que  les  humbles  facultés  de  l'animal  soient 
jamais  exposées  à  cette  terrible  disgrâce,  et  dans  l'espèce  hu- 
maine elle-même,  ce  sont  les  races  supérieures  qui  fournissent 
aux  maladies  mentales  presque  toutes  leurs  victimes.  Rare 
chez  les  sauvages,  chez  les  enfants,  la  folie  est  d'autant  plus 
fréquente  que,  les  besoins  de  l'humanité  devenant  plus  nom- 
breux et  plus  complexes,  l'activité  cérébrale  se  surexcite  da- 
vantage à  la  poursuite  des  objets  qui  peuvent  la  satisfaire  : 
la  folie  est  ainsi,  pour  employer  un  terme  scientifique,  fonc- 
tion de  la  civilisation.  Triste  conséquence,  bien  digne  de 
provoquer  les  méditations  du  philosophe,  du  moraliste,  de 
l'homme  d'État  '  !  » 

Le  style  de  ce  passage  est  certainement  très-pur,  très- 
simple,  sans  prétention.  Les  expressions  sont  si  naturelles 
qu'elles  ne  frappent  ni  n'arrêtent  le  lecteur  :  eh  bien ,  sur 
cinq%iante-neu f  yerhes,  adjectifs  ou  substantifs  qu'il  renferme, 
il  y  a  vingt-neuf  mots,  la  moitié^,  qui  ne  sont  pas  français 
d'origine. 

Cette  division  de  la  langue  en  deux  idiomes  étrangers  l'un 
à  l'autre,  la  science  à  tout  le  moins  ne  peut  s'empêcher  de  la 
regretter.  Le  philologue,  en  suivant  l'évolution  du  latin  popu- 
laire, étudie  et  retrouve  les  lois  naturelles,  inconscientes,  qui 
sur  les  lèvres  et  dans  l'esprit  des  populations  gallo-romanes 
l'ont  graduellement  transformé  en  français.  Quel  accord  har- 
monieux entre  tous  les  éléments  de  cette  langue  que  parlaient 
nos  pères  du  onzième  au  treizième  siècle  !  Quelle  élégante 
grammaire,  quel  système  à  la  fois  simple  et  savant  dans  la 
conjugaison  et  dans  la  déclinaison!  Quelle  harmonie  dans  ce 
balancement  des  voyelles  accentuées  et  des  atones,  et  dans  les 
alternances  euphoniques  qui  en  résultaient  pour  la  flexion  î 
Quel  accord  entre  les  formes  des  radicaux  et  celle  des  déri- 
vés '  1  C'est  bien  là  la  langue  d'évolution  et  de  formation  spon- 


1.  La  folie  au  point  de  vue  psychologique,  diaprés  de  récentes  recherches^  par 
L.  Carraud,  dans  Xa  Revue  des  Deux  Mondes  du  15  novembre  1876,  p.  348. 

2.  PriviU'ge,  compensation,  faculté,  animal,  exposées,  terrible,  disgrâce, 
espèce,  supérieures,  mentales,  viclimes,  rare,  fréquente,  humanité,  complexés, 
activité,  cérébrale,  surexcite,  objet,  satisfaire,  scientifique,  fonction,  civilisa- 
lion,  conséquence,  provoquer,  méditation,  philosophe,  moraliste,  état. 

3.  La  prononciation  du  français  au  douzième  cl  au  treizième  siècle  se  rappro- 
chait beaucoup  de  la  prononciation  actuelle  de  l'italien  :  même  abondance  de 
voyelles  et  de  diphthongues  sonores,  mais  avec  plus  de  fermeté  dans  les  cofl- 


—  271  — 

tanées,  telle  que  pouvait  la  développer  une  race  bien  douée, 
et  amante  du  beau  langage,  comme  aux  temps  de  Gaton  et 
de  César. 

Aussi  la  langue  française  de  nos  conteurs  et  de  nos  trou- 
vères était-elle  pour  l'Europe  du  moyen  Age  l'idéal  du  langage 
bumain,  et  l'admiration  qu'elle  inspirait  aux  contemporains 
du  Dante  aujourd'hui  encore  s'impose  à  ceux  qui  à  cinq 
siècles  de  distance  en  écoutent  l'écbo  lointain*. 

Mais  ce  bel  édifice  devait  se  surcharger  de  constructions 
nouvelles  qui  en  allaient  détruire  l'harmonie.  L'importation 
des  mots  latins  vint  peu  à  peu  transformer,  déformer  la 
langue.  Nous  avons  vu  le  développement  de  cette  formation 
savante,  qui,  née  presque  aux  origines  de  notre  idiome,  gran- 
dit peu  à  peu  jusqu'à  la  vaste  invasion  du  xV  siècle. 

Cependant,  quand,  faisant  taire  les  regrets  du  philologue, 
on  regarde  les  choses  de  plus  haut,  on  arrive  à  se  demander 
si  un  fait  aussi  grave,  et  qui  a  eu  une  action  si  puissante  sur 
la  langue,  n'a  pas  sa  cause  légitime.  A  quoi  sert  de  regretter 
le  passé?  Ne  vaut-il  pas  mieux,  avant  tout,  comprendre  le  pré- 
sent? Cette  formation  savante,  pour  atteindre  à  de  telles  pro- 
portions, pour  se  poursuivre  avec  une  telle  constance,  pour 
trouver  des  complices  de  siècle  en  siècle,  a  dû  répondre  à  des 
besoins  réels  et  permanents.  Et,  en  fait,  qu'on  veuille  bien 
remarquer  qu'elle  n'est  pas  propre  au  français,  mais  qu'elle 
se  rencontre  dans  toutei^  les  langues  romanes.  L'italien,  l'es- 
pagnol, le  portugais,  et  même  l'ancien  provençal,  arrêté  dès  le 
quatorzième  siècle  dans  son  développement,  présentent  des 
faits  analogues.  Feuilletez  les  dictionnaires  de  ces  langues, 
vous  y  trouverez  à  chaque  ligne  des  mots  savants,  des  mots 
latins  dans  la  même  proportion  que  dans  la  nôtres  Nous 

sonnes.  Les  voyelles  nasales,  si  désagréables  aujourdliui,  se  réduisaient  à  an 
et  01%.  Pour  la  grammaire,  le  trait  le  plus  frappant  est  le  balancement  des  syllabes 
accentuées  et  atones  dans  les  flexions  casuelles,  balancement  qui  amenait  une 
variété  harmonieuse  dans  les  formes  des  mots.  On  disait  li  cas,  le  càq,  li  coq, 
les  côs;  on  déclinait  li  emperére,  Vempereor,  li  empereor,  les  empereors;  on 
conjuguait  je  paro/e,  lu  paroles,  il  parole,  nous  parlons,  vous  parlez,  ils 
parolent;  fempasturc,  tu  empaslures,  il  empasture,  nous  empaistrons,  vous 
empaistrez,  ils  empasturent.  La  facilité  de  l'inversion  donnait  une  élégance  pit- 
toresque à  la  phrase  que  ne  surchargeait  pas  encore  notre  encombrant  attirail  de 
particules.  L'orthographe  enfin  reproduisait  fidèlement  la  prononciation. 

1.  «  Le  françoisj  dit  l'Italien  Brunctto  Latini,  est  la  parleure  la  plus  délilablc 
et  plus  commune  à  toutes  gens.  »  Sur  la  popularité  de  notre  vieille  langue  à 
l'étranger,  voyez  {'Histoire  littéraire  de  la  France,  t.  XXIV,  p.  544.  Cf.  Che- 
vallet,  I,  39;  Litlré,  Langue  française,  l,  187,  etc. 

2.  Voici,  par  exemple,  des  mots  de  formation  savante  que  présente  la  seule  série 


—  272  — 

sommes  donc  en  présence  d'un  fait  général  qu'il  faut  accep- 
ter et  expliquer. 

La  formation  savante  a  commencé  sous  l'influence  de 
l'Église;  elle  a  continué  sous  celle  de  la  scolastique,  des  lé- 
gistes du  moyen  âge  ;  elle  s'est  poursuivie  sous  l'influence 
des  classiques  latins.  Or,  énumérer  ces  quatre  agents,  l'Église, 
la  scolastique,  le  droit  romain,  la  Renaissance,  c'est  énumérer 
les  quatre  éléments  de  la  civilisation  au  moyen  âge  et  au 
commencement  des  temps  modernes.  L'histoire  de  France, 
jusqu'à  l'écrasement  de  la  féodalité,  et  c'est  ce  qui  en  fait 
l'unité  et  la  grandeur,  n'est  autre  chose  que  la  lutte  continue 
entre  l'élément  germanique  ou  barbare  et  l'élément  romain  ou 
civilisateur.  La  marche  de  notre  histoire,  depuis  Gharlemagne, 
le  grand  Austrasien  romanisé,  est  un  combat  pour  la  civilisa- 
tion romaine,  une  tentative  de  plus  en  plus  heureuse  pour 
expulser  ou  pour  réduire  à  l'impuissance  l'élément  germa- 
nique, pour  faire  triompher  l'élément  latin,  pour  raviver 
l'étincelle  de  la  civilisation  apportée  de  Rome  aux  peuples  de 
l'Occident  et  étouffée  par  la  main  des  barbares.  Quand  la 
monarchie  triomphe  de  la  féodalité,  quand  elle  institue  et  or- 
ganise l'administration  et  la  justice  régulière,  elle  n'a  qu'à 
reprendre  et  continuer  l'œuvre  de  la  Rome  impériale.  La 
marche  du  progrès  fut  un  retour  vers  le  passé  ;  il  arriva  né- 
cessairement que  les  écrivains  français,  pour  exprimer  les 
idées  du  passé,  les  idées  romaines,  recoururent  aux  expres- 
sions du  passé,  aux  expressions  latines.  La  formation  savante 
était  donc  inévitable. 

Au  quinzième  siècle  vient  la  renaissance  des  lettres.  La  tra- 
dition que  la  monarchie  a  lentement  renouée  dans  l'admi- 
nistration se  renoue  brusquement  dans  la  philosophie  et  les 


des  mots  commençant  par  ab  en  italien  :  ahalienare,  -nato,  -nagione,  abanna- 
zione,  abarticolazione,  abbacinare,  -natore,  abbandonatore,  abbassatore,  ab- 
batlilore,  abbecedario ,  abblandire,  abbreviare,  -atore,  -amento,  -azione,  abdi- 
care,  abdicaziotie,  abditolarse,  abdomine,  abduttore,  abduzione,  abebeo,  abella- 
gione,  aberranti,  aberrazione,  abiatico,  abigealo,  abigeatore,  abilità,  abilitare, 
abililativo,  abilitazione,  abiolico,  abiologo,  abiolologia,  abitabile,  abitaeolo, 
abitare,  abilaziotie,  abitatorc,  -trice,  abiluale,  -alniente,  abiiualezza,  abitua- 
zione,  abiludinario,  abitudine,  abjurare,  -ratore,  ablaqueare,  ablaqueazionc, 
ablalazione,  ablazione,  ablcgazione,  abluzione,  abncgare,  abnegazione,  aboli- 
bile,  abolimenlo,  abolire,  abolitivo,  abolilorc,  abolizione,  abomaso,  abomina- 
bile,  abominamento .  abominatore,  abominazione,  aborigine,  abortire,  aborti- 
cidio,  abpatruo,  abrasione,  abrenunciazione,  aérogare,  -gatore ,  -gazione, 
abrotanoide,  absorbcre,  absorsione,  abusator-e,  abusazione  {Dictionnaire  de 
Sergent,  Strambio  et  Tassi). 


—  273  — 

lettres.  Tous  les  trésors  d'idées  élaborées  par  le  génie  de  Home 
et  d'Athènes  reviennent  au  jour  après  plus  de  dix  siècles  ; 
or,  les  idées  de  l'art,  de  la  littérature,  de  la  philosophie  an- 
tique ne  pouvaient  trouver  d'expressions  plus  naturelles  et 
plus  propres  que  celles  qu'elles  s'étaient  créées  elles-mêmes  : 
elles  passèrent  dans  la  langue  sous  la  forme  qu'elles  avaient 
prise  à  Rome. 

Enfin,  comme  les  anciens  seuls  ont  su  écnre  et  composer^ 
seuls  ont  connu  Vart  du  style,  à  partir  du  seizième  siècle, 
l'imitation  des  Grecs  et  surtout  des  Latins,  plus  près  de  nous, 
s'est  imposée  à  nos  écrivains. 

Nous  sommes  fils  des  Latins,  non  par  le  sang,  mais  par 
l'éducation.  Il  y  a  une  race  germanique,  une  race  slave;  il  n'y 
a  pas  de  race  latine,  mais  une  civilisation  latine,  d'où  découle 
la  civilisation  moderne. 

Voilà  pourquoi  chez  les  peuples  de  langue  latine,  dont 
l'idiome  était  si  approprié  à  recevoir  la  formation  savante, 
celle-ci  a  pris  un  si  puissant  développement;  développement 
logique,  fatal,. que  le  philologue  peut  regretter  comme  natu- 
raliste, qu'il  comprend  et  accepte  comme  psychologue. 

De  nos  jours  donc,  quoi  que  nous  puissions  faire,  la  forma- 
tion latine  est  entrée  si  profondément  dans  la  langue  com- 
mune, qu'on  ne  peut  tenter  de  la  combattre  et  de  la  rejeter. 
Mais  comme  il  est  d'intérêt  général  que  notre  langue  fran- 
çaise soit  française  en  fait  et  non-seulement  de  nom  ;  comme 
il  est  nécessaire  qu'elle  soit  comprise  du  plus  grand  nombre 
des  Français,  il  faut  que  les  deux  langues  se  rejoignent,  au- 
tant que  faire  se  peut.  Or  deux  causes  ont'  creusé  un  abîme 
entre  elles.  D'une  part,  il  est  toute  une  série  d'idées  et  de  con- 
naissances, apanage  de  l'instruction  et  de  la  culture,  qui  man- 
quent à  la  pensée  populaire  et  par  suite  à  son  lexique,  et  qui, 
se  rattachant  par  un  lien  plus  ou  moins  lointain  à  la  pensée 
antique,  trouvent  leur  expression  dans  la  parole  antique  : 
c'est  là  une  cause  naturelle  et  durable  qui  ne  pourra  jamais 
disparaître,  mais  qui  pourra  du  moins  s'atténuer  par  le  pro- 
grès de  l'éducation  populaire.  D'autre  part,  les  écrivains,  par 
un  pédanlisme  inconscient,  expriment  sous  les  formes  anti- 
ques des  idées  et  des  notions  que  le  peuple  conçoit  et  connaît, 
et  pour  lesquelles  la  parole  française  fournit  des  ressources 
d'expression.  C'est  une  cause  artificielle,  créée  par  l'écrivain 
et  l'orateur,  et  qu'il  dépend  d'eux  de  supprimer.  La  première 
s'atténuera  quand  le  peuple  ira  à  l'école  et  apprendra;   la 

18 


—  274  — 

seconde,  quand  l'écrivain  se  décidera  à  exprimer  simplement 
une  idée  simple. 

Mais  ce  n'est  pas  assez  de  l'influence  latine  pour  désorgani- 
ser notre  langue  ;  voici  que  le  grec  commence  à  pénétrer  dans 
le  français  et  à  s'y  acclimater.  Si  le  latin  déforme  le  français, 
du  moins  le  fait-il  remonter  vers  ses  origines;  mais  avec  le 
grec,  si  différent  dans  son  organisme  de  notre  idiome,  le  dan- 
ger est  plus  redoutable,  et,  nous  le  craignons  bien,  inévita- 
ble. Le  grec,  en  effet,  par  un  droit  historique  et  grâce  à  des 
qualités  propres,  est  devenu  la  langue  de  la  science.  Déjà  le 
latin  avait  pris  un  nombre  considérable  de  mots  au  grec,  ou 
en  avait  composé  avec  des  éléments  grecs,  pour  constituer  sa 
nomenclature  médicale,  la  seule  nomenclature  scientifique 
qu'il  connût  ^  Cette  nomenclature  pénétra  dans  les  écoles 
du  moyen  âge,  et  les  savants,  à  la  recherche  de  mots 
nouveaux,  continuèrent  la  tradition  en  recourant  au  grec. 
D'ailleurs,  où  trouver  une  langue  plus  commode,  d'un  voca- 
bulaire plus  riche,  qui  se  prêtât  mieux  à  la  dérivation  et  à  la 
composition,  que  cette  admirable  langue  grecque,  qui  aux 
qualités  poétiques  des  idiomes  synthétiques  joint  la  clarté,  la 
précision  des  idiomes  analytiques?  Le  grec  est  devenu,  par 
la  force  des  choses,  la  langue  de  la  science.  Mais  voici  où  est 
le  péril. 

Il  y  a  antinomie  entre  la  science  et  le  langage.  Un  idiome, 
par  cela  même  qu'il  appartient  à  un  peuple,  est  individuel  et 
restreint  en  d'étroites  limites.  La  science  est  universelle, 
parce  que,  poursuivie  par  les  hommes  de  toutes  les  nations, 
la  vérité  qui  en  est  l'objet  est  au-dessus  de  l'humanité.  L'in- 
strument dont  se  sert  la  science,  et  qui  est  le  grec,  devient 
donc  une  langue  universelle  qui  doit  pénétrer  tous  les  idiomes 
civilisés.  Et  en  effet,  les  langues  de  tous  les  peuples  civilisés 
sont  atteintes  par  le  grec.  Les  procédés  de  formation  que  nous 
signalions  précédemment  dans  le  français  se  retrouvent  non- 
seulement  dans  les  autres  langues  romanes,  mais  dans  les 
langues  germaniques,  les  langues  slaves.  Les  mêmes  mots 
composés,  les  mêmes  particules,  y  prennent  racine  et  y  amè- 
nent des  formations  analosrues. 


1.  Voyez,  par  exemple,  le  lexique  latin  qui  se  trouve  à  la  lin  du  Dlclionnairé 
de  médecine,  de  MM  Robin  et  Littré.  La  plupart  des  termes  appartenant  à  la  lati- 
nité classique  viennent  du  grec. 


—  275 


Nous  assistons  donc  au  conflil  de  la  science  et  du  langage. 
La  civilisation  moderne,  le  progrès  des  sciences,  changent  les 
conditions  d'existence  des  langues.  De  nouvelles  lois  naissent, 
dont  on  commence  à  entrevoir  l'action.  Quels  en  seront  les 
effets?  A  l'avenir  seul  de  répondre. 


INDEX 

DES  MOTS  NOUVEAUX  CITÉS  DANS  CET  OUVRAGE. 


Les  mots  précédés  d'un  *  manquent  au  Dictionnaire  et  au  Supplément 
du  Dictionnaire  de  M.  Littré  '. 


*  abat-bruit,  163. 

*  abat-froid,  163. 

*  abat-poussière,  163. 
abattable,  79. 
abeille,  93. 
abêtissement,  95. 
ablactation,  177. 
ablaquéation,  177. 
abolitionniste,  209. 
à-bon-compte,  130. 
aborigène,  177. 

*  abracadabrant,  65. 
abri  vent,  159. 
abrogeable,  79. 

*  abscons,  177. 

*  s'absinther,  116. 

*  absinthisme,  209. 

*  absoluteur,  200. 
absolutisme,  209. 
absolutiste,  209. 
absorbation,  199. 

*  ab'jorptivité,  204. 

*  acalèphe,  234. 

*  acantnoptérygien,  244. 

*  acarus,  234. 
accélérateur,  200. 
accidenté,  93. 
acclamateur,  200. 
acclimatement,  95 
acclimateur,  102. 

*  accotoirs-dormeuses,  148 
accrémentitiel,  191. 
accrémentition,  199. 

*  accrêté,   '30. 
accusatoire,  201. 
acescent,  207. 
acétimètre,  243. 

*  achilléide.  189. 
acidulant,  65. 
aciérage,  82. 


acinaciforme,  2l9. 
acquisivité,  204. 

*  acrisie,  234. 

'  acrismie,  234. 
actinimorphe,  244. 

*  actinimorphisme,  244. 
actinomètre,  243. 

*  actinométrie,  243. 

'  actinométrique,  243. 
actionnaire,  196. 
activant,  te,  65. 
activer,  116. 

*  actuaire,  253. 
actualiser,  217. 
actualité,  204. 
aculéiforme,  219. 
addenda,  178. 
additionnel,  87. 
adénite,  235. 
adénologie,  243. 
adiante,  234. 
adjoint,  57. 
adjudicateur,  199. 
administrant,  te,  65. 
administratif,  178. 

*  adorablement,  122. 
adresse,  261 . 
adscrit,  178. 
adultérinité,  204. 
adynamie,  234. 
aérateur,  200. 

*  aérifère,  220. 

*  aéromotion,  248. 
aéronef,  248. 
aérophobe,  234. 
affadissant,  te,  65. 
affairement,  95. 

*  affichette,  101. 
affouilleraent,  95. 

*  affouiller,  130. 


*  affreuseté,  114. 
Affreville,  156. 

*  affriolement,  95. 
agalactie,  234. 
agenda,  178. 

*  agérat,  234. 
aggloméré,  57. 
agglutinant,  te,  65. 
agio,  258. 
agissement,  96. 

*  agourmandi,  130. 

*  agrémenter,  116. 
agriculteur,  220 
ahurissement,  96. 

*  aide-mémoire,  163. 
aiguillage,  82. 
aiguilleur,  102. 
aiguillonnant,  te,  65. 

*  aiguisoir,  113. 
alarmiste,  209. 
albuminurie,  245. 
alcaloïde,  244. 
alcoolimètre,  244. 
alcoolisme,  209. 
aléa,  178. 

*  algologie,  243. 

*  algolcgique,  243. 
algologue,  2*,3. 
alibilité,  204. 
alizarine,  194. 

*  alizéen,  194- 
alléchant,  te,  65. 
alliés,  46. 
allumage,  82. 

*  alluvionnel,  87- 
alluvionnement,  96. 
alphabétisme,  209. 
•alphos,  234. 
altérabilité,  204. 
altruisme,  209. 


1.  Quelques  termes  scientifiques  datent  de  la  seconde  moitié  du  dix-liuitièm»  siècle. 


—  278  — 


altruiste,  209. 
aluminium,  186. 
amandine,  112. 
amativité,  204. 
amblyopie,  234. 
ambulance,  88. 
ambulancier,  106. 

*  américaniser,  217. 

*  américanisme,  209. 
'  amigdaline,  194.. 

*  amincisseur,  102. 
amnésie,  2.'^4. 
amomacées,  189. 
amorphe,  234. 

*  amour-goût,  153. 

*  amour- passion,  163. 
ampélite,  235. 
amplificatif,  206. 
amylène,  237. 
anabrochisme,  234. 
anadrome,  234. 
analeptique,  234. 
anaphrodisie,  234. 
anaplérose,  234. 
anchilops,  234. 
ancyroïde,  234. 
andiotomie,  244. 

'  anecdotisftr,  217. 
anémie,  234. 
anémoscope,  244. 
anévrysme,  234. 
angiologie,  234. 
anglicisme,  209. 

*  anglo-français,  249. 
anglomane,  243. 
anglomanie,  243. 
anglophobe,  244,  248. 

*  anglophobie,  244. 
angularité,  204. 

'  aniline,  194. 
animalier,  106. 
animalisable,  79. 
animaliser,  217. 

*  animalisme,  209. 

*  animal-piante,  153. 
animateur,  209. 
anisine,  195. 
ankyloglosse,  234. 
ankylose,  234. 
ankyloser,  116. 
annexionniste,  209. 
annonciateur,.  200. 
annuaire,  195. 
annulatif,  206. 
anonjmat,  203. 
anorexie,  234. 
antédiluvien,  221. 
antéhistorique,  221. 
antennule,  192. 
anthélix,  234. 
anthère,  234. 
anthracite,  235. 
anlbuix,  234. 


anthropographe,  243. 
anthropogra})hie,243,238. 
antbropographique,  243. 
anthropolâtne,    243,  238. 
anthropolithe,  238. 
anthropologie,  243,  238. 
anthropologique,  243. 
anthropologue,  243. 
anthropologiste,  209. 
anthropomorphe,238, 244. 
anthropomorphisme,  209. 

244. 
anthropomorphiste,  209. 
anthropopathie,  244. 
anthropopathique,  244. 
anthropophage,  234. 

*  anticarie,  245. 

*  anticrotte,  245. 
antidramatiçîue,  245. 
antiévangélique,  245. 

*  antidivin,  245. 

*  antifeutre,  245. 

*  antigluant,  245. 
antigoutteux,  246. 

*  antihumain,  246. 

*  antiméphitique,  246. 

*  antinature.  245. 

*  antinaturel,  246. 
*antiobésique,  246. 

*  antiparlementaire,    246. 

*  antipartenaire,  246. 

*  antipatriote,  246. 

*  antirationnel,  246. 
antirépublicain^  246. 
*antiscientifique,  246. 
antisocial,  246. 

'  antisystématique,  246. 

*  anxieusement,  122. 
aperceptibilité,  204. 
apétalie,  235. 
aphonie,  235. 
aphylle,  235. 
aplatisseur,  103. 
aploptère,  244. 
apode,  244. 

*  appâli,  129. 
appâlissement,  129. 
(les)  appelés,  57. 
appendicule,  192. 
appréhensibilité,  204. 
approfondisseur,'  103. 
aptère,  235. 
aquafortiste,  210. 
aquapuncturer,  116. 
aquarelle,  258. 
aquarelUste,  210. 
aquarium,  178. 

'  arbitragiste,  210. 
arborescent,  207. 

*  arbre-poisson,  153. 
arcano-papyro-graphique , 

249. 
arcature,  202. 


archaïsme,  210. 

*  archicompétent,  246. 

*  archiconnu,  246. 

*  archicrétin,  246. 

*  archidécidé,  246. 
*archi  grec,  246. 

*  archimorale,  246. 

*  arcométrie,  244. 

*  aristo,  261. 
aristocrates,  243. 
aristophanesque,  208. 
arrangeant,  te,  65. 
arrêtiste,  210. 

*  arrière  -  appartement  ' , 

130. 
arrière  caution,  130. 
arrière-charte,  130. 
arrière-chœur,  130. 
arrière-fente,  130. 
arrière-foin ,  130. 
arrière-graisse,  130. 
arrière-narine,  130. 
arrière-nièce,  130. 
arrière-paiiage,  130. 
arrière-pointeuse,  130. 

*  arrière-prétention,  130. 
arrière-rang,  130. 
arrière-sens,  130. 
airière-vieillesse,  130. 
arrosable,  79. 

*  arrosion,  199. 
artériotomie,  245. 
arthrite,  235. 

*  artisan-poëte,  153. 

*  artiste-comédien,  152. 

*  artiste-danseur,  152. 

*  artiste-ventriloque,   152. 

*  arti-te-violon,  152. 
'artistiquement,  122. 
ascenseur,  178. 
asine,  110. 
aspérule,  192. 

*  asphalte-planche,  148. 
asphyxiant,  te,  65, 
aspirateur,  200. 
asservisseur,  103. 
assesseur,  178. 
assiniilateur,  200. 
assourdissement,  96. 
assurable,  79. 
assyriologie,  -ique ,    188, 

243. 
assyriologue,  243. 
asthénie,  235. 

*  atavisme,  210. 

*  atermoyeur,  103. 
atmidométrie.  244. 
atocie,  235. 
atomicité,  204. 
atonie^  235. 
atrophie,  235. 
atropine,  194. 
atterrissemeut,  96. 


1.  Quelques-uns  des  composés  de  arrière  sont  de  date  douteuse. 


—  279  ^ 


*  attirance,  87. 
attraction,  261. 
•l'au-delà,  59. 
audition,  178. 
aurantiacées,  189. 
•auréolé,  93. 
auroral,  86. 
autobiographie,  238. 
autoclave,  238. 
autoclinique,  238. 
autographe,  -ie,  243. 
autographier,  116. 
autographique,  243. 
automatiquement,  122. 
autonomiste,  210. 
autoplastie,  238. 

*  autopsier,  116. 
autoritaire,  196. 
aval,  130. 
avant-bouche',  131. 
avant-cale,  131. 
avant-courrier,  131. 
avant-duc,  131. 
avant-fossé,  131. 
avant-glaces,  131. 
avant-lait,  131. 
avant-mur,  131. 
avant -pied,  131. 
avant-pieu,  131. 
avant-poignet,  131. 
avant-projet,  131. 

*  avant-soc,  131. 
avant-terrasse,  131. 
aveuglant,  te,  65. 
'aveulir,  130. 
"aviateur,  200. 
aviation,  198. 
avironnier,  106. 
azurescent,  207. 
azurin,  110. 

*  azurite,  235. 
azygos,  234. 

*  baby,  253, 

*  badiniïuiste,  210. 
•badouillard,  89. 

*  baguenaudine,  110. 

*  baignoirs  -  dormeuses  , 

148. 
'baignoire-serre,  148. 

*  bâillonnement,  96. 
bain  de  pied,  128. 

*  balade,  50. 

*  balancier-moteur,  148. 
balayeuse,  48. 
balconnier.  108. 
ballaster,  116. 
balles-obus,  148. 
•balnéaire,  178. 

*  balnéatoire,  178. 

*  balochard,  89. 

*  bamhoutier,  73,  106, 

*  bambinat,  203. 
banditisme,  210. 


'bandoline,  112. 
banknote,  253. 
banquiste,  210. 
baptiseiir.  103. 
'  bar,  253'. 
barathrométrie,  244. 

*  barboteuse,  48. 
barologie,  -ique,  238,  243. 
barologue,  243. 

*  baronifier,  221. 
baroscope,  244. 
barymélrie,  238, 
baryum,  186. 
baser,  116. 

*  bas-jarretières,  148. 

*  basquais,  85. 
bassorine,  194. 
bateau  à  vapeur,  127. 

*  bateau-cloche,  148. 
•bateau-mouche,  148. 

*  bateau-rabot,  148. 
•bateau- voiture,  148. 
battandier,  88. 
batteuse,  48. 
bathymétrie,  -ique,  188, 

244. 

*  baugé,  93. 

'  baugeur,  103. 
bellevillois,  85. 
belligérants,  178. 

*  bénisseur,  103. 

*  benoiton,  ne,  45, 

*  benoitonner,  45,  116. 

*  benoitonnerie,  45. 
benzine,  194. 
berbéridacées,  189. 
berthoUer,  116. 

*  bête-intelligence,  153. 
'  bête-sentiment,  153. 
betteravier,  108. 
beurrerie,  100. 
bibasique,  219. 
bibliographe,  -ie,  -ique, 

243. 
bi-carbooné,  219. 
l)i-colore,  219. 

*  bicorporéité,  219. 

*  bien-pensants,  131. 
bifteck,  253. 

*  bijoutiers  -  garnisseurs  , 

152. 

*  bijoutiers  -  tablettiers  , 

152. 

*  bi-mensuel,  219. 
biographie^  238. 
biologie,  -ique,  238,  243. 
biologue,  243. 
biométrie,  244. 
bionome,  -mie,  238. 
bipétalé,  219. 
biscuiterie,  100. 
biseauter,  73. 

bitter,  259. 

*  bivoie,  219. 


bi-voltain,  259. 
bixacées,  189. 
blackbouler,  254. 

*  blaguer,  116, 
blénorrhagie,  244. 
blénorrhée,  244. 
blondir,  120. 
bobinage,  82. 

*  bobinoir,  113. 

*  bock,  260. 
bœuf,  adj.,  62. 
bœuvoniiage,  82. 
boitage,  82. 

*  boîtes-livres,  148. 
bol,  254. 
bollvar,  44. 
bombacées,  189. 

*  bombagisie,  210. 

*  bonaparteux,  105. 
bonapartisme,  210. 
bonapartiste,  210. 

*  bonasserie,  97. 

*  bondieuzard,  89. 

*  bondieuzardifier,  221. 

*  bonhommene,  98. 

*  bonisseur,  103. 
book,  254. 
borde-plats,  163. 

*  bordurer,  117. 

*  borussianiste,  210. 
boston,  44. 
botaniser,  217. 

*  bouche-bouteilles,   163. 

*  bouche-trou,  166. 

*  bouchon-tampon,  149. 
bouddhisme,  210. 
bouddhiste,  210. 

'  bouée-pompe,  149. 

*  bougies-chandelles,  149 

*  boulange,  50. 
bouleversant,  te,  65. 

*  boulevardier,   ière,   106. 
boulier-compteur,  108. 
boulot,  otte,  101. 
boulotter,  121. 

*  bouquetté,  93. 

*  bouquinage,  82. 
boursicoter,  117. 
boursicotier,  106. 

*  boursicotiérisme,  210. 
bous,  51. 

*  bousculade,  81. 
bousingot,  101. 
bowl,  254. 
box,  254. 

boxe,  51. 
boxer,  254. 
boxeur,  103. 

*  la  Brabançonne,  47. 
brachycéphale,  243. 

*  braillardocratie,  248. 
branchocèle,  243. 
brasero,  259. 

*  bras-suçoirs,  153. 


1.  Quelques-uns  des  composés  de  avant  sont  de  date  douteuse. 


280 


bravo,  258.| 
break,  254. 

*  breakfast,  254. 

*  liréguet,  42. 
brevetabilité,  204. 
brie^  44. 

*  brillantine,  112. 

*  britidilleur,  47. 
brio,  258. 

*  briquet-lanterne,  149. 

*  briscard,  89. 
brise-glace,  163. 
brise-lames,  163. 

*  brise-raison,  166. 

*  brochurer,  117. 

*  brochurier,  107. 

*  broderie-dentelle,  IGO. 
bronchite,  235. 

*  brosse-démêloir,  149. 
une  bros.sée,  58. 

'  broyeuse,  48. 

*  brûle-maison,   166. 

*  brûle-parfums,  163. 
brûIe-tout,  163. 

le  brutal,  46. 
bubelette,  101. 
bubonocèle,  243. 
budget,  254. 
budgétaire,  196. 

*  budgétivore,  220. 

*  buffet-commode,  149. 

*  buffet-étagère,  149. 

*  bulldog,  254. 

*  bull-terrier,  254. 

*  bureau  -  capharnaùm  , 

153. 
bureaucratie,  243,  248. 

*  butylène,  237. 
buxine,  194. 
byronien,  193. 

*  bythnériacées,  189. 

cabalistiquement,  122. 
cachemirien,  193. 

*  cache-misère,  166. 
cache-nez,  163. 
cache-peigne,  163. 
cache-pot,  163. 

*  cachotement,  96. 
cacographe,243. 
cadmium,  186. 
caesium,  186. 
café-concert,  149,  160. 
caféine,  194. 
cailloutis,  92. 
calcium,  186. 

*  calembouriste,  210. 

*  calfeutrant,  te,  65. 
calorifique,  220. 
calorimètre,  244. 
calorimélrie,  244. 
calorimétrique,  244. 
calotter,  117. 
calvitie,  178. 
camelotte,  62. 
camphène,  237. 


camphorine,  194. 

*  canaillerie,  98. 

*  canapé-sofa-lit,  149. 

*  candélabres-affiches,  149. 

*  canne-éventail-écran,  149 
cannibalisme,  210. 

*  canonnement,  96. 
canter,  s.  m.,  254. 
canlonalisme,  210. 
canulant,  65. 
caoutchouter,  73. 
capharnaùm,  45. 
capillarité,  204. 
capitalisable,  80. 
capitonner,  117. 
capitulant,  65. 

*  capitulard,  89. 
caporalisme,  210. 

*  caprilène,  237. 
captage,  82. 

*  captivant,  te,  65. 

*  capucin  -  thermomètre. 
153. 

*  caramboleur,  103. 

*  caramélane,  238, 
carbonaro,  258. 
*carcère,  178. 
cardialgie,  242. 

*  cardinalesque,  208. 
cardiotomie,245. 

*  caricaturesque,  208. 
caricaturier,  107. 
caricaturiste,  210. 

*  carnavalesque,  208. 
carottier,  107. 
carrick,  254. 
carrosserie,  100. 

*  carte  -  correspondance , 

159,161. 

*  carton-cuir,  149. 

*  carton-paille,  159,  160. 

*  carton-pierre,  149,  160. 
cascadeur,  103. 
caséine,  194. 

casque  à  mèche,  128. 

*  casquettifère,  220. 

*  cas-régime,  159. 
casse,  51. 

*  cas-sujet,  159. 
castorine,  112. 
casuel,  191. 

catégorique  (impér.),  259. 
catalographe,  243. 
catalographie,  243. 
catalographique,  243. 
caudal,  190. 
cauliflore,  219. 
caulobulbe,  220. 
causette,  101. 
caustiquement,  122. 
*cavalle,  51. 

caviar,  254. 
ceinturonnier,  107. 
célérifères,  220. 
cellulaire,  196. 
cellulose,  238. 


cent-gardes,  125. 
centiare,  219. 
centigramme,  219. 
centilitre,  219. 
centime,  179. 
cenlimètre,  219. 
centistère.  219. 
centralisation,  199, 
centraliser,  217. 
centraliste,  210. 
centrante,  204. 
centre-droit,  125. 

*  centre-gauche,  107. 
centre-gaucher,  107. 
centrier,  107. 
céphalalgie,  242. 
céphalopode,  244. 
*cérébration,  198. 
cérébrospinal,  248. 
cérium,  186. 
certificatif,  206. 
*cérulé,  178. 

*  céruléen,  193. 
cervico-scapulaire,  248, 
césarisme,  210. 
cétine,  194. 
chahuter,  117. 
chalcite,  235. 
chalcographe,  243. 
chalcographie,  243. 
chalcographique,  243. 
châle,  254. 
*chamarrage,  82. 
champagniser,  217. 
'champignonniste,  210. 
*champlevée,  58. 

*  chanteronner,  120. 

*  chaparder,  117. 

*  chapardeur,  103. 

*  chapeaux  -  cachemires, 

149. 

*  charivaresque,  208. 
charivarique,  187. 
charivariser,  217. 

*  charrette-semoir,  149. 
charronnage,  82. 
charronnerie,  100. 

*  charrue-semoir,  149. 

*  charte-vérité,  153. 

*  chasse-navette,  163, 

*  chasse-neige,  163. 
chasse-pierre,  163. 

*  chassepot,  42. 

*  chasse-punaises,  163. 

*  chaudronné,  93. 
chauffe,  51. 
chauffe-assiettes,  163. 

*  chaufferette-lanterne,  149 
chauvin,  44. 
chauvinisme,  210. 
chemin  de  fer,  127. 
chemiserie,  lÔO. 
chemisier,  107. 
chèque,  254. 

*  chéquier,  108. 

*  chevalesque,  208. 


cbeval-vapeurj  149. 
les  chevelus,  46. 

*  cheveux-nat:eoires,  153. 

*  chicard,  89. 
chiffonnant,  te,  65. 

*  chiffonville,  157. 

*  chiffres-taxes.  159. 

*  chimistei-experls,  152. 

*  chippfiur,  103. 
chlénacées,  189. 

*  chocolaté,  93. 

*  chocolaterie,  100. 
chocolatier,  i07. 
'chouchouter,  117. 

*  chroino-duro-phane,244, 

249. 
chromolithe,  238. 
chromo-lithographie,  Î38. 
chromophone,  238. 
chromurgie,  238. 
chronomètre,  238. 
chronométrie,  238. 
chronométriqiie,  238. 
chronoscope,  238. 
chrysocarpe,  238,  242. 
chrysocéphale,  238. 
chrysochlore,  238. 
chrysogastrej  238. 

*  chrysogènej  243. 
chrysologie,  238. 
chrysomèle,  238. 
chrysoptère,  238,  244. 
chrysophthâlme,  238. 
chylurie,  245. 
cimolite,  235. 
circonstanciel,  191. 
circuleur,  103. 
circumaxile,  221. 
circumfusa,  178. 
circumméridien,  221. 
circumnavigateur.  221. 
circumzénithal;  221. 

'  cireux,  105. 
cisgangétique,  221. 

*  cisleithan^  22 1. 

*  cisleithanien,  221. 
cismontain,  221. 
cispadan,  221. 
cisrhénan,  221. 

*  cilé-cadavre,  153. 

*  cités-squelettes,  153. 

*  citologie,  248. 

*  citologique,  248. 

*  citologue,  248. 
ia  citoyenne,  47. 

*  citrène,  237. 
ci  tri  ne,  112. 
civilisateur,  200. 
civisme,  210. 

*  clamer,  178. 
clapotant,  te,  65. 

*  classe-feuilles,  163. 

*  classe-valeurs,  163. 
claustration,  198. 
clavélisateur,  'iOO- 
claYicorde.  220. 


—  281  — 

clayonner,  117. 

*  cléricaille,  85, 

*  cléricalisme,  210. 

*  clergyman,'j254. 
cliché,  57. 
clicherie,  100. 
climatologie,  188. 
climatologique,  188. 
climature,  202. 
cloporte,  166. 
clôturer,  117. 
clown,  254. 

club,  254. 

*  clysettes-seringues-bou- 
teilles,  149. 

coagulateur,  200. 
coalescence,  207. 
-coaltar,  255. 
coaptaiion,  222. 
coarctant,  222. 
coassant,  65. 
co-auteur,  222. 
co-bourgeois,  222. 

*  cocassement,  122. 

*  cocasserie,  98 

*  cockney, 255. 

*  cocotterie,  98. 
codéine,  194. 
co-député,  222. 
codétenu,  222. 
coéducation,  222. 
coélecteur,  222. 
coercibilité,  204. 
cognac,  44. 

*  cogne,  51. 

*  cognarde,  81. 
coin  de  feu,  128. 

*  coke,  255. 

*  col-cravate,  144. 

*  cold-cream,  255. 
colichemarde,  42. 
colite,  235. 
collaboration,  178. 
collaborer,  178. 
collationnement,  96. 
colle,  51. 
collecter,  117. 
collectionneur,  103. 
collectivisme,  210. 
collectiviste,  210. 

*  collectivité,  204. 

*  colle-fécule,  149. 
collinaire.  196. 
colloïde,  244. 
colonisateur,  200. 

*  colonnes-affiches,  154, 
colorisation,  199. 
coltariser,  217. 
cométaire,  196. 
comfort,  255. 
comfortable,  254. 

*  comic-finance,  157. 
commanditer,  117. 
commémorer,  178. 
commercialiser,  217. 
commissariat,  203. 


*  commissionnaires-entre- 

positaires,  152. 

*  commode-toiletle,    149. 

*  communalisme,  210. 
communaliste,  210. 

'  communard,  89. 
communeux,  104. 
communiqué,  57. 
communisme,  210. 
communiste,  210. 
commutateur,  200. 

*  compas-triangle,  149. 
'  compatissance,  81. 
compatriotisme,  210. 
compensationniste,     210. 
compréhensibilité,  204. 
compromettant,  te,  t>5. 
compromission,  199. 
comptabilité,  204. 
compte-gouttes,  163. 

*  compteur-mesureur,  149. 
concentrateur,  200. 
conceptaclc,   179. 
conceptibilité,  204. 
conceptible,  192. 

*  concevabilité,  204. 
concordant!  el,  191. 
concordataire,  196. 
concrescibilité,  204. 
concrescible,  192. 
concrétionnaire,  196. 
concurrencer,  117. 
concurrentiel,  191. 
condensateur,  200. 
condenseur,  47,  103,  200. 
conduplicable,  222. 
conduplicatif,  222. 
condupliquer,  222. 
confectionner,  117. 
confectionneur,  103. 
conférencier,  107,216. 
conferve,  179. 
confessionnalisme,  210. 
confinaire.  196. 
confilurerie,  100. 
confortabilit",  204. 
congédiable,  80. 
congélabiiilé,  240. 
congélateur,  200. 
congréganisme,  210. 
congréganiste,  210- 
congrégalionnulisme,  210. 
congrégationnaliste,  210. 
conicine,  194. 
conicité,  204. 
conjonctivite,  235. 
connecticule,  192. 
connolatif,  222. 
connotation,  222. 
conscriptible,  192. 
conscription,  179. 
conscrit,  179. 
conservateurs,  46. 
conservatisirie,  210. 
consonantique,  188. 
consonnantisme,  210. 


—  282  — 


constabulaire,  195. 
constituants,  56. 

*  constitution  -  consigne  , 

154. 
constitutionnalisme,  211. 
coniagier,  216. 

*  contagionner,  117. 
contractif,  206. 
contrastant,  te,  66. 
contre-alizé  ',  131. 
contre-appel,  132. 
contre-arc,  132. 
contre-arêtier,  132. 
contre-attaque,  132. 
contre-aube,  132. 
contre-augment,  132. 
contre-aveu,  132. 
contre-basson,  132. 
contre-biseau,  132. 

*  contre-bon-sens,  132. 
contre-brasser,  131. 
contre-brodé,  132. 
contre-caniveau,  132. 
contre-charge,  132. 
contre-claveite,  132. 
contre-courbe,  132. 
contre-dame,  132. 
contre-dater,  131. 
contre-déclaration,  132. 
contre- dégagement,  132. 
contre-dénonciation,  132. 
contre-digue,  132. 
contre-émail,  132. 
contre-empois,  132. 
contre-empreinte,   132. 
contre-épaulette .  132. 
contre-enquête,  132. 
contre-estampe,  132. 
contre-expertise,  132. 
contre-extension,  132. 
contre-fenêtre,  132. 
contre-fleuré,  131. 
contre- fossé,  132. 
contre-foulement,  132. 
contre-fracture,  132. 
contre-frase,  132. 
contre-fruit,  132. 
contre-harmonique,  131. 
contre-heurtoir,  132. 
contre-indiquer,  131. 
contre-jambage,  132. 
contre-jan,  132. 
contre-jet,  132. 
contre-jumelles,  132. 
contre-larmes,  132. 
contre-ligne,  132. 
contre-lorgner,  131. 
contre-maille,  132. 
contre-mailler,  131. 
contre-mandat,  132. 
contre-manœuvre.  132. 
contre-marc,  132.' 
contre-mission,  132. 


*contre-morfil,  132. 
contre-mot,  132, 
contre-motif,  132. 
contre-moule,  132. 
contre-opération,  132. 
contre-ordre,  132. 
contre-panneton,  132. 
contre-paroi,  132. 
contre-pas,  132. 
contre-passation,  132. 
contre-pente,  132. 
contre-percer,  131. 
contre-pilastre,  132. 
contre-planche,  ]32. 
contre-planter,  131. 
contre-poinçon,  132. 
contre-police,  132. 
contre-poser,  131. 
contre-potence,  132. 
contre-pouce,  132. 
contre-pression,  132. 
contre- projet,  132. 
contre-promesse,  132. 
contre-propos,  132. 
contre-proposition,  132. 
contre-puff,  132. 
contre-puits,  132. 
*  contre-rampe,  132. 
coritre-rétable,  132. 
contre-rêver,  13). 
contre-révolution,  132. 
contre-  révolutionnaire , 

132. 
contre-révolutionner,  131. 
contre- ronde,  132. 
contre-saison',  132. 
contre-sempler,  131. 
contre-signal,  132. 
contre-signataire,  132. 
contre-sol,  132. 
contre-sommation,  132. 
contre-sommet,  131. 
contre-sommier,  132. 
contre-sortie,  132. 
contre-stimulant,  132. 
contre-sujet,  132. 
contre-taille,  132. 
contre-tailler,  131. 
contre-tasseau,  132. 
contre-timbre,  132. 
contre-timbrer,  131. 
contre-tranchée,  132. 
contre-valeur,  132. 
contre-verge,  132. 
contre-voite,  132. 
contre-vue,  132. 
contribution,  261. 
controverser,  1 17. 
convertissable,  80. 
Convict^  255. 
convictionnel,  87. 
convulser,  216. 
'  cooccupant,  222. 


coopératif,  206. 

*  coordinateur,  200. 
copulateur,  200. 
corollifère,  220. 

*  cornéline,  112. 
corporaiité,  204. 

*  corrélativité,  204. 

*  corsage-fourreau,  149. 
corsé,  93. 

corset,  43. 

*  corset-cuirasse,  149. 

*  cosmétique,  93. 
cosmocratie,  238. 
cosmomètre,  244. 
cosmométrique,  2/)4. 
cosmonomie,  238. 

*  cosmopolisme,  211. 
cosmopolitisme^  211. 
cosmorama,  2:h8,  244. 
cosmosophie,  238. 

*  costo  pubien,  248. 

*  cotillonner,  117. 
cotonnade,  81. 
coton-poudre,  149. 
cotrets,  44. 
cortage,  255. 

*  couleuré,  94. 
coulissier,  107. 

*  coupé-cabriolet,  149. 

*  coupe-cigares,  163. 

*  coupe-file,  163. 

*  coupe-mariage,  163. 

*  coupe-veilleuse,  144. 
coupletier,  107. 
courbaturer,   117. 
courbouillonner,  117. 
courtiers-gourmets,  152. 

*  courtiers-marrons.  15'). 
couseuses,  48. 
couveuses,  48. 

*  couvre-bouchons,  163. 
*couvreurs-entrepreneurs, 

152. 

*  couvreurs-plombiers-zin- 

gueurs, 152. 
crâne,  adj.,  62. 
crânement,  122. 

*  crâner,  117. 
craniologie,  243. 
craniologique,  243, 
craniologue,  243. 

*  crasserie,  98. 

*  cravate-dentelle  ,     159, 

160, 

*  cravate-écharpe,  149. 
crédirentier,  219. 
(Tênié,  94. 
créogénie,  238. 
créograpliie,  238. 

*  créolement,  1 22. 
créophage,  238. 
créophagie,  238. 
créophile,  238. 


i.  Plusieurs  des  mots  composés  avec  contre  sont  de  date  douteuse. 


créosote,  238. 
crépaudaille,  85. 
crépeline,  112. 

*  crépelure,  lia. 
'  crépidule,  192. 
crépuscuiin,  110. 

*  crespite,  235. 
les  crevés,  46- 

*  crible-tarare,  149. 

*  crino-gaze,  248. 
crinoline,  112,  150. 
crinolinier,  107. 
cristallinité,  204. 
cristallomètre,  244. 
cristallométrie,  244. 
cristallométrique,  244. 
critère,  179. 
critérium,  179. 
croassant,  te,  66. 

*  croiseur-compteur,  149. 

*  croutéum,  185. 

*  croutonner,  117. 
cruor,  179. 

cryptobranche,  238,  242; 
cryplocarpe,  238,  242. 
cryptocéphaie,  238. 
cryptocèle,  243. 
cryptocère,  238. 
cryptogame,  238. 
cryptogastré,  2a8. 
cryptogramnie,  238. 
cryptographe,  243. 
cryptographie,  243. 
cryptographique,  243. 
cryptologique,  238. 
cryptopode,  244,  238. 
cryptopore,  238. 
cryptorchine,  238, 
cryptostémorie,  238. 
cténite,  235. 
cubébine,  194. 

cuite,  58. 
cuivrage,  83. 
culture,  261. 
cumular  1,  90. 
curare,  259. 

*  cuve-grilloir,  150. 
cyanocï.rpe,  242  et  239. 
cyanocéphaie,  243  et  239. 
cyanodémie,  239. 
cyanogastre,  239. 
cyanogène,  243,  239. 
cyanogygne,  Î39. 
cyanoleuque,  239. 
cyanomèle,  239. 
cyanomètre,  239. 
cyanopathie,  239. 
cyanopathique,  244. 
cyanophosphore,  239. 
cyanopode,  244  et  239. 
cyanoptère,  239 
cyanopyge,  239. 
cyanophthalme,  239. 
cyanure,  239. 
cyclobranche,  239,  242. 
cyclocarpe,  239,  242c 


—  283  — 

cyclocéphale,  239,  243. 
cyclocéphalie,  239. 
cyclographe,  239. 
cyclolithe,  239. 
cycloœorphe,  239. 
cyclomètre,  244. 
cyclométrie,  244. 
cyclométrique,  244. 
cycionote,  239. 
cyclophore,  239. 
cyclophylle,  239. 
cycloptère,  239. 
cyciosperme,  239. 
cyclothèle,  239. 
cyclozoaire,  239. 
cystaigie,  239. 
cysthépatliique,  233. 
cistipathie,  239. 
cistirrhagie,  239. 
cistirrhée,  239,  244. 
cystite,  235. 
cystitomie,  239,  24.'). 
cystocèle,  239. 
cystodynie,  239. 
cystciïde,  249. 
cystolithique,  239. 
cystoplastie,  239. 
cystoplégie,  239. 
cystoptose,  239. 
cystospastique,  239. 
cystostomie,  239. 

dacryocyste,  239. 
dacryoïde,  239. 
dacryopée,  239. 
dactylographie,  239. 
dactyiogriiphi'iue,  239. 
dactyloïde,  239. 
dactylolalie,  239. 
dactylologie,  243. 
dactylologique,  243. 
dactylologue,  243. 
dactylonome,  244. 
dactylonomie  ,     239     et 

2'.4. 
daclyloptère,  239  et  244. 
dactylolhèque,  239. 
dandy,  255. 
dandysme,  211. 
'  dansomane,  243. 

*  dansomanie,  248. 
daphnine,  194. 

*  darwmisme,  211. 
'darwiniste,  211. 
dasyanthe,  239. 
(iasycarpe,  239. 
dasycaule,  239. 
dasycéphale,  239. 
dasygastre,  239. 
dasype,  239. 
das'yplèvrej  239. 
dasystachié,  239. 
dasystémone,  239. 
dasyure,  239. 
daturine,  194. 
daumoQt,  43. 


'débater,  255. 
débine,  51. 
débirentier,  219. 
déblai.  51. 
débordement,  122. 

*  déiiourreuse,  48. 

*  débraillement,  96. 
débroussaillement,  9G. 
débroussailler,  136. 
débutant,  te,  56. 
décadaire,  196. 
décadiser,  217. 
décalcomane,  243. 
décalcomanie,  243,  248. 
décamètre,  244. 
décanoniser,  135. 
(lécapitaliscr,  136. 
décapuchonner,  136 
décarbonater,  136. 
décarboniser,  135. 
décarburateur,  200. 
décarburer,  136. 
"décembraillard,  90. 
décentralisable,  136. 
décentraliser,  135, 
décheteux,  105. 
déciare,  219. 
décigramme,  219. 
décilitre,  219. 
déoimalité,  205. 
décime,  179. 
décimètre,  219. 
décistère,  219. 
déciviliser,  135. 

les  déclassés,  46. 
décomposant,  te,  66. 
décompression,  136. 
décomprimer,  135. 
déconclu,  136. 
décortiquer,  179. 
déccrtiqueur,  47. 
découpeur,  48. 
découpoir,  113. 
décravater,  136. 
décrépissage,  136. 

*  décroche -moi  ça,  166. 
décr(rttei:r,  48. 
défectionner,  118. 

*  déflagorner,  1H5. 
déformateur,  200. 
défraîchir,  136. 
dégalonner,  135. 
dégelée,  58. 
dégénéraiion,  199. 
dégénérescent,  207. 
dégommer,  136. 

le  dégourdi,  58. 
*dégoùtation,  199. 
dégradant,  te,  66. 
delaine.  133, 
délassant,  te,  66. 
délinéer,  179. 
délisseuse,  48. 
démagogisme,  211. 
demi-monde,  125. 
démissionnaire,  196. 


—   284  — 


démocratie,  243. 
démoder,  136. 
démoralisant,  te,  66. 
démoralisation,  199. 
démoraliser,  135. 

*  dentelle-torchon,  136. 
dépailjer,  136. 
dépanneauter,  136. 
dépensable,  80. 
dépiauter,  74,  137. 
dépilant,  te,  66. 

*  dépoétiser,  135. 
déport,  52. 
dépositeur,  179. 
dépravant,  66. 
déracinable,  80. 
dérailable,  80 
déraillement,  96. 
dérailler,  137. 
dérangeur,  10>i. 
derby,  255. 
dérivable,  80. 
dermaptère,  244,  23P. 
dermatalgie,  239,  242. 
dermatite,  235. 
dermatobranche,  239. 
dermatodonte,  239. 
dermatodynie,  239. 
dermatogastre,  239. 
dermatographe,  239. 
dermatographie,  239. 
dermatoïde,  239,  244. 
dermatologie,  239,  243. 
dermatologique,  243. 
derraatologde,  243. 
dermatolysie,  239. 
dermatopathie,  239. 
dermato pathologie,  239. 
dermatophide,  239. 
dermatophile,  239. 
dermatopnonte,  239. 
dermatose,  235. 
dermatosquelette,  239. 
dermatotomie,  239,  245. 
dermochélyde,  239. 
dermophage,  239. 
dermoptère,  239. 
dermorrhynque,  239. 
désabonnement,  136. 
désaffamer,  135. 
désaffection,  136. 
désaffectionnement,    136. 
désaffectionner,  135. 
désagrégeable,  80,  136. 
désaimanter,  135. 

*  désappauvrir,  135. 
désargentage,  83 
désassociation,  136. 
descenseur,  200. 
déséclusement,  136. 
*désencanailler  (se),   135. 
désencapuchonner,  135. 
*désennoblir,  136. 
'désentrailler,  137. 
désharmoniser,  136. 
déshydrater,  136. 


déshydrogéner,  136. 
desiderata,  -tum,  179. 
désillusionnement,  136. 
désillusionner,  136. 
désincrustation,  137. 

*  désincruster,  137. 
désinvolture,  258. 
désireur,  103. 

*  dcsœuvrerie,  98. 
désopilant,  te,  66. 
désoxydant,  te,  66. 
*dessainissement,  137. 
*dessinanriier,  88. 
dessouchement,  137. 
destructible.  179. 
détailliste,  211, 
détaxe,  136. 

*  détective,  255. 
déterminisme,  211. 
déterministe,  211. 
détonnant,  66. 

*  détourne,  51. 
détumescence,  207. 
deutéro  (voir  proto),  239. 
déveine,  136. 
développant,  66. 
déveuver,  137. 
déviateur,  200. 
devinette,  lOl. 
*déviiginiser,  137. 
dévonien,  193. 
dextrine,  194. 
diagnostiquer,  118. 
*diamantine,  112. 
dictatorialement,  122. 
didymium,  186. 

*  dieux-titans,  15^. 
digitaline,  194. 
dilettante,  258. 
dilettantisme,  211. 
*dilliniacées,  189. 
diluvié,  203. 

*  dimanche  -  programme, 

157. 

*  dindonophile,  244. 
dinothérium.  245. 
diorama,  244. 
diorite.  235. 

les  diplômés,  57. 
diptère,  244. 
directoire,  179. 

*  dirigeable,  80. 
discontinuité,  222 
discutable,  80. 
discuteur,  103. 
dislocateur,  200. 
dispache,  258. 
dispacheur,  258. 
dispensataire,  195. 
dispersif,  206. 
disposeur,  103. 
disqualifier,  222. 
distancer,  118. 
district,  129. 
dividende,  206. 
diviseur.  47. 


divisionnaire,  196. 
divisoire,  201. 
divitiaire,  195. 
divoltain,  259. 
dock.  255. 
doctrinaire,  196. 
dolichocéphale,  243. 
domestication,  199. 
donnée,  58. 

*  dorchite,  235. 
doiiillelte,  101. 
draconite.  235. 
(liageonnement,  96. 
dram,  255. 
drainage,  83,  255, 
drainer,  118,  255. 
dramatiser,  217. 
drawback,  255. 

*  drelindinage,  83. 

*  droguisterie,  100. 
droitier,  107. 
drop,  255. 

drosé  racées,  189. 
duodénite.  235. 
duodi,  219. 
*dupinade,  189. 
dynamiser,  217. 
dynanométrie,  188. 
dynanométrique,  188. 

*  ébahissant,  te,  66. 
ébouleux,  105. 
ébourffant,  te,  66. 
ébriété,  179. 
ébuliioscope,  244. 
éburnéen,  193. 
échéancier,  108. 
*échotier.  73,  107. 

*  écœurant,  te,  66. 
écrasant,  te,  66. 
édénique.  187. 

*  édicule,  179. 
effarouchant,  te,  66. 
effluen.ce,  207. 
•effranger,  137. 
effrénement,  96. 
égalitaire.  195,  196. 
égilops,  234. 
égoïstement,  122. 

*  égorgiller,  120. 
égolisme,  211. 

*  égreneuse.  48. 
égyptologie',  188,  243. 
égypto'ogiqûe,  188,  243. 
égyptologue,  243. 

*  élastiques-reàsorts,    1 50 
eldorado,  259. 
électionner,  118. 
électorat.  203. 
éiectrisant,  te,  66. 
électriser,  217. 
électro-aimant,  239. 
électro-chimie,  239. 
électro-chimique,  239. 
électro-dynamique,  239. 
électro-dynanisme,  239. 


électro-galvanisme,  239. 
électro-galvanique,  239. 
éiectrogène.  239. 
électrogenè-e.  239,  243. 
électrographe,  239. 
électrologie,  239,  243. 
électrolysable,  239. 
électrolyse,  239. 
électrolyser,  239. 
électrolyte,  239. 
électrolytique,  239. 
électromagnétique,  239. 
électromagnétisme,  239. 
électromètre,  239. 
électrométrie,  239. 
électromélrique,  239. 
électromoteur.  239. 
électro-négatii",  239. 
électrophore,  239. 
électro-physiologie,  239. 
électro-polaire,  239. 
électro-positif,  239. 
électropuncture,  239. 
électroscope,  239,244. 
électro-statique,  239. 
électro-thérapeutique,  239 
éiectrothérapie,  239. 

*  électro-tonisme,  211. 
électro-type,  239. 
électro-typie,  239. 
électro-vital,  239. 
électro-vitalisme,  239. 

*  élémosinaire,  179. 
'  elléborétine,  194. 
elléborine,  194. 
élucubrateur,  200. 
élucubrer,  179. 
éludable,  80. 
élytrite,  235. 
élytrocèle,  239. 
élytroïde,  239. 
élytroplastie,  239. 
élylroptose,  239. 
élytrorrhagie,  239. 
élytrorrhapie,  239. 
émasculateur,  200. 
embander,  138. 
embarbolter,  137. 

*  emballeur,  47. 
embourgeoiser,  138. 
embryonelle,  95. 
émetteur,  103. 
émigrant,  179. 
émigrés,  .57. 
*émissibilité,  204. 
émissionnaire,  196. 
émotionner,  118. 
émouvant,  te,  66. 
emparadiser,  138. 
empire,  adj.,  61. 
emplanler,  137. 
empoignant,  te,  66. 
émulsine,  194. 
encaissable,  80. 

*  encanaillement,  96. 

*  encastorjner,  138. 


—  285  — 

encellulement,  139. 
encéphalocèle,  243. 
encotonner,  138. 
encravatemenl,  139. 
'encrier-filtre,  150. 

*  endémicité,  205. 
endiamanter,  138. 

*  endimanchement,  96. 
endivisionnement,  139. 
endos,  138. 
endoscope,  244. 
endossement,  96. 
énervant,  te,  66. 
enfile-aiguille,  163. 
'enfumage.  83. 
engainant,  ta,  66. 

*  englauiier,  138. 
engloutissement,  96. 
engourdissant,  te,  66. 
enrayeur,  47. 
enregistreur,  103. 
enrubanné,  138. 
enseignant,  te,  66. 
•ensoleillé,  138. 

*  ensommeillé,  139. 
enlasseur,  103. 
enténébrer,  139,  243. 
entérite,  235. 
entéro-colite,  243. 
enlérotomie,  245. 

'  entomber,  139. 
entomogène,  239,  243 
entomographe,  239. 
enlomographie,  239. 
entomoïde.  239. 
enlomolithe,  239. 
entomologie,  239. 
entomologique,  243. 
entomologiste,  239. 
entomophage,  239. 
entomophile,  239. 
entomophore,  239. 
enlomostome,  239. 
entomostracé,  239. 
entomozoaire,  239. 
en-tout-cas,  138. 
entrain,  138. 
entraînement,  261. 
entraîner,  261. 
'entrefilets,  139. 
entrepositaire,  195. 
entretoises,  139. 
entrevoie,  139. 
envagonner,  139. 
envahissant,  te,  66. 
envasement,  139. 
enveloppant,  te,  66. 

*  envolement,  96. 
épalpé,  137. 
épatant,  67. 

*  épate,  51. 
épauletier,  107, 

*  épeutisseuse,  48. 
épigraphe,  243. 
épigraphie,  243. 
épigraphique,  243. 


'  épileptisante,  218. 
épinceteuse,  48. 
"ôpinglier-grillageur,  152. 

*  épiscopalien,  193. 
épistolographe,  243. 
épistolographie,  243. 
épistolographique,  243 

*  éploienient,  97. 
époucé,  137. 
éprouveur,  103. 
épurateur,  200. 
équilibriste,  211. 
équipier,  107. 
éreiritement,  97. 
éreinler,  118. 
éreinteur,  103. 
ériocalicé,  239. 
ériocarpe,  239,  242. 
ériocaule,  239. 
énocéphale,  239. 
ériomètre,  239,  244. 
ériopétale,  239, 
ériophore,  239. 
ériosperme,  239- 
ériostémone,  239. 
ériostome,  239. 
ériostyle,  239. 
*erraticité,  205. 
érythrocarpe,  239,  243. 
érythrocéphaie,  239. 
érythrocère,  239. 
érythrodactyle,  239. 
érythroderme,  239. 
érythrogastre,  239. 
érythrolophe,  239. 
érythrope,  239. 
érythrophylle,  239. 
érythroptère ,  239,  244. 
érythrosperme,  239. 
érythrostome,  239. 
érythrothorax,  239. 
érythroxyle,  239. 
escargotage,  83. 
eschathologie,  243. 
eschatologiquc,  243. 
*esclavagei,  118. 
esclavagisme,  211. 
esclavagiste,  211. 

*  esculence,  207. 

*  esculent,  179. 

*  esthéticien,  193. 
élanchéité,  234. 

*  éthylène,  237. 
étiologie,  234. 

*  étire-cambre-tige,  164. 
'étrille-cure-pieds,  150. 
'  européaniser,  217. 

*  européennement,  122. 
évalve,   137. 

*  évangélisateur,  200. 
*évocateur,  179. 

*  évaluateur,  200. 
"exacerber,  179. 
excitateur,  180. 
exclusivisme,  211. 
excursionniste,  211. 


—  286  — 


eicurvé,  222. 

*  ex-député,  222. 
exécutant,  te,  56. 

*  ex  -  femme    vertueuse , 

222. 
exfétation,  222. 
exhibition,  261. 

*  ex-hôtesse,  222. 

*  ex-instituteur,  222. 
explosible,  192. 
explosif,  206. 
explosionner,  118. 

*  exportatif,  206. 
■  *  ex-préfet,  222. 

express,  255. 
ex-propriétaire,  222. 

*  ex-prolecteur,  222. 
exsertion^  261, 
exteraporané,  180. 
extensif,  206. 
extérioriser,  217. 

"  exterminatif,  206. 
externat,  203. 
extinctif,  206. 
extirpateur,  200. 
extra  (adj.  et  subst.),  223. 
cxtra-axillaire,  222. 
'  extra-blanc,  222. 
extra-budgétaire,  222. 

*  extra-conjugal,  222. 
extrader,  180. 
extra-européen,  222. 
extra-fin^  222. 
extra-foliacé,  222. 
extra-folié,  222. 

*  extra-fort,  222, 
extra-humain,  222. 
extra-légal,  222. 
'extra-lucide,  222. 

*  extra-naturel,  222. 
extra-oculaire,  222. 

*  extra-organique,  222. 
extra-personnel,  222, 
extra-réfractaire,  222. 
extra-réglementaire,  222. 
extra-statutaire,  222. 

*  extra-superfin,  223. 
extra-utérin,  222. 
extra-vertébré,  222. 

fabricien,  193. 
fac-similer,  118. 
factage,  83. 

facteur   (  t.    de    philoso- 
phie), 261. 
facule,  180. 

*  faiteau,  95. 

*  fantabosse,  166. 
fantaisiste,  211. 
fantasia,  258. 
fantasmatique,  188. 
fantoche,  258 

*  faradique,  187. 

*  farwest,  255. 
fashion,  255. 
fashionable,  255. 


*  fatuitisme,  211, 
faubourien,  106. 
faucheuse,  48. 

*  fauteuils-crapauds,  150, 

160. 

*  fauteuil-lit,  1.50. 

*  fauteuils  -  médaillon  , 
159,  160. 

*  faux  toupet  (adj.),  61. 

*  favicole,  220. 
favoritisme,  211. 
fédéraliser,  217. 
fédéralisme,  211. 
fédéraliste,  211. 
fédération,  180. 
les  fédérés,  46,  57. 
féerique,  187. 

*  fellow,  255. 

*  fénianisme,  21 1. 

*  ferme-persiennes,    164. 

*  ferme-portes,  164. 

*  ferruginé,  203. 
fertilisable,  80. 

*  festivité,  180. 
feuilletonniste,  211. 
fibrine,  194. 
fibro-cellulaire,  248. 

*  fiche-ton-camp    (le  sire 
de),  166. 

*  fichu-coiffure,  150. 

*  fichu-mantille,  150. 
figuriste,  211. 
filateur,  200. 

*  fileterie,  100. 
finalité,  205. 

*  filifère,  220. 
filigraniste,  211. 
filtre-charbon,  150. 
finalité,  205. 
finisseuse,  48. 
fioriture,  259. 
fissipare,  220. 
fixateur,  201. 

*  fixe-serviette,  164. 
fixibilité,  205. 

*  flacourtiacées,  189. 

*  flagrant,  180, 
flambée,  .58. 

*  flâne,  51. 
flâner,  103. 
flânerie,  98. 

*  flânocher,  120. 

*  fleuristes  -  jardiniers, 
152. 

*  flexionnel,  89. 

*  flirtation,  255. 

*  flirter,  255. 

*  floppée,  .58. 
floribond,  206. 

*  foliipare,  220, 
foliotage,  74,  83. 
folioter,  74. 

*  folioteur,  47,  74  103. 

*  fonctionnaires  -  enton  - 
noirs,  154. 

fonctionnarisme,  211.        [ 


fonctionnel,  81. 
fontainebleau  (du),  44. 
foraminifères,  220. 

*  force-lumière,  164. 
forficule,  180. 
formication,  198. 

*  formidablement,  122. 

*  formulable,  80. 

*  formulette,  101. 
fossiliser.  217. 

*  fourbi  j '260. 

*  fourriérisme,  211, 

*  fourriériste,  211. 

*  fragrance,  180. 
framboisement;  97. 

*  franc-fileur^  125. 
franco,  259, 

'  franco-allemand,  249. 

*  francophobe,  244. 

*  francophobie,  244. 

*  frankliniacées,  189. 

*  franklinite,  135. 

*  fraxini  folié,  219. 
frelatation,  199. 
fricatif,  206. 

*  frichti,  259. 

*  frigide,  180. 
frigorifique,  220. 

*  frileusement,  122. 

*  friponville,  157, 

*  frôleur,  euse,  103. 
fruit  sec,  128- 

*  fuchsiner,  94,  118. 
fulgurant,  te,  80, 
fulgurite,  235. 
fulmicoton,  220, 
*fulvide,  180. 
fumariacées,  189. 

*  fume-cigares,  164. 
fumifuges,  220. 
fumivores,  220. 
fumivorité,  205. 
funambulesque,  208. 
fungine,  194. 

'  fusil-harpon,  150. 

gailletterie,  100. 
galactagogue,  239. 
galactocèle,  239. 
galactographie,  239. 
galactologie,  239. 
galactomètre,  ie,  239,244. 
galactométrie,  ique,  244. 
galactopéèse,  239. 
galactopéétique,  239. 
galactophage,  239. 
galactophore,  239. 
galactophthisie,  239. 
galactoposie,  239. 

*  galactorrhagie,  244. 
galactorrhée,  239,  244. 
galactoscope,  239. 
galactose,  238- 
galacturie,  2'M 

'  galHum,  186. 
galvanique,  187. 


galvaniser,  21 7. 
galvanoplastie,  244. 
galvanoplastiqiie,  244. 

*  gambettiste,  211. 
gaminer,  118. 
gandin,  45. 
gardes-mobiles,  47. 
gardes-nationaux,  47. 
garde-notes,  164. 
'gardiens  delà  paix,  127. 
gare,  b\. 

*  garibaldien,  193. 
garnisaire,  lùh. 
gastéropode,  239. 
gastéroptérygien .       239, 

244. 
gastérozoaire ,  239. 
gastralgie,  239,  242. 
gastralgiq'ue,  239. 
gastroadynamique,  239. 
gastro-bronchite,  239 
gastrocèle,  243. 
gastrodyne,  239. 
gastro-colique,  239. 
gastro-colite,  239. 
gastro  conjonctivite,  239. 
gastroduodénal,  239. 
gastro-duodenité,  239. 
gastro-encéphalite,  239. 
gastro-entérite,  239. 
gastrû-époploïque,  239. 
gastro-hépatique,  239. 
gastro-hépatite,  239. 
gastro-hystérotomie,  239. 
gastro-intestinal,  239. 
gastro-laryngite,  239. 
gastrologie,  239. 
gastromalacie,  239. 
gastromèle,  239. 
gastro-méningite,  239. 
gastro-métrite,  240. 
gastro-muqueuse,  240. 
gastronecte,  240. 
gastronome,  2'iO,  244. 
gastronomie,  240,  244. 
gastro-néphrite,  240. 
gastro-péritonite,  240. 
gastro-pharyngite,  240. 
gastro-pylorijue,  240. 
gastrorrliapie,  240. 
gastrorrhée,  240. 
gaslrose,  235. 
gastro-splénique,  240. 
gastrosténose.  240. 
gastrothèque,  240. 
gastro-thoracique,  240. 
gastrotome,  240. 
gastrotomie,  240,  24.5. 
gastro-vasculaire,  240. 
gàte-enfants,  167. 
gâterie,  98. 

*  gaudrioler,  118. 
gavage,  83. 
gaveur,   103. 

*  gavroche,  45. 
gazier,  108. 


—  287  — 

gélatine,  194. 
géline,  194. 

*  gemmage,  83. 
gemmer,  118. 
gemmipare,  220. 

*  gêneur,  103. 

'  génialité,  205. 
génito-urinaire,  248. 
*gente,  180. 
gentilhommière,  108. 
gentleman,  255. 
gentleman-rider,  255. 
gentry,  255. 

*  géographier,  118. 
géologie,  240. 
géologue,  240. 
géorama,  240,  244. 
géosaure,  240. 
géraniacées,  189. 
germanisation,  199. 
germaniser,  217. 
germanisme,  211. 
G4ryville,  156. 

*  gibus,  43. 
giffard,  43. 
gin,  255. 
glaciaire,  195. 

*  glairidine,  113. 
glairine,  194. 
glaneuse,  49. 

*  glanoir,  113. 
glissière,  108. 

*  global,  86. 
gloria,  180. 
glossographe,  243. 
glossograpbie,  243. 
glossographique,  243. 
glossotomie,  245. 
glucynium,  186. 

*  glycéride,  238. 
glycérine,  194. 
glycocoUe,  240. 
glycogène,  240. 
glycogénie,  240. 
glycomètre,  240. 

*  glycosane,  238. 
glycose,  238. 
glycymètre,  240. 
glycyrrhize,  240. 
glycyrrhizine,  240. 

*  gobichonnade,  81. 

*  godillots,  43. 

*  gommaline.  194. 

*  gommeur,  103. 
gommeux,  105. 

*  gouache,  94. 
goum,  260. 
gourbi,  260. 
gouvernemental,  86. 

'  gouvernementaliste,  21 1, 

*  gouvernement  -  caporal, 

154. 
•graciant,  te,  67. 
'  grainiers-tleuristes,  152. 

*  grandiosité,  205. 
grandissant,  te,  67 


'  granité,  235. 
granitoïde,  244. 
granuliforme,  219. 
graphite,  2-35. 
(les)  gratifiés,  57. 
gratte,  51. 

'  gratte-moi  dans  le  dos. 
166. 

*  gratteuse,  49. 
grelottant,  te,  67. 
gréviste,  211. 
'griffu,  115. 

*  griserie,  98. 

*  grisollement,  97. 
grog,  256. 
grondabie,  80. 

*  grondée,  58. 
groom,  256. 
grossissant,  te,  44. 
gruyère,  44. 
guano,  259. 
guérilla,  259. 
guérillero,  259. 

*  guide-baguette,  164. 
'  guide-pied,  164. 
guimperie,  100. 
*guiiare-basson,  250. 
'guitare-harpe,  150. 

*  guitare-lyre,  150. 
gustuel,  191. 
gutta-percha,  256. 
gymnopédie,  244. 
*gypserie,  100. 

'hache-viande,  164. 

*  lialtères,  234.' 
handicap,  256. 
handicaper,  118. 
'hanneton- verrier,  154. 
harmonicorde,  220. 
harmoniser,  217. 

*  haschichiens,  193. 
haussier,  107. 
hautboïste,  211. 
haute-cour,  125. 
heciomètre,  244. 
hégélien,  193. 
hélicite,  235. 
hélicoïde,  240,  244. 
hélicostègue,  240. 
hélicotrème,  240. 
héliochromie,  240. 
héliochromique,  240. 
héliocomète,  240. 
héliographie,  240,  243. 
héliographiquH,  243. 
héliomèlre,  240. 
hélioscop^,  240,  244. 
hélioscopie,  240. 
héliostatj  240. 
héliostatique,  240. 
héliotropie,  240. 
héliotropique,  240. 
héliotropisme,  240. 
hellénisation,  199. 
helminlhoïde,  240. 


288 


helmintholithe,  240. 
helminthologie,  240. 
helminthologique,  240. 
helminthologiste,  240. 
hémagogue,  240. 
hémastatique,  240. 
hématidrose,  240. 
hématocarpe,  240,  243. 
nématocèle,  240. 
hématocéphale,  240. 
hématographe,  240,  243. 
hématographie,  240,  243. 
hématoïde,  240. 
hématologie,  240. 
hématologique,  240. 
hématomphaie,  240. 
hémalophylle,  240. 
hématorrhachis,  240. 
hématose,  234. 
hématozoaire,  240. 
hématurie,  240. 
hémicarde,  240. 
hémicarpe,  240,  243. 
hémichorée,  240. 
hémicrânie,  240. 
hémicylindrique,  240. 
hémidactyle,  240.    : 
hémièdre,  240. 
hémiédrie,  240. 
hémiédriqiie,  240. 
hémiencéphale,  240. 
hémigamie,  240. 
hémigoniaire,  240. 
hémimêle,  240. 
hémiméroptère,  240,  244. 
héminopode,  244. 
hémiopie,  240. 
hémipage,  240. 
hémipalmé,  240. 
hémiplégie,  240,  244. 
hémipomalostome,  240. 
hémiptère,  244. 
hémiptéronote,  240. 
hémisphéroïde,  240. 
hémitérie,  240, 
hémitome,  240. 
hémophobie,  240. 
hémophthalmie,  240. 
hémoplanie,  240. 
hémoplastique,  240. 
hémorrhagie,  234. 
hémorrhée,  240. 
hémorrhinie,  240. 
hémospasis,  240. 
hémostase,  240. 

*  henriquinquiste,  211. 
hépatirrhaghie,  244. 
hépatirrhée,  244.* 
hépatite,  235. 
"herniaires  -  bandagistes, 

152. 
herse-râteau,  150. 
hetman,  260. 
hexaptère,  244. 
heyduque,  260. 

*  high-life,  256. 


hilarant,  180. 

*  hilare,  180. 
hippocratiacées,  189. 
hippophage,  244. 
hippophagie,  244. 
hirsute,  181. 
hirundiniculture,  220. 

*  hisser,  256. 
historicité,  205. 

*  histrionnerie,  99. 
holographe,  243. 
home,  2.56. 

*  homme-affiche.  154. 

*  homme-autrucne,  154. 

*  homme-canon,  159. 

*  homme-chandelle,  159. 

*  homme-chêne,  154. 
homme  de  peine,  127. 

*  homme-jocko,  l54. 

*  homme-mémoire,  154. 

*  homme-mouche,  154. 

*  homme-perroquét.  154. 

*  iiomme-poisson,  154. 

*  homme-squelette,  154. 

*  homme-vautour,  154. 
honorabilité,  205. 
honorariat,  203. 
hordéine,  194. 
*horizonner,  118. 
*horlogers-pierristes,  152. 
'horripilant,  t».  67. 
horripiler,  181. 

*  horse-steak,  256. 
hospodarat,  203. 

*  hugolâtre,243. 
*huit-ressorts,  128. 
humanitaire,  196. 
hiimanitairerie,  99. 
humanitarisme,  212. 

*  humboldtite,  235. 
humoriste,  212. 
humoristique,  187. 

*  hunter,  256. 
husting,  256. 
hyalite,  235. 
hydrobie,  249. 
hydrobranche,  240,  242. 
hydrocarbure,  240. 
hydrocele,  243. 
hydrocéphale,  243. 
hydrocirsocèle,  240. 
hydrographe,  ie,  ique,  243 
hydroélectrique,  240. 
hydromel  re.  240. 
hydropathe,  240. 
hydrophane, 240. 
hydrophthalmie,  240. 
hydrophyte,  240. 
hydropote,  240. 
hydrorachis,  240. 
hydrorama,  244. 
hydrorrhée,  240. 
hydrothérapie,  240. 
hydrothérapeuiique,   240. 
hydrothorax,  240. 
hydrotomie,  240,  245. 


hygrologie,  240. 
hygrophobie,  240. 
hygroscope,  240,  244. 
hygroscopie,  240. 
hygroscopique,  240. 
hyménéen,  193. 
hyménocarpe,  240,  243. 
hyméno2raphe,  ie,  ique, 

240,  243. 
hyménolépidoptère,  240. 
hyménologie,  240,  243. 
hyménophore,  240. 
hyménophyllées,  240. 
hyménopode.  240. 
hyménorrhize,  240. 
hyménotomie,  240. 
hypnotiser,  2i7. 
hystérocèle,  243. 

*  hystérogène,  243. 
hystérotomie,  245. 

ichtyocolle,240. 
ichthyo(lonte,240. 
ichtyhodcrylithe,  240. 
ichthyographe,  240. 
ichthyographie,  243. 
ichthyomorphe,  240. 
ichthyophagie,  2^*0,  2'i4. 
ichthyophile,  244. 
ichlhyo.saure,  240,  244. 
idéalisation,  199. 
idéaliser,  217. 
idéalité,  205. 

*  idémiste,  212. 
idéogénie,  240. 
idéogramme,  240. 
idéographie,  188,  240. 
idéographique,  188. 
ideographisme,  188. 
idéologue,  240,  243. 
idéologie,  240,  243. 
idéologique,  243. 
*idéomûrphe,  244. 

*  idéomorphisme,  2'i4. 
idéo-électrique,  240. 
idiogyne,  240. 
idio-métallique,  240. 
idiomorphe,  240. 
idiopathie,  240,  244. 
idiopathique,  24 'i. 
idiosyncrasie,  240. 
ignorantisme,  212. 
iléite,  235 
inimitable,  224. 
illitérature.  224. 
illogique,  224. 
illusionner,  118. 
imagé,-er,  93. 
imbrûlable,  224. 
immarcessible,  181. 
immémorable.  181. 
immémoré,  181. 
immérite,  224. 
immésiréconlieux,  224. 
i  m  mesuré,  224. 
imméthodique,  224.        ' 


—  289 


immobilisme,  212. 
immobiliste,  212. 
immodulé,  224. 
impalpabilité,  205. 
impardonné,  224. 
impartageable,  224. 

*  impatriote,  224. 
impératifcatégorique,  259 
imperfectible,  224. 
impériale,  46. 
impérialisme,  212. 
impérialiste,  212. 
impermanence,  224. 

un  imperméable,  46. 
'imperméabilisation,  198. 
impermutable,  224. 
impersévérance,  224. 
impesé,  224. 
impeuplé,  224. 

*  impleuré,  224. 
impliable,  224. 
impondérable,  224. 
impopulaire,  224. 
impopularité,  224. 
impotable,  224. 
impraticabilité,  205. 
impratiqué,  224. 
imprésario,  259. 
*impressible,  192. 
impressionnable,  80. 
impressionnabilité,  205. 
impressionner,  1 18. 
improbité,  181,224. 
improductif,  224. 
improduit,  224. 
improfitable,  224. 
improtégé,  224. 
impudeur,  22t. 
impurifié,  224. 
imputrescible,  224. 
inabrité,  224. 
inabrogé,  224. 
inaccessibilité,  20.5. 
inacclimatable,  224. 
inaccompagné,  224. 
inaccord,  224. 
inacheté,  224. 
'inachèvement,  224. 
inactif,  225. 
inadhérent,  225. 
inadmis-sion,  225. 
inaffecté,  225. 
inaffligé,  225. 
inajournable,  225. 
inalpage-er,  223. 
inaltération,  225. 
inaltéré,  225. 
inamical,  225. 
inamovibilité,  225. 
inapaisable,  225. 
inaperçu,  225. 
inapparent,  22o. 
inappauvri,  225." 
inapprécié,  225. 
inapprouvé,  225. 
inapte,  225. 


inassiduité,  225. 
inassignable,  225. 
inassimilable,  225. 
inassociation,  225. 
inassorti,  225. 
inassoupi,  225. 
inassouvi,  225. 
inauriculé,  225. 
inauthenticité,  225. 
inautorisé,  225. 
inavouable,  225. 
incalcinable,  225. 
incalculé,  225. 
incalomniable,  225. 
incandeur,  225. 
incassable,  225. 
incélébré,  225. 
inchangé.  225. 
inchavirable,  225. 
inchrétien,  225. 
incivilisable,  225- 
incivisme,  212. 
inclassable,  225. 
incoagulable,  225. 
incoction,  225. 
incoercition,  225. 
incommençable,  225. 
incoramisération,  225. 
incompacité,  225. 
incompassion,  225. 
incompatissant,  225. 
incompensabljr ,  225. 
incompréhensibilité,  205. 
incomprimé,  225. 
inconcevabilité,  205. 
inconciliant,  225. 
inconcluant,  225. 
inconcrescible,  225. 
inconçu,  225. 
inconditionné,  225. 
inconditionnel,  225. 
inconducteur,  225. 
inconfessé,  225. 
inconfiant,  225. 
incongelé,  225. 
inconjugal,  225. 
inconnaissable,  225. 
inconnexité,  225. 
inconquis,  225. 
inconscience,  225. 
inconservable,  225. 
inconsistance,  225. 
inconsolé,  225. 
inconsommable,  225.^ 
inconstitutionnel,  225. 
inconsumé,  225. 
incontinuité.  225. 
*  incontractile,  225. 
incontrit  225. 
incontrôlable,  225. 
incontroverse,  225- 
inconvaincu,  225. 
inconvenablemenl,  122. 
inconversible,  225. 
inconviction,  225. 
inconvié,  225. 


incoordination,  225. 
incorporer,  261. 
incourbé,  225. 
incrassant,  181. 
mcriminel,  225. 
incritiquable,  225. 
incrochetable,  225. 
incroyant,  225. 
incuit,  225. 
inculture,  225. 
incuriosité,  181. 
incurvation,  223. 
indébrouillable,  225. 
indébrouillé,  22.5. 
indécachetable,  225. 
indéchiré,  225. 
indécisif,  225. 
indécliné,  225. 
iridécomposé,225. 
*indécousable,  225. 
indécrit,  225. 
indéfié,  225. 
indéfiguré,  225. 
indéfrichable,  225. 
*indégonflable,  225. 
indéguisé,  225. 
indéhiscent,  225. 
indélégable,  225. 

*  indélégation,  225. 
indélicat,  225. 
indemandé,  225. 
indémontré,  225. 
indéniable,  225. 
indénoncé,  225. 
indénouable,  225. 
indenté,  225. 
indépouillé,  225. 
Indéracinable,  225. 
indescriptible,  225. 

*  indiamsant,  218. 
indianiste,  212. 

*  indiennerie,  100. 
indigérer,  225. 
indigotine,  194. 
indine,  194. 
indirection,  225. 
indiscutable,  225. 
indiscutabilité,  205. 
indispensabilité,  205. 
indispersé,  225. 
indisputé,  225. 
indistinction,  225. 
indium,  186. 
industriellement,  122. 
inéclairci,  225. 
ineffacé,  225. 
ineffablement,  122. 
inéligibilité,  205. 
inéluctable,  181. 
inemployé,  225. 
inenvié,  225. 
inépanoui,  225. 
inéprouvé,  225. 
inépuisé,  225. 
inéquitable,  225. 
inérudition,  226. 

là 


inescomptable,  226. 
ineffrayé,  226. 
inestimé,  226. 
inétudié,  226. 
inévitabilité,  205. 
inévité,  226. 
inexaucé,  226. 
inexcusé,  226. 
inexigé,  226. 
inexorabilitë,  205. 
ineipié,  181. 
inexploité,  226. 
inexploré,  226. 
inexplosible,  226. 
inexpressible,  226,  256. 
inexprimé,  226. 
inextinguibilité,  205. 
inextricabilité,  205. 
iafatigabilité,  205. 

*  infernalité,  205. 
infertilisable,  226. 

*  inflétrissable,  226. 
influencer,  118. 
influent,  181. 
infrajurassique,  226. 

*  infumable,  226. 
ingagnable,  226. 
ingaranti,  226. 
ingéniosité,  205. 
ingestion,  181. 
inglorifié,  226. 
inharmonie,  226. 
inharmonieux,  226. 
inhumecté,  226. 
inimité,  226. 
inimprimable,  226. 
inindustrieux,  226. 
ininflammable,  226. 
inintelligent,  226. 
inintelligence,  226. 
inintelligemment,  226. 
initiateur,  181. 
injecter,  216. 
injecteur,  200. 
ininterruption,  226. 
injustifiable,  226. 
innégociable,  226. 
innovateur,  182. 
innumérabilité,  205. 
inofficiel,  226. 
inopérable,  226. 
inopportun,  226. 
inopportuniste,  226- 
inorganisable,  226. 
inorné^  226. 
inoubliable,  226. 
inovulé,  226. 
inoxydable.  226. 
inqualifiable,  226. 

'  inracontable,  226. 
insapide,  226. 
insaponifiable,  226. 
insaturable,  226. 
insecticide,  220. 
insectivore,  220. 
insécurité,  226 


—  290  — 

insermenté,  226. 
inservilité,  226. 

*  insincérité,  226. 
insociabilité,  205. 
insolidarité,  226. 
insouci,  226. 
insoucieux,  226. 
insoupçonnable,  226. 
inspectorat,  203. 
instable,  182. 
instinctivité,  205. 
institut,  182. 

*  instrumentaliste,  212. 
insubmersible,  226. 
insuccès,  226. 
insufflateur,  201. 
insuivi,  226. 
insulteur,  104. 

les  insurgés,  57. 
insurgence,  207. 
insurrection,  182. 
insurrectionnel,  87. 
insurrectionnel  le 

ment,  122. 
interambulacral,  227. 
interantennaire,  227. 
interars,  227. 
intercellulaire,  227. 
interclaviculaire,  227. 
intercolumnaire.  227. 
intercommunication,  227 
intercontinental,  227. 
intercourse,  227. 
intercutané,  227. 
interdépendance,  227. 
interdigital.  227. 
interépineux,  227. 
interfibrillaire,  2'yi. 
interférentiel,  191. 
interfoliacé,  227. 
interfrontal,  227. 
intermaxillaire,  227. 
intermédiarité,  205. 
internat,  203. 
international,  227, 
internationale,  47,  227. 
interocéanique,  227. 
interoculaire,  227. 
interpariétal,  227. 
interpétiolaire,  227. 
'interplanétaire,  227. 
*  intersessions,  227. 
intersticiel,  191. 
intracrenien,  227. 
intrafoliacé,  227. 
intramarginal,  227. 
intramédullaire,  227. 
intramercuriei,  227. 
intransférable,  226. 
intransparent,  226. 
intransportable,  226. 
intrapétiolaire,  227. 
intrapulmonaire,  227. 
intratropical,  227. 
intratubaire,  2Î7. 
intrautérin,  227. 


intravasculaire,  227. 
intraverlébré,  227. 
intrigailler,  120. 
intropelvi  mètre,  f  227. 
inusable,  226. 

*  invalo,  261. 
inventorier,  216. 
inversable,  226. 

*  invérification,  226. 
inviolabilité,  205. 
iranisant,  218. 
iridescent,  207. 
iridium,  186. 
iridocèle,  240. 
iridocolobome,  240. 
iridodialyse,  240. 
iridopto?e,  240. 
iridoscope,  240,  245. 
iridotomie,  240,  245. 
irisation,  199. 
irraisonnable,  226. 
irraisonnabilité,  205. 
irraisonné,  226. 
irrassasié,  226. 
irratifiable,  226. 
irrecevabilité,  205. 
irrecherchable,  226. 
irréformabilité,  205. 
irréfuté,^  226. 
irrégénérable,  226. 
irrelatif,  226. 
irremboursable,  226. 
irreproductif,  226. 

*  irrespect,  226. 
irrespirable,  226. 
irresponsable,  226. 
irrévérencieux,  226. 
isatine,  194. 

*  isba,  260. 
ischiocèle,  243. 
ischurie,  245. 

*  isobare,  188,  240. 
isobarique,  188. 
isotrope,  240. 
isotherrne,  240. 
ivoirerie,  100. 
ivoirin,  110. 

*jacobinéide,  189. 
jacobinisme,  212. 
jambonique,  187. 
jappe,  51. 

*  jardinier-fleuriste,  152, 
ja,rdiniste,  212. 
jésuitisme,  212. 
•joachimisme^  212. 

*  joaillier-sertisseur,    1.52. 
jockey,  256. 
jockey-club,  256. 
jointemcnt,  97. 
journalisme,  212. 
journaliste,  212. 

juge  de  paix,  127. 
'jugeotte,  102. 
juglandine,  194. 
'jugulateur,  200. 


291  — 


*  jupe-cage,  150. 
jupitérien,  193. 

*  justificat.-  typographes , 

152. 

kaléidoscope,  245. 
kantien,  193. 
keepsake,  256. 
kilomètre,  244,  247. 
kilométré,  95. 
kirsch,  259. 
kopeck,  260. 

labradoriste,  235. 
lâcheur,  104. 
lactide,  238. 
lactifique,  220. 
lactine,  194. 
lactoline,  194. 
lacto-protéine,  248. 
là-haut  (subst.),  59. 
laineuse,  49. 
laitonné,  94. 

*  laitue-chêne,  159. 
laïus,  45. 

lamellibranche,  219. 
lamellicorne,  219. 
lamellipède,  219. 
lamellirostre,  219. 

*  lampe-bocal,  150. 
lampe-modérateur,  150. 

*  lampe-théière,  150. 
lampisterie,  100. 

*  lanterne-fonte,  150. 
lapathine,  194. 
lapidescent,  207. 
lapilli,  182.' 
laryngalgie,  240,  242. 
laryngisme,  212. 
laryngite,  235 
laryngogfaphie,  240. 
laryngoscope,  240,  245. 
laryngoscopie,  240. 
laryngostome,  240,  245. 
laryngostomie,  240. 
laryngo-typhus,  240. 

*  latitudinal^  190. 
'lavabos-toilettes,  150. 
laveuse,  49. 

layetiers-emballeurs,  152. 
lazarone,  259. 

*  leader,  256. 
légalisme,  212. 
législative,  182. 
lénité,  182. 
lenticule,  182. 
lépidoptère,  244. 
lésionnaire,  196. 
leucines,  194. 

*  levier-irein,  150. 

*  lévulosane,  238. 

*  lévulose,  238. 
'lézards-poissons,  154. 

*  lézard-violon,  154. 
libellule,  192. 
libérable,  80. 


libéralisme,  212. 
libérien,  193. 
liberticide,  220. 
libidinosité,  205. 
libraires-éditeurs,   152. 
libre-échangiste,  212. 
libre-penseur,  125. 
librettiste,  212. 
libretto,  259. 

*  lignard,  90. 
lignite^  235. 

*  ligurien,  193. 

*  lilial,  190. 

*  limousineur,  104. 

*  limousinier,  107. 
linacées,  189. 
liparocèles,  243. 
liquidatif,  206. 

*  lit-canapé,  150. 

*  lit-divan,  150. 

*  lit-fauteuil ,  150. 
lithium,  186. 
lithocarpe,  240,  243. 
lithochrome,  240. 
lithochromiste,  212,  214. 
lithoclaste,  240. 
lithoclastie,  240. 
lithodialyse,  240. 
lithoglyphe,  240. 
lithoglyphie,  240 
lithoglyphique,  240. 
lithoïde,  240. 
litholabe,  240. 
litholysie,  240. 
lithophane,  244. 
lithophanie,  240. 
lithophylle,  240. 
lithosperme,  240. 
lithotritie,  240. 
lithotriteur,  240. 
lithotypographe,  240. 
littéralisme,  212. 

*  lit-toilette,  150. 

*  livret-police,  161. 
lloyd,  216. 
localisation,  199. 
localiserj  217. 
locomobile,  220. 
locomoteur,  220. 
locomotive,  220. 
loculicide,  220. 
logorrhée,  244- 
lord,  256. 
lotissage,  83. 
lotisseur,  104. 

*  loue,  51. 
'louisine,  112. 

*  loup-batteur,  150. 
louviers,  44. 
'louxorien,  193. 

*  luisance,  87. 
lumps,  256. 

'  lunch,  256. 
luncher,  118,  256. 
lundiste,  213. 

*  lunetterie,  100. 


Mustraline,  112. 
■  luto-gallique,  248. 
luxueux,  202. 
lycéen,  194. 
lypémanie,  243. 

macérateur,  47. 
machine  à  coudre,  127. 
machine  à  vapeur,  127. 
machiniste,  213. 
macrocéphale,  240,  243. 
macrocère,  240. 
macrocerque,  240. 
macrochire.  240. 
macrodactyle,  240. 
macroglosse,  240. 
macropétale,  240. 
macrophylle,  240. 
macropode,  240,  244. 
macroptère,  240,  244. 
macrorrhize,  240. 
macroscélide,  240. 
macrure,  240. 
'  maestria,  259. 
maestro,  2.59. 
magnésium,  186. 
magnoliacées,  189. 
maillechort,  43. 
"maisons-tanières,  155. 
maîtrisable,  80. 
majoration.  199. 
majorer,  182. 
malaria,  259. 
malacoptérygien,  244. 

*  malflairants,  140. 
malle-poste,  159. 
malpighiacées,  189- 
malvacées,  189. 
mandarinat,  203. 
mandatement,  97. 
mandats-poste,  1.59,  161. 

*  mange-avoine,  164. 
'  mange-foin,  164. 
"maniérisme,  213. 
maniériste,  213. 
manifestants,  46,  56. 

*  manilure.  220. 

*  maquereautin,  110. 

*  marbrier-sculpteur,  152. 
marchandage,  83. 
margarine,  194. 

'  margraviacées,  189. 
'  marmitonnerie,  99. 
marmoréen,  193. 
la  Marseillaise,  47. 
marsupialité,  205. 
massicot,  43. 

*  match,  256. 
matriciel,  191. 

*  mazagran,  260. 
mazurka,  260. 

*  méchoir,  1 13. 
méconine,  194. 

les  médaillés  (de  Sainte- 
Hélène),  57. 

*  médianimitc,  219. 


292  — 


*médianimique,  2l9. 

*  médiéviste,  213. 
médium,  182. 

*  médiumnat,  203. 

*  médiumnite,  205. 
mégalooèle,  243. 
mégathérium,  244. 
méjuger,  140. 
mélanite,  235. 
mélasse,  94. 
méliacées,  189. 
mélitose,  238. 
mellifique,  182. 
mélomane,  243. 
méiomanie,  243. 
méningite,  235. 
ménispermacées,  189. 
menotter,  119. 
mensurateur,  200. 

*  menuisiers  -  modeleurs , 

152. 

*  menuisiers-parqueteurs, 

152. 

*  menuisiers  -  rampistes  , 
152. 

*  menuisiers-treillageurs, 

152. 
mercantilisme,  215. 
meringué,  94. 
mésentérite,  235. 

*  mésestimation,  140. 
mésocarpe,  240,  243. 
mésocôlon,  240. 
mésocrane,  240. 
mésodiscal,  240. 
mésogastre,  240. 
mésolobe,  241. 
mésologie,  243. 
mésomérie,  241. 
mésophragme,  241. 
mésophryon,  241. 
mésophylle,  241. 
mésophyte,  241. 
mésorectum,  241. 
mésothérium,  244. 
mess,  256. 
messianité,  205. 
métagenèse,  243. 
métalloïde,  244. 
métamorphisme,  213. 
métapliysiquer,  119. 

*  métreurs  -  vérificateurs, 

1.53. 
métrite,  235. 
métronome,  244. 
métronomie,  244. 

*  meurt-de-soif,  167. 
michel-angelesque,  208. 
militariser,  217. 
militarisme,  213. 
milord,  256. 
millénariste,  213? 
milligramme,  219. 
millimètre,  219. 
mimographe,  243. 
mimographie,  243. 


mimographique,  243. 
miss,  256. 
mistriss,  256. 
mitrailleuse,  49. 
mnémoniser,  217. 

*  moblot,  102. 
modérantisme,  213. 
moins-value,  140. 
moissonneuse,  49. 
moleskine,  112. 

*  moliéresque,  208. 

*  molletonner,  119. 

*  mômerie,  99. 
*mômesse,  101. 
momificateur,  201. 
momification,  199. 
momifier,  221. 
mono-atomique,  241. 
monobase,  241. 
monocarpe,  241,  243. 
monocéphale,  241. 
monocéphalien,  241. 
monocére,  241 . 
monocéros,  241. 
monochire,  241. 
monocline,  241. 
monodactyle,  241, 
monodelphe,  241. 
monodyname,  241. 
monogenèse,  241 ,  243. 
monogénisme,  241,  243. 
monogéniste,  241,243. 
monogrammiste,  243. 
monographie,  241. 
monogyne,  241. 
monopodie,  241. 
monopolisateur,  201. 
monopoliser,  217. 
monorime,  241. 
monosperme,  241. 
monostyle,  241. 
monosyllabisme,  241,213. 
monothéisme,  241,  213. 
monothéiste,  213. 
monotrème,  241. 
monoxyle,  241. 
monstre,  adj.,  62. 

*  monte-charges,  164. 

*  monte-ressorts,  164. 
montmorency,  44. 
morbidement,  122. 
morbidesse,  259. 
mormonisme,  213. 
morphine,  194. 
morphologie,  243. 
morphologique,  243» 
morphologue,  243. 

*  moss,  260. 

*  motionner,  218. 
motricité,  205. 

*  mouille,  52. 

*  mouleurs-figuristes,  153. 

*  moussaillon,  114. 
mouvementé,  94. 
mouvementer,  119. 
muco-pus,  248. 


mucoso-sucré,  248.  ^ 

mulasier,  108.  / 

*mulhousine,  112. 
multicolore,    219. 
multifide,  219. 
multiforme,  182.  219. 

*  multiformité,  219. 
multipare,  220. 
*municipaliser,  217,  218. 
municipalisme,  213. 
mureux,  105. 
*murillos,  44. 
musculature,  202. 
myriamètre,  244. 
myriopode,  244. 
mysticisme,  213. 
mythe,  188. 
mythique,  188. 
mythisme,  188. 
mythographe,  241. 
mythographie,  241. 
mythologie,  241. 
mythologiste,  213,  241. 

*nacrure,  115. 

*  nageoires-mains,  155. 
un  napoléon,  44- 

*  napoléonides,  189. 
napoléonien,  193. 
narcéine,  194. 
narcotine,  194. 
*narquoiserie,  99. 

*  nationalisme,  213. 
naturaliser,  217. 
nauséabonde  (masc),  206. 
négro,  259,  261. 
négrophile;  244. 
néo-catholîcisme,  241. 
néo-catholique,  241. 
néo-chrétien,  241,  248. 
néo-christianisme,  241. 
néogène,  247. 
néographe,  247- 
néographie,  241,  243. 
néolatin,  241. 

*  néolithique,  241. 
néoraembrane,  241. 
néoplasme,  241. 
ncoplastie,  241. 
néorama,  244. 
néozoïque,  241. 
néphrotomie,  245. 
neptunien,  193. 
*nérésine,  194. 
nervosité,  205. 
neufchâtel,  44. 
névragmie,  241. 
névralgie,  242. 
névraxe,  241. 
névrilème,  241. 
névrographie,  241. 
névropathie,  241. 
névrose,  235. 
névrosthénie,  241. 
névrotome,  241. 
new-yorkais,  85. 


—  293  — 


nicotine,  195. 
nihilisme,  213. 
nihiliste,  213. 
•noblifier,  221. 
non-être,  140. 
nonidi,  219. 
non-moi,  140. 
*non-opportunisles,    140. 

*  non-payement,  140. 

*  non-penseurs,  140. 

*  non-velus,  140. 
'nord-américains,  157. 
'nordiste,  213. 
normalien,  193. 
normatif,  206. 
nosencéphales,  241. 
nosogénie,  241. 
nosographie,  241. 
nosologiste,  213. 
notage,  83. 

*  notairesse.  101. 
nucelle,  206. 
nuelle,  95. 
numérotage,  74,  83. 
numérotation,  199. 
numéroter,  74,  119. 
numéroteur,  47,  74,  104. 
nyctanthe,  241. 
nyctéiibies,  241. 
nyctobate,  241. 
nyctographe,  241. 
nyctotyphlose,  241. 
'nympnacées,  189. 

*obéliscal,  86. 
objectif,  259. 
objectivité,  259. 
obligataire,  196. 
obscurantisme,  213. 
obscurantiste,  213. 
obsidional.  182. 
occulter,  182. 
ochnacées,  189. 
octidi,  219. 
cculariste,  213. 
oculo-palpébral,  248. 
odontalgie,  241,  242. 
odontoderme,  241. 
odontogénie,  241. 
odontogenèse,  243. 
odontognathe,  241. 
odontograpbie,  241. 
odontolithe,  241. 
odontologie,  241. 
odontologiste,  241. 
odontostyle,  241. 
odontotechnie,  241. 
odontothèque,  241. 
œnométrie,  241. 
œnophile,  241,  244. 
œnothère,  241. 
œufrerie,  100. 
œufrier,  108. 
officiosilé,  205. 
ogivo-cylindrique,  248. 
oléidine,  194. 


oléine,  194. 
omnibus,  182. 
omriiconvenance,  219. 
omniscience,  219. 
onguline,  112. 
onomatologie,  243. 
'onychite,  235. 
'opalescent,  207. 
opaliser,  210,  217. 
ophiodonie,  241. 
ophioglosse,  241. 
ophiographie,  241. 
ophiographique,  241 
ophiolithe,  241. 
ophiolithique,  241. 
ophiologie,  241,  243. 
ophiophage,  241. 
ophiostome,  241. 
ophiosure,  241. 
ophthaimoblennorrhée , 

241. 
ophthalmocèle,  241,243. 
ophthalmocopée,  241. 
ophthalmodynie,  241. 
ophthalmographie,  241. 
ophthalmolithe,  241. 
ophthaîmologie,  241,  243. 
ophthalmomètie,  241. 
ophthalmorrhagie,241,245 
ophthalmoscope,  241. 
ophthalmothèque,  241. 
ophthalmotomie,  241. 
'opportunisme  (non),  213 
opportuniste  (non),  213. 
'orchestral,  86. 
un  ordinaire,  46. 
ordonnancement,  97. 
Madame   J'ordonne,    121. 
'ordre-moralier,  107. 
*  organicien,  J  93. 
organiciste,  213. 
organisable,  80. 
organiser,  218. 
organologie,  243. 
organologiaue,  243. 
'orgue-orcnestre,  150. 
'orientalement,   123. 
orléanisrae,  213. 
orléaniste,  213. 
Orléansville,  156. 
ornemaniste,  213. 
ornemenlation,  199. 
ornementé,  94. 
ornementer,  119. 
ornithoglosse,  241. 
ornitholithe,  241. 
ornithomyze,  24 1. 
ornithoscopie ,  441. 
ornithotrophie ,  241. 
orphelinat,  203. 
orphéonique,  187. 
orphéoniste,  213. 
oithobasique,  241. 
orthocère,  241. 
orthodactyle,  241. 
orthodonte,  241. 


orthodromie,  241. 
orthoépie,  241. 
orthognathe,  241. 
ortholexie,  241. 
orthologie,  241. 
orthomorphie,  241. 
orthopédique,  244. 
orthopédiste,  213. 
orthopnoïque,  241. 
orthoptère,  241,  244. 
orthorhombique.  241. 
orthorrhynque,  241. 
orthosperme,  241. 
orthotrope,  241. 
oryctogéologie,  241. 
oryctûgnosie,  241. 
oryctographe,  243. 
oryctographie,  241,   243. 
oryctographique,  241,243. 
oryctologie,  243. 
oryctologique,  241 ,  243. 
oryctologiste,  241. 
oryctologue,  243. 
oryctotechnie,  241. 
osmium,  186. 
ossature,  202. 
'ossellerie,  100. 
ossianiser,  218. 
ossianisme,  213. 
'ostéocèle,  243. 
ostéogène,  241. 
ostéographe,  241. 
ostéographie,  241- 
ostéologie,  241. 
ostéolyse,  241. 
ostéomalacie,  241. 
ostéopiaste,  241. 
ostéoplastie,  241. 
ostéoporose,  241. 
ostéosarcome,  241. 
ostéosclérose,  241. 
ostéostéatome,  241. 
ostéostome,  241. 
ostéotomie,  241. 
ostéotomiste,  241, 
ostéozoaire,  241. 
ostréiculture,  220. 
otorrhée,  244. 
*ouate-laine,  150. 
'ouest-factage,  157. 
'ourdissoir-dévidoir,  150 
'ourdissoir-piieur,  150. 
outillage,  83. 
'outrancier,  107. 
ovaliste,  213. 
ovovivipare,  220. 
ovule,  192. 

pacolet,  260. 
palafitte,  259. 
palalite,  235. 
*  pale-ale,  257. 
paléographe,  241,  243. 
paléontographie,  241 ,243. 
paléontologie,  241. 
paléontologique,  241. 


paléontologue,  241. 
paléothérien,  241. 
paléothérium,  241 ,  244. 
paléozoïque,  241. 
paléozoologie,  241. 
paletot-sac,  150. 

*  paliers-graisseurs,  150. 
palladium,  186. 
palpitant,  te,  67. 
panade,  adj.,  62. 

*  Pandore,  45. 
pangermanisme,  241. 
paniconographique,  241. 
paniiicateur,  200. 
panlexique,  241. 
panneauter,  74,  119. 
panorama,  244. 
*pantriteur,  241. 

'les  pantalons  rouges.  128. 
pantographe,  243. 
pantographie,  243. 
pantographique,  243. 
papavéracées,  189. 
papier-granit,  150. 
papier-marbre,  150. 
papier-monnaie,  150. 
papier  tenture,  150. 

*  pipier  tube,  150. 

*  papillonnant,  te^  67 
parabolicité .  205. 
paraboliser,  218. 
paracrotte,  164,  245. 
parafeu,  164. 
paraffine,  227. 
paraffiné,  94. 
parafoudre,  164. 
paraglace,  164. 
paragrêle,  164. 
paralysant,  te,  67. 

*  un  par  à  peu  près,  140. 
parasitaire,  196. 

*  parasol-ombrelle,  150. 

*  un  par  contre,  140, 
le  parcours,  58^ 
pardessus,  140. 

*  Paris-Architecte,  157. 

*  Paris-Caprice,  157. 

*  Paris-Exposition,  157. 
*Parisine,  195. 

*  Paris-Journal,  157. 

*  Paris-Programme,  157. 

*  Paris-Spectacle.  157. 

*  Paris-Théâtre,  157. 
parlementairement,  123. 
parlementarisme,  213. 
parlementariste,  213. 
parlottej  102. 
Parnassiens,  46,  93. 
parolier,  108. 

*  parsisme,  214. 
partageux,  104. 

'  parthétomie,  245. 
parthénogenèse,  243. 
particulaire,  196. 
particularisme,  214. 
particulariste,  214. 


—  294  — 

passionnel,  87. 
pastelliste,  214. 
pasticher,  119. 

*  pastilleurs-figuristes,  1 53. 
pathologie,  243. 
pathologique,  243. 

*  patins-souliers,  153. 

*  patrioterie,  99. 
patronat,  203. 
patronner,  119. 
paupérisme,  214. 

*  paysanesque,  208. 
pectine,  194. 
pédantocralie,  243. 
pédiluve,  220. 
peignée,  58. 
*peignées-filées,  150. 

*  peignes-parures,  150. 
Pékins,  44. 
'pèle-légumes,  164. 

*  pelotonnement,  97. 

*  pensotter,  120. 
pépiement,  97. 
percolateur,  200. 
périodique,  46. 
péritonite,  235. 
perquisitionner,  119. 
perruque  adj.,  61. 

*  pèse-lettres,  164. 
pèse-nitre,  164. 
pessimisme,  214. 
pessimiste,  214. 
pétitionnaire,  196. 

'  petits-crevés,  46,  125. 
'  petit-fournier,  108. 
pétrisse  ur,  48. 
pétrolène,  237. 
pétroler,  119. 
pétroleur,  104. 
"  peuple-jury,  155. 
peuple-roi,  155. 

Peyronéide,  189, 
phalanstère,  248, 
phalanstérien,  193. 
pharyngite,  235. 
phénoménal,  86. 
'  Philippeville,  157. 

*  Philippides,  189. 

*  philippine,  112. 
*philocome,  241. 
philomatique,  241. 
philosophailler,  120. 

*  philosophiser,  218. 
philotechnique,  241. 
phlébographie,  241. 
phlcbolithe,  241. 
phlébomalacie,  241. 
phléboptère,  241. 
phléborrhagie,  241. 
phonologie,  243. 
phonologique,  243. 
phosphoriquement,  123. 
photochromatique,  241. 
photochromatiquement, 

241. 
photo-électrique,  241. 


photogène,  241,  243. 
photoglyptique,  248. 
photographe,  241,  243. 
photographie,    188,    241, 
243,  248. 

*  photographie-carte,  150. 

*  photographie  -  vignette, 

150 
photographique,  188,  243. 
photographiquement,241 . 
'  photogravure,  241. 
photolithographie,  241. 
photologie,  243. 
photomètre,  241. 
photométrie,  241. 

*  photoniellure,  241,  248. 
pbotophobe,  241. 
photophobie,  241. 
photopsie,  241. 
photoscopique,  241. 
photosculpture,  241,  248. 
photosphère,  241. 
phylloxéré,  94. 

*  piano-lyre,  150. 
'pictural,  190. 

*  pied-bleu,  128. 
pierriste,  214. 

*  pincez-moi  ça,  166, 
pinceautage,  74. 
pinceauter,  74. 

*  pipelet,  44. 

*  pique-feu,  164. 
piriforme,  219.  ( 
piscatorial,  194. 
pisciculture,  220. 
'  pissatoire,  201. 
pisseux,  105. 

*  pistolets-tabatières,  151 . 

*  pistonner,  119. 
placer  (s.  masc),  259. 

*  plagier,  217. 

*  plaine-paradis,   155. 
planimctrie,  243. 
'plante-animal,  153. 
plantule,  192. 
platine,  2.59. 

plèbe.  182. 

*  plébiscitaire,  196. 
plésiosaure,  244. 
*ploqueuse,  49. 
plumier,  107. 

*  pneumatocèle,  243. 

*  pneumatographe,  243. 

*  pneumatographie,  243. 
pochard,  90. 
*pocharderie,  99. 

*  pochetée,  94. 
podobranche,  242, 243. 
podocarpe,  242,  243. 
podogyne,  242. 
podolachnite,  242. 
podologie,  242,  243. 
podomètre,  242,  244. 
podophthalmaire,  242. 
podophylleux,  242. 
podosperme,  242. 


podurc,  242. 
poêliers-fumistes,  1;)3. 

f  oint-arrière,  130. 
3  pointé,  58. 
polémiste,  214. 
policeman,  237. 
policier,  108. 
polisso-séri-tisseur ,  249 
polka,  260. 
polonisme,  214. 
polyatomique,  242. 
polybasique,  242. 
polycarpien,  242. 
polycéphale,  242. 
polycliolie,  242. 
polychroïsme,  242. 
polycladie,  242. 
polycotylaire,  242. 
poiydactyle,  242. 
polydipsie,  242. 
polygalactie,  242. 
polygamique  242. 
polyginglyme,  242, 
polygnatien,  242. 
polygraphique,  242. 
polylimphie,  242. 
polymathique,  242. 
polymélien,  242. 
polymère,  242. 
polymorphe,  242,  244. 
polymorphisme,  242,  244. 
polyorama,  242,  244. 
polypétalie,  242. 
polyphonie,  242. 
polypore,  242. 
polyrrhize,  242. 
polysarcie,  242. 
polyscope,  242,  245 
polystome.  242. 
polystyle,  242. 
polytechnicien,  193. 
ponceux,  105. 

*  poncine,  112. 
ponctulé,  203. 
pondérateur,  182. 
pondéreux,  182. 
pbndérosité,  205. 
pont-bascule,  151. 
'  pontifiant,  56. 
popote  (adj.),  62. 

*  popularisme,  214. 
portabilité.  205. 
porte-allumettes,  164. 
porte-amarres,  165. 

'  porte-amorces,  165. 
'porte-bonheur,  165. 

*  porte-bouquets,  165. 

*  porte-bouteilles,  165, 
'porte-cartes,  165. 
'porte-chapeaux,  165. 
'porte-charge,  165. 
'porte-couronnes,  167. 
portefeuilles,  165^ 
'porte-huiliers,  165. 

*  porte-mesure,  165. 

*  porte-mine,  165. 


—  295  — 

porte-monnaie,  165. 
porte  mousqueton,  165, 
porte-plumes,  165. 
porte-voix,  165. 
'portraits-carte,  159. 
'portrait-dépêche,  151. 
portraitiste^,  214. 

*  portraitunste,  214. 
positivisme,  214. 
positiviste,  214. 
postabdomen,  227. 
postal,  86. 
postfloraison,  227. 
posthétomiste,  214, 
post-oculaire,  227. 
post-pectoral,  227. 
post-pliocène,  227. 
post-positif,  227. 
post-position,  227. 
pot-au-feu  (adj.),  62. 
'potichomanie,  248. 
potassium,  186. 
pouler,  119. 

'  poulies  -  mains  -  douces  , 

150. 
'  pouponnât,  203. 
'pourcent,  140. 
pourcentage,  140. 
'pousse,  52. 
pousse -café,  166. 
pousse-cailloux,  166. 

*  poussiéreux,  105. 
'  prâcritisme,  214. 

'  prâcri lisante,  218. 
préabdomen,  227. 
préachat,  227. 
préaddition,  227. 
préaryen,  228. 
prébalancier,  227. 
prébuccal,  228. 
précautionneux,  105. 

*  précautionneusement, 

123. 
préceltique,  228. 
précipitueux.  202. 
précompte,  227. 
prédénommé,  227. 
prédenté,  227. 
prédigestion,  227. 
prédisposer,  227. 
prédisoosant,  227, 
prédisposition,  227. 
préfloraison,  227. 
préfoliation,  227. 
préhanchial,  228. 
préliber,  183. 
prélombaire,  228. 
premiers-Paris,  159, 
préoculaire,  228. 
préromain,  228. 
'presque  certitude,  141, 
'presque  éternité,  141. 

*  presque  totalité,  141 . 

'  presque  unanimité,  141. 
présidentiel,  191. 
presse»papiers,  165. 


prestidigitateur,  183 
presligiateur,  183. 
présurier,  108. 
prétibial,  228. 
prétrophobe,  244. 
principicule,  192. 
primer,  119. 
primidi,  219. 
primeuriste,  214. 
priser,  119. 
priseur,  104, 
processuSj  183. 
'procrastination,  183. 
'  procrastiner,  183. 
prodigueur,  104. 
professionnel,  87. 
progresser,  119. 
progressiste,  214. 
'prohibitionniste,  214. 
prolétariat,  203.' 
promeneuse,  49. 
pronunciamento,  259. 
propagandiste,  214. 
propylène,  237. 
prosaïsme,  214. 
prostitueur,  104. 
'protégeant,  te,  67. 
protéine,  194, 
protêt,  52. 
protobromure,  242. 
protocarbure,  242, 
protochlorure,  242, 
protocyanure,  242. 
protofluorure,  242, 
protoiodure,  242. 
protopathie,  242. 
protophosphure,  242» 
protophyte,  242. 
proto-plasma,  242. 
protosel,  242. 
protoséléniure,  242. 
protosulfure,  242. 
protoxyde,  242. 
protubéranciel,  191. 
providentiellement,  123. 
provisorat,  203. 
proxénétisme,  214. 
'prudhomme,  45. 

*  prunelle-étoile,  155. 
'  prunelle-ombre,  155. 
'  prussification,  199. 
'prussifier,  221. 

*  prussophile,  248. 

'  prusso-slave.  249. 
pseudencéphale,  242. 
pseudépigraphique,  242. 
pseudérythrine,  242. 
pseudesthésie,  242. 
pseudo-agate.  242. 
pseudo-alcool,  242. 
pseudo-améthyste.  242. 
pscudo-asbeste,  242. 
pseudo-basalte,  242. 
pseudo-béryl,  242. 
pseudoblepsie,  242. 
pseudocarpe,  242, 


—  296 


pseudochrysolithe,  242, 
pseudo-cobalt,  242. 
pseudo-continu,  242. 
pseudo-continuité,  242. 
pseudo-cristal,  242. 
pseudo-émeraude,  242. 
pseudo-grec,  248. 
pseudo-grenat,  242. 
pseudo-iris,  242. 
pseudo-kinîque,  242. 
pseudo-malachite,  242. 
pseudo-martyr,  242. 
pseudo-médecin,  242. 
pseudo-membrane,  242. 
pseudo-membraneux, 242. 
pseudomorphique,  242. 
pseudomorphisme,  242. 
pseudomorphose,  242. 
pseudomorphosé,  242. 
pseudonéphéline,  242. 
pseudopériptère,  242. 
pseudopiasme,  242. 
pseudopleurésie,  242. 
pseudo-révolutionnaire. 

242. 
pseudo-rubis,  242. 
pseudo-saphir,  242. 
pseudo-science,  242. 
pseudoscope,  242. 
pseudosperme,  242. 
pseudo-topaze,  242. 
pseudo-volcanique,  242. 
•psychisme,  214. 

*  psychographe,  243. 
*psychographi,que,  243. 

*  pubio-caverneux,  248. 

*  publicataur,  183. 
*pudibarderie,  99. 

*  pudibard,  90. 
•puériculture,  220. 
'puff,  257. 
'pugilisme,  214. 
pugnacité,  183. 
punch,  251. 
'pupitre-chevalet,  151. 
puritanisme,  214. 
pyramidal,  86. 
pyrénéine,  194. 
pyroélectrique,  242. 
pyrogène,  242.  ~ 
pyrogenèse,  242,243. 
pyronomie,  242. 
pyroïde,  242. 
pyrophajiie,  242. 

.  pyrophosphate,  242. 
pyrophyllite,  242. 
pyroscophe,  v42. 
pyroscope,  242,  245. 
pyrosphère,  242. 
pyrostat,  242. 
pyrostéarine,  242. 
pyroscanihine,  242. 
pyrosyle,  242. 
pyurie,  245. 
pyxidule,  192. 


quartidi,  219. 

*  quasi-droit,  228. 

*  quasi -extermité,  228. 

*  quasi-évidence,  228. 

*  quasi-insoumission,  228. 
quasi-légitimisé,  141. 
*un  quatre-coins,  128. 

*  quatre-vingt-neuviste, 

214. 
quessoy,  44. 
quetsche,  259. 

*  quidditatif,  206. 
quinine.  195. 
quintidi,  219. 

*  un  quinze  cents  francs, 

128. 

rabatteur,  104. 
rabbiniser,  218. 
racineur,  104. 
raclée,  58. 
racontage,  83. 
*radiance,  183. 
radiation,  183. 
*radicaille,  85. 
radiométre,  244. 
rageur,  104. 
rail,  257. 

*  rail-digue,  151. 
railway,  257. 

*  un  rambuteau,  43. 
rampiste,  214. 
raphaélesque,  208. 
un  raspail,  43. 
raticide,  220. 
rateauier,  74. 
rayée,  58. 
razzia,  260. 
réacteur,  200. 
réactionnaire,  196. 
réadopter,  141. 

*  réagenouiller,  141. 
réarmer,  141. 
rebadigeonner,  141. 
rebannir,  141. 
rebeUionner,  119. 
recalculer,  141. 
recarboniser,  141. 
récidiviste,  214. 
réclame,  52. 
•reclasser,  141. 
redébattre,  141. 

*  redéployer,  141. 
rediviser,  141. 
redormir,  141. 
redowa,  260. 
réducteur,  48. 

*  reémboiter,  141. 
réépouser,  142. 
réescompte,-er,  141. 
réexposition,  142. 
référence,  94. 
refrènement,  97 . 
*regalonner,  142. 
régentin,    10. 
réglementa  tion,  199. 


réglementaire,  196. 
réglementarisme,  214. 
réglementairement,  123. 
ré^îlementer,  119. 
régnicole,  220. 
régulateur,  201. 

*  réincarcération,  142. 

*  réincarcérer,  142. 
*rcincarnation,  142. 
renfrognement,  97. 
reinventer,  142. 
relationnaire,  196. 
relaxe,  52. 
remblai,  51,  52. 
remisage,  83. 
renflouer,  142. 
rentoileurs,  104. 
renonculacees,  189. 
renversant,  67. 
réorganisateur,  201. 
réorganisation,  199. 
réorganiser,  142. 
réouverture,  142. 
repêche,  52. 
repêcheur,  104. 
report,  52. 

*  repas-illusion,  155. 
répélible,  192. 
reptation,  183. 
•reportage,  2.57. 
reporter,  257. 
•repousse,  52. 
réquisitionnaire,  196. 
résédacées,  189. 
respectabilité,  205. 
ressalueFj  142. 
retardataire,  196. 
retardateur,  201. 
retombée,  58. 

'  retombement,  97. 
•retransplanter,  142. 
retraverser,  142. 
revaccination,  i99. 
réversibilité,  205. 
'rêveusement,  123. 
revient,  52. 

*  révisionniste,  214. 
révocabilité,  205. 
révolutionnaire,  46. 
révolutionner,  119. 
revolver,  257. 
rhéilonite,  235. 
rhinalgie,  242. 
rhinoptie,  242. 
rhinoplastie.  242,  244. 
rhinorrhagié,  242. 
rhinorrhée,  242. 
rhinothèque,  242. 
rhizanthe,  242. 
rhizoblaste,  242. 
rhizocarpe,  242,  243. 
rhizographe,     -ie,    -ique 

242,  243. 
rhizolilhe,  242. 
rhizonychion,  242. 
rhizopnage,  -gie.  242,  ;i44. 


—  297  — 


rhizophore,  242. 
rhizopode,  242,  244. 
rhizotome,  242. 
rhodanien,  193. 
rhodium,  186. 
riflard,  44. 
rine,  257. 
'  rigolade.  82. 
'  rigollot,'43. 
rincée,  58. 
risette,  101. 
rivulaire,  196. 

*  robes-fourreaux,  151. 
robustesse,  100. 
rodage,  83. 

*  Roi-Citoyen,  155. 
*Rolandéide,  181. 
rotifère,  220. 

*  roman-feuilleton,  155. 

*  romanisation,  199. 
romaniser,  217. 
romantiser,  218. 
romantisme,  212. 
romantique,  46. 

*  ronsardiser,  218. 
rossée,  58. 

rout,  257. 

routinièrement,  123. 
roublard,  90. 

*  roublardise,  100. 
rouble,  260. 
roulée,  58. 

*  roue-moteur,  151. 

*  rouet-moissonneur,  151. 
rouerie,  99. 
rougissant,  67. 

*  roulageur,  104. 
rubescent,  207. 
rubidium,  186. 

*  ruine-maison,  167. 
ruolz,  43. 

*les  ruraux,  46. 
russifier,  220- 
*russopiiile,  244. 
rutacées,  189. 
ruthénium,  186. 
rutilance,  207. 
rutilant,  183. 

sabotage,  84. 

*  sabot-brodequin,  151- 

*  sabot-galoche,  loi. 
*sabotine,  110. 
salle  d'asile,  127. 
salonnier,  108. 

*  sanguinairement,  123. 

*  sataniquement,  123. 
sabretache,  2ti0. 
saccharides,  238. 

*  sacerdotalisme,  214. 
sacrislains-bedeaux-chan- 

tres  -  fossoyeurs  -  son- 
neurs-suisses, 155. 

salariat,  203. 

salarié,  203. 

saliciue,  194. 


salinité,  205. 
salpindacées,  189. 
saluter,  119. 

*  samovar,  260. 
sandwich,  257. 
sanitaire,  196. 

*  sanscritisant,  218. 
sanscritisme,  214. 
sanscritiste,  214. 
sapineau,  95. 
sarcocèle,  243. 
'sataniser,  218. 
sauvegarder,  119. 
sauvetage,  84. 
sauveteur,  104. 
saucée,  58. 
scalpe,  257. 

*  scandinavisant,  218. 
scarificateur,  201. 
schottisch,  260. 
scrotocèle,  243. 

*  sculpteurs  -  marbriers, 

153. 

*  sculpteurs-ornemanistes, 

153. 
'sculpteurs  -   statuaires, 

153. 
sécession,  l83. 
sécessionniste,  214. 
secrétaire,  201. 
sélectif,  206. 

*  sélectivement,  123. 
sélection,  183. 
sélénite,  236. 
sélénium,  186. 

*  self-government,  2.')7. 

*  semailler,  120. 
sémillance,  88. 
sémitisme,  214. 
sémitiste,  214. 

*  semoir-plantoir,  151. 

*  sempiternellement,  123. 
séniorat,  203. 
sensibiliser,  217. 
sensoriel,  191. 

*  sentimentalisme,  214. 

*  sentimentalisie,  214. 

*  septembriser,  218. 
septembriseur,  104. 
septennat,  203. 
septidi,  219. 

*  sépulcre-enfer.  155. 
*sépulcrologie,  243. 
sergent  de  ville,  127. 

*  sergo,  261. 
'sériel,  191. 
séro-sanguin,  248. 
'  serre-bois,  165. 
serre-bras,  165. 

*  serre-rails,  165. 
serre-tête,  159. 
*servantisme,  215. 

*  shakespearien,  193. 
shall,  257. 
shelling,  257. 

*  sherry,  257. 


sidérographie,  242. 
sidérolithique,  242. 
sidérotechnie,  242. 

*  sidiennes,  194. 

*  .signale-écueil,  165. 

*  silencieuse-expédilive  , 

151. 
silicium,  186. 
silicule,  192. 
siliginosité,  205. 
silurien,  193. 
.simiesque,  208. 
similor,  218. 
simplifiable,  80. 
sinombre,  228. 

*  siphoïde,  244. 

*  skating-bal,  257. 

*  skating-concert,  257. 

*  skaling-palais,  257. 

*  skating-rink,  257. 
smala,  260. 

snob,  257. 
snobbisme,  257. 
sociabiliser,  217. 

*  socialiser,  218. 
socialisme,  215. 
socialiste,  215. 
sociétairement,  123. 
sociologie,  —  gique,  188. 
sodium,  186. 
solénoïde,  244. 

*  solidarisation,  199. 
solidariser,  218. 
soliste,  215. 
solution,  261. 

*  sommeillant,  te,  67. 
somnambulique,  187. 
songerie,  99. 

*  sonnettiste,  215. 

*  soque-agrafe,  151. 

*  soucieusement,  123. 
'  soudrillard,  90. 

*  souillant,  te,  67. 

*  souliers-chaussons,  151. 

*  soulographie.  248. 
soumissionnaire,  196. 

*  soupatoire,  201. 

*  souricicole,  220. 
sous-amender,  144. 
sous-arrondissement,  14^1. 

*  sous-azotate,  144. 
sous-bois,  144. 

*  sous-centre,  144. 
sous -chef,  144. 
sous-classe,  144. 

*  sous-colline,   144. 
sous-déléguer,  144. 
sous-direcieur,  144. 
sous-diviser,  144. 
sous-genre,  144. 
sous-interpréter,  J44. 
sous-jupe,  144. 
sous-limiter.  144. 
sous-main,  144. 
sous-préfecture,  144. 
sou8-préfet,  144. 


298 


sous-pression,  144. 
sous-sol,  144. 
sous-titre,  144. 
soutacher,  119. 
spécialiste,  215. 
spécialité,  205. 
spectral,  86, 
speech,  257. 
spermatocèle,  243. 
spermatorrhée ,  244. 

*  sphère-horloge,  151. 
*.spication,  199. 
spiritisme,  215. 

*  spiritiste,  215. 
spiritualiser,  217. 
splénétique,  188. 
*spongille,"206. 
spongine,  194. 
spontépariste,  215. 
spontéparité,  220. 
sporadicité,  205. 
sportsman,  257. 

*  squalidité,  205. 

*  squalide,  183. 
square,  217. 
starost,  260. 

*  steam-boat,  257. 
steamer,  257. 
stéarine,  194. 
steeple-chase,  257. 
sléganographe,  243. 
stéganographie,  243. 
sléganographique,  243. 
stéréométrie,    244. 
stéréoscope,  245. 
.stériliser,  218. 
sterling,  257. 

stock,  257. 
stopper,  258. 

*  stores-annonces,  151. 
slranguler,  183. 
strangurie,  245. 
strontium,  186. 
strychnine,  194,  195. 
studbook,  258. 
stuffing-hox,  258. 
stupéfaction,  183. 
stupéfier,  183. 
styliste,  215. 

*  styralène,  238. 
subabdominal,  228. 
subaciculaire,  228. 
subagrégé,  228. 
subalpin,  228. 

*  subalternéité,  205. 
subapennin,  '.j28. 
subapiculaire,  228. 
subnquatique,  228. 
subbranchien,  228. 
subcalcaire,  228. 
subcaréné,  228. 
subcaudal,  2'28. 
subcomprimé,  228. 
subconique,  228. 
subcordiforme,  228. 
subcortical;  228. 


subcylindrique,  228. 
subdécurrent,  228. 
subdéprimé,  228. 
subfossile,  228. 
subfusiforme,  228. 
subglobuleux,  228. 
subimbriqué,  228. 
subinflammation,  228. 
subjectif,  259. 
subjectivité,  259. 
bubïuxatjon,  228. 
sublyré,  228. 
subociilaire,  228. 

*  subombilical,  228. 
subostracé,  228. 
subovale,  228. 
subparasite,  228. 
subpentamère,  228. 
subpétiolé,  228. 
sub.sessile,  228. 
subsphérique,  228. 
suburbain,  183. 
subventionner,  119. 

*  sud-américain,  157. 
sudiste,  215. 

*  suggestif,  206. 
suicider,  119. 
suivez-moi  jeune  homme, 

166. 

*  suppéditer,  183. 
super-axillaire,  229. 

*  super-connu,  229,  246. 
supercrétacé,  229. 

*  superéquatorial,  229. 
superficialité,  205. 
superfin,  229. 
supernaturalisme,  229. 
superovaire,  229. 
superstructure,  229. 
supra-axillairej  229. 
suprajurassique,  229. 
supramondain,  229. 
supranaturalisme,  215. 
suprasensible,  229. 

*  surchauffe,  145. 
surchauffer,  145. 
surcostal,  146. 
surcroissance,  145. 
surélévation,  145. 
surélever,  145. 
surenchère,  145. 
surépaisseur,  145. 
surépineux,  146. 
surexciter,  145. 

*  surexhausser,  145. 
surfusion,  145. 
surincomber,  145. 
surlaryngien,  146. 

*  suroffre,  145. 

*  surplombant,  67. 
sursaturer,  145. 
survaleur,  145. 
sus-carpien,  146. 
sus-coccygien,  146. 
sus-épineux,  146. 
sus-hépatique,  146. 


sus-hyoïdien,  146. 
sus-maxillaire,  146. 
sus-métatarsien,  145. 
sus-nasal,  146. 
sus-orbitaire,  146. 
suspensoir,  113. 
sus-pubien,  146. 
sus-scapulaire,  146. 
sus-sphénoïdal,  146. 

*  susurrement,  207. 
sextidi,  219. 
sylvicole,  184. 
sylviculture,  220. 
syndicat,  203. 

*  tableautier,  108. 
tableautin,  74,  111. 

*  tables-consoles,  151. 

*  table  de  nuit-chiffonnier, 

151. 

*  table  de  nuit-vide-poche, 

151. 
tachygraphe,  243. 
tachygraphie,  243. 
tachygraphique,  243. 

*  taconnet,  43. 
tailladin,  111. 
taille-crayon,  165. 
taille-plume,  165. 
*tamis-bluteau,  151. 
tapée,  58. 
*taquinage,  84. 

*  tardivité,  206. 

*  tartaline,  112. 
télégramme,  242. 
télégraphe,  242,  243. 
télégraphie,  242,  243. 
télégraphique,  242,  243. 
télégraphiste,  215. 
téléiconographie,  242 
télémètre,  242,  244. 
télémétrie,  242. 
télémétrique,  242. 
téléologie,  243. 
téléologique,  243. 
téléphonie,  242. 
tempêtueusement,  123. 
tender,  258. 

*  tente-abri,  151. 
ternstrœmiacées,  189. 
terrifier,  221. 

*  territoriaux,  47. 
terroriser,  217. 
terrorisme,  215. 
terroriste,  215. 
thallium,  186, 
'thcAtricuie,  192. 

*  thcâtromane,  243. 

*  théâtromanie,  243. 

*  thermaline,  194. 

*  thermochimie,  242. 
thermochrose,  242. 
thermodynamique,  242. 
thermo-électrique,  242. 
thermo-électricité,  242. 
thermographe,  242. 


—  299  — 


thermomagnétique,  2'i2. 
thermomécanique,  242. 
thermoneutralité,  242. 
thermopathologique,  242. 
thermoscope,  242,  245. 
"  thiériste,  215, 
thorium,  186. 
thuyine,  194. 
tibio-tarsien,  249. 

*  ticket,  258. 
tigline,  194. 
tilbury,  258. 
tiliacées,  189. 
timbre-cachet,  160. 
timbre-poste,  160- 

*  timbre-quittance,  161. 
"  tintinnabuler,  217. 
tiré,  57. 

tire-boutons,  165. 
tire-fonds,  165. 

*  tire-jus,  166. 
tire-moelle,  166. 
'  tissu-filet,  151. 
toast,  258. 
toaster,  258. 

■  toilette-commode,  151. 
tonalité,  205. 

*  tonitruant,  207. 
•topo,  261. 
topographe,  243. 
topographie,  243. 
topographique,  243. 
toquade,  82. 
tord-boyaux,  166. 

'  tordoir-ourdissoir,  151. 

*  torpillard,  90. 
torrentueux,  203. 
tortillard,  90. 
lortoir,  113. 
torturant,  67. 
tost.  V.  toast, 
tester.  V.  toaster. 

*  touristicule,  192. 

*  tourne-écrous,  165. 
tournerie,  100. 
tourne-oreille,  165. 

"  tourneurs  -  décolteurs  , 

1.53. 
'  toussailler,  120. 
'  toussoter,  120. 
toxicologie,  243. 
texicologique,  243. 
toxicologue,  243. 
tracé  (le),  58. 
trachélipode,  242. 
trachélobranche,  242. 
trachélo  -  diaphragmati- 

que,  242. 
trachélo-dorsal,  242. 
trachéocèle,  242. 
trachéosténose,  242. 
traditionaliste,  215. 

*  traîneau-barque.  155. 

*  traîneuse,  49. 
trains-poste,  159. 
tramway,  258. 


tranche-montagne,  165. 
transandin,  229. 
transatlantique,  229. 
transcendantai,  86,  259. 
transcendantalisme,  2.59. 
transcontinental,  229. 
transdanubien,  229. 
transformisme,  215. 
transformiste,  215. 

*  transfuger,  215. 
transgangétique,  229. 
transhumance,  88. 
transmarin,  229. 
transmetteur,  104. 
transporteur,  104. 
transocéanien,  229. 
transocéanique,  229. 
transpacifique,  229. 
transpadan,  229. 
transpontin,  229. 
transuranien,  229. 
transvaseur,  104. 
transvider,  229. 

*  traversai,  86. 
trempée.  58. 

*  un  trente-sous,  128. 
triatomique,  219. 
triaurique,  219. 
tribun,  46. 
tricapsulaiie,  219. 
tricobaltique,  219. 
tricolore,  184. 

tri  colorer,  119. 
tricorne,  219. 
tricosté,  219. 
tricycle,  219. 
tridi,  219. 
*tridienne,  194, 
trieuse,  49. 
trifolié,  219. 
triforme,  219. 

*  trimandracées,  189. 

*  trimbalement,  97. 

*  tringlot,  102. 

*  trink-hall,  260. 
tripotée,  58. 

'  triturateur,  201. 
trois-six,  128. 
trôner,  119. 

*  trottoirs-ruisseaux,  151. 
*troubade,  82. 
troublant,'68. 

*  trucider,  184. 

*  truculent,  184. 

*  truquer,  119. 
tue-mouches,  165. 
tunnel,  258. 
turalène,  238. 

■  turbine-hélice,  151. 
turbiner.  119. 
turbo,  184. 
turbulence,  184. 
lurco,  261. 
turcophile,  ?48. 
turf,  258. 
turgescence,  207. 


*  turpe,  184. 
tuyau  de  poêle,  128. 
tuyauter,  120. 
typé,  94. 

"  typo,  46,  261. 
typocliromie,  242. 
typolithe,  242. 
typolithographie,  242. 
typophonie,  242. 

*  typotes,  46. 
typotone,  242. 
typiologie.  243. 
typtologique,  243. 
typtologue,  243. 
tyrannicide,  220. 

ultra,  adj.  et  subst..  229. 
ultra-chimique,  229. 
ultra-libéral,  229. 
ultra-pontin,  229. 
ultra-réglementaire.  229. 

*  ultia-radical,  229. 
ultra-révolutionnaire,  229. 
ultra-royaliste,  229. 
ultra-violet,  229. 
ultra-zodiacal,  229. 
ululation.  184. 
unification,  199. 
uniloculaire,  219. 
unipare,  219. 
uniréfringent,  219. 

*  unisonance,  87. 
unitarisme,  -iste,  215. 
uranile,  236. 
uranium.  186. 

*  uréide,\>38. 
utiliser,  218. 
utilitaire,  196. 

vagonnet,  -ette,  101. 
valence,  44. 
valser,  120. 
vallonner,  120. 
vanadium,  186. 
vandalisme,  215. 
vanillé,  94. 
vanilline,  194. 
vantardise,  100. 
varicocèle,  2^3. 
vastitude,  Î90. 

*  vat-amont,  165. 

*  va-te  laver,  166. 
vauquelinite,  236. 

*  védisme,  215. 
végétant,  68. 
veinard,  90. 
vélocifères,  220. 
vélocipède,  219. 
vélocipédiste,  215. 

'  vélocipiqueijse,  221. 

*  vélo-sport,  249. 

*  veloutine,  112. 

*  vélovoile,  248. 
vendémiaire,  196. 
ver  rongeur,  128. 
vératriue,  194. 


300  — 


verbosité,  205. 
verdict,  258. 
véridicité,  205. 
vérificateur,  48. 
vermuth,  260. 

*  verre-marbre,  151. 

*  verre-vitre,  151. 
*verritioi],  199. 

'  les  Versaillais,  46. 

*  verseuse,  49. 
vertigineux,  184. 
vesp;i?iennes.  43. 

*  vestimental,  190. 
vexant,  68. 
viaduc,  220. 
victimer,  120. 
victorias,  44. 
vide-bouteilles,  165. 
vide-poches,  165. 
vignicole,  220. 
villégiature,  259. 
*villéliade,  189. 
violacées,  189. 

*  violettiije,  112. 
viridine,  194. 

*  vivacement,  124. 
viveur,  104. 
vivoter,  120. 
vocalique,  187. 


voiture  de  place,  127. 
'voiture-guérite,  151. 

*  voiture-nacelle,  151. 

*  voitures-salons,  152. 
volateur,  201. 
volontariat,  203. 
voltaïque,  187. 

*  voltairianiser,  218. 
voltairianisme,  215. 
voltairien.  193. 
volvoce,  184. 

*  vomito  negro,  259. 
voyou,  105. 

*  voyoucratie,  243,  248. 
vulgarisateur,  201. 
vulgarisation,  199. 
vulgariser,  217. 

wagon,  258. 

*  wagon-cuisine,  152. 

*  wagon-frein,  152. 

*  wagon-glacière ,  1.52 

*  wagon-imprimerie,  152. 
wagonnet,  101. 

*  wagon-table  d'hôte,  152. 
warrant,  258. 

*  water-closet,  258. 
waterproof,  258. 

'  work-house,  258. 


yankee,  258. 

zéine,  194. 
zéphyrien,  193. 

*  zéphirinej  110. 

*  zirconium,  186 

*  zoïdium,  194. 
zoobie,  242. 
zoobiologie,  242. 
zoochimie,  242. 
zooglyphite,  242. 
zoomagnétisme,  242. 
zoomorphe,  244. 
zoomorphisme,  242. 
zoonomie,  242.  ' 
zoonosologie,  242. 
zoophage,  242. 
zoophagie,  244. 
zoophorique,  242. 
zoophyte,  242. 
zoophy tique,  242. 
zoophytographie,  242. 
zoosperme,  242.) 
zoospore,  242. 
zootaxie,  242. 
zootoraie,  242. 
zouave,  261. 

*  zouzou,  261. 
zut,  68. 


FIN  DE   L  INDEX. 


CORRECTIONS. 


Page  08,  I.  2,  parcours  au  sens  général  est  ancien. 

P.  105,  I.  25,  supprimer /)isscita;. 

P.  108,  1.  22,  sappr\mer  gentilhommière. 

P.  112,  I.  9,  supprimer  levantine. 

P.  159.  A  la  liste  des  composés  de  dépendance  on  peut  ajouter  un  certain  nombre 
d'expressions  qu'on  peut  entendre  dans  les  restaurants  et  les  cafés.  Ces  ex- 
pressions ont  ce  caractère  particulier  de  présenter  l'ellipse  de  la  préposition,  ad 
libitum.  Ainsi:  un  bifteck  aux  pommes  ou  un  bifteck-pommes;  une  absinthe 
à  la  gomme,  ou  une  absinthe-gomme,  et  les  analogues. 

P.  182,  1.  27,  supprimer  obsidional. 

P.  184,  1.  12,  supprimer  turbulence. 

P.  205,  supprimer  inaccessibilité,  infatigahilité,  insociabilité,  libidinosité,  prio- 
rité. 

P.  216,  1.  27,  supprimer  inventorier. 


TABLE  ANALYTIQUE  DES  MATIÈRES. 


INTRODUCTION. 
(Pages  1-40.) 

I.  Nécessité  d'étudier  scientiflquement  lo.  langue  contemporainej  dans  sa  pho- 
nétique, dans  ses  formes  grammaticales,  dans  sa  syntaxe,  dans  les  trans- 
formations de  sens  des  mots,  dans  la  création  des  mots  nouveaux.  —  Cette 
étude  a  pour  objet  la  création  des  mots  nouveaux 1 

II.  Du  néologisme.  Théories  sur  le  néologisme  au  dix-septième,  au  dix-hui- 
tième et  au  dix-neuvième  siècle 7 

III.  Deux  sortes  de  néologismes,  les  uns  désignant  des  faits  nouveaux,  les 
autres  désignant  autrement  des  faits  anciens.  Les  premiers  sont  nécessai- 
res ;  les  seconds  relèvent  de  la  critique,  s'ils  sont  l'œuvre  des  écrivains, 
doivent  être  expliqués  par  la  science,  s'ils  sont  l'œuvre  du  peuple.  Dans 
quelle  mesure  la  langue  littéraire  doit  combattre  les  néologismes  popu- 
laires     32 

IV.  Les  procédés  de  création  de  mots  nouveaux  sont  au  noriîbre  de  trois  : 
1.  Formation  française;  2.  formation  sauvante,  latine  et  grecquej  3.  emprunts 
aux  langues  modernes.  De  la  la  triple  divisîôirdè'  cet  ouvrage.  —  Divi- 
sion de  la  langue  française  en  langue  écrite  ou  langue  commune  et  en 
langue  populaire.  Distinction  de  la  langue  populaire  et  de  l'argot 37 


PREMIÈRE  PARTIE.  —  FORMATION  FRANÇAISE. 

(Pages  41-167.) 

PREMIÈRE  SECTION.  —  DÉRIVATION  IMPROPRE. 

(Pages  41-68.) 

Chapitre  premieb.  Substantifs 41 

§  1,  Noms  communs  tirés  de  noms  propres 42 

§  2.  Noms  communs  tirés  de  noms  communs 45 

5^  3.  Noms  communs  tirés  d'adjectifs 46 

5^  4.  Noms  communs  tirés  de  déterminatifs  et  de  pronoms 49 

4^  5.  Noms  communs  tirés  de  verbes 49 

1 .  Présent  de  l'indicatif 50 

2.  Impératif. 54 

3.  Infmitif. ^ 

4.  Participe  présent 56 

5.  Participe  passé ^6 

*î  6.  Noms  communs  tirés  de  mots  invariables 59 


—  304  -- 

Chapitre  ii.  Adjectifs 59 

§  1 .  Adjectifs  tirés  de  substantifs 59 

§  2.  Adjectifs  tirés  de  participes 62 

1 .  Participes  passés 62 

2.  Participes  présents 63 

Chapitre  m.  Pronoms,  verbes,  mots  invariables 68 

DEUXIÈME  SECTION.  —  DÉRIVATION  PROPRE.     . 

(Pages  68-124.) 

Chapitre  iv.  Observations  générales  sur  la  dérivation 69 

§  1.  Quelles  conditions  faut-il  pour  qu'un  suffixe  soit  vivant 69 

§  2.  Extension  dans  l'application  des  suffixes  aux  thèmes 70 

-^-^  3.  Intercalation  d'un  ç,  dun  r  ou  d'un  t  entre  le  thème  et  le  suffixe. .  72 

§  4.  Intercalation  d'un  suffixe  secondaire  entre  le  thème  et  le  suffixe. ..  75 
§  5.  Influence  exercée  par  les  suffixes  de  la  première  conjugaison  sur 

ceux  des  autres  conjugaisons 76 

Chapitre  y.  Suffixes  nominaux 78 

able 79 

ade 81 

âge 82 

aille 84 

ais,  aise  ou  ois,  oise  ;  aison 85 

al,  el 86 

ant  (and),  ance 87 

and,  ande,  andier  ;  ard,  arde 88 

as,  asse,  ace,  ache  ;  is,  isse,  iche  ;  oche  ;  uche 91 

âlre  ;  aud  ;  é,  ée  ;  ée 92 

eau,  elle  :  ereau,  erelle  ;  ement 95 

erie 97 

esse,  ise  ;  esse 100 

et,  ettc;  ot,  otte 101 

cur;  eur,  euse;  eux,  euse 102 

eux,  euse;  ien,  ienne 105 

ier,  ière 106 

ille 109 

in,  ine  ;  ine 110 

oir,  oire 112 

on 113 

té;  u 114 

ure 115 

Chapitre  vi.   Suffixes  verbaux 115 

er 115 

ailler,  iller,  eronner,  ocher,  oter  otter 120 

Chapitre  vu.   Suffixe  adverbial  (en  ment) 121 


TROISIÈME  SECTION.  -  COMPOSITION. 
(Pages  124-167.) 

Chapitre  vui.  Juxtaposition 124 

A  quoi  reconnaît-on  un  juxtaposé? 124 

§  1.  Juxtaposés  formés  d'adjectifs  et  substantifs  (l'un  qualifiant  l'autre).  125 
Particularités  que  présentent  les  mots  monsieur,  madame  et  mademoi- 
selle   125 


—  305  — 

§  2.  Juxtaposés  formés  de  substantifs  et  substantifs  (ou  verbes:  l'un  ré- 
gissant l'autre) 127 

§  3.  Locutions  par  juxtaposition,  avec  synecdoque  ou  métapiiore 127 

r.riAt'iTRE  IX.   Composition  à  l'aide  des  particules ]28 

à 129 

après,  arrière,  avant 130 

bien,  contre 131 

de,  dé  (dès) 133 

é  (es),  en  (em) 137 

entre 139 

mal,  mes,  moins,  non,  outrç.  par,  pour,  plus 140 

presque,  re 141 

sans,  sous 144 

sur 145 

sus,   très 146 

( iHAi'iTRE  X.  Composition  proprement  dite *. 146 

§  1 .  Composition  par  apposition 1 47 

§  2.  Composition  avec  génitif  ou  datif  (composés  de  dépendance) 156 

§  3.  Composition  avec  l'impératif 161 


UEUXIEME  PARTIE.-  FORMATION  LATINE  ET  GRECQUE. 
(Pages  169-249.) 

PREMIÈRE  SECTION.  —  FORMATION  L.\TINE. 

(Pages  169-229.) 

Chapitre  xi.  Vues  générales  sur  la  formation  latine 169 

Histoire  de  la  formation  latine 169 

La  formation  latine  et  la  langue  de  nos  classiques 174 

La  formation  latine  et  la  langue  commune 17Jj 

,  î.a  formation  latine  et  la  langue  populaire ju^U^^ 

(Chapitre  xii.  Emprunts  faits  au  latin 177 

Chapitre  xiii.   Dérivation  latme 184 

§  1 .  Suffixes  nominaux  formés  de  voyelles 185 

eus  ea  eum  (œum),  lus. . .  ; 185 

ia  ium,  uns ...   186 

§  2.  Suffixes  nominaux  formés  de  consonnes  simples 186 

G  :  acus,  Icus  ica 186 

ïcus  ïca 187 

aceus 188 

D  :  as  adis,  eis  eidis,  idœ 189 

tudo 190 

L  :  alis 190 

olus  ola  olum 191 

ulus  ula  ulum 192 

ibilis 192 

N  :  anus  ana 192 

inusina 194 

tionem  sionem". 193 

R  :  aris 195 

ator  sor,  atura  sura,  alorius  sorius,  ationcm  sionem  (noms  en 
ateur  seur,  ature  sure,  atoire,  toirc,  ature) 19 

20 


—  306  — 

S  :   osiis 'i02 

T  :  atus  (é,  at,  ate) 203 

ilatem 204 

V'  :  ivus 205 

§  3.  Suffixes  nominaux  formés  de  deu.v  consonnes  combinées. 206 

LL  :  ellus,  illus 206 

ND  :  andus  endus,  bondus 206 

NT:ant(em)  ant(iam),  enl(em)  ent(iam),  esc-enl(em)  esc-ent(iam) 

mentum 207 

se  :  iscus 207 

SM,  Sï  :  ismus,  ista ^ 208 

§  4.  Suffixes  verljaux  :  er,  iser 216 

Chapitre  xiv.  Composition  latine 218 

Composés  synlactiques  et  asyntactiques . 218 

^  Composés  avec  particules  : 221 

ab,  ad,  anle,  circum,  cis 221 

cum,  contra,  dis,  ex,  extra 222 

in  (préposition),  in  (négation) .•. .  223 

infra,  inter 226 

intra,  intro,  ob,  paene,  per,  parum,  post,  prœ 227 

prœter,  pro,  quasi,  re,  sine,  sub 228 

super^  supra,  trans,  ultra 22,9 

DEUXIÈME  SECTION.  —  FORMATION  GRECQUE. 

(Pages  230-249.) 

Chapitre  xv.  Vues  générales  sur  la  formation  grecque,  dérivation,  composi- 
tion    230 

§  1.  Historique  et  caractères  généraux  de  la  formation  grecque 230 

§  2.  Dérivation  :  suffixes  ie,  ose,  ite  ;  nomenclature  chimique 235 

§  3.  Composition  grecque 238 

§  4.  Abus  de  la  formation  grecque 246 


TROISIEME  PARTIE.  —  EMPRUNTS   AUX  LANGUES 
MODERNES. 

(Pages  25C-261.) 

Chapitre  xvi  et  dernier 251 

Vues  générales 251 

Emprunts  à  l'anglais 253 

Emprunts  à  l'italien 258 

Emprunts  à  l'espagnol,  au  portugais,  à  l'allemand 259 

Emprunts  aux  langues  slaves,  aux  langues  de  l'Afrique 260 


CONCLUSION. 

(Pages  263-277.) 

Statistique  des  procédés  de  formation  français,  latins  et  grecs 263 

La  langue  de  formation  savante  constitue  une  langue  étrangère  au  milieu  de 
la  langue  française.  Danger  qui  résulte  pour  le  français  de  cet  état  de 
choses 267 


—  307  — 

l,;i  ruriimlioii  latine  tepcmliuil  a  été  légitime  et  nécessaire 'i7'i 

l'oiit-on  en  altcniier  les  eflcts  et  comment? 'J7Ii 

La  formation  grecqne  est  amenée  par  le  ticveloppcmcnt  des  sciences 274 

Antinomie  entre  la  science  et  le  langage 275 

Index  des  mois  nonv(îanx  cites  dans  l'ouvrage 277 

COBBECTIONS 301 


KIN   ])K    LA    TABLE    DES    MATIERES. 


■|'y|)Of.Ta[)hie  Laliin'<>,  ruo  <io  Fli-iiriis,  <),  ii    Paris- 


BINDING  SECT.     OCT  \  4  1980 


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Darmesteter,  Arsène 

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